ELECTRONIC LIQUIDATORS LTD.

Ordonnances et motifs de prolongation de délai (Loi sur les douanes)


ELECTRONIC LIQUIDATORS LTD.
Demande no EP-2005-035

Ordonnance et motifs rendus
le lundi 6 novembre 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une demande présentée par Electronic Liquidators Ltd. aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, en vue d’obtenir une ordonnance de prolongation de délai pour déposer un avis d’appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes.

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette la demande visant à obtenir une prolongation de délai pour déposer un avis d’appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Il s’agit d’une demande présentée par Electronic Liquidators Ltd. (Electronic Liquidators), aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes 1 , en vue d’obtenir une demande de prorogation de délai pour déposer un avis d’appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi. Cette demande vise les transactions nos 16154330235990 et 16154330239574 (les transactions en cause), datées des 8 et 21 juin 2004 respectivement, qui faisaient référence à des importations par Electronic Liquidators de divers modèles de téléviseurs, de magnétoscopes, de lecteurs de DVD, de cinémas à domicile et de supports (les marchandises en cause). Electronic Liquidators a prétendu que ces marchandises étaient originaires des États-Unis et, par conséquent, assujetties au tarif des États-Unis (TÉU).

2. Le 30 juillet 2004, Electronic Liquidators a déposé des modifications volontaires en vertu de l’article 32.2 de la Loi en vue de corriger la référence à l’origine des marchandises en cause et, par conséquent, de passer du TÉU au tarif de la nation la plus favorisée. Le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a diffusé le 21 octobre 2004 un relevé détaillé de rajustement (RDR) pour tenir compte de ce changement d’origine et de traitement tarifaire.

3. Le 25 novembre 2004, Electronic Liquidators a demandé une révision de l’origine des marchandises en cause aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi. En conformité avec le paragraphe 60(4), l’ASFC a rejeté la demande de traitement du TÉU à l’égard des deux transactions. Dans un RDR daté du 19 septembre 2005, l’ASFC a fait connaître sa décision au sujet de la transaction no 16154330235990 et, le 20 septembre 2005, elle a fait de même pour la transaction no 16154330239574.

4. Le 19 décembre 2005, Electronic Liquidators a déposé un avis d’appel auprès de l’ASFC en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi concernant les décisions de l’ASFC datées des 19 et 20 septembre 2005, mais sans en aviser le Tribunal comme l’exige la Loi 2 . L’ASFC a fait parvenir une copie du document en question au Tribunal; celui-ci l’a reçue le 25 janvier 2006.

5. Le Tribunal a examiné les documents transmis par l’ASFC et, le 30 janvier 2006, a avisé Electronic Liquidators par écrit qu’il avait reçu l’avis d’appel déposé auprès de l’ASFC, mais que pour l’entreprise il y avait prescription de dépôt. Le Tribunal a alors informé Electronic Liquidators qu’il considérerait plutôt les documents déposés comme une demande présentée en vertu de l’article 67.1 de la Loi en vue d’obtenir une prolongation de délai pour déposer un avis d’appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi. Comme il est indiqué ci-dessus, c’est cette demande qui est visée en l’espèce.

LOIS ET RÈGLEMENTS

6. Le paragraphe 67(1) de la Loi stiuple ce qui suit :

67.(1) A person aggrieved by a decision of the Commissioner made under section 60 or 61 may appeal from the decision to the Canadian International Trade Tribunal by filing a notice of appeal in writing with the Commissioner and the Secretary of the Canadian International Trade Tribunal within ninety days after the time notice of the decision was given.

[Emphasis added]

67.(1) Toute personne qui s’estime lésée par une décision du commissaire rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d’appel auprès du commissaire et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision.

[Nos italiques]

7. L’article 67.1 de la Loi stipule ce qui suit :

67.1(1) If no notice of appeal has been filed within the time set out in section 67, a person may make an application to the Canadian International Trade Tribunal for an order extending the time within which a notice of appeal may be filed, and the Tribunal may make an order extending the time for appealing and may impose any terms that it considers just.

