GAMMON TRADING CO. LTD.

Ordonnances et motifs de procédure et autres


GAMMON TRADING CO. LTD.
c.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2003-012

Ordonnance et motifs rendus
le mercredi 21 avril 2004


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada demandant au Tribunal de rejeter l'appel au motif qu'il n'a pas compétence pour connaître de l'appel.

ENTRE

 

GAMMON TRADING CO. LTD.

Appelant

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

ORDONNANCE

La requête est accueillie, et l'appel est rejeté.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

   

Membre du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Thomas Yuen, pour l'appelante

 

Tatiana Sandler, pour l'intimé

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Il s'agit d'une décision portant sur une requête présentée au Tribunal par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), le 24 novembre 2003, aux termes de l'article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 1 .

2. Dans sa requête, l'ADRC demande ce qui suit :

1. une ordonnance rejetant l'appel au motif que le Tribunal n'a pas compétence pour traiter des questions soulevées dans ledit appel;

2. à titre de solution de rechange, s'il est conclu que le Tribunal a effectivement compétence pour entendre le présent appel, une ordonnance accordant à l'intimé un délai supplémentaire de quinze (15) jours ouvrables pour signifier et déposer le mémoire de l'intimé.

[Traduction]

CONTEXTE

3. Les marchandises en cause sont des tissus de velours côtelés, coupés, de 4,5 colonnes/po, uniquement de coton, utilisés dans la fabrication de vêtements. Elles ont été importées au Canada de la République populaire de Chine entre le 18 juillet 1998 et le 12 novembre 1999 en vertu du numéro tarifaire 5801.22.20 de l'annexe du Tarif des douanes 2 , et ont fait l'objet d'une demande aux termes de la disposition de classification spéciale visant le numéro tarifaire 9935.00.00. Dans des décisions rendues aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes 3 , le 21 mars 2003, l'ADRC a confirmé le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 5801.22.20. Toutefois, l'ADRC a déterminé que le numéro tarifaire 9935.00.00 ne s'appliquait qu'aux marchandises classées dans le Chapitre 52 et ne s'appliquait donc pas aux marchandises en cause. Le 6 juin 2003, aux termes de l'article 67 de la Loi, Gammon Trading Co. Ltd. (Gammon) a interjeté appel auprès du Tribunal des décisions du 21 mars 2003 de l'ADRC. Le 20 juin 2003, le Tribunal a accusé réception de l'appel.

4. Dans une lettre datée du 9 mai 2003, l'ADRC a avisé Gammon que le libellé du numéro tarifaire 9935.00.00, appliqué dans ses décisions concernant les marchandises en cause, avait été appliqué dans le cadre d'un arrêté4 . Le 1er juillet 1998, les importateurs ont été notifiés des modifications apportées au libellé de l'annexe du Tarif des douanes mises en oeuvre par l'Arrêté. Gammon a aussi été informée que, même si l'Arrêté avait été pris avec effet rétroactif au 1er janvier 1998, il ne s'appliquait pas aux importations antérieures au 1er juillet 1998.

5. Dans son mémoire du 23 septembre 2003, Gammon a affirmé que les marchandises en cause étaient admissibles aux concessions prévues dans la disposition de classification spéciale du numéro tarifaire 9935.00.00 dans sa version antérieure à l'Arrêté. Gammon a dit trouver inéquitable l'application avec effet rétroactif des modifications, qui limitaient l'application du numéro tarifaire aux marchandises du Chapitre 52, puisqu'elle ne pourra pas recouvrer de ses clients les montants dus par suite de la révision. Gammon a affirmé que ni elle ni son courtier n'avait été notifié de ces modifications. Dans son mémoire, elle a ajouté qu'elle avait collaboré avec l'ADRC pour la vérification par cette dernière du classement tarifaire indiqué des marchandises en cause et qu'il incombait à l'ADRC de notifier Gammon immédiatement de toute erreur, le cas échéant. Plutôt, l'ADRC aurait mis trois ans et neuf mois pour communiquer sa décision. Gammon s'oppose aussi à la manière dont l'ADRC a calculé l'intérêt sur le solde impayé dû par Gammon par suite de la révision.

