VOLPAK INC.


VOLPAK INC.
Demande no EP-2011-002

Ordonnance et motifs rendus
le jeudi 2 février 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une demande présentée par Volpak Inc., aux termes de l’article 60.2 de la Loi sur les douanes, en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour présenter une demande de réexamen du classement tarifaire aux termes de l’article 60 de la Loi sur les douanes.

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette la demande de prorogation du délai pour présenter une demande de réexamen tarifaire aux termes de l’article 60 de la Loi sur les douanes.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

ÉNONCÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Il s’agit d’une demande aux termes de l’article 60.2 de la Loi sur les douanes1, présentée par Volpak Inc. (Volpak), en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour présenter une demande de réexamen aux termes de l’article 60.

2. La demande concerne une révision faite le 3 février 2010 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi, relativement au classement de poitrines de poulet importées par Volpak. À la suite de la révision, les poitrines de poulet ont été classées dans le numéro tarifaire 0207.12.93 de l’annexe du Tarif des douanes2. Avant la révision, Volpak importait les poitrines de poulet en vertu du numéro tarifaire 0207.13.91. Aux termes du paragraphe 59(3) de la Loi, Volpak a offert une garantie à l’ASFC au lieu de verser les droits tarifaires à payer et a demandé un réexamen du classement tarifaire aux termes de l’article 60 de la Loi.

3. Le 10 juin 2010, l’ASFC refusait, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, de procéder au réexamen demandé, au motif que Volpak n’avait pas offert une garantie « jugée satisfaisante par le ministre » du Revenu national (le ministre), conformément au paragraphe 59(3).

4. Le 7 juillet 2010, Volpak déposait auprès de la Cour fédérale3 une demande de contrôle judiciaire du refus de l’ASFC.

5. Le 9 août 2010, Volpak interjetait appel du refus de l’ASFC auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal). Le 8 novembre 2010, le Tribunal rejetait l’appel au motif que la fourniture d’une garantie jugée satisfaisante par le ministre constituait « [...] clairement [...] une condition préalable pour faire une demande de révision à l’ASFC »4; par conséquent, le refus de l’ASFC n’était pas une « décision » relevant de la compétence du Tribunal conformément au paragraphe 67(1) de la Loi.

6. Le 7 septembre 2010, Volpak intentait une action contre l’ASFC en Cour fédérale5.

7. Le 18 janvier 2011, Volpak faisait une nouvelle offre de garantie au ministre aux termes du paragraphe 59(3) de la Loi par l’entremise du ministère de la Justice.

8. Le 17 février 2011, Volpak déposait auprès de l’ASFC une demande de prorogation du délai pour présenter une demande de réexamen aux termes de l’article 60.1 de la Loi.

9. Le 20 avril 2011, l’ASFC rejetait la demande de Volpak, notamment au motif que ce n’était pas le processus approprié pour proposer une nouvelle garantie. Le 28 juin 2011, l’ASFC faisait parvenir à Volpak une « lettre de courtoisie » [traduction] expliquant les raisons pour lesquelles la garantie offerte n’était pas jugée satisfaisante.

10. Le 27 mai 2011, Volpak déposait la présente demande.

QUESTION DE PROCÉDURE

11. Volpak s’est opposée à l’admission en preuve de la lettre de courtoisie de l’ASFC datée du 28 juin 2011. Selon Volpak, la lettre ne faisait pas partie du dossier du refus de l’ASFC du 20 avril 2011 et était inadmissible puisque la demande actuelle constitue, de par sa nature, un contrôle judiciaire et non une nouvelle audience.

12. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’opinion de Volpak selon laquelle la demande actuelle constitue, de par sa nature, un contrôle judiciaire. Non seulement Volpak n’a pas cité de précédents pour étayer sa position, mais il existe de nombreux précédents6 selon lesquels, lorsqu’un appel est interjeté auprès d’une instance spécialisée ayant le pouvoir d’entendre des témoins et d’examiner des éléments de preuve, l’appel constitue une nouvelle audience. Par conséquent, l’opposition à l’admission de la lettre n’est pas fondée.

CARACTÈRE ADÉQUAT DE LA GARANTIE

13. Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si une garantie jugée satisfaisante doit être offerte avant qu’une demande de réexamen ne puisse être faite aux termes de l’article 60 de la Loi. Volpak soutient que l’obligation d’offrir une garantie acceptable n’a pas à être « acquittée » tant que le Tribunal n’a pas accordé la permission de déposer une demande de prorogation de délai. L’ASFC prétend qu’un demandeur doit prendre les dispositions nécessaires pour offrir une garantie acceptable avant de demander la prorogation.