67.1(1) La personne qui n’a pas interjeté appel dans le délai prévu à l’article 67 peut présenter au Tribunal canadien du commerce extérieur une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Le tribunal peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu’il estime justes.

(2) The application must set out the reasons why the notice of appeal was not filed on time.

(2) La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles l’avis d’appel n’a pas été déposé dans le délai prévu.

(3) The application must be made by filing with the Commissioner and the Secretary of the Canadian International Trade Tribunal the application accompanied by the notice of appeal.

(3) La demande de prorogation se fait par dépôt, auprès du commissaire et du secrétaire du Tribunal canadien du commerce extérieur, de la demande et de l’avis d’appel.

(4) No order may be made under this section unless

(a) the application is made within one year after the expiry of the time set out in section 67; and

(b) the person making the application demonstrates that

(i) within the time set out in section 67 for appealing, the person was unable to act or to give a mandate to act in the person’s name or the person had a bona fide intention to appeal,

(ii) it would be just and equitable to grant the application,

(iii) the application was made as soon as circumstances permitted, and

(iv) there are reasonable grounds for the appeal.

(4) Il n’est fait droit à la demande de prorogation que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai d’appel prévu à l’article 67, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible,

(iv) l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

8. Le paragraphe 27(5) de la Loi d’interprétation stipule ce qui suit :

27(5) Where anything is to be done within a time after, from, of or before a specified day, the time does not include that day.

27(5) Lorsqu’un acte doit être accompli dans un délai qui suit ou précède un jour déterminé, ce jour ne compte pas.

ANALYSE

9. L’article 67.1 de la Loi énonce cinq conditions qui doivent être remplies pour que le Tribunal fasse droit à une telle demande. La Loi dit clairement que toutes ces cinq conditions doivent être remplies et que le défaut d’en respecter une entraînera le rejet de la demande.

10. Premièrement, aux termes de l’alinéa 67.1(4)a) de la Loi, la demande doit être présentée dans l’année suivant l’expiration du délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1). En l’espèce, la demande en vertu de l’article 67.1 a été présentée le 25 janvier 2006, donc bien avant la date limite3 .

11. Deuxièmement, aux termes du sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi, Electronic Liquidators doit démontrer que, dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1), elle n’avait pas pu agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom à la suite de la décision de l’ASFC. Subsidiairement, cette disposition de la Loi donne à Electronic Liquidators la possibilité de prouver qu’elle avait véritablement l’intention d’interjeter appel aux termes du paragraphe 67(1) dans le délai prévu, mais n’avait pas pu le faire. Le Tribunal accepte le dépôt par Electronic Liquidators le 19 décembre 2005 d’un avis d’appel auprès de l’ASFC en vertu du paragraphe 67(1) à titre d’élément de preuve qu’elle avait véritablement cette intention.

12. Troisièmement, aux termes du sous-alinéa 67.1(4)b)(ii) de la Loi, Electronic Liquidators doit démontrer qu’il serait juste et équitable de faire droit à sa demande. L’ASFC a rejeté la demande pour ce motif. Electronic Liquidators a soutenu que, entre septembre et décembre 2005, elle était en voie de changer de courtier en douane, d’où une confusion quant à la responsabilité du dépôt d’un avis d’appel des décisions de l’ASFC datées des 19 et 20 septembre 2005. Selon l’ASFC, il n’était ni juste ni équitable de faire droit à la demande uniquement pour compenser des erreurs ou un manque de diligence.

13. Le Tribunal est convaincu qu’Electronic Liquidators avait l’intention d’appeler des transactions en cause lorsqu’elle a déposé son avis d’appel auprès de l’ASFC le 19 décembre 2005. Comme il est indiqué ci-dessus, Electronic Liquidators n’a pas déposé l’avis d’appel comme il se doit, puisqu’elle n’a pas aussi déposé cet avis auprès du Tribunal. Si Electronic Liquidators avait déposé ce document à cette date, elle aurait bien engagé l’instance recherchée en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi. De l’avis du Tribunal, c’est là une dérogation technique mineure à la Loi et il ne serait ni juste ni équitable qu’Electronic Liquidators soit privée de son recours par une telle erreur4 . C’est ce que le Tribunal a reconnu déjà en décidant d’accepter l’avis d’appel déposé auprès de l’ASFC, et transmis par cette dernière au Tribunal, comme étant la demande visée en l’espèce.

