PIERRE ROY ET ASSOCIÉS INC. POUR LITHOCHROME (1974) INC. (EN FAILLITE), LE GROUPE LITHOCHROME INC. (EN FAILLITE), FILMOGRAPHIE P.F. INC. (EN FAILLITE) ET OPTICOULEUR INC. (EN FAILLITE)

Ordonnances et motifs de procédure et autres


PIERRE ROY ET ASSOCIÉS INC. POUR LITHOCHROME (1974) INC. (EN FAILLITE), LE GROUPE LITHOCHROME INC. (EN FAILLITE), FILMOGRAPHIE P.F. INC. (EN FAILLITE) ET OPTICOULEUR INC. (EN FAILLITE)
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-2002-034 à AP-2002-037


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 29 janvier 2004

Appels nos AP-2002-034 à AP-2002-037

EU ÉGARD À des appels aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À une demande présentée au Tribunal, aux termes de l'article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499, en vue d'une décision quant à savoir si Pierre Roy et Associés Inc., pour Lithochrome (1974) Inc. (en faillite), Le Groupe Lithochrome Inc. (en faillite), Filmographie P.F. Inc. (en faillite) et Opticouleur Inc. (en faillite), interprète correctement l'obligation de tenir des registres, etc., comme le prescrit l'article 98 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

PIERRE ROY ET ASSOCIÉS INC. POUR LITHOCHROME (1974) INC. (EN FAILLITE), LE GROUPE LITHOCHROME INC. (EN FAILLITE), FILMOGRAPHIE P.F. INC. (EN FAILLITE) ET OPTICOULEUR INC. (EN FAILLITE) Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION

Le Tribunal rejette l'argument de Pierre Roy et Associés Inc. selon lequel ses obligations de tenir des registres, etc., aux termes de l'article 98 de la Loi sur la taxe d'accise, sont éteintes.

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre présidant

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

Le 24 octobre 2003, le Tribunal a autorisé les parties dans les présents appels à déposer des mémoires modifiés. Pierre Roy et Associés Inc. (Pierre Roy), pour Lithochrome (1974) Inc. (en faillite), Le Groupe Lithochrome Inc. (en faillite), Filmographie P.F. Inc. (en faillite) et Opticouleur Inc. (en faillite), et le ministre du Revenu national (le ministre) se sont exécutés les 28 octobre et 21 novembre 2003 respectivement. Le Tribunal a donné cette autorisation afin de permettre à Pierre Roy de soumettre un argument qui ne se trouvait pas dans son mémoire original déposé le 1er avril 2003 et de permettre au ministre de modifier son mémoire original si nécessaire.

Dans une lettre du 27 octobre 2003 qui a été déposée avec son mémoire modifié1 , Pierre Roy, entre autres déclarations, a demandé au Tribunal de décider, à titre préliminaire, si l'argument susmentionné était valide. Le ministre s'est opposé à cette demande, déclarant qu'il « désirait interroger un représentant des appelantes sur la question de l'obligation de tenir de la documentation »2 [traduction].

Aux termes de l'article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 , le Tribunal a décidé de traiter, à titre préliminaire, l'argument additionnel de Pierre Roy soulevé dans son mémoire modifié et de décider maintenant de la validité de l'argument. Ayant déterminé qu'il existait suffisamment de renseignements au dossier, le Tribunal a statué sur l'affaire sur la foi des documents au dossier.

ARGUMENT

Le Tribunal résume ainsi l'argument de Pierre Roy :

· Aux termes du paragraphe 72(4) de la Loi sur la taxe d'accise 4 , le ministre saisi d'une demande de remboursement doit l'examiner avec toute la célérité raisonnable.

· Aux termes du paragraphe 98(2) de la Loi 5 , le contribuable qui fait une demande de remboursement doit conserver tous les registres, etc., pendant six ans suivant la fin de l'année civile pertinente à la demande de remboursement sauf autorisation écrite du ministre de s'en départir avant la fin de cette période.

