MAURICE PINCOFFS CANADA INC.

MAURICE PINCOFFS CANADA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2013-027

Décision et motifs rendus
le jeudi 13 mars 2014

TABLE DES MATIÈRES

DÉCISION

 EXPOSÉ DES MOTIFS

 CONTEXTE

 HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

 MARCHANDISES EN CAUSE

 CADRE LÉGISLATIF

 CLASSEMENT TARIFAIRE EN CAUSE

 POSITION DES PARTIES

  Maurice Pincoffs

  ASFC

 ANALYSE

  Les marchandises en cause sont-elles correctement classées dans la position no 95.06?

  Classement aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire

 DÉCISION

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 décembre 2013, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À 10 décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 13 mars 2013, concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

MAURICE PINCOFFS CANADA INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 5 décembre 2013

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Laura Little

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Sarah MacMillan

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Maurice Pincoffs Canada Inc.

Michael Sherbo
Andrew Simkins

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Aileen Jones

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le présent appel a été interjeté par Maurice Pincoffs Canada Inc. (Maurice Pincoffs) le 7 juin 2013, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard de 10 décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) datées du 13 mars 2013, aux termes du paragraphe 60(4) concernant des demandes de réexamen du classement tarifaire.
  2. Maurice Pincoffs conteste la décision de l’ASFC de classer des filets pour trampoline (les marchandises en cause) dans le numéro tarifaire 5608.19.90 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres filets confectionnés en matières textiles. Maurice Pincoffs soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9506.99.90 à titre d’autres articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Maurice Pincoffs a importé les marchandises en cause dans le cadre de 10 transactions entre avril 2006 et février 2007. Au moment de leur importation, les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 9506.99.90 à titre d’autres articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme. Dans plusieurs de ces transactions, les marchandises en cause ont été importées avec des trampolines qui ont été classés dans le numéro tarifaire 9506.91.90 à titre d’autres articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme.
  2. Entre le 24 mars 2010 et le 30 novembre 2010, Maurice Pincoffs a présenté des demandes de révision du classement tarifaire des marchandises en cause et des trampolines aux termes du paragraphe 74(1) de la Loi, dans lesquelles elle a demandé que les deux soient classés dans le numéro tarifaire 9503.00.90 à titre d’autres jouets, et parties et accessoires de ceux-ci.
  3. L’ASFC a rejeté les demandes de Maurice Pincoffs. Entre le 16 juin 2010 et le 15 décembre 2010, aux termes de l’alinéa 59(1)a) de la Loi, l’ASFC a déterminé que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 9506.99.90 et les trampolines, dans le numéro tarifaire 9506.91.90, comme l’a déclaré initialement Maurice Pincoffs.
  4. Entre juin 2010 et mars 2011, Maurice Pincoffs a présenté des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, dans lesquelles elle demandait que les marchandises en cause et les trampolines soient classés dans le numéro tarifaire 9503.00.90.
  5. Le 10 août 2011, l’ASFC a mis les demandes de réexamen présentées par Maurice Pincoffs en suspens en attendant la décision du Tribunal dans La Société Canadian Tire Limitée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[3], puisque les deux affaires portaient sur le classement approprié de marchandises similaires, c’est-à-dire des trampolines avec des filets de clôture de sécurité. Dans cette affaire, le Tribunal a déterminé que les marchandises étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 9506.91.90 à titre d’autres articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme.
  6. Le 13 mars 2013, l’ASFC a rendu ses décisions aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi concernant les 10 transactions d’importation, dans lesquelles elle a reclassé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 5608.19.90 à titre d’autres filets confectionnés en matières textiles, mais a maintenu le classement des trampolines dans le numéro tarifaire 9506.91.90. L’ASFC a classé séparément les filets et les trampolines au motif qu’ils ont été importés comme produits séparés, contrairement à l’affaire Canadian Tire dans laquelle le filet faisait partie du trampoline[4].
  7. Le 7 juin 2013, Maurice Pincoffs a déposé un avis d’appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, à l’égard des marchandises en cause[5].
  8. Une audience publique a été tenue à Ottawa (Ontario) le 5 décembre 2013. Les parties n’ont fait entendre aucun témoin à l’audience.

MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont deux modèles de filet pour trampoline (le modèle no 123-1410, filets pour trampoline mesurant 14 pieds, et le modèle no 123-1310, filets pour trampoline mesurant 12 et 13 pieds).
  2. Au moment de leur importation, les marchandises en cause étaient complètes mais non assemblées, et comprenaient les composantes suivantes : un filet à mailles tissé en matière synthétique avec ouverture à glissière pleine longueur, un cadre en tubes d’acier galvanisé robuste revêtu de zinc pour tenir le filet en place et des pièces de mousse en forme de tube pour recouvrir les tubes du cadre en acier à des fins de sécurité[6].
  3. Les parties conviennent que les marchandises en cause, une fois assemblées, sont fixées au cadre d’un trampoline afin de prévenir les blessures causées par un atterrissage sur les ressorts ou le cadre du trampoline ou à l’extérieur du trampoline[7].

