J. R. MCNENLY


J. R. MCNENLY
Demande no EP-2011-001

Ordonnance et motifs rendus
le vendredi 10 février 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une demande présentée par M. J. R. McNenly, aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes, en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada datée du 15 septembre 2010.

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette la demande visant à obtenir une prorogation du délai pour déposer un avis d’appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Il s’agit d’une demande présentée par M. J. R. McNenly au Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes1, en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel, aux termes du paragraphe 67(1), à l’égard d’une décision en date du 15 septembre 2010 rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4).

2. Le 23 avril 2009, M. McNenly prenait livraison d’une autocaravane d’occasion Winnebago Journey 2008 (l’autocaravane 2008), qu’il a achetée auprès d’un concessionnaire de Marysville (Washington) pour la somme de 153 000 $US. Cependant, le prix d’achat net du véhicule était de 63 000 $US, puisque M. McNenly a obtenu une déduction de 90 000 $US pour la reprise de son autocaravane Winnebago Adventurer 2007 (l’autocaravane 2007), qu’il avait achetée en 2006 à Kelowna (Colombie-Britannique).

3. Le 27 avril 2009, au moment de son entrée au Canada, l’ASFC attribuait à l’autocaravane 2008 une valeur en douane de 183 290 $CAN (c.-à-d. le prix d’achat intégral de 153 000 $US converti en dollars canadiens) pour déterminer le montant des droits et taxes à payer. Bien qu’il n’y ait pas eu de droits à payer, M. McNenly devait payer 9 164,50 $CAN de TPS (c.-à-d. 5 p. 100 du prix d’achat intégral).

4. Le 14 avril 2010, M. McNenly déposait une demande de remboursement de la TPS versée à l’égard d’une partie du prix d’achat de l’autocaravane 2008 représentant la déduction pour la reprise de l’autocaravane 2007. Essentiellement, M. McNenly demandait que la valeur en douane de l’autocaravane 2008 soit calculée en soustrayant la déduction pour la reprise de l’autocaravane 2007 du prix d’achat intégral de l’autocaravane 2008.

5. Le 29 avril 2010, l’ASFC rejetait la demande de remboursement de M. McNenly. Ce refus était considéré comme une révision aux termes de l’alinéa 59(1)a) de la Loi.

6. Le 8 juillet 2010, M. McNenly demandait un réexamen de la valeur en douane de l’autocaravane 2008 conformément au paragraphe 60(1) de la Loi. Il soutenait que, puisqu’il avait déjà payé la TPS sur l’autocaravane 2007, le paiement de la TPS sur le prix d’achat intégral de l’autocaravane 2008 constituait une double imposition.

7. Le 15 septembre 2010, l’ASFC rendait sa décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, dans laquelle elle rejetait la demande de réexamen et confirmait sa révision. L’ASFC était d’avis que la valeur en douane de l’autocaravane 2008 correspondait au prix d’achat intégral sans que soit soustraite la déduction pour reprise de l’autocaravane 2007.

8. Le 24 novembre 2010, M. McNenly comptait porter en appel la décision de l’ASFC rendue le 15 septembre 2010. Toutefois, au lieu d’envoyer son avis d’appel au Tribunal, comme l’exige le paragraphe 67(1) de la Loi, il l’a envoyé à l’unité régionale des appels de l’ASFC à Vancouver (Colombie-Britannique). Dans son avis d’appel, il demandait que, jusqu’au 15 février 2011, toute la correspondance relative à l’affaire soit envoyée à une adresse en Californie.

9. Dans une lettre datée du 23 février 2011, l’ASFC informait M. McNenly que, puisqu’une décision en vertu du paragraphe 60(4) de la Loi avait déjà été rendue, elle n’était plus en mesure d’examiner les renseignements supplémentaires qu’il avait soumis. Elle lui faisait remarquer qu’un appel pouvait être interjeté auprès du Tribunal aux termes de l’article 67 mais que, puisque plus de 90 jours s’étaient écoulés depuis la décision de l’ASFC rendue le 15 septembre 2010, il était possible qu’il doive demander au Tribunal une prorogation du délai aux termes de l’article 67.1.

