TFB & ASSOCIATES LIMITED

Ordonnances et motifs de prolongation de délai (Loi sur les douanes)


TFB & ASSOCIATES LIMITED
Demande no EP-2003-010

Ordonnance et motifs rendus
le jeudi 3 juin 2004


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une demande présentée par TFB & Associates Limited aux termes de l'article 67.1 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, en vue d'obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour interjeter appel aux termes de l'article 67.

ORDONNANCE DU TRIBUNAL

Le Tribunal canadien du commerce extérieur ne fait pas droit à la demande de prorogation du délai pour interjeter appel aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 2 juin 2003, le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a révisé le classement tarifaire de pastilles contre la toux importées par TFB & Associates Limited (TFB).

2. Le 12 février 2004, TFB a déposé une demande auprès du Tribunal aux termes de l'article 67.1 de la Loi sur les douanes 1 en vue d'obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel auprès du Tribunal aux termes de l'article 67.

3. Le 19 février 2004, le Tribunal a invité l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) (anciennement l'ADRC) à déposer ses observations sur la demande de TFB. Le 22 mars 2004, l'ASFC a déposé ses observations. Le 24 mars 2003, le Tribunal a invité TFB à déposer ses observations en réponse aux observations de l'ASFC. Le 13 avril 2004, TFB a déposé ses observations en réponse.

ANALYSE

4. L'article 67 de la Loi prévoit en partie ce qui suit :

67. (1) Toute personne qui s'estime lésée par une décision du commissaire rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d'appel auprès du commissaire et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l'avis de décision.

5. L'article 67.1 de la Loi prévoit ce qui suit :

67.1 (1) La personne qui n'a pas interjeté appel dans le délai prévu à l'article 67 peut présenter au Tribunal canadien du commerce extérieur une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Le tribunal peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu'il estime justes.

(2) La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles l'avis d'appel n'a pas été déposé dans le délai prévu.

(3) La demande de prorogation se fait par dépôt, auprès du commissaire et du secrétaire du Tribunal canadien du commerce extérieur, de la demande et de l'avis d'appel.

(4) Il n'est fait droit à la demande de prorogation que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l'année suivant l'expiration du délai d'appel prévu à l'article 67;

b) l'auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai d'appel prévu à l'article 67, il n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l'intention d'interjeter appel,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible,

(iv) l'appel est fondé sur des motifs raisonnables.

6. L'auteur d'une demande doit satisfaire à toutes cinq conditions prévues à l'article 67.1 de la Loi afin de réussir.

7. En ce qui a trait au sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi, TFB n'a pas produit d'éléments de preuve à l'effet qu'elle n'avait pu agir dans le délai prescrit.

8. Toutefois, TFB a soutenu ne pas avoir pu mandater quelqu'un pour agir en son nom au cours de la période de 90 jours. TFB a soutenu que l'ADRC avait mis quatre ans à rendre sa décision afin de traiter tous les importateurs sur un même pied; pourtant, au même moment, à l'insu de TFB, le Tribunal était saisi de Pfizer Canada Inc. c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu Canada 2 . Pfizer avait trait à des appels du classement tarifaire de pastilles contre la toux. Le Tribunal a rendu sa décision dans Pfizer le 9 octobre 2003, après la fin du délai de 90 jours au cours duquel TFB pouvait interjeter appel. L'ASFC a soutenu que TFB n'avait pas produit d'éléments de preuve au sujet de ses actions durant ces 90 jours, ni d'éléments de preuve pouvant fonder une conclusion qu'elle n'avait pu interjeter appel durant ces 90 jours.

9. Selon le Tribunal, TFB n'a pas établi de quelle manière le délai qu'a mis l'ADRC à rendre sa décision aurait pu possiblement avoir quelque incidence que ce soit sur sa capacité de mandater quelqu'un pour agir en son nom relativement à cette décision au cours de ladite période de 90 jours.

10. De plus, même si la décision rendue dans Pfizer a pu présenter un certain intérêt pour TFB, cette dernière n'a pas montré comment Pfizer l'avait empêchée de mandater quelqu'un pour agir relativement à sa propre cause. Si elle voulait attendre la décision dans Pfizer, TFB aurait pu déposer un avis d'appel dans les 90 jours prévus et demander un report en attendant la décision dans Pfizer 3 . TFB n'a pas produit d'éléments de preuve à l'effet qu'elle attendait la décision dans Pfizer pour interjeter appel. Au contraire, même si elle a dit avoir examiné la possibilité d'interjeter appel devant le Tribunal après la décision rendue par ce dernier dans Pfizer, donc clairement après la fin de la période de 90 jours, TFB n'a pas déposé d'éléments de preuve à l'effet qu'elle n'avait pas pu auparavant mandater quelqu'un pour agir.