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[8]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[9] et les Règles canadiennes[10] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[12], publiés par l’OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[13].
  5. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement applicables. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles[14].
  6. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[15]. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[16].

CLASSEMENT TARIFAIRE EN CAUSE

  1. Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire sont les suivantes :

56.08 Filets à mailles nouées, en nappes ou en pièces, obtenus à partir de ficelles, cordes ou cordages; filets confectionnés pour la pêche et autres filets confectionnés, en matières textiles.

 -matières textiles synthétiques ou artificielles :

[...]

5608.19 - -Autres

[...]

5608.19.90 - - -Autres

95.06 Articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique, l’athlétisme, les autres sports (y compris le tennis de table) ou les jeux de plein air, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre; piscines et pataugeoires.

[...]

9506.91 - -Articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme

[...]

9506.91.90 - - -Autres

[...]

9506.99 - -Autres

[...]

9506.99.90 - - -Autres

  1. Le chapitre 56 relève de la section XI (Matières textiles et ouvrages en ces matières). La note 1(t) de cette section exclut expressément « les articles du Chapitre 95 (jouets, jeux, engins sportifs, filets pour activités sportives, par exemple) ».
  2. La note explicative 2) de la position no 56.08 prévoit que cette position comprend les « filets de sécurité » et que « [l]a présence dans ces produits de poignées, d’anneaux, de plombs, de flotteurs, de cordes de serrage ou d’autres accessoires n’a pas pour effet de les exclure de cette position ». La même note comprend également une disposition qui restreint la position no 56.08 : « [p]armi les articles confectionnés, ne sont rangés ici que ceux qui ne sont pas visés d’une manière plus spécifique dans d’autres positions de la Nomenclature » et prévoit de plus que sont exclus de la position no 56.08 « [l]es filets préparés pour sports (filets de but, de tennis, etc.) [...] et les autres filets relevant du Chapitre 95 ».
  3. Pour ce qui est des notes légales du chapitre 95, la note 3 prévoit que « [...] les parties et accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux articles du présent Chapitre sont classés avec ceux-ci », sous réserve d’une liste d’exclusions prévues à la note 1.
  4. La note explicative d) de la position no 95.06 exclut « [l]es filets pour balles et ballons et les filets de clôture (no 56.08, généralement) ».

POSITION DES PARTIES

Maurice Pincoffs

  1. Maurice Pincoffs soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9506.99.90 à titre d’accessoires pour articles et matériel pour la culture physique, conformément à la règle 1 des Règles générales. Pour appuyer sa position, Maurice Pincoffs se fonde, en particulier, sur deux notes légales, soit la note 1(t) de la section XI et la note 3 du chapitre 95.
  2. Maurice Pincoffs soutient que les exigences de la note 3 du chapitre 95 sont satisfaites en l’espèce, car les marchandises en cause sont des accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux trampolines, qui sont des articles du chapitre 95. À cet égard, elle soutient que les marchandises en cause jouent un rôle subordonné dans la diminution des risques de blessures pour les utilisateurs de trampoline et qu’elles sont, par conséquent, des accessoires. En outre, elles sont spécialement conçues pour être fixées à des trampolines de 12, 13 ou 14 pieds, qui sont classés dans le numéro tarifaire 9506.91.90 à titre d’articles et matériel pour la culture physique, et n’ont aucune autre utilisation prévue.
  3. Maurice Pincoffs conteste l’argument de l’ASFC selon lequel les marchandises en cause sont des « filets de clôture » et que, par conséquent, ils sont exclus de la position no 95.06, conformément à la note explicative d). Selon elle, le filet fait partie des nombreuses composantes intégrantes qui constituent la clôture du trampoline et le classement devrait être fondé sur les marchandises dans leur ensemble, conformément à la règle 1 des Règles générales. Maurice Pincoffs soutient de plus que la note 3 du chapitre 95 et la note explicative d) devraient recevoir l’interprétation harmonieuse suivante[17] : s’il est déterminé que les marchandises en cause sont des filets de clôture qui sont des parties ou des accessoires d’un article du chapitre 95, ils sont alors correctement classés avec cet article conformément à la note 3; inversement, les filets de clôture qui ne respectent pas les conditions de la note 3 sont exclus de la position no 95.06 en vertu de la note explicative d).
  4. Même si l’exclusion des « filets de clôture » de la position no 95.06 s’appliquait aux marchandises en cause, ce que nie Maurice Pincoffs, elle soutient qu’elles seraient néanmoins exclues du classement dans la position no 56.08 par application de la note explicative 2) de cette position. À cet égard, elle soutient que les marchandises en cause sont reprises plus spécifiquement à la position no 95.06 à titre d’accessoires pour articles et matériel pour la culture physique, par opposition à la description plus générale d’« autres filets confectionnés ».