10. Selon M. McNenly, après avoir voyagé sans adresse fixe à compter du 15 février 2011, il est revenu au Canada le 12 avril 2011 et a pris connaissance de la lettre de l’ASFC datée du 23 février 2011. Le 18 avril 2011, il faisait parvenir un avis d’appel au Tribunal à l’égard de la décision de l’ASFC du 15 septembre 2010. Le Tribunal recevait l’avis d’appel le 3 mai 2011.

11. Le 6 mai 2011, après avoir été informé par le Tribunal le 4 mai 2011 que son avis d’appel avait été déposé après l’expiration du délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1) de la Loi, M. McNenly présentait au Tribunal une demande, aux termes de l’article 67.1, en vue d’obtenir une prorogation du délai pour déposer un avis d’appel aux termes du paragraphe 67(1). Le Tribunal recevait la demande le 18 mai 2011.

12. Le 19 mai 2011, le Tribunal invitait l’ASFC à déposer des observations sur la demande de M. McNenly. Le 17 juin 2011, l’ASFC déposait ses observations à l’encontre de la demande.

13. Le 21 juin 2011, le Tribunal invitait M. McNenly à déposer des commentaires sur les observations de l’ASFC. M. McNenly déposait ses commentaires le 27 juin 2011.

CADRE LÉGISLATIF

14. Le paragraphe 67(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

67. (1) Toute personne qui s’estime lésée par une décision [de l’ASFC] rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le [Tribunal] en déposant par écrit un avis d’appel auprès [de l’ASFC] et du secrétaire [du Tribunal] dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision.

15. L’article 67.1 de la Loi prévoit ce qui suit :

67.1 (1) La personne qui n’a pas interjeté appel dans le délai prévu à l’article 67 peut présenter au [Tribunal] une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Le tribunal peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu’il estime justes.

(2) La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles l’avis d’appel n’a pas été déposé dans le délai prévu.

(3) La demande de prorogation se fait par dépôt, auprès [de l’ASFC] et du secrétaire du [Tribunal], de la demande et de l’avis d’appel.

(4) Il n’est fait droit à la demande de prorogation que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai d’appel prévu à l’article 67, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible,

(iv) l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

ANALYSE

16. Le paragraphe 67.1(4) de la Loi énonce cinq conditions qui doivent être remplies pour que le Tribunal puisse faire droit à une demande de prorogation du délai pour signifier un avis d’appel, comme celle que M. McNenly tente actuellement d’obtenir. La Loi établit clairement que chacune de ces conditions est obligatoire; par conséquent, le fait de ne pas satisfaire à l’une d’entre elles entraîne le rejet de la demande.

17. Premièrement, l’alinéa 67.1(4)a) de la Loi exige que la demande de prorogation du délai ait été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1). En l’espèce, le délai de 90 jours prévu pour interjeter appel de la décision de l’ASFC rendue le 15 septembre 2010 a pris fin le 14 décembre 2010. Par conséquent, le dernier jour pour déposer la demande était le 14 décembre 2011. Le Tribunal a reçu la demande de M. McNenly le 18 mai 2011 et est donc convaincu que la première condition est remplie.

18. Deuxièmement, le sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi exige que le demandeur établisse qu’il n’a pu, au cours du délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1), ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou qu’il avait véritablement l’intention d’interjeter appel.

19. L’ASFC soutient que M. McNenly avait la responsabilité d’interjeter appel de la décision de l’ASFC rendue le 15 septembre 2010 auprès de l’instance compétente et dans le délai applicable énoncé au paragraphe 67(1) de la Loi. Elle ajoute que les réponses de M. McNenly aux différentes décisions antérieures à la décision rendue par l’ASFC le 15 septembre 2010 illustrent qu’il était bien au fait des délais applicables et qu’il a saisi l’occasion de contester chacune de ces décisions auprès de l’instance appropriée et dans le délai applicable.

