NATIONAL FOOD DISTRIBUTION CENTRE


NATIONAL FOOD DISTRIBUTION CENTRE
Demande no EP-2009-002

Ordonnance et motifs rendus
le vendredi 12 mars 2010


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À une demande présentée par National Food Distribution Centre, aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes, en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour interjeter appel aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes.

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette la demande visant à obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes.

André F. Scott
André F. Scott
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Il s’agit, en l’espèce, d’une demande aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes 1 présentée par National Food Distribution Centre (National Food) en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour interjeter appel aux termes du paragraphe 67(1). La demande concerne 21 décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 25 juin 2008 aux termes de l’article 60. Ces décisions confirment le classement tarifaire des marchandises pour lesquelles National Food avait demandé des décisions anticipées aux termes de l’article 43.1. Chacune des décisions de l’ASFC du 25 juin 2008 contient l’avis suivant :

La présente est une décision de [...] l’ASFC rendue aux termes de l’article 60 de la Loi sur les douanes.

Vous pouvez faire appel de cette décision auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur [le Tribunal], aux termes de l’article 67 de la Loi, en déposant auprès du [Tribunal] et de [...] l’ASFC un avis écrit dans les 90 jours suivant la date de la présente lettre. (Dans des circonstances exceptionnelles, aux termes de l’article 67.1 de la Loi, le [Tribunal] peut prolonger jusqu’à un an le délai pour interjeter appel.)

[Traduction]

2. L’avis est suivi de l’adresse du Tribunal et de celle de l’ASFC ainsi que d’une indication sur la façon d’obtenir de plus amples renseignements auprès du Tribunal. Le Tribunal souligne que cet avis est clair et non équivoque.

3. National Food n’a pas interjeté appel aux termes de l’article 67 de la Loi dans le délai prévu, soit au plus tard le 23 septembre 20082 .

4. Au lieu de cela, le 23 juin 2009, près de un an après la date des décisions, National Food écrivait au Tribunal lui faisant la présente demande de prorogation de délai, aux termes de l’article 67.1 de la Loi, pour déposer un avis d’appel après le délai prescrit à l’article 67. Cette demande était incomplète à ce moment-là car elle n’était pas accompagnée des décisions de l’ASFC. Par conséquent, dans une lettre datée du 3 juillet 2009, le Tribunal a demandé à National Food de lui faire parvenir les documents manquants. Le 27 août 2009, le Tribunal recevait les documents demandés. Le 8 septembre 2009, le Tribunal demandait à l’ASFC de lui faire parvenir, le cas échéant, ses observations sur la demande de National Food au plus tard le 8 octobre 2009. L’ASFC déposait ses observations à l’encontre de la demande le 7 octobre 2009.

5. Le Tribunal a décidé que la tenue d’une audience n’était pas nécessaire et a statué sur l’affaire sur la foi des renseignements au dossier.

CADRE LÉGISLATIF

6. Le paragraphe 67(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

Toute personne qui s’estime lésée par une décision [de l’ASFC] rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le [Tribunal] en déposant par écrit un avis d’appel auprès [de l’ASFC] et du secrétaire [du Tribunal] dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision.

7. L’article 67.1 de la Loi prévoit ce qui suit :

67.1(1) La personne qui n’a pas interjeté appel dans le délai prévu à l’article 67 peut présenter au [Tribunal] une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Le tribunal peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu’il estime justes.

(2) La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles l’avis d’appel n’a pas été déposé dans le délai prévu.

(3) La demande de prorogation se fait par dépôt, auprès [de l’ASFC] et du secrétaire du [Tribunal], de la demande et de l’avis d’appel.

(4) Il n’est fait droit à la demande de prorogation que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai d’appel prévu à l’article 67, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible,

(iv) l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

ANALYSE

8. Le paragraphe 67.1(4) de la Loi énonce cinq conditions qui doivent être remplies pour que le Tribunal puisse faire droit à la demande de prorogation de National Food. La Loi établit clairement que chacune de ces conditions est obligatoire; par conséquent, le fait de ne pas satisfaire à l’une d’entre elles entraîne le rejet de la demande.

9. La première condition est énoncée à l’alinéa 67.1(4)a) de la Loi et prévoit que la demande doit être présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel de 90 jours prévu au paragraphe 67(1). En l’espèce, le dernier jour pour présenter une demande était le 24 septembre 2009. National Food déposait sa demande le 23 juin 2009. Tel qu’il est précisé plus haut, la demande était incomplète à ce moment-là car il manquait des renseignements et, par conséquent, elle ne pouvait être considérée comme déposée correctement avant que le Tribunal ne reçoive, le 27 août 2009, les renseignements additionnels demandés. Indépendamment de cela, la correspondance initiale du 23 juin 2009 et les renseignements additionnels reçus le 27 août 2009 ont été déposés auprès du Tribunal avant la date limite du 24 septembre 2009 prescrite par la loi. Par conséquent, la condition énoncée à l’alinéa 67.1(4)a) a été remplie.

10. La deuxième condition est énoncée au sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi. Ainsi, elle stipule que National Food doit démontrer qu’au cours du délai de 90 jours prévu au paragraphe 67(1), elle n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom par suite des décisions de l’ASFC. Comme alternative, la Loi permet à National Food de faire la preuve qu’elle avait véritablement l’intention d’interjeter appel aux termes du paragraphe 67(1) dans le délai qui y est prévu mais n’a pas été en mesure de le faire. Autrement dit, le sous-alinéa 67.1(4)b)(i) énonce trois motifs valables pour ne pas avoir agi dans le délai normal prescrit par la loi : 1) avoir été dans l’impossibilité d’agir; 2) avoir été dans l’impossibilité d’accorder un mandat; 3) avoir véritablement eu l’intention d’interjeter appel dans le délai prévu.