· Si le ministre n'examine pas la demande de remboursement dont il est saisi avec toute la célérité raisonnable dans le délai durant lequel les registres, etc., doivent être conservés aux termes du paragraphe 98(2) de la Loi (c.-à-d. la période de six ans), cette obligation est éteinte.

· Ce point de vue est adopté nonobstant le paragraphe 98(2.1) de la Loi 6 , qui déclare que l'obligation du contribuable de conserver les registres, etc., au-delà du délai indiqué au paragraphe 98(2) est prorogée jusqu'à ce qu'un appel fait aux termes de l'article 81.17 ait été définitivement tranché, parce que l'obligation contenue au paragraphe 98(2.1) n'est activée, fait-on valoir, que si le ministre, agissant avec toute la célérité raisonnable, envoie au contribuable un avis de détermination dans ces délais. En d'autres termes, Pierre Roy a soutenu que « le ministre est conscient du fait que l'obligation d'un contribuable de conserver les registres et les livres de comptes au-delà de six ans est conditionnelle à ce que le contribuable ait déposé un avis d'objection à l'avis de détermination. Si le ministre remplit les obligations imposées aux termes des paragraphes 72(4) de la Loi, il oblige le contribuable à conserver les registres et les livres de comptes tel qu'il est décrit au paragraphe 98(2.1) jusqu'à ce que l'appel du contribuable ait été définitivement tranché. Par ailleurs, si le ministre est négligeant (comme, allègue-t-on, il l'est dans les présents appels) l'obligation du contribuable de conserver les registres et les livres de comptes au-delà de six (6) ans est éteinte »7 [traduction].

Dans son mémoire modifié, le ministre a fait valoir que c'était à Pierre Roy qu'il incombait de prouver qu'elle avait droit au remboursement d'impôt demandé et qu'elle ne pouvait pas s'acquitter de ce fardeau. Le ministre a fait valoir que Pierre Roy ne s'était pas conformée aux dispositions de l'article 98 de la Loi, qui exige que les réclamations soient appuyées par une preuve documentaire. Le ministre a reconnu que la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale payée par erreur sur les articles de représentation faite par Pierre Roy n'avait reçu de réponse sous la forme d'un avis de détermination que quelque temps après l'expiration du délai établi au paragraphe 98(2). Le ministre a soutenu que ce délai avait pour but de donner au Tribunal le temps de disposer de l'appel se rapportant à Tom Baird & Associates Limited c. M.R.N. 8 , qui portait sur le même sujet.

Le ministre a soutenu que Pierre Roy connaissait les raisons de ce délai mais que, malgré cela, elle a détruit sa preuve documentaire. Le ministre a soutenu que « le paragraphe 98 de la Loi établit un délai obligatoire pendant lequel un contribuable doit conserver les registres et les livres de comptes. Ce n'est certainement pas l'intention du Parlement de donner au contribuable la possibilité de détruire ses registres et ses livres de comptes après l'expiration du délai lorsque le contribuable sait ou devrait savoir qu'une fois l'avis de détermination publié, il pourrait déposer un avis d'opposition »9 [traduction]. Le ministre a également soutenu que ni la décision de la Cour suprême du Canada dans Hickman Motors Ltd. c. R 10 ni la décision de la Cour canadienne de l'impôt dans E.F. Anthony Merchant c. R 11 ne s'appliquent aux faits de ces appels. Enfin, le ministre a soutenu que, si le Tribunal décide que l'obligation de conserver les registres et les livres de comptes est éteinte, il incombera tout de même à Pierre Roy de prouver qu'elle a droit à un remboursement d'impôt, ce qu'elle est incapable de faire.

DÉCISION

Le Tribunal rejette l'argument de Pierre Roy selon lequel ses obligations de tenir des registres, etc., aux termes de l'article 98 de la Loi, sont éteintes.

