DANONE INC.


DANONE INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2009-015

Ordonnance rendue
le jeudi 19 novembre 2009

Motifs rendus
le mardi 1er décembre 2009


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel déposé par Danone Inc. le 25 juin 2009 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.) c. 1;

ET EU ÉGARD À des actes de comparution remis aux termes du paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes et des avis d’intervention déposés, aux termes de l’article 39 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499, par Ultima Foods Inc. le 3 juillet 2009, par Parmalat Canada Inc. le 12 août 2009 et par Producteurs laitiers du Canada le 17 septembre 2009;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par Danone Inc. le 7 août 2009, aux termes de l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, et des observations écrites déposées par Danone Inc. les 10 et 17 septembre et le 13 octobre 2009 en vue d’obtenir une ordonnance refusant le statut de partie intervenante à Ultima Foods Inc., Parmalat Canada Inc. et Producteurs laitiers du Canada.

ENTRE

DANONE INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

ORDONNANCE

La requête est rejetée.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur autorise par la présente Ultima Foods Inc., Parmalat Canada Inc. et Producteurs laitiers du Canada à intervenir dans l’appel. Cependant, leur intervention sera limitée.

Ultima Foods Inc. et Parmalat Canada Inc. déposeront un exposé écrit conjoint ainsi que des documents à l’appui, le cas échéant, et présenteront une argumentation orale conjointe à l’audience sur la question de l’incidence du classement tarifaire demandé par Danone Inc. sur leurs positions respectives dans le marché.

Producteurs laitiers du Canada déposera un exposé écrit ainsi que des documents à l’appui, le cas échéant, et présentera une argumentation orale à l’audience sur la question de l’incidence du classement tarifaire demandé par Danone Inc. sur le système de gestion des approvisionnements du Canada.

Aucune des parties intervenantes n’interrogera ou ne contre-interrogera de témoins à l’audience.

Les parties intervenantes déposeront leur exposé écrit auprès du secrétaire au plus tard le 29 décembre 2009 et en signifieront sans délai une copie l’une à l’autre ainsi qu’à chacune des autres parties.

Danone Inc. pourra déposer une réponse écrite auprès du secrétaire au plus tard le 29 janvier 2010 et en signifiera sans délai une copie au président de l’Agence des services frontaliers du Canada et aux parties intervenantes.

André F. Scott
André F. Scott
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le 27 mars 2009, le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) rendait une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes 1 concernant le classement tarifaire de DanActiveMD importé par Danone Inc. (Danone).

2. Le 25 juin 2009, Danone interjetait appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal).

3. Le 3 juillet 2009, Ultima Foods Inc. (Ultima) remettait un acte de comparution au secrétaire aux termes du paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes et déposait un avis d’intervention aux termes de l’article 39 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 2 .

4. Le 7 août 2009, Danone déposait une requête auprès du Tribunal en vue d’obtenir une ordonnance refusant le statut de partie intervenante à Ultima.

5. Le 12 août 2009, Parmalat Canada Inc. (Parmalat) remettait un acte de comparution au secrétaire aux termes du paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes et déposait un avis d’intervention aux termes de l’article 39 des Règles.

6. Le 10 septembre 2009, Ultima déposait une réponse à la requête de Danone, et Danone déposait des observations écrites dans lesquelles elle s’opposait à l’intervention de Parmalat.

7. Dans une lettre datée du 17 septembre 2009, Parmalat déposait une réplique à la réponse de Danone concernant la demande de Parmalat d’intervenir dans ce dossier.

8. Le 17 septembre 2009, Danone déposait des observations écrites en réplique à la réponse d’Ultima. Le même jour, Les Producteurs laitiers du Canada (PLC) remettait un acte de comparution au secrétaire aux termes du paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes et déposait un avis d’intervention aux termes de l’article 39 des Règles.

9. Le 13 octobre 2009, Danone déposait des observations écrites dans lesquelles elle s’opposait à l’intervention de PLC.

10. Dans leurs exposés aux termes de l’article 40.1 des Règles, Ultima, Parmalat et PLC soutiennent chacune que le Tribunal n’a pas le pouvoir discrétionnaire de refuser d’entendre une personne qui a remis un acte de comparution au secrétaire aux termes du paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes. Elles se fondent en partie sur l’ordonnance du Tribunal dans Les Produits Laitiers Advidia Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada 3 , dans laquelle le Tribunal acceptait une intervention de PLC lorsque l’avis d’intervention comprenait tous les renseignements exigés aux termes de l’article 40.1 des Règles.

