TOYOTA TSUSHO AMERICA INC.


TOYOTA TSUSHO AMERICA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2010-063

Ordonnance et motifs rendus
le mercredi 27 avril 2011


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel interjeté par Toyota Tsusho America Inc. le 22 février 2011 aux termes du paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. 1985, c. S-15;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par Toyota Tsusho America Inc. le 7 mars 2011 aux termes de l’article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499, et à la suite d’observations écrites déposées par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 21 mars 2011 et Toyota Tsusho America Inc. le 25 mars 2011, afin d’obtenir la délivrance d’assignations à comparaître dans le cadre d’un interrogatoire préalable visant certaines personnes, ainsi que la production de documents et de la résolution de questions concernant la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

TOYOTA TSUSHO AMERICA INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

ORDONNANCE

Après examen des observations des parties sur la requête susmentionnée, le Tribunal canadien du commerce extérieur statue par la présente sur ladite requête comme il suit.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur diffère sa décision sur la requête de Toyota Tsusho America Inc. en vue de la délivrance d’assignations à comparaître et de la production de documents jusqu’à ce que le président de l’Agence des services frontaliers du Canada ait déposé son mémoire, qui doit contenir, aux termes de l’alinéa 35(2)d) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, une copie de tout document qui pourrait être utile pour expliquer ou appuyer l’appel et tout autre renseignement concernant l’appel requis par le Tribunal canadien du commerce extérieur. À ce moment-là, le Tribunal canadien du commerce extérieur donnera aux parties l’occasion de présenter d’autres observations sur la requête.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur n’a pas compétence pour étudier, dans le cadre d’appels aux termes de l’article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, qui sont des procédures de novo, des questions de justice naturelle et d’équité procédurale au sujet de la façon dont le président de l’Agence des services frontaliers du Canada est parvenu à sa décision. À ce titre, le Tribunal canadien du commerce extérieur n’acceptera pas d’éléments de preuve ni n’entendra d’arguments à l’audience sur la façon dont le président de l’Agence des services frontaliers du Canada est parvenu à sa décision. Toutefois, les éléments de preuve et les arguments ayant trait à la fiabilité des témoignages oraux et des éléments de preuve documentaire versés au dossier demeurent pertinents.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur n’a pas compétence pour accorder une injonction afin d’empêcher le président de l’Agence des services frontaliers du Canada d’imposer des droits dans l’éventualité où le Tribunal canadien du commerce extérieur conclurait que les marchandises en cause font partie des marchandises en question.

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Pasquale M. Saroli
Pasquale M. Saroli
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le 7 mars 2011, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) recevait une requête de Toyota Tsusho America Inc. (Toyota) dans laquelle elle lui demandait ce qui suit :

d’accorder à Toyota le droit à un interrogatoire préalable visant quatre employés de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et de délivrer des assignations à comparaître dans le cadre de cet interrogatoire;

d’ordonner la production, par l’ASFC, de tout document et de tout renseignement en sa possession liés à l’importation de tôles d’acier contenant du bore;

de déterminer s’il a compétence pour étudier des questions de justice naturelle et d’équité procédurale dans le cadre d’un appel aux termes de l’article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation 1 ;

de déterminer s’il a compétence pour accorder une injonction afin d’empêcher le président de l’ASFC d’imposer des droits sur les marchandises en cause dans l’éventualité où le Tribunal conclurait que ces produits sont en effet assujettis aux conclusions du Tribunal.

2. Premièrement, en ce qui concerne la requête de Toyota de lui accorder le droit à un interrogatoire préalable et d’ordonner à l’ASFC de produire des documents, le Tribunal considère que Toyota a en sa possession tous les renseignements voulus afin de préparer son mémoire. De plus, le Tribunal considère que les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 2 prévoient une procédure adéquate de production de documents dans le cadre du présent appel. Aux termes de l’article 35 des Règles, l’ASFC est tenue de signifier et de déposer une réponse écrite détaillée au mémoire de Toyota, qui doit comprendre tous les faits, arguments et documents significatifs sur lesquels elle a l’intention de s’appuyer. Cette réponse est normalement suffisante pour permettre à Toyota d’avoir en sa possession tous les renseignements voulus afin de se préparer pour l’audience.