14. Quatrièmement, aux termes du sous-alinéa 67.1(4)b)(iii) de la Loi, le demandeur doit démontrer que la demande a été présentée dès que possible. Electronic Liquidators a indiqué que, pendant la période d’appel de 90 jours, elle a changé de courtier en douane, d’où une confusion quant à sa représentation en appel. L’ASFC juge que cette condition a été remplie. Là encore, le Tribunal fait remarquer avoir décidé de son propre chef d’accepter l’avis d’appel déposé auprès de l’ASFC, et transmis par cette dernière au Tribunal, comme étant la demande visée en l’espèce. Le Tribunal convient donc que la condition énoncée au sous-alinéa 67.1(4)b)(iii) a été remplie.

15. Cinquièmement, aux termes du sous-alinéa 67.1(4)b)(iv) de la Loi, l’appel doit être fondé sur des motifs raisonnables. Bien qu’il s’agisse d’une demande de prorogation et non pas d’appel à proprement parler, la nature de cette condition exige que le Tribunal traite de certains éléments de fond liés à l’appel.

16. Electronic Liquidators a déposé en preuve des factures et des certificats d’origine des marchandises en cause. L’ASFC a prétendu que les certificats d’origine soumis par Electronic Liquidators ne se rapportaient pas aux marchandises en cause.

17. Ayant examiné les éléments de preuve au dossier, le Tribunal n’est pas en mesure d’établir avec certitude le rapport entre les codes de référence des factures soumises et les codes des certificats d’origine qui y correspondraient. Les codes sont fort semblables dans certains cas, mais ils ne sont identiques dans aucun. Puisqu’un appel porterait sur la capacité d’Electronic Liquidators d’établir l’origine des marchandises, le Tribunal est d’avis que le manque de correspondance des codes dans les documents soumis indique que l’existence de motifs raisonnables n’a pas été établie. Electronic Liquidators ne respecte donc pas cette condition.

18. Toutes les conditions énoncées au paragraphe 67.1(4) de la Loi doivent être remplies avant que le Tribunal ne puisse faire droit à une demande de prorogation de délai pour déposer un avis d’appel en vertu de l’article 67. Le défaut de respecter une de ces conditions entraîne le rejet de la demande.

DÉCISION

19. Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Le Tribunal fait remarquer que, si Electronic Liquidators avait déposé son avis d’appel non seulement auprès de l’ASFC mais aussi auprès du Tribunal le 19 décembre 2005, l’avis aurait été déposé dans le délai prévu, ce jour étant le dernier du délai statutaire pour appeler des transactions en cause. Le 19 décembre 2005 tombe en effet 90 jours après la décision du 20 septembre 2005. Le 18 décembre 2005 – un dimanche cependant – suit de 90 jours la décision du 19 septembre 2005. L’article 26 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, stipule ce qui suit : « Tout acte ou formalité peut être accompli le premier jour ouvrable suivant lorsque le délai fixé pour son accomplissement expire un jour férié. » Electronic Liquidators aurait donc eu jusqu’au lundi 19 décembre 2005 pour déposer un avis d’appel de la décision du 19 septembre 2005 de l’ASFC, en vertu de l’article 67 de la Loi. En droit, ni l’ASFC ni le Tribunal ne pouvaient redresser cette omission d’Electronic Liquidators sauf en examinant la question dans le contexte de la demande présentée en vertu de l’article 67.1 de la Loi qui est visée en l’espèce.

3 . Electronic Liquidators aurait eu jusqu’au 20 décembre 2006 pour présenter sa demande. Selon la Loi d’interprétation, ce jour tomberait le 20 décembre 2006, soit un an après les décisions des 19 et 20 septembre 2005 de l’ASFC, en raison des effets combinés de l’article 26 et du paragraphe 27(5).

4 . Bernard Chaus Inc. (4 décembre 2003), EP-2003-001 (TCCE).