WOLSELEY CANADA INC.


WOLSELEY CANADA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2012-066

Ordonnance et motifs rendus
le lundi 17 juin 2013


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel interjeté par Wolseley Canada Inc. le 1er février 2013 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une demande présentée par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada le 15 mai 2013 aux termes de l'article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur en vue d'obtenir une ordonnance de rejet de l'appel pour le motif que le Tribunal canadien du commerce extérieur n'a pas compétence pour entendre l'appel.

ENTRE

WOLSELEY CANADA INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L'AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

ORDONNANCE

La demande présentée par le président de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue d'obtenir une ordonnance de rejet de l'appel pour défaut de compétence est refusée.

Pasquale Michaele Saroli
Pasquale Michaele Saroli
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le 1er février 2013, Wolseley Canada Inc. (Wolseley) a interjeté appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1.

2. Le 15 mai 2013, le président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a présenté une demande au Tribunal aux termes de l'article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur2 en vue d'obtenir une ordonnance de rejet de l'appel pour le motif que le Tribunal n'a pas compétence pour entendre l'appel.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3. Le 30 septembre 2011, Wolseley a demandé une décision anticipée, aux termes de l'article 43.1 de la Loi, concernant le classement tarifaire approprié d'un modèle de lavabo en céramique, le « TOTO Rectangle Under-Counter Lavatory – LT191G » (la marchandise en cause). À cet égard, Wolseley a demandé que la marchandise en cause soit classée dans le numéro tarifaire 9979.00.00 de l'annexe du Tarif des douanes3.

4. Le 20 octobre 2011, l'ASFC a rendu une décision anticipée aux termes de l'alinéa 43.1(1)c) de la Loi dans laquelle elle déterminait que la marchandise en cause était correctement classée dans le numéro tarifaire 6910.90.00 et que le numéro tarifaire 9979.00.00 ne s'appliquait pas.

5. Le 15 novembre 2011, Wolseley a demandé une révision de la décision anticipée aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi.

6. Dans une lettre datée du 21 décembre 2011, l'ASFC a avisé Wolseley de sa décision préliminaire confirmant la décision anticipée. L'ASFC a aussi invité Wolseley a soumettre d'autres renseignements avant qu'une décision définitive ne soit rendue, ce que Wolseley a fait le 16 janvier 2012.

7. Au cours des mois suivants, Wolseley s'est renseignée à plusieurs reprises au sujet de l'état d'avancement de sa demande.

8. À cet égard, Wolseley fait remarquer que l'ASFC l'a premièrement informée verbalement que la décision était en suspens en attendant que la Cour d'appel fédérale (CAF) se prononce relativement à un appel de l'ASFC ayant trait à une décision du Tribunal dans une autre cause. La date de cette conversation n'est pas connue du Tribunal.

9. Le 16 octobre 2012, la CAF a rendu sa décision relativement à la cause mentionnée par l'ASFC4. À la suite d'une demande de renseignements de Wolseley, l'ASFC a informé cette dernière, dans un courriel daté du 31 octobre 2012, qu'elle attendait des directives de son service du contentieux avant d'aller de l'avant.

10. En réponse à une autre demande de renseignements de Wolseley en janvier 2013, l'ASFC a réitéré qu'elle attendait toujours des directives tout en convenant que Wolseley pourrait vouloir utiliser un autre recours. Plus particulièrement, dans un courriel daté du 14 janvier 2013, l'ASFC a affirmé ce qui suit :

[...] nous attendons des directives de la part de nos conseillers de l'administration centrale. Nous irons de l'avant lorsque nous obtiendrons ces directives. Je comprends votre besoin de poursuivre votre démarche par d'autres moyens5.

[Traduction]

11. Wolseley a interjeté le présent appel devant le Tribunal contre la décision préliminaire du 21 décembre 2011 le 1er février 2013, estimant que le défaut de l'ASFC de rendre une décision définitive « sans délai », comme elle est censée le faire aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, constitue une « non-décision » ou une « décision négative », ce qui est considéré comme une confirmation de la décision anticipée, donnant lieu à interjeter appel aux termes du paragraphe 67(1).

12. Le 30 avril 2013, l'ASFC a écrit au Tribunal pour l'aviser qu'elle avait rendu une décision le 23 avril 2013 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, confirmant sa décision préliminaire. L'ASFC a par conséquent suggéré que Wolseley retire le présent appel pour en interjeter un autre contre la décision du 23 avril 2013.