14. De l’avis du Tribunal, cette question n’est pas pertinente dans le cadre de la demande actuelle, qui porte sur une prorogation de délai. De toute façon, comme l’a indiqué clairement le Tribunal dans Volpak, le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour statuer sur cette question.

POSITION DES PARTIES

15. Volpak allègue que les quatre conditions législatives devant être respectées pour faire droit à la demande de prorogation du délai sont remplies.

a) Elle a fait la présente demande dans un délai de 90 jours suivant le refus de l’ASFC du 20 avril 2011, aux termes de l’article 60.1 de la Loi.

b) Elle avait véritablement l’intention de demander un réexamen de la décision rendue par l’ASFC le 18 janvier 2010, aux termes du paragraphe 59(2) de la Loi dans un délai de 90 jours.

c) Il serait juste et équitable de faire droit à la demande, puisqu’il n’y a pas d’allégation d’acte répréhensible, de malhonnêteté ou de tromperie de sa part et que toutes les autres conditions pour qu’il soit fait droit à la demande ont été remplies. De plus, il serait injuste et inéquitable de la forcer à verser les droits de douane à payer sans d’abord l’entendre en cour.

d) La demande a été faite dès que les circonstances particulières suivant le refus de l’ASFC du 10 juin 2010 l’ont permis. Elle n’a pas négligé de faire valoir ses droits. Au contraire, la compétence du Tribunal sur la question relative à l’offre d’une garantie jugée satisfaisante était incertaine et Volpak avait besoin de temps pour épuiser ses autres recours judiciaires avant de déposer la demande.

16. L’ASFC soutient que deux des exigences législatives ne sont pas remplies.

a) Il serait injuste et inéquitable de faire droit à la demande, puisque cela reviendrait à excuser le refus persistant de Volpak de se conformer à la condition législative de faire une demande de réexamen, c.-à-d. que les droits tarifaires doivent être payés ou qu’une garantie jugée satisfaisante doit être offerte au ministre. Faire droit à la demande favoriserait Volpak par rapport à d’autres importateurs qui se conforment à la Loi, mettrait inutilement à risque la dette due à la Couronne et imposerait indûment à l’ASFC le fardeau administratif de percevoir cette créance.

b) La demande n’a pas été faite dès que les circonstances l’ont permis. Durant les huit mois précédant le dépôt de la demande, Volpak a choisi d’entreprendre trois autres procédures judiciaires, soit un appel devant le Tribunal, une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale et une action contre l’ASFC. Rien n’empêchait Volpak de protéger ses intérêts en présentant une demande de prorogation de délai en vertu de l’article 60.2 de la Loi en même temps que les procédures judiciaires, et Volpak est seule responsable du retard.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

17. Le paragraphe 59(2) de la Loi prévoit ce qui suit :

L’agent qui procède à la décision ou à la détermination en vertu des paragraphes 57.01(1) ou 58(1) respectivement ou à la révision ou au réexamen en vertu du paragraphe (1) donne sans délai avis de ses conclusions, motifs à l’appui, aux personnes visées par règlement.

18. Le paragraphe 60(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

Toute personne avisée en application du paragraphe 59(2) peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis et après avoir versé tous droits et intérêts dus sur des marchandises ou avoir donné la garantie, jugée satisfaisante par le ministre, du versement du montant de ces droits et intérêts, demander la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane, ou d’une décision sur la conformité des marques.

[Nos italiques]

19. Le paragraphe 60.1(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

La personne qui n’a pas présenté la demande visée à l’article 60 dans le délai qui y est prévu peut demander au président une prorogation du délai, le président étant autorisé à faire droit à la demande.

20. Le paragraphe 60.1(4) de la Loi prévoit ce qui suit :

Sur réception de la demande de prorogation, le président l’examine sans délai et avise par écrit la personne de sa décision.

21. L’article 60.2 de la Loi prévoit ce qui suit :

(1) La personne qui a présenté une demande de prorogation en vertu de l’article 60.1 peut demander au Tribunal canadien du commerce extérieur d’y faire droit :

a) soit après le rejet de la demande par le président;

[...]

(2) La demande se fait par dépôt, auprès du président et du secrétaire du Tribunal canadien du commerce extérieur, d’une copie de la demande de prorogation visée à l’article 60.1 et, si un avis a été donné en application du paragraphe 60.1(4), d’une copie de l’avis.

(3) Le Tribunal canadien du commerce extérieur peut rejeter la demande ou y faire droit. Dans ce dernier cas, il peut imposer les conditions qu’il estime justes ou ordonner que la demande de révision ou de réexamen soit réputée valide à compter de la date de l’ordonnance.