11. Ultima, Parmalat et PLC soutiennent chacune que le Tribunal doit exercer son pouvoir discrétionnaire et les entendre parce qu’elles ont un intérêt dans l’appel, leur intervention est nécessaire et leur intervention peut aider le Tribunal à résoudre l’appel.

12. Danone soutient que le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire de refuser des interventions et ne doit pas autoriser Ultima, Parmalat et PLC à intervenir parce que chacune a omis de respecter les critères établis énoncés à l’article 40.1 des Règles.

13. Le paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes prévoit que « [...] toute personne peut être entendue à l’appel si, au plus tard le jour de l’audience, elle a remis un acte de comparution au secrétaire de ce Tribunal » [nos italiques].

14. L’utilisation du mot « peut », qui exprime une permission, plutôt que le mot « doit », qui lui signifie que le Tribunal ne possède aucune discrétion, donne lieu à deux interprétations possibles. Une première interprétation veut que toute personne qui remet un acte de comparution au secrétaire avant l’audience a le droit d’être entendue et qu’elle sera entendue si elle décide d’exercer ce droit. Une deuxième interprétation veut que la personne soit admissible à être entendue, et le Tribunal doit décider s’il lui permet d’être entendue.

15. De l’avis du Tribunal, la deuxième interprétation est celle qui est correcte. Le Parlement ayant précisé que la procédure du Tribunal doit se dérouler de façon expéditive et efficace en prévoyant, à l’article 35 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 4 , que « [l]es séances du Tribunal sont conduites de la façon qui lui paraît la plus efficace, la plus équitable et la plus expéditive dans les circonstances ». Par conséquent, il est improbable que le Parlement ait eu l’intention de compliquer inutilement la procédure d’appel du Tribunal en exigeant qu’il entende toute personne qui désire être entendue, y compris les personnes dont les interventions non fondées entraîneraient une perte de temps et de frais chez les parties à l’appel et pour le Tribunal lui-même.

16. L’intention du Parlement de faire entendre les personnes, sous réserve du pouvoir discrétionnaire du Tribunal de refuser leur intervention, est confirmée par les Règles. L’article 39 des Règles stipule que « [l]a comparution visée au paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes [...] peut se faire par le dépôt auprès du secrétaire d’un avis d’intervention établi selon la formule prévue par le Tribunal. » L’article 40.1 des Règles ajoute que tout avis d’intervention prévu à l’article 39 des Règles doit « a) précise[r] la nature de l’intérêt de l’intervenant; b) expose[r] les raisons pour lesquelles l’intervention est nécessaire; c) précise[r] en quoi l’intervenant est susceptible de contribuer à la résolution de l’appel; d) fai[re] état de toute autre question pertinente ». Ces exigences des Règles, surtout celles de l’article 40.1 des Règles, seraient inutiles si le paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes accordait à la personne un droit automatique d’être entendue simplement en fonction d’avoir remis un acte de comparution au secrétaire. Une raison d’être plus convaincante de l’article 40.1 des Règles est l’établissement de critères qui permettent au Tribunal d’évaluer le bien-fondé d’une intervention proposée.

17. Le Tribunal croit que cette conclusion se trouve corroborée par l’article 41 des Règles. Selon le paragraphe 41(1), le Tribunal peut accorder aux parties à l’appel la possibilité de présenter des observations concernant toute intervention. Les observations des parties seraient inutiles si le Tribunal n’avait d’autre choix que d’accepter l’intervention. Le Tribunal peut demander aux parties de présenter des observations à l’égard d’une intervention parce qu’il possède le pouvoir discrétionnaire de la refuser. En fait, le paragraphe 41(2) exige que le secrétaire avise les parties s’il accorde à une personne le statut de partie intervenante « [s]i le Tribunal fait droit [...] » [nos italiques] à la demande d’intervention. Par conséquent, il appartient au Tribunal d’accepter ou de refuser un avis d’intervention déposée par une personne qui a remis un acte de comparution au secrétaire.