13. Comme Wolseley a indiqué qu'elle n'avait pas l'intention de retirer le présent appel, l'ASFC a demandé le 15 mai 2013, aux termes de l'article 23.1 des Règles, que le Tribunal détermine que l'appel ne respecte pas les formes prescrites et, par conséquent, qu'il n'a pas compétence pour entendre l'appel au motif que la décision qu'attendait Wolseley aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi avait maintenant été rendue.

14. Le Tribunal constate toutefois qu'il s'est écoulé environ 18 mois entre la date de la demande de Wolseley aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi et la date de la présumée décision de l'ASFC aux termes du paragraphe 60(4) et plus de six mois depuis la publication de la décision de la CAF, ce qui est la raison initiale invoquée par l'ASFC pour le retard.

POSITION DES PARTIES

ASFC

15. L'ASFC soutient que la décision rendue le 23 avril 2013 est la seule décision qui peut être portée en appel devant le Tribunal et que celui-ci ne peut fonder sa compétence sur une « non-décision » quand une décision proprement dite a effectivement été rendue aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

16. L'ASFC soutient également que les éléments de preuve n'appuient pas l'argument de Wolseley selon lequel il y a eu une « non-décision » ou un refus de décider de la part de l'ASFC, mais qu'elle a au contraire constamment indiqué son intention de rendre une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. L'ASFC soutient que les faits en l'espèce se distinguent de ceux dans Frito-Lay Canada, Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada6, où le Tribunal s'est saisi de la plainte car aucune décision n'avait été rendue jusqu'à la tenue de l'audience.

17. L'ASFC n'a pas abordé directement la question de savoir s'il y a effectivement eu un retard ne respectant pas les exigences de la Loi en matière de délai ou la question connexe des conséquences, le cas échéant, de ne pas avoir respecté ce délai.

18. L'ASFC avance qu'un importateur mécontent d'un présumé défaut de rendre une décision dans les délais impartis peut faire une demande à la Cour fédérale pour obtenir un mandamus enjoignant l'ASFC de rendre une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, mais ne peut interjeter appel aux termes de l'article 67 en se fondant sur une décision préliminaire, le Tribunal se substituant ainsi à l'ASFC en tant que décideur aux termes de l'article 60.

Wolseley

19. Wolseley soutient que la non-décision de l'ASFC résultant de son refus d'agir « sans délai » constitue une présumée décision négative confirmant la décision anticipée aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, dont le Tribunal peut être saisi aux termes du paragraphe 67(1). Cela étant, Wolseley soutient que l'ASFC s'est acquittée de sa charge lorsqu'elle a rendu sa présumée décision du 23 avril 2013. Selon Wolseley, le Tribunal n'est pas privé de sa compétence dans le présent appel par la décision subséquente parce que, lorsqu'elle a été rendue, l'ASFC n'avait plus le pouvoir d'agir aux termes du paragraphe 60(4).

20. Wolseley ajoute que le fait d'admettre la demande de l'ASFC permettrait à celle-ci de garder des décisions en suspens jusqu'à ce que l'importateur s'adresse au Tribunal et de retarder encore plus le règlement de telles affaires en rendant tardivement des décisions aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, forçant ainsi les parties appelantes de recommencer la procédure d'appel.

CADRE LÉGISLATIF

21. Le paragraphe 67(1) de la Loi prévoit expressément un recours au Tribunal à l'encontre de décisions de l'ASFC conformément au paragraphe 60(4) relativement à une demande aux termes du paragraphe 60(2) en révision d'une décision anticipée :

67.(1) Toute personne qui s'estime lésée par une décision du président rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d'appel auprès du président et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l'avis de décision.

22. À cet égard, l'article 60 de la Loi prévoit la révision de décisions anticipées, l'ASFC ayant le pouvoir de confirmer, de modifier ou d'annuler la décision :

(2) Toute personne qui a reçu une décision anticipée prise en application de l'article 43.1 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de la décision anticipée, en demander la révision.

(3) La demande prévue au présent article est présentée au président en la forme et selon les modalités réglementaires et avec les renseignements réglementaires.