20. En réponse aux affirmations de l’ASFC, M. McNenly indique qu’il comprend maintenant où il a fait erreur et que son avis d’appel du 24 novembre 2010 aurait dû être envoyé au Tribunal et non à l’unité régionale des appels de l’ASFC à Vancouver. Il soutient que, bien qu’il ait commis une erreur, il a démontré son intention d’interjeter appel dans le cadre de la présente affaire.

21. Le Tribunal est d’avis que l’avis d’appel du 24 novembre 2010 de M. McNenly, qui a été envoyé à l’ASFC plutôt qu’au Tribunal, montre clairement qu’il avait véritablement l’intention d’interjeter appel de la décision de l’ASFC rendue le 15 septembre 2010 dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1) de la Loi. Si M. McNenly n’avait pas l’intention de contester la décision de l’ASFC rendue le 15 septembre 2010, il n’aurait pas préparé et envoyé l’avis d’appel daté du 24 novembre 2010. Le Tribunal croit que M. McNenly a commis une erreur de bonne foi et que cela ne devrait pas être interprété comme une absence d’intention d’interjeter appel de sa part. Par conséquent, la deuxième condition est remplie.

22. Troisièmement, le sous-alinéa 67.1(4)b)(ii) de la Loi exige que le demandeur établisse qu’il serait juste et équitable de faire droit à la demande. L’ASFC s’oppose à la demande au motif que M. McNenly n’a pas réussi à démontrer de circonstances particulières ayant causé le retard de son appel auprès du Tribunal.

23. Comme il est mentionné ci-dessus, le Tribunal est d’avis que le retard de l’appel de M. McNenly auprès du Tribunal est attribuable à une erreur de bonne foi et qu’il avait manifestement l’intention véritable d’interjeter appel de la décision de l’ASFC rendue le 15 septembre 2010 dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1) de la Loi. S’il n’avait pas commis cette erreur, un appel aurait bel et bien été interjeté aux termes du paragraphe 67(1). De l’avis du Tribunal, il ne serait ni juste ni équitable que M. McNenly soit privé de son recours dans de telles circonstances. Par conséquent, la troisième condition est remplie.

24. Quatrièmement, aux termes du sous-alinéa 67.1(4)b)(iii) de la Loi, le demandeur doit démontrer que la demande a été présentée dès que possible. L’ASFC soutient que, bien que M. McNenly soit rentré au Canada au début d’avril 2011, il n’a pas pris de mesures pour « corriger la situation » [traduction] avant le 18 mai 2011 et qu’il ne l’a fait qu’après que le Tribunal l’eut informé qu’il devait présenter une demande de prorogation du délai aux termes de l’article 67.1.

25. Le Tribunal remarque que, le 18 avril 2011 (six jours seulement après son retour au Canada), M. McNenly a envoyé un avis d’appel au Tribunal à l’égard de la décision rendue par l’ASFC le 15 septembre 2010 (le Tribunal a reçu cet avis le 3 mai 2011). À ce moment, M. McNenly croyait fermement, mais à tort, avoir déposé son avis d’appel à temps2. Le 4 mai 2011, M. McNenly était informé par le Tribunal que son avis d’appel avait été déposé après le délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1) de la Loi. Par conséquent, le 6 mai 2011, il envoyait au Tribunal une demande de prorogation du délai conformément à l’article 67.1. Le Tribunal recevait la demande le 18 mai 2011.

26. Le Tribunal est d’avis que, puisqu’il a présenté sa demande de prorogation du délai le 6 mai 2011, deux jours seulement après avoir appris qu’il devait le faire, M. McNenly peut être considéré comme ayant présenté sa demande dès que possible. Par conséquent, la quatrième condition est remplie.

