TOYOTA TSUSHO AMERICA INC.


TOYOTA TSUSHO AMERICA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2010-063

Ordonnance rendue
le mardi 30 août 2011

Motifs rendus
le mardi 6 septembre 2011


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel interjeté par Toyota Tsusho America Inc. le 22 février 2011 aux termes du paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. 1985, c. S-15;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par Toyota Tsusho America Inc. le 8 août 2011 aux termes de l’article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499, et à la suite d’observations écrites déposées par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 9 août 2011 et Toyota Tsusho America Inc. le 12 août 2011, afin d’obtenir la délivrance d’assignations assignant certaines personnes à comparaître dans le cadre de l’audience du Tribunal canadien du commerce extérieur dans le présent appel, ainsi que la production de documents.

ENTRE

TOYOTA TSUSHO AMERICA INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

ORDONNANCE

Après examen des observations des parties sur la requête susmentionnée, le Tribunal canadien du commerce extérieur statue par la présente sur ladite requête comme il suit.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur fait droit à la requête de Toyota Tsusho America Inc. en vue de la délivrance d’assignations visant M. Darryl Larson, Mme Micheline Vanier, M. Paul Loo, Mme Francine Bouchard et Mme Caterian Ardito-Toffolo afin qu’ils puissent témoigner quant à la question de savoir si les marchandises importées par Toyota Tsusho America Inc. sont de même description que les marchandises décrites par le Tribunal canadien du commerce extérieur dans son ordonnance rendue dans le réexamen relatif à l’expiration no RR-2007-001 concernant certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud. Cependant, le Tribunal canadien du commerce extérieur n’acceptera pas d’éléments de preuve à l’audience sur la façon dont le président de l’Agence des services frontaliers du Canada est arrivé à sa décision.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur rejette la requête de Toyota Tsusho America Inc. afin d’obtenir la production de documents.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. La présente procédure fait suite à un appel déposé par Toyota Tsusho America Inc. (Toyota) le 22 février 2011, aux termes du paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation1, à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Le président de l’ASFC a conclu que des marchandises importées par Toyota étaient de la même description que les marchandises décrites dans l’ordonnance rendue par le Tribunal dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration RR-2007-001 et, par conséquent, qu’elles étaient assujetties à des droits antidumping.

2. Le 7 mars 2011, Toyota déposait une requête auprès du Tribunal, aux termes de l’article 23.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur2, afin d’obtenir, notamment, la délivrance d’assignations à comparaître à quatre employés de l’ASFC, une ordonnance afin que le président de l’ASFC produise certain documents et l’avis du Tribunal sur la question de savoir si celui-ci avait compétence pour étudier des questions de justice naturelle et d’équité procédurale au sujet de la façon dont le président de l’ASFC était parvenu à sa décision.

3. Le 27 avril 2011, après examen des observations des parties, le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas compétence pour étudier des questions de justice naturelle et d’équité procédurale au sujet de la façon dont le président de l’ASFC était venu à sa décision et, par conséquent, n’a pas admis d’éléments de preuve ni entendu d’arguments à l’audience sur la façon dont une telle décision avait été prise. Le Tribunal a ajouté ce qui suit : « [...] les éléments de preuve et les arguments ayant trait à la fiabilité des témoignages oraux et des éléments de preuve documentaire versés au dossier demeurent pertinents. »

4. Cependant, le Tribunal a différé sa décision sur la requête en vue de la délivrance d’assignations à comparaître et de la production de documents afin de permettre au président de l’ASFC de déposer son mémoire quant au bien-fondé de l’appel. Le Tribunal a aussi indiqué que les parties auraient l’occasion de présenter d’autres observations sur la requête lorsque le président aurait déposé son mémoire.

5. Le président de l’ASFC déposait son mémoire le 27 juin 2011.

6. Le 8 août 2011, Toyota déposait une nouvelle requête afin d’obtenir la délivrance d’assignations à comparaître aux quatre employés de l’ASFC qu’il avait nommés dans sa première requête, ainsi qu’au directeur de l’ASFC qui, aux termes d’un instrument de délégation, avait rendu la décision qui fait l’objet du présent appel au nom du président de l’ASFC. Toyota a aussi demandé à nouveau une ordonnance de divulgation. Le Tribunal recevait, les 8 et 12 août 2011, des observations écrites de Toyota au sujet de cette nouvelle requête et, le 9 août 2011, une réplique du président de l’ASFC. Le président de l’ASFC s’est opposé à la délivrance des assignations à comparaître et à la production des documents.

7. Le 30 août 2011, après examen de ces observations, le Tribunal a fait droit à la requête en vue de la délivrance d’assignations à comparaître à la condition que le témoignage des cinq employés de l’ASFC se limite à la question de savoir si les marchandises importées par Toyota étaient de la même description que les marchandises décrites dans l’ordonnance rendue par le Tribunal dans le cadre du réexamen relatif à l’expiration RR-2007-001, et non pas sur la façon dont le président de l’ASFC était arrivé à la décision qui fait l’objet du présent appel, et a rejeté la requête en vue d’obtenir une ordonnance afin que le président de l’ASFC produise les documents demandés. Les motifs de ces décisions sont énoncés plus loin.