(4) Sur réception de la demande prévue au présent article, le président procède sans délai à l'une des interventions suivantes :

[...]

bla confirmation, la modification ou l'annulation de la décision anticipée;

[...]

(5) Le président donne avis au demandeur, sans délai, de la décision qu'il a prise en application du paragraphe (4), motifs à l'appui.

[Nos italiques]

23. À ce titre, à la réception d'une demande aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi, l'ASFC doit, conformément aux paragraphes 60(4) et 60(5), agir « sans délai » en prenant et en rendant la décision demandée.

ANALYSE

24. La CAF a confirmé que les présumées « non-décisions » ou les refus d'exercer sa compétence dans le cadre du régime prévu par la Loi constituent des « décisions » susceptibles d'appel devant le Tribunal, le Tribunal ayant le pouvoir de décider s'il peut entendre un appel7.

25. Le Tribunal a affirmé dans Frito-Lay Canada que « [...] le défaut de l'ASFC de répondre “sans délai”, comme la loi l'y oblige, aux demandes de réexamen [...] au titre du paragraphe 60(1) de la Loi [...] constitue des « non-décisions » ou des « décisions négatives » en vertu du paragraphe 60(4) [...] »8, le Tribunal ayant compétence pour être saisi et disposer d'appels de telles « non-décisions » ou « décisions négatives » aux termes du paragraphe 67(1)9.

26. Selon les faits en l'espèce, il est clair que l'ASFC n'a pas respecté les exigences de la Loi de prendre et de rendre sa décision « sans délai ». Quand Wolseley a interjeté le présent appel le 1er février 2013 – près de 15 mois après avoir demandé une révision de la décision anticipée –, l'ASFC n'avait pas rendu de décision définitive et il n'y avait aucune indication qu'une décision était imminente. En effet, la prétendue décision de l'ASFC aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi n'a été rendue que trois mois après (c'est-à-dire le 23 avril 2013), ou 18 mois après la demande de révision.

27. Ayant déterminé que la décision du 23 avril 2013 a été rendue en violation des exigences en matière de délai, le Tribunal doit néanmoins déterminer si elle est valide. Si c'est le cas, le Tribunal n'a pas compétence pour entendre le présent appel. Toutefois, si la décision n'est pas valide, le Tribunal a le pouvoir aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi d'examiner la « non-décision » ou la « décision négative » de l'ASFC en tant que présumée confirmation aux termes du paragraphe 60(4) de la décision anticipée rendue le 20 octobre 2011.

28. Les conséquences d'une violation d'une disposition prescrivant les délais encadrant l'exercice de fonctions publiques dépendent de la nature impérative ou directive de la disposition, qui doit être déterminée conformément aux règles généralement admises en matière d'interprétation des lois10. Des actions accomplies en violation d'une disposition impérative sont considérées frappées de nullité, tandis que des actions accomplies en violation d'une disposition qui n'est que directive ne sont pas invalidées11.

29. Les principes modernes d'interprétation des lois exigent qu'elles soient interprétées « [...] dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur »12. À cet égard, la Cour suprême du Canada a affirmé que « [...] l'objet de la loi ainsi que la conséquence d'une décision dans un sens ou dans l'autre sont les considérations les plus importantes pour déterminer si une directive a un caractère impératif ou directif [...] »13.

30. La Loi prévoit en détail les étapes administratives successives qui gouvernent la révision des décisions de l'ASFC et les appels de ces décisions, notamment en ce qui concerne les décisions anticipées de classement tarifaire14.

31. Le Tribunal est d'avis que l'un des principaux objectifs de ce régime administratif est la résolution efficace et rapide des différends entre l'ASFC et les importateurs ou les importateurs potentiels compte tenu, par exemple, des conséquences commerciales liées à une incertitude prolongée quant aux droits de douane applicables à leurs importations. Le Tribunal considère que d'interpréter les paragraphes 60(4) et 60(5) de la Loi comme des dispositions impératives prescrivant à l'ASFC de prendre et de rendre sa décision « sans délai » est dans la logique de cet objectif.