En ce qui concerne la question de savoir si le ministre a agi avec toute la célérité raisonnable, le Tribunal se contentera d'observer que le paragraphe 72(4) de la Loi est indépendant à la fois du paragraphe 98(2) et du paragraphe 98(2.1). Le Tribunal ne considère pas que la Loi attribue quelque conséquence que ce soit aux obligations établies à l'article 98 pour la raison que le ministre ne se comporte pas conformément aux dispositions du paragraphe 72(4).

De même, étant donné que le Parlement a promulgué le paragraphe 98(2.1) de la Loi « nonobstant » le paragraphe 98(2), les obligations établies dans ces paragraphes sont aussi indépendantes l'une de l'autre; contrairement à ce qu'a soutenu Pierre Roy, l'obligation du paragraphe 98(2.1) n'est pas conditionnelle à quoi que ce soit contenu dans le paragraphe 98(2). Par conséquent, au sens du paragraphe 98(2.1), le délai établi au paragraphe 98(2) n'est pas pertinent. Les obligations établies dans chacun de ces paragraphes existent par elles-mêmes et ne sont pas interdépendantes.

Le paragraphe 98(2.1) de la Loi indique simplement que, nonobstant quoi que ce soit qui puisse être indiqué au paragraphe 98(2), quand une personne qui est requise de tenir des registres, etc., signifie un avis d'opposition ou est partie à un appel tel qu'un appel interjeté aux termes de l'article 81.19, comme c'est le cas dans cette instance, cette personne doit conserver ces registres, etc., jusqu'à ce que l'opposition ou l'appel ait été définitivement tranché par voie d'appel ou autrement.


1 . Intitulé « Mémoire supplémentaire de l'appelante » [traduction].

2 . Lettre de M. Jean-Robert Noiseux au Tribunal en date du 21 novembre 2003.

3 . D.O.R.S. /91-499.

4 . L.R.C. 1985, c. E-15 [Loi]. Le paragraphe 72(4) prévoit ce qui suit : « Le ministre saisi d'une demande doit, avec toute la célérité raisonnable, l'examiner et déterminer le montant éventuel à payer au demandeur. »

5 . Les paragraphes 98(1) et 98(2) de la Loi prévoient ce qui suit :

98.(1) Quiconque :

a) est tenu par la présente loi, ou conformément à celle-ci, de payer ou de percevoir des taxes ou autres sommes ou d'apposer ou oblitérer des timbres;

b) présente une demande en vertu de l'un ou l'autre des articles 68 à 70,

doit tenir des registres et livres de comptes, en anglais ou en français, à son établissement au Canada selon la forme et renfermant les renseignements qui permettent de déterminer le montant des taxes et les autres sommes qui auraient dû être payées ou perçues, le montant des timbres qui auraient dû être apposés ou oblitérés ou le montant éventuel de tout drawback accordé, de tout paiement effectué ou de toute déduction accordée par lui ou à lui, ou susceptible de l'être.

(2) Quiconque est requis, aux termes du paragraphe (1), de tenir des registres et livres de comptes doit conserver tous les registres et livres de comptes de ce genre, ainsi que tout compte et toute pièce justificative nécessaires à la vérification des renseignements y contenus, pendant six ans suivant la fin de l'année civile à l'égard de laquelle les documents en cause ont été tenus sauf autorisation écrite du ministre de s'en départir avant la fin de cette période.

6 . Le paragraphe 98(2.1) de la Loi prévoit ce qui suit :

(2.1) Nonobstant le paragraphe (2), lorsqu'une personne requise par le paragraphe (1) de tenir des registres et livres de comptes signifie un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17 ou est partie à un appel aux termes de la présente partie, elle doit conserver ces registres et livres de comptes ainsi que chaque compte et pièce justificative nécessaires à la vérification des renseignements qui y sont contenus jusqu'à ce que l'opposition ou l'appel aient été définitivement tranchés, par voie d'appel ou autrement.

7 . Mémoire modifié de Pierre Roy au para. 22.

8 . (28 juillet 1992), AP-90-037 (TCCE).

9 . Mémoire modifié du ministre au para. 48.

10 . [1997] 2 R.C.S. 336 (C.S.).

11 . 98 D.T.C. 1734.