8. Premièrement, en ce qui concerne les assignations à comparaître, le président de l’ASFC a indiqué clairement qu’il n’a pas l’intention de faire comparaître à l’audience aucun des cinq employés en question. Il est tout aussi clair que Toyota veut interroger ces personnes. Puisqu’il en est ainsi, Toyota ne peut que demander au Tribunal d’assigner à comparaître les personnes à l’audience. En réalité, en vertu du paragraphe 20(2) des Règles, les parties peuvent demander au Tribunal de délivrer des assignations à comparaître.

9. Aux termes du paragraphe 20(1) des Règles, « [l]e Tribunal peut, de son propre chef ou à la demande d’une partie, assigner une personne à comparaître à une audience et requérir qu’elle dépose sous serment ou affirmation solennelle et produise des documents ou autres objets. » L’utilisation du mot « peut » plutôt que du mot « doit » semble accorder un pouvoir discrétionnaire au Tribunal. Par conséquent, la délivrance des assignations à comparaître n’est pas automatique, et le Tribunal peut refuser de les délivrer comme il convient.

10. Le Tribunal remarque que, dans des circonstances semblables, la Cour fédérale examine ce qui suit : 1) s’il existe un privilège ou autre règle juridique qui s’applique et qui ferait en sorte qu’un témoin ne soit pas tenu de comparaître; 2) si les éléments de preuve sont pertinents et importants relativement aux questions que doit trancher la Cour fédérale3.

11. Par conséquent, sous réserve de toute règle juridique (p. ex. le privilège du secret professionnel de l’avocat), une partie devrait avoir le droit de faire comparaître toute personne s’il est vraisemblable que les éléments de preuve présentés par cette personne seraient importants relativement aux questions en cause4.

12. Dans le cas présent, il n’existe pas de règle juridique manifeste qui interdirait aux employés de l’ASFC de témoigner devant le Tribunal. Par conséquent, la question déterminante est de savoir s’il est vraisemblable que les éléments de preuve seraient importants.

13. Selon Toyota, le Tribunal devrait délivrer les assignations à comparaître en l’espèce parce que la comparution à l’audience des cinq employés de l’ASFC est nécessaire afin de vérifier la fiabilité des témoignages écrits versés au dossier et de répondre aux allégations diverses qui figurent dans le mémoire de l’intimé. Le président de l’ASFC soutient que la fiabilité des éléments de preuve de ces employés n’est pas à l’étude par le Tribunal puisque aucun de ces éléments de preuve ne fondera la décision du président de l’ASFC dans le cadre du présent appel de novo.

14. Le Tribunal constate que le président de l’ASFC n’a pas l’intention de fonder sa décision sur les éléments de preuve des cinq employés en question, mais que ce fait n’est pas déterminant, puisque Toyota a encore la possibilité de les faire comparaître pour obtenir de vive voix leur témoignage, qui pourrait mettre en doute la fiabilité des éléments de preuve écrits versés au dossier.

15. Par conséquent, dans la mesure où le témoignage des cinq employés s’inscrit dans les paramètres déjà établis par le Tribunal, ce dernier est convaincu qu’il est vraisemblable que ce témoignage serait important. Le Tribunal désire souligner que, bien qu’il donne à Toyota le bénéfice du doute en délivrant les présentes assignations à comparaître, il a l’intention de faire en sorte que Toyota respecte ces paramètres au cours de l’audience, et il ne lui permettra pas de s’en éloigner.

16. Concernant les documents, le Tribunal remarque que l’alinéa 35(2)d) des Règles prévoit que la réponse (le mémoire) de l’intimé « [...] est accompagnée d’une copie de tout document utile à l’appui de l’appel et des renseignements relatifs à l’appel exigés par le Tribunal [...] ».

17. Toyota fait valoir qu’il faut attribuer une interprétation large à cette disposition selon laquelle le président de l’ASFC doit divulguer tous les documents qui pourraient être utiles à l’appui de l’appel et non seulement ceux qui sont pertinents. Pour sa part, le président de l’ASFC allègue qu’il s’agit d’une « expédition de pêche » [traduction] pour Toyota et souligne que, si le Tribunal acceptait une interprétation aussi large, l’ASFC devrait verser environ 1 500 pages supplémentaires au dossier, la plupart desquelles Toyota a déjà obtenues en version remaniée à la suite d’une demande d’accès à l’information.

18. Le Tribunal n’accepte pas l’interprétation de Toyota parce qu’elle n’est fondée que sur une partie du libellé de l’alinéa 35(2)d) des Règles, c.-à-d. « [...] tout document utile à l’appui de l’appel [...]. » Cependant, dans cet alinéa on ajoute « [...] et des renseignements relatifs à l’appel exigés par le Tribunal ». Ces mots additionnels signifient que les documents doivent être à la fois utiles et pertinents à l’appel. C’est-à-dire, ils doivent être pertinents à l’appel. Cette conclusion est conforme à la pratique des cours fédérales qui peuvent ordonner à une partie de divulguer des documents qui sont « pertinents »5.

19. Puisqu’il en est ainsi, le Tribunal n’est pas convaincu que Toyota a démontré comment ces documents, en particulier ou en masse, sont pertinents à l’appel. Par conséquent, la requête en vue de la production de ces documents est rejetée.


1 . L.R.C. 1985, c. S-15.

2 . D.O.R.S./91-499 [Règles].

3 . Laboratoires Servier v. Apotex Inc., 2008 FC 321 (CanLII).

4 . Ibid.

5 . Voir, par exemple, l’article 225 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106.