32. À l'inverse, interpréter l'exigence en matière de délai comme n'étant que de nature directive permettrait à l'ASFC de différer indéfiniment les décisions contrairement à l'objectif et à l'intention du régime administratif. En autant que l'ASFC ait avisé une personne qui s'estime lésée qu'elle a l'intention de prendre une décision, il peut être soutenu qu'il n'est pas possible d'interjeter appel devant le Tribunal car les faits n'indiquent pas qu'il y a refus d'exercer sa compétence constituant ainsi une non-décision ou une décision négative pouvant être portée en appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi. En outre, même dans les situations où une décision en temps voulu aux termes du paragraphe 60(4) n'a pas encore été rendue lorsqu'un appel est interjeté, l'ASFC pourrait retarder davantage la résolution du litige en rendant, comme en l'espèce, une décision tardive aux termes du paragraphe 60(4) avant la tenue de l'audience, ce qui aurait pour conséquence de dessaisir le Tribunal de l'affaire et d'obliger la partie appelante de recommencer la procédure d'appel.

33. Interpréter l'exigence de rendre des décisions « sans délai » comme étant de nature directive plutôt qu'impérative pourrait causer de sérieux contretemps aux entreprises et aux personnes. Comme indiqué précédemment, les décisions en matière de douane entraînent souvent des conséquences commerciales et financières importantes. Lorsqu'une révision d'une décision anticipée est en cause, comme en l'espèce, le défaut de donner une réponse rapide et définitive sur les droits de douane applicables aux importations perpétue l'incertitude même que le régime de décision anticipée est censé dissiper15. En effet, il est clairement énoncé dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation publié conjointement avec le Règlement sur les décisions anticipées en matière de classement tarifaire qu'il est prévu que les demandes de décision anticipée soient promptement réglées de manière définitive16 :

Le nouveau règlement offre un certain degré de certitude aux importateurs, exportateurs, producteurs ou personnes autorisés à déclarer des marchandises avant leur importation. [...] L'accessibilité des décisions anticipées s'avère d'une importance capitale pour les négociants, surtout ceux à la tête de petites ou de moyennes entreprises. Elles fournissent un certain degré de certitude et de constance quant au traitement que recevra une marchandise particulière aux Douanes une fois que l'importation a eu lieu. De plus, dans un marché compétitif, elles fournissent à l'avance une connaissance du traitement que recevra une marchandise particulière [lors de l'importation] [...]. Le règlement aide l'ASFC à offrir un service plus efficace aux importateurs de marchandises au Canada.

[Nos italiques]

34. Une décision rendue et émise tardivement par l'ASFC peut avoir de lourdes conséquences financières étant donné que l'importateur doit verser immédiatement tous les droits déterminés par l'ASFC (ou déposer un cautionnement adéquat). L'importateur se trouve ainsi entravé par le processus de révision17.

35. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'interpréter l'exigence en matière de délai du paragraphe 60(4) de la Loi comme impérative correspond à l'esprit de la Loi et que statuer différemment pourrait causer de sérieux et coûteux contretemps aux importateurs en entravant le recours aux appels et leur règlement en temps opportun, contrairement à l'objectif et à l'intention du régime de décisions anticipées édicté par la Loi et les règlements qui s'y rattachent.

36. En formulant cette conclusion, le Tribunal est conscient du fait que l'exigence de rendre une décision « sans délai » ne précise pas le temps accordé et que l'ASFC requiert suffisamment de temps pour effectuer une révision avant de rendre une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Toutefois, comme il en a été question plus haut, l'expression « sans délai » interprétée dans son contexte indique que les décisions rendues par l'ASFC aux termes du paragraphe 60(4) doivent l'être promptement. Si l'ASFC s'est conformée ou non à l'exigence de rendre des décisions « sans délai » dépendra bien sûr des faits particuliers à chaque cas, en tenant compte à la fois des besoins du demandeur et des besoins opérationnels de l'ASFC18.

37. Toutefois, dans les circonstances particulières du présent appel, le Tribunal n'a aucune hésitation à conclure qu'une attente de 18 mois dépasse grandement l'exigence en matière de délai prescrite par la Loi, les éléments de preuve n'indiquant aucunes circonstances atténuantes justifiant une attente d'une telle ampleur. À cet égard, le Tribunal constate que la présumée décision du 23 avril 2013 a été rendue six mois après que la CAF eut rendu son jugement19, qui est la raison invoquée par l'ASFC pour son retard initial. De toute façon, l'ASFC est censée appliquer la loi conformément aux décisions du Tribunal, sauf si et jusqu'à ce que de telles décisions soient infirmées par la CAF. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'afin de respecter les exigences obligatoires des paragraphes 60(4) et 60(5) de la Loi de prendre et de rendre des décisions « sans délai », l'ASFC aurait dû agir bien avant le 23 avril 2013.