3. Comme la Cour fédérale l’a indiqué dans Toyota Tsusho America Inc. v. Canada (Canada Border Services Agency) 3 , les appels devant le Tribunal sont des procédures de novo. À ce titre, les parties ne sont pas liées par leurs observations précédentes et peuvent soulever de nouveaux arguments et présenter de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’appels devant le Tribunal. Le Tribunal compte donc sur les parties, en fonction de ce qui est stipulé dans les Règles, de déposer auprès du Tribunal tous les renseignements pertinents afin de lui permettre de rendre un jugement approprié dans le cadre d’appels.

4. De plus, le Tribunal fait remarquer que Toyota aura l’occasion de faire subir un contre-interrogatoire aux témoins de l’ASFC, y compris aux témoins experts, lors de l’audience.

5. Dans ces conditions, le Tribunal a décidé de différer sa décision sur la requête de Toyota en vue de la production de documents et de la délivrance d’assignations à comparaître jusqu’à ce que l’ASFC ait déposé son mémoire et ses documents à l’appui et que les parties aient eu l’occasion de présenter leurs observations en réponse à la requête.

6. Deuxièmement, en ce qui concerne la compétence du Tribunal, son interprétation du pouvoir qui lui est délégué en vertu de sa loi habilitante (et d’autres lois lui donnant compétence telle que la LMSI) est qu’il n’a pas compétence pour étudier, dans le cadre d’appels aux termes de l’article 61 de la LMSI, des questions de justice naturelle et d’équité procédurale au sujet de la façon dont l’ASFC est parvenu à sa décision.

7. Le Tribunal a statué à plusieurs reprises qu’il n’a pas compétence pour traiter de questions d’équité4 .

8. Les appels devant le Tribunal sont des procédures de novo. Le Tribunal évaluera soigneusement les éléments de preuve présentés par chaque partie et rendra sa propre décision sur la question de savoir si les marchandises en cause font partie des marchandises en question. Ce faisant, le Tribunal s’efforce de faire en sorte que le processus soit équitable du point de vue de la procédure en ce qui concerne ses propres procédures de novo et qu’il respecte les principes de justice naturelle. À ce titre, le résultat de cet appel constituera une nouvelle décision sur la question de savoir si les marchandises en cause font partie des marchandises en question, qui aura été rendue de façon équitable et transparente.

9. Par conséquent, en l’espèce, le Tribunal est d’avis que les questions concernant le degré d’équité procédurale accordé à Toyota par l’ASFC dans ces procédures antérieures concernant sa décision sur la question de savoir si les marchandises en cause font partie des marchandises en question ne sont pas pertinentes. La question dont le Tribunal est saisi est l’exactitude de la décision de l’ASFC et le Tribunal n’acceptera pas d’éléments de preuve ni n’entendra d’arguments à l’audience sur la façon dont l’ASFC en est arrivée à sa décision. Toutefois, les éléments de preuve et les arguments ayant trait à la fiabilité des témoignages oraux et des éléments de preuve documentaire versés au dossier demeurent pertinents.

10. Enfin, en ce qui concerne la compétence du Tribunal d’accorder une injonction afin d’empêcher l’ASFC d’imposer des droits dans l’éventualité où le Tribunal conclurait que les marchandises en cause font partie des marchandises en question, le Tribunal n’a pas compétence pour accorder une telle injonction.

11. Le paragraphe 3(1) de la LMSI prévoit que les marchandises sous-évaluées importées au Canada alors que le Tribunal a établi, par ordonnance ou dans ses conclusions, que le dumping de marchandises de même description a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage sont assujetties à des droits antidumping. Puisque le paragraphe 3(1) crée une obligation selon laquelle les marchandises sont assujetties à des droits antidumping, et en l’absence d’une disposition législative expresse lui donnant une telle compétence, le Tribunal n’a pas l’autorité de modifier ou d’annuler cette obligation en vertu de la LMSI.


1 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

2 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

3 . 2010 CF 78 (CanLII) au para. 24.

4 . Gammon Trading Co. Ltd. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (21 avril 2004), AP-2003-012 (TCCE) au para. 11; Richards Packaging Inc. et Duopac Packaging Inc. c. Sous-M.R.N. (10 février 1999), AP-98-007 et AP-98-010 (TCCE) aux pp. 5-6.