11. Pour les raisons qui suivent, le Tribunal est d’avis que la demande de National Food ne respecte aucun des motifs du sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi.

12. National Food allègue ce qui suit à l’appui de sa demande :

Nous faisons appel de cette décision et, aux termes du [paragraphe 67.1(1)] de la Loi sur les douanes, demandons que soit accordé la prorogation jusqu’à un an du délai pour interjeter appel pour les raisons suivantes : nous avons interjeté appel aussitôt que les circonstances nous l’ont permis; nous n’avons pu le faire avant car nous ne possédions pas tous les renseignements nécessaires et, en particulier, nous attendions des directives de Santé Canada et voulions nous assurer que les renseignements provenant d’autres sources étaient complets. Quand nous avons reçu l’avis en 2008, nous avions véritablement l’intention d’interjeter appel, mais les motifs n’avaient pas été adéquatement définis à ce moment-là. Nous croyons posséder maintenant des motifs raisonnables pour interjeter appel. Étant donné les discussions que j’avais eues avec diverses parties dont Santé Canada, je voulais obtenir des éclaircissements sur la définition de ces aliments selon diverses lois nationales et internationales. Compte tenu de ce qui précède, il serait juste et équitable de votre part d’accorder la demande de prorogation du délai pour interjeter appel3 .

[Traduction]

13. National Food alléguait l’« impossibilité d’agir » parce qu’elle « [...] ne posséd[ait] pas tous les renseignements nécessaires et en particulier, [elle] attend[ait] des directives de Santé Canada et voul[ait] [s’]assurer que les renseignements provenant d’autres sources étaient complets ». À l’égard de ce motif, l’ASFC soutient que « [...] des renseignements incomplets n’empêchent pas “[d’]agir ni [de] mandater quelqu’un pour agir en son nom”. Un document manquant ou une documentation incomplète ou la difficulté d’obtenir la documentation nécessaire n’empêchait pas [National Food] d’interjeter appel dans le délai prescrit et de demander au Tribunal de lui accorder du temps pour fournir les renseignements additionnels4  » [traduction].

14. Le Tribunal est d’accord avec l’ASFC en ce qui concerne ce motif. De l’avis du Tribunal, aucune des raisons invoquées par National Food ne démontrent une incapacité de déposer un avis d’appel. Être dans l’impossibilité d’agir requiert nécessairement un élément de contrainte auquel on ne peut s’opposer et qui dépasse notre volonté5 . Il n’y a aucun élément de preuve au dossier qui convainc le Tribunal que National Food s’est trouvée dans une telle situation à aucun moment au cours de la période où elle aurait pu déposer un avis d’appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi. En l’espèce, le Tribunal conclut que National Food, au motif d’une explication qu’elle croyait valable, a simplement, à dessein, choisi de ne pas agir dans le délai de 90 jours prescrit au paragraphe 67(1).

15. National Food ne prétend pas avoir été « dans l’impossibilité de mandater quelqu’un pour agir » et, par conséquent, le Tribunal ne peut se pencher sur ce motif.

16. National Food fonde son affirmation d’avoir véritablement eu l’intention d’interjeter appel dans le délai prescrit en alléguant que « [...] les motifs n’avaient pas été adéquatement définis à ce moment-là » et que« [m]aintenant nous croyons posséder des motifs raisonnables pour interjeter appel » [nos italiques], et parce qu’elle était en discussion avec “[...] diverses parties dont Santé Canada [pour] obtenir des éclaircissements sur la définition de ces aliments selon diverses lois nationales et internationales”. L’ASFC soutient que ces allégations ne démontrent pas une véritable intention d’interjeter appel au cours du délai prévu au paragraphe 67(1) de la Loi. Le Tribunal est d’accord avec la position de l’ASFC à l’égard de ce motif.

17. Comme il l’a déjà affirmé antérieurement, le Tribunal considère que l’intention d’interjeter appel doit être manifeste au cours de la période de 90 jours prévue au paragraphe 67(1) de la Loi et non après6 . Le Tribunal ne peut accepter qu’une intention véritable d’interjeter appel au cours de cette période existait en l’espèce, puisque National Food s’est abstenue d’interjeter appel durant le délai prescrit et était incertaine de la validité de ses motifs pour le faire « à ce moment-là ». Le Tribunal constate que la décision d’interjeter appel a été prise après la période de 90 jours parce que National Food affirme que ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle a cru posséder des motifs valables pour interjeter appel. De l’avis du Tribunal, il est clair que l’article 67.1 n’accorde pas aux appelants éventuels une période additionnelle de réflexion pour déterminer s’il est opportun de contester des décisions de l’ASFC.

18. Puisque la demande de National Food ne satisfait pas au sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi, le Tribunal n’est pas dans l’obligation d’examiner les arguments liés aux conditions énoncées aux sous-alinéas 67.1(4)b)(ii) à 67.1(4)b)(iv).

DÉCISION

19. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal rejette la demande visant à obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel aux termes de l’article 67 de la Loi.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . En vertu du paragraphe 27(5) de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21, qui prévoit ce qui suit : « Lorsqu’un acte doit être accompli dans un délai qui suit ou précède un jour déterminé, ce jour ne compte pas. »

3 . Mémoire de la demanderesse, pièce du Tribunal EP-2009-002-01.

4 . Mémoire de l’intimé, pièce du Tribunal EP-2009-002-06A.

5 . Une liste exhaustive des circonstances qui justifient une impossibilité d’agir est inconnue du Tribunal. Les circonstances qui justifient une impossibilité d’agir doivent être déterminées au cas par cas.

6 . Costco Wholesale Canada Ltd. (5 octobre 2006), EP-2005-008 (TCCE).