38. Étant donné que le refus de l'ASFC de prendre et de rendre une décision « sans délai » constitue une décision négative considérée comme une confirmation de la décision anticipée, le Tribunal conclut que la présumée décision subséquente de l'ASFC (c'est-à-dire celle du 23 avril 2013) aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi n'est pas valide.

39. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu'il a compétence pour entendre le présent appel.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . D.O.R.S./91/499 [Règles].

3 . L.C. 1997, c. 36.

4 . Canada (Agence des services frontaliers) c. Masai Canada Limited, 2012 CAF 260 (CanLII) [Masai Canada].

5 . Pièce du Tribunal AP-2012-066-04A, onglet 1 à la p. 16.

6 . (21 décembre 2012), AP-2010-002 (TCCE) [Frito-Lay Canada].

7 . Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61 (CanLII) aux para. 35, 49.

8 . Frito-Lay Canada au para. 68.

9 . Frito-Lay Canada au para. 69.

10 . Voir par exemple Colombie-Britannique (Procureur général) c. Canada (Procureur général); Acte concernant le chemin de fer de l'Île de Vancouver (Re), [1994] 2 RCS 41 à la p. 123; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, [2011] 3 CSC 654 [Alberta Teachers] aux para. 73-74. Voir aussi R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd., aux pp. 75-79; R.W. Macaulay et J.L.H. Sprague, Practice and Procedure Before Administrative Tribunals (feuilles volantes), vol. 3 aux pp. 22-126.3 - 22-126.10.

11 . Alberta Teachers au para. 73, citant R.W. Macaulay et J.L.H. Sprague, Practice and Procedure Before Administrative Tribunals (feuilles volantes), vol. 3 aux pp. 22-126 - 22-126.1.

12 . Voir par exemple Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RSC 27 au para. 21.

13 . Voir par exemple Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] 4 RCS 344 au para. 42.

14 . C.B. Powell Limited c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (11 août 2010), AP-2010-007 et AP-2010-008 (TCCE) au para. 20. En l'espèce, le Tribunal considère qu'étant donné la diversité du grand nombre de champs visés par la Loi, il est approprié pour en dégager l'esprit et l'objet d'examiner les portions de la Loi qui traitent des révisions et des appels ou qui s'y rattachent plutôt que d'examiner la Loi dans son ensemble. Le Tribunal a déjà accepté cette proposition, mise de l'avant par l'ASFC, dans BalanceCo c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (3 mai 2013), AP-2012-036 (TCCE) [BalanceCo] au para. 46.

15 . Voir BalanceCo au para. 51.

16 . D.O.R.S./2005-256.

17 . Tel que prescrit à l'alinéa 59(3)a) et au paragraphe 59(4) de la Loi.

18 . Il incombe au Tribunal de déterminer, dans chaque cas particulier, s'il y a eu violation de l'exigence de rendre des décisions « sans délai », conformément à l'esprit de la Loi et à l'article 67. En effet, aux termes de la Loi, il incombe au Tribunal de déterminer dans chaque cas la justesse et la validité des décisions de l'ASFC. Voir Grodan Inc. c. Président de l'Agence des services frontaliers du Canada (1er juin 2012), AP-2011-031 (TCCE) au para. 33, où le Tribunal a déterminé que la décision de l'ASFC aux termes de l'article 60 n'était pas valide parce que la décision sous-jacente aux termes de l'article 59 n'avait pas été rendue dans les délais et que, par conséquent, elle n'était pas valide. Dans les circonstances particulières d'une demande faite aux termes du paragraphe 60(2) pour la révision d'une décision anticipée rendue aux termes de l'article 43.1, lorsque le Tribunal conclut que l'ASFC n'a pas violé l'exigence de rendre des décisions « sans délai » du paragraphe 60(4), un appel ne peut être interjeté devant le Tribunal avant que le processus aux termes de ce paragraphe ne soit achevé, conformément au cadre législatif, soit par une décision proprement dite rendue par l'ASFC, soit par une non-décision (résultant du défaut de l'ASFC d'agir « sans délai »), qui est considérée comme une confirmation de la décision initiale.

19 . Masai Canada.