18. Par conséquent, le Tribunal doit examiner chaque avis d’intervention et décider, en fonction des critères énoncés à l’article 40.1 des Règles et des observations des parties à l’appel, s’il accepte ou refuse l’intervention.

19. Le Tribunal n’a pas décidé du contraire dans Advidia. Il a déclaré, dans cette affaire, que « [...] ni le paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes ni l’article 39 des Règles ne donnent au Tribunal le moindre pouvoir discrétionnaire pour refuser le statut d’intervenante lorsque l’avis d’intervention comprend tous les renseignements exigés par l’article 40.1 des Règles. » Cet énoncé est correct; le Tribunal accepte une intervention dans le cas où l’avis d’intervention contient tous ces renseignements. Cependant, il n’appartient pas à la partie intervenante éventuelle de déterminer si l’avis d’intervention contient tous ces renseignements. Il appartient plutôt au Tribunal de déterminer si l’avis d’intervention contient tous ces renseignements, en ce sens que la personne qui demande d’intervenir doit convaincre le Tribunal que les critères relatifs à une intervention énoncés à l’article 40.1 des Règles sont respectés.

20. En ce qui a trait à l’article 40.1 des Règles, le Tribunal souligne que l’alinéa a) prévoit non seulement l’intérêt de la personne à l’appel, mais la nature de l’intérêt de la personne. Il est clair que n’importe quel intérêt ne peut suffire à rendre une intervention recevable; seuls les intérêts d’une certaine nature peuvent suffire. De l’avis du Tribunal, afin de pouvoir intervenir, la personne doit posséder un intérêt qui sera affecté directement par la résolution de l’appel5 . Danone prétend que seuls les intérêts juridiques directs suffisent mais le Tribunal ne croit pas que cet argument soit fondé dans la jurisprudence la plus récente à laquelle ont fait référence les parties6 . De plus, le Tribunal ne comprend pas pourquoi, en principe, un tribunal administratif spécialisé tel que le Tribunal, qui traite d’un éventail d’intérêts juridiques et économiques, refuserait les interventions d’une personne qui possède un intérêt économique direct dans un appel dont il est saisi. En fait, la pratique de longue date du Tribunal est d’accepter les interventions dans des appels interjetés par des concurrents lorsque ces concurrents peuvent être affectés par l’issue de l’affaire.

21. En ce qui a trait à l’alinéa b) de l’article 40.1 des Règles, sans mettre en évidence toutes les situations dans lesquelles une intervention peut être nécessaire, le Tribunal croit être en présence d’un tel cas lorsque l’intérêt direct de la personne dans l’issue de l’appel ne pourrait être convenablement représenté autrement.

22. En ce qui concerne les éléments de preuve, le Tribunal conclut qu’Ultima, Parmalat et PLC ont chacune un intérêt direct dans l’appel qui ne pourrait être convenablement représenté autrement par aucune des parties.

23. Ultima et Parmalat produisent et vendent des produits qui concurrencent directement DanActiveMD sur le marché canadien et pourraient gagner ou perdre financièrement selon le classement tarifaire de DanActiveMD. Même si on s’attend à ce que l’ASFC fournisse des arguments juridiques et des éléments de preuve à l’appui du classement tarifaire qui favorise Ultima et Parmalat, ces dernières possèdent des connaissances spécialisées directes de produits pertinents qui leur permettront de faire en sorte que leurs intérêts directs soient convenablement représentés dans l’appel.

24. PLC représente les producteurs canadiens du lait et des produits laitiers. Ces producteurs sont protégés en grande partie par un système de gestion des approvisionnements qui comprend des contingents d’importation et des droits élevés, dont le fonctionnement peut dépendre en partie du classement tarifaire de DanActiveMD. Rien ne porte à croire que ni Danone ni l’ASFC ne traiteront convenablement cet aspect.

25. Ayant conclu que les interventions sont nécessaires, le Tribunal est d’avis qu’il est superflu de prendre en considération les alinéas c) et d) de l’article 40.1 des Règles. Le Tribunal conclut que l’expertise d’Ultima et de Parmalat au sujet des produits pertinents et celle de PLC au sujet de la relation entre le classement tarifaire et le système de gestion des approvisionnements peuvent néanmoins aider le Tribunal à résoudre l’appel.

