VITAMINES ROCHE CANADA INC.

Ordonnances et motifs de procédure et autres


VITAMINES ROCHE CANADA INC.
c.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2003-036


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 10 mars 2004

Appel no AP-2003-036

EU ÉGARD À un appel déposé le 19 septembre 2003 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par Vitamines Roche Canada Inc., le 28 octobre 2003, aux termes du paragraphe 17(2) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499, aux fins de production de tous les dossiers sur lesquels le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada s'est appuyé pour rendre les décisions de classement tarifaire qui font l'objet du présent appel, de manière à donner à Vitamines Roche Canada Inc. une possibilité équitable de plaider sa cause et de pleinement connaître les faits sur lesquels sont fondées lesdites décisions.

ENTRE

VITAMINES ROCHE CANADA INC. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

ORDONNANCE

La requête présentée par Vitamines Roche Canada Inc. aux fins de la production précoce des dossiers du commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada est rejetée.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 2 juin 2003, le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) a rendu une décision provisoire concernant le classement tarifaire de certaines vitamines importées par Vitamines Roche Canada Inc. (Roche). La décision provisoire comprenait des motifs détaillés du classement tarifaire déterminé par le commissaire relativement à chacune des marchandises en cause, y compris une justification, préparée par la Direction de la politique commerciale et de l'interprétation de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (maintenant l'Agence des services frontaliers du Canada) incluse comme pièce jointe et citée dans la décision provisoire. La justification de l'agence s'appuyait sur des rapports de laboratoire du commissaire et des dossiers de l'Organisation mondiale des douanes (OMD).

Le 25 juin 2003, le commissaire a rendu ses décisions définitives, sous la forme de relevés détaillés de rajustement (RDR), aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes 1 . D'après chaque RDR, les décisions définitives étaient fondées, notamment, sur « l'analyse et l'avis de la Direction de la politique commerciale et de l'interprétation de l'agence » [traduction], c'est-à-dire la justification de l'agence.

Le 19 septembre 2003, Roche a déposé auprès du Tribunal un avis d'appel des décisions définitives du commissaire.

Le 28 octobre 2003, Roche a déposé auprès du Tribunal un avis de requête aux fins de production de tous les dossiers sur lesquels le commissaire s'est appuyé pour rendre les décisions de classement tarifaire qui font l'objet du présent appel, de manière à donner à Roche une possibilité équitable de plaider sa cause et de pleinement connaître les faits sur lesquels sont fondées lesdites décisions. Roche a par la suite retiré sa requête aux fins de production des dossiers de l'OMD.

Dans le dossier de sa requête, Roche a soutenu que, étant donné que le commissaire s'était fondé sur les rapports de laboratoire, ces derniers se rapportaient directement aux décisions visées dans l'appel et étaient donc pertinents. Roche a aussi décrit ses efforts, entre le 2 et le 19 juin 2003, visant à obtenir du commissaire les rapports de laboratoire, y compris une demande qu'elle a présentée aux termes de la Loi sur l'accès à l'information 2 .

PLAIDOIRIE

Dans le dossier de sa requête, Roche a soutenu que le Tribunal a le pouvoir, en vertu du paragraphe 17(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 3 , d'ordonner la production des rapports de laboratoire du commissaire. Comme il a été mentionné au paragraphe précédent, Roche a soutenu que les rapports de laboratoire étaient pertinents car le commissaire s'était appuyé sur ces derniers pour rendre ses décisions définitives. Roche a aussi soutenu que, selon le précepte d'équité, les rapports de laboratoire doivent être divulgués pour lui permettre de contester les décisions définitives dans le cadre d'un appel. Roche doit avoir la possibilité d'examiner les rapports de laboratoire pour connaître les faits nécessaires à la défense de sa cause et pouvoir en contester la validité.

Le commissaire a soutenu, dans sa lettre du 21 janvier 2004, que les rapports de laboratoire ne sont pas pertinents « à cette étape de la procédure » [traduction], puisqu'il n'a pas encore tenté de les invoquer, et qu'il ne peut y avoir violation de l'équité procédurale dans le refus de les divulguer car les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 établissent un mécanisme convenable de divulgation des documents. Le commissaire a assimilé l'appel à une « nouvelle audience », qui n'est pas limitée au dossier des décisions définitives du commissaire et où il incombe à Roche non seulement de prouver que le commissaire a fait une erreur, mais aussi d'établir quel classement tarifaire est le classement indiqué.