REQUÊTE

6. Dans sa requête, l'ADRC soutient que le seul motif d'appel valable énoncé dans le mémoire de Gammon se rapporte à l'imposition rétroactive de droits en vertu du Tarif des douanes et que cette dernière n'a pas contesté la décision concernant le classement par l'ADRC des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 5801.22.20. L'ADRC soutient que le Tribunal n'a pas compétence pour examiner la validité de l'imposition, avec effet rétroactif, de droits imposés en vertu du Tarif des douanes et que l'appel doit donc être rejeté.

7. En réponse, Gammon affirme avoir suivi les conseils de l'ADRC en interjetant appel devant le Tribunal. Elle a dit vouloir faire comparaître un témoin expert, soit une employée de son courtier en douane, devant le Tribunal dans le cadre de l'appel. Le témoin contestera et s'opposera à la décision de l'ADRC et expliquera de quelle manière elle a traité les envois des tissus et pourquoi ce code des marchandises particulier a été utilisé. Gammon a réitéré ses préoccupations, déjà exprimées dans son mémoire, selon lesquelles le délai de décision de l'ADRC a été trop long, ce qui a entraîné un montant plus élevé que prévu pour la pénalité et l'intérêt.

DÉCISION

8. Le Tribunal est un organisme administratif créé par une loi. Il n'a pas de compétence inhérente. Dans la décision qu'il a rendue dans Sous-M.R.N.D.A. c. Unicare Medical Products Inc. 5 , le Tribunal a déclaré ce qui suit :

À titre d'organisme créé par une loi, sa compétence lui vient exclusivement du Parlement. Son pouvoir lui est explicitement ou implicitement conféré par la loi habilitante ou par d'autres lois fédérales qui lui donnent sa compétence6 .

9. Le pouvoir exprès du Tribunal en ce qui a trait à l'audition d'appels lui est conféré par l'article 16 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 7 , qui stipule que le Tribunal a pour mission :

c) de connaître de tout appel pouvant y être interjeté en vertu de toute autre loi fédérale ou de ses règlements et des questions connexes.

10. Aux termes de l'article 67 de la Loi, toute personne qui s'estime lésée par une décision de l'ADRC concernant l'origine, le classement tarifaire, la valeur en douane ou le marquage de marchandises importées peut interjeter appel devant le Tribunal.

11. La présente affaire ne se rapporte manifestement ni à l'origine ni à la valeur en douane ni au marquage de marchandises importées. De plus, le Tribunal est d'avis qu'elle ne se rapporte pas non plus à une décision de l'ADRC concernant le classement tarifaire de marchandises importées. Toutefois, dans ses observations présentées au Tribunal, soit dans le cadre du présent appel soit dans celui de la présente requête, Gammon n'a jamais contesté les conclusions de l'ADRC selon lesquelles le numéro tarifaire ne s'appliquait pas aux marchandises en cause. Plutôt, Gammon a soutenu que l'application avec effet rétroactif des modifications apportées au Tarif des douanes était inéquitable, que ni elle ni son courtier n'avait été notifié des modifications, qu'il incombait à l'ADRC de notifier plus tôt Gammon de ses erreurs et que l'ADRC avait calculé l'intérêt d'une manière irrégulière. Un fait plus fondamental est toutefois le fait que le Tribunal n'a pas compétence pour traiter de l'une de ces questions dans un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi. En outre, le Tribunal n'a pas compétence pour traiter des questions d'équité. La déclaration suivante, faite par le Tribunal dans le cadre d'un appel antérieur, s'applique à l'espèce :

Le Tribunal remarque que le représentant des appelantes a allégué qu'il est maintenant trop tard pour faire appel à la Cour fédérale du Canada pour la révision des réexamens par l'agent désigné. Tel est peut-être la situation, mais le Tribunal ne peut se reconnaître compétent ni pour des motifs pratiques ni d'ailleurs pour une question d'équité8 .

12. Étant donné que le Tribunal n'a pas compétence pour connaître de ces motifs d'appel, la requête est accueillie, et l'appel est rejeté.


1 . D.O.R.S./91-499.

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

4 . Arrêté de modifications techniques (Tarif des douanes) 1998-3, D.O.R.S./98-340 [Arrêté].

5 . (30 avril 1990), 2437, 2438, 2485, 2591 et 2592 (TCCE).

6 . Ibid. à la p. 6.

7 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

8 . Richards Packaging Inc. c. Sous-M.R.N. (10 février 1999), AP-98-007 et AP-98-010 (TCCE) à la p. 6.