11. Le Tribunal conclut donc que TFB n'a pas établi que, au cours de la période de 90 jours, elle n'avait pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom.

12. TFB a aussi soutenu qu'elle avait véritablement l'intention d'interjeter appel au cours de la période de 90 jours. L'ASFC a soutenu que TFB n'a pas produit d'éléments de preuve clairs eu égard à son intention au cours desdits 90 jours.

13. Le Tribunal est d'accord sur le fait que TFB n'a pas produit d'éléments de preuve clairs à l'effet qu'elle avait véritablement l'intention d'interjeter appel au cours de la période de 90 jours. Au contraire, il ressort des éléments de preuve déposés par TFB qu'elle a formulé son intention d'interjeter appel seulement après la fin de la période de 90 jours, lorsqu'elle a pris connaissance de la décision rendue par le Tribunal dans Pfizer et a subséquemment demandé un avis.

14. Dans McIndless c. La Reine 4 , la Cour canadienne de l'impôt n'a pas fait droit à une demande de prorogation du délai de présentation d'un avis d'opposition aux termes de l'article 167 de la Loi de l'impôt sur le revenu 5 parce que l'intention de faire opposition avait pris naissance après la fin du délai réglementaire, lorsque la requérante a pris connaissance de la décision favorable rendue dans Thibaudeau c. M.R.N 6 . Dans Ingram Micro Inc. 7 , le Tribunal a refusé d'appliquer McIndless, aux motifs suivants :

Dans McIndless, la publication de la décision de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Thibaudeau a déclenché le dépôt de l'avis d'opposition. Avant que cette décision ne soit rendue, il n'existait manifestement pas de véritable intention de déposer un avis d'opposition, étant donné que le contribuable ne connaissait même pas un motif d'appel. Les faits de l'espèce peuvent facilement être distingués des faits dans McIndless puisque, comme il a déjà été indiqué, Ingram avait l'intention de poursuivre ses efforts en vue d'obtenir de l'ADRC le remboursement des droits, au moyen de tous les mécanismes juridiques possibles, comme en fait mention l'avis juridique qu'elle a reçu [au cours du délai de 90 jours]8 .

15. Selon le Tribunal, les circonstances qui entourent la demande de TFB semblent dans l'ensemble ressembler davantage aux circonstances dans McIndless qu'à celles dans Ingram. Ingram avait retenu un conseiller juridique dans les 90 jours en vue d'interjeter appel, mais TFB n'a pas déposé d'éléments de preuve clairs eu égard à son intention d'interjeter appel au cours de la période de 90 jours.

16. La même chose est vraie de Rounding c. Canada 9 . Dans cette affaire, la requérante a fait opposition après la période prévu de 90 jours lorsqu'elle a pris connaissance de la décision rendue dans Thibaudeau. La Cour canadienne de l'impôt a conclu que la requérante n'était pas d'accord sur sa cotisation de taxe et avait le désir de déposer un avis d'opposition durant la période de 90 jours, mais ne l'a pas fait car elle croyait qu'une telle action serait vaine. Toutefois, la Cour canadienne de l'impôt a décidé que la requérante n'avait pas véritablement l'intention de faire opposition au cours de la période de 90 jours puisque c'était la décision rendue plus tard dans Thibaudeau qui avait déclenché le dépôt de l'avis d'opposition.

17. À la lumière des affaires susmentionnées, de la preuve même de TFB selon laquelle cette dernière a déposé l'avis d'appel en réaction à la décision rendue dans Pfizer et de l'absence d'éléments de preuve clairs eu égard à l'intention de TFB au cours de la période de 90 jours, le Tribunal conclut que TFB n'a pas prouvé qu'elle avait véritablement l'intention d'interjeter appel au cours de la période de 90 jours.

18. Par conséquent, le Tribunal conclut que TFB n'a pas satisfait à la condition prescrite au sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi.

19. Puisque l'auteur d'une demande doit satisfaire à toutes cinq conditions prévues à l'article 67.1 de la Loi pour que le Tribunal puisse faire droit à sa demande, il n'est pas nécessaire que le Tribunal examine si TFB a satisfait aux autres conditions. Le Tribunal ne fait donc pas droit à la demande de TFB.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . (9 octobre 2003), AP-2002-038 à AP-2002-090 (TCCE) [Pfizer].

3 . Voir l'article 26 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499.

4 . [1995] 1 C.T.C. 2924 [McIndless].

5 . L.R.C. 1985 (5e supp.).

6 . [1994] 3 C.F. 189 (C.A.) [Thibaudeau].

7 . (31 mars 2004), EP-2003-006 (TCCE) [Ingram].

8 . Ibid. aux pp. 3-4.

9 . [1995] A.C.I. no 530.