DÉCISION

Pour les motifs ci-après, la requête aux fins de production des dossiers du commissaire présentée par Roche est rejetée.

Premièrement, le Tribunal est d'avis que les RDR notifient suffisamment Roche de la position du commissaire pour lui permettre de porter sa cause en appel à l'étape suivante. À l'encontre de certains RDR, qui ne décrivent guère la position du commissaire, les RDR dans le présent appel incorporent par renvoi les motifs élaborés et détaillés compris dans la justification de l'agence. Ces motifs devraient suffire pour faire état des questions en litige et permettre ainsi à Roche de présenter, dans son mémoire écrit, une preuve prima facie en vue du reclassement des marchandises en cause.

Deuxièmement, le Tribunal souscrit à l'affirmation du commissaire selon laquelle les Règles prévoient un mécanisme convenable pour la divulgation des documents aux fins de l'appel. L'article 35 des Règles prévoit que le commissaire doit déposer et signifier une réponse écrite détaillée au mémoire de Roche, cette dernière devant établir tous les faits pertinents, les arguments et les documents à l'appui sur lesquels il a l'intention de s'appuyer. Tous les autres documents, ouvrages ou décisions qui n'ont pas été déposés dans le cadre de la réponse écrite doivent être déposés et signifiés au moins 10 jours avant l'audience. Une telle divulgation, de l'avis du Tribunal, donnerait normalement à Roche une possibilité suffisante de connaître les faits nécessaires pour plaider sa cause.

En rejetant la requête de Roche, le Tribunal tient à présenter deux autres observations au sujet de la lettre du 21 janvier 2004 du commissaire.

Premièrement, le Tribunal refuse de se prononcer sur l'analogie à une nouvelle audience avancée par le commissaire. Le Tribunal se contentera de dire qu'un appel peut être interjeté devant lui chaque fois qu'une personne est « lésée » par une décision du commissaire rendue aux termes de l'article 60 de la Loi et, en l'absence d'une disposition de divulgation complète audit article et de textes législatifs prescrivant le dépôt du dossier administratif complet de l'appel par le commissaire, le Tribunal compte sur les bons offices du commissaire pour que tous les renseignements pertinents au réexamen aux termes de l'article 60 soient mis à la disposition d'une appelante et du Tribunal afin que ce dernier puisse statuer sur l'affaire comme il se doit. Par conséquent, même si le Tribunal est d'accord avec le commissaire sur le fait qu'il serait prématuré d'ordonner la production des renseignements demandés à cette étape précoce de la procédure, le Tribunal s'attend à ce que le commissaire divulgue tous les renseignements pertinents au réexamen aux termes de l'article 60 par application du mécanisme de divulgation prévu à l'article 35 des Règles.

Deuxièmement, le Tribunal rejette l'affirmation du commissaire selon laquelle, aux fins du présent appel, les renseignements « pertinents » se limitent aux renseignements et aux documents sur lesquels le commissaire décidera de s'appuyer dans le cadre de l'appel. Le Tribunal est d'avis qu'une telle définition donne une portée trop étroite à la divulgation qui, si elle était imposée, ne servirait pas l'intérêt de la justice. Une définition aussi étroite conférerait au commissaire un avantage inéquitable au plan des procédures, puisqu'une divulgation à ce point restreinte risquerait de priver Roche de renseignements qui pourraient utilement lui permettre de mieux cerner ou de contester les questions en litige.

En l'espèce, le Tribunal reprend la norme de divulgation établie par la Cour fédérale, à savoir la notion selon laquelle pour qu'un document soit « pertinent », il doit s'agir d'un document « dont on peut raisonnablement supposer qu'il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire, ou qui sont susceptibles de le lancer dans une enquête qui pourra produire l'un ou l'autre de ces effets »5 .

Par application de la norme susmentionnée au présent appel, le Tribunal conclut que tous les rapports de laboratoire dont il est fait mention dans la justification de l'agence sont pertinents à l'espèce. Par conséquent, lesdits rapports de laboratoire devraient normalement tous être divulgués par le commissaire en vertu des procédures envisagées à l'article 35 des Règles pour donner à Roche une possibilité convenable de connaître la cause qu'elle doit plaider, même s'il n'est pas nécessaire de les divulguer à cette étape précoce de la procédure.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.R.C. 1985, c. A-1.

3 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

4 . D.O.R.S. /91-499 [Règles].

5 . Reading & Bates Contruction Co. c. Baker Energy Resources Corp. (1988), 24 C.P.R. (3e) 66 à la p. 70.