27. Cinquièmement, le sous-alinéa 67.1(4)b)(iv) de la Loi exige que le demandeur démontre que l’appel est fondé sur des motifs raisonnables. Le Tribunal a par le passé conclu que, bien qu’une demande de prorogation n’est pas un « [...] appel à proprement parler, la nature de cette condition exige que le Tribunal traite de certains éléments de fond liés à l’appel »3.

28. M. McNenly est d’avis que, puisque la TPS a déjà été payée sur l’autocaravane 2007, le paiement de la TPS sur le prix d’achat intégral de l’autocaravane 2008 constitue une double imposition. Comme il est indiqué précédemment, M. McNenly soutient essentiellement que la valeur en douane de l’autocaravane 2008 doit être calculée en soustrayant la déduction pour la reprise de l’autocaravane 2007 du prix d’achat intégral de l’autocaravane 20084.

29. Le Tribunal remarque que ces motifs d’appel sont, à toutes fins pratiques, identiques à ceux qui étaient invoqués dans John Draganiuk c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada5. Dans cet appel, la question consistait à déterminer si la déduction pour la reprise d’une automobile Cadillac DeVille 1991 devait être soustraite de la valeur en douane d’une automobile d’occasion Cadillac DeVille 2000 importée par M. Draganiuk. En définitive, le Tribunal a conclu que les méthodes d’appréciation énoncées aux articles 48 à 53 de la Loi soit ne prévoyaient pas d’ajustement dans le calcul de la valeur en douane de l’automobile importée pour refléter le montant de la déduction pour la reprise, soit ne pouvaient être appliquées. Il a par conséquent conclu que la valeur en douane de l’automobile importée avait été correctement calculée par l’ASFC comme le prix d’achat intégral de l’automobile, sans ajustement pour la déduction pour la reprise, et a rejeté l’appel.

30. Compte tenu de sa décision dans Draganiuk, le Tribunal est d’avis que les motifs d’appel invoqués par M. McNenly en l’espèce sont sans fondement et considère donc qu’il n’a pas été établi que l’appel est fondé sur des motifs raisonnables. Par conséquent, M. McNenly ne remplit pas la cinquième condition.

31. Comme l’une des cinq conditions nécessaires pour faire droit à une demande de prorogation du délai aux termes de l’article 67.1 de la Loi n’est pas remplie, la demande de M. McNenly doit être rejetée.

DÉCISION

32. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal rejette la demande en vue d’obtenir une prorogation du délai pour déposer un avis appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Ce n’est qu’après avoir reçu les observations de l’ASFC selon lesquelles elle s’opposait à la demande de prorogation du délai que M. McNenly semble avoir compris que son avis d’appel du 24 novembre 2010 aurait dû être envoyé au Tribunal plutôt qu’à l’unité régionale des appels de l’ASFC à Vancouver. À compter du 18 avril 2011, M. McNenly semble avoir cru que le délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1) de la Loi avait commencé le 23 février 2011, date à laquelle l’ASFC lui avait envoyé une lettre dans laquelle elle l’informait essentiellement du fait qu’elle n’était plus en mesure d’examiner les renseignements qu’il avait soumis et qu’un appel pouvait être interjeté auprès du Tribunal.

3 . Voir l’ordonnance du Tribunal dans Electronic Liquidators Ltd. (6 novembre 2006), EP-2005-035 (TCCE) au para. 15.

4 . En vertu de la Loi, la compétence du Tribunal se limite aux questions liées au classement tarifaire, à la valeur en douane, à l’origine et au marquage des marchandises importées. Par conséquent, le Tribunal n’a pas la compétence d’accorder des remboursements de TPS payée sur des marchandises importées en raison d’allégations de double imposition. Cependant, si l’appelant peut soutenir que la valeur en douane d’une marchandise importée devrait être réduite, cela aura une incidence directe sur le montant de TPS à payer.

5 . (27 septembre 2006), AP-2005-040 (TCCE) [Draganiuk].