(4) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande de prorogation visée au paragraphe 60.1(1) a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai prévu à l’article 60;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai prévu à l’article 60, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de présenter une demande de révision ou de réexamen,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible.

ANALYSE

22. Le paragraphe 60.2(4) de la Loi énonce quatre conditions qui doivent être remplies pour que le Tribunal puisse faire droit à la demande de prorogation du délai de Volpak. La Loi établit clairement que chacune de ces conditions est obligatoire; le fait de ne pas satisfaire à l’une d’entre elles entraîne le rejet de la demande.

23. La première condition est énoncée à l’alinéa 60.2(4)a) de la Loi et prévoit que la demande doit être présentée dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 60.1(1). En l’espèce, le dernier jour pour présenter une demande était le 18 juillet 2011. Volpak a déposé la présente demande le 27 mai 2011. Les parties conviennent que cette condition est remplie.

24. La deuxième condition est énoncée au sous-alinéa 60.2(4)b)(i) de la Loi, qui stipule que Volpak doit démontrer qu’au cours du délai de 90 jours prévu à l’article 60, elle n’a pas pu agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom par suite de la décision de l’ASFC rendue le 10 juin 2010. Volpak peut aussi prouver qu’elle avait véritablement l’intention de demander le réexamen dans le délai qui y est prévu mais n’a pas été en mesure de le faire. Les parties conviennent que cette condition est également remplie.

25. Le Tribunal est d’avis que la demande de Volpak ne satisfait pas à la quatrième condition énoncée au sous-alinéa 60.2(4)b)(iii) de la Loi et examinera par conséquent cette condition. Cette condition exige que la demande soit présentée dès que possible. Les parties conviennent que Volpak a attendu huit mois avant de présenter la demande de prorogation du délai à l’ASFC aux termes de l’article 60. Le Tribunal doit déterminer si Volpak a présenté sa demande dans un délai raisonnable compte tenu des circonstances particulières7.

26. À cet égard, Volpak soutient que, compte tenu de l’incertitude et de la complexité relative à la compétence du Tribunal quant à l’examen du rejet de son offre de garantie, elle devait entreprendre trois procédures judiciaires distinctes : un appel auprès du Tribunal, une demande de contrôle judiciaire et une action en Cour fédérale.

27. L’ASFC a indiqué dans ses observations que toutes ces procédures judiciaires portaient sur la même question : le refus de l’ASFC de se pencher sur la demande de réexamen. L’ASFC fait également remarquer que rien n’empêchait Volpak de déposer une demande de prorogation de délai auprès de l’ASFC aux termes de l’article 60 de la Loi afin de protéger ses intérêts parallèlement aux autres procédures.

28. Le Tribunal est d’accord avec l’ASFC sur ce point. En dépit de l’incertitude et de la complexité auxquelles elle faisait face, Volpak était certainement en mesure de déposer une demande de prorogation de délai auprès de l’ASFC tout en se prévalant des trois autres recours judiciaires. Volpak a plutôt attendu huit mois. De plus, le Tribunal remarque que Volpak a attendu trois mois après avoir reçu l’ordonnance et les motifs du Tribunal statuant sur la question de la compétence avant de présenter la demande de prorogation de délai auprès de l’ASFC.

29. Comme il a été mentionné, le Tribunal est par conséquent d’avis que la quatrième condition législative n’est pas remplie. Compte tenu de cela, il n’est pas nécessaire de se pencher sur la troisième condition statutaire aux termes du sous-alinéa 60.2(4)b)(ii) de la Loi, selon laquelle il serait juste et équitable de faire droit à la demande.

DÉCISION

30. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal rejette la demande de prorogation du délai pour présenter une demande de réexamen tarifaire aux termes de l’article 60 de la Loi.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Dossier no T-1074-10 de la Cour fédérale; le requérant s’est désisté de la demande le 17 février 2011.

4 . Volpak Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (8 novembre 2010), AP-2010-031 (TCCE) [Volpak] au para. 18.

5 . Dossier no T-1428-10 de la Cour fédérale; le demandeur s’est désisté de l’action le 27 avril 2011.

6 . Smith v. Minister of National Revenue, [1965] SCR 582; Bayside Drive-In Ltd. c. M.R.N., 1997 CanLII 85 (CCI) (pas un procès de novo); Canada (Ministre du revenu national) c. Rollins Machinery Ltd., 1999 CanLII 8763 (CAF); Mendoza c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CanLII 68204 (CISR); Stevens (Succession) c. Canada (Procureur général), 2011 CF 103 (CanLII).

7 . Voir Bernard Chaus Inc. (4 décembre 2003), EP-2003-001 (TCCE).