26. Ayant conclu que les interventions d’Ultima, de Parmalat et de PLC sont acceptées, le Tribunal doit déterminer le degré d’intervention.

27. Le paragraphe 41(3) des Règles accorde aux parties intervenantes le droit de recevoir copie des exposés des parties à l’appel.

28. De plus, tel que mentionné, le paragraphe 67(2) de la Loi sur les douanes donne le droit aux parties intervenantes d’être « entendues ». Dans la pratique, le Tribunal permet aux parties intervenantes de déposer des exposés écrits avant l’audience et de présenter une argumentation orale à l’audience. Cependant, le Tribunal possède le pouvoir discrétionnaire de limiter ces exposés écrits et oraux et de refuser aux parties intervenantes le droit d’assigner leurs propres témoins ou de contre-interroger les témoins des parties à l’appel.

29. Aux termes du paragraphe 17(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal possède, en ce qui concerne la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, la production et l’examen des pièces, et les questions liées à l’exercice de sa compétence, les attributions d’une cour supérieure d’archives. De plus, tel que mentionné, l’article 35 de la Loi sur le TCCE prévoit que les séances du Tribunal sont conduites de la façon qui lui paraît la plus efficace, la plus équitable et la plus expéditive dans les circonstances. Également, aux termes de l’article 6 des Règles, le Tribunal peut modifier les présentes règles, notamment par adjonction, ou exempter une partie de leur application, si cela est juste et équitable ou si, en vue du règlement plus expéditif ou moins formel d’une question, les circonstances et l’équité le permettent. Par conséquent, sous réserve des exigences des lois et des règlements, le Tribunal est maître de sa propre procédure. Bien que le paragraphe 67(2) de la Lois sur les douanes exige que le Tribunal entende les parties intervenantes, il peut limiter les exposés des parties intervenantes de façon à assurer que sa procédure soit expéditive et non pas inutilement compliquée pour les parties à l’appel, tout en étant équitable envers les parties intervenantes.

30. Le Tribunal peut alors se prévaloir de son autorité de façon à accorder aux parties intervenantes la possibilité d’être entendues uniquement si de telles interventions sont nécessaires (ou peuvent aider le Tribunal dans la résolution de l’appel, selon le cas).

31. Dans le présent appel, afin de réduire au maximum la mesure dans laquelle les interventions pourraient affecter indûment Danone et les faits non pertinents encombrer inutilement l’appel, le Tribunal accorde à Ultima, à Parmalat et à PLC de déposer des exposés écrits en même temps que l’ASFC et de présenter une argumentation orale à l’audience seulement dans la mesure nécessaire pour représenter convenablement leurs intérêts directs dans l’appel. Ultima et Parmalat déposeront un exposé écrit conjoint et présenteront une argumentation orale conjointe à l’audience sur la question de l’incidence du classement tarifaire proposé sur leurs positions respectives dans le marché. PLC déposera un exposé écrit et présentera une argumentation orale à l’audience sur la question de l’incidence du classement tarifaire proposé sur le système de gestion des approvisionnements du Canada.

32. Puisque Danone a déjà déposé son mémoire de l’appelante, en toute équité, elle aura la possibilité de déposer une réplique écrite aux exposés des parties intervenantes avant l’audience.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1.

2 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

3 . (20 avril 2004), AP-2003-040 (TCCE) [Advidia].

4 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [Loi sur le TCCE].

5 . Le Tribunal fait remarquer que, dans R. c. Finta, [1993] 1 R.C.S. 1138, la Cour suprême du Canada a interprété l’expression « un intérêt » énoncé à l’article 18 des Règles de la Cour suprême du Canada comme n’étant pas tout intérêt, mais plutôt « un intérêt direct dans l’issue », « un intérêt qui est directement touché ». Le Tribunal fait aussi remarquer que le Black’s Law Dictionary, 9e éd., définit le mot « intervention » (intervention) comme étant en partie « la participation à une instance d’un tiers qui, même s’il n’est pas partie à l’affaire, a un intérêt direct dans l’issue [...] » [traduction].

6 . Voir, par exemple, Apotex Inc. c. Canada (Minister of Health), 2000 CanLII 14957 (C.F.), décision qui a été rendue après la modification importante apportée à l’article 109 des Règles de la Cour fédérale.