ASFC

  1. Selon l’ASFC, les marchandises en cause devraient être classées dans la position no 56.08 à titre d’autres filets confectionnés en matières textiles. En s’appuyant sur la note explicative d) de la position no 95.06, elle soutient que les marchandises en cause sont des « filets de clôture » qui devraient être exclus de cette position, qu’ils soient ou non des accessoires utilisés exclusivement avec des trampolines[18]. Selon l’ASFC, la note 3 du chapitre 95 est une « [...] règle générale [qui] devrait être interprétée de manière à ce qu’elle ne soit pas incompatible avec la disposition plus spécifique de la Note explicative d) [...] »[19] [traduction].
  2. L’ASFC soutient que la règle 3b) des Règles générales s’applique au classement des marchandises en cause[20]. Elle soutient plus particulièrement que les marchandises en cause sont des marchandises composées et que c’est la composante du filet de clôture qui leur confère leur caractère essentiel, ce qui indique que l’ensemble de l’article devrait être classé dans la position no 56.08[21]. Pour appuyer sa qualification des marchandises en cause comme étant des filets de clôture, l’ASFC renvoie aux définitions des mots « net » (filet) et « enclosure » (clôture) tirées des dictionnaires, ainsi qu’à la documentation sur le produit et aux documents de commercialisation qui décrivent les marchandises en cause comme étant des « filets de cage » [22] [traduction].
  3. L’ASFC soutient de plus que, à titre de filets de clôture, les marchandises en cause entrent dans la définition de l’expression « filets de sécurité », lesquels sont expressément indiqués dans les notes explicatives de la position no 56.08 comme étant des « filets confectionnés » inclus dans cette position. Subsidiairement, si le Tribunal estime que les marchandises en cause ne sont pas des « filets de sécurité » proprement dits, l’ASFC soutient que les filets de clôture sont similaires aux autres types de filets énumérés dans cette liste non exhaustive et que, par conséquent, ils devraient quand même être inclus dans cette position[23].

ANALYSE

  1. La principale question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 95.06 à titre d’articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique, l’athlétisme, les autres sports (y compris le tennis de table) ou les jeux de plein air, ou dans la position no 56.08 à titre d’autres filets en matières textiles[24].
  2. La note 1 de la section XI exclut les articles du chapitre 95 du classement dans cette section qui comprend le chapitre 56. Il est bien établi dans la jurisprudence du Tribunal que lorsqu’il n’y a qu’une seule note d’exclusion pertinente qui empêche, de prime abord, le classement des marchandises dans les deux positions en cause dans le cadre d’un appel, le Tribunal doit commencer son analyse par la position qui n’est pas visée par la note d’exclusion[25]. En l’espèce, les parties conviennent[26], et le Tribunal accepte, qu’il est approprié de commencer l’exercice du classement tarifaire avec la position no 95.06.
  3. Comme il est indiqué ci-dessus, ce n’est que lorsque les marchandises en cause ne peuvent être classées par application de la règle 1 des Règles générales que le Tribunal examinera les autres règles. Contrairement aux arguments formulés par le conseiller juridique de l’ASFC, le Tribunal conclut que le classement approprié des marchandises en cause peut être déterminé conformément à la règle 1, et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours aux autres règles en l’espèce. En outre, considérant les exclusions énumérées à la note 1 de la section XI, les marchandises en cause ne peuvent, de prime abord, être classées dans les deux positions no 56.08 et no 95.06; par conséquent, la règle 3b) ne s’applique pas[27].
  4. Par conséquent, le Tribunal examinera d’abord la question de savoir si les marchandises en cause peuvent, de prime abord, être classées dans la position no 95.06 conformément à la règle 1, selon les termes des positions et les notes légales, et compte tenu des notes explicatives pertinentes.

Les marchandises en cause sont-elles correctement classées dans la position no 95.06?

  1. Considérant la nature des marchandises en cause comme articles devant servir dans des trampolines, le point de départ approprié pour l’analyse du Tribunal concernant la position no 95.06 se trouve à la note 3 du chapitre 95 qui prévoit que « les parties et accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés » aux articles du chapitre 95 doivent être classés avec ces articles, sous réserve des exclusions énumérées à la note 1.
  2. Le Tribunal convient avec Maurice Pincoffs que, si les marchandises en cause respectent les conditions de la note 3, elles seraient correctement classées avec l’article hôte, peu importe qu’elles soient ou non des « filets de clôture ». Si les marchandises en cause ne respectent pas les conditions de la note 3 et que le Tribunal détermine qu’elles sont des « filets de clôture », elles seraient alors exclues de la position no 95.06 en vertu de la note explicative d). Dans ce cas, le Tribunal poursuivrait son analyse du classement des marchandises en cause suivant la position no 56.08.
  3. Le Tribunal est d’avis que l’approche susmentionnée permet une interprétation de la note 3 du chapitre 95 qui est compatible avec l’interprétation de la note explicative d). Par exemple, si un autre type de filet de clôture ne respecte pas la condition d’être une partie ou un accessoire reconnaissable comme étant exclusivement ou principalement destiné à un article du chapitre 95, il serait alors exclu de la position no 95.06 conformément à la note explicative d). Parmi les exemples possibles sont les filets de protection pour spectateurs, les filets de séparation pour gymnase et les filets utilisés sur les terrains d’exercice de golf et les cages d’exercice au bâton. Bien que le Tribunal ne se prononce pas sur le classement de ces autres types de filets, de tels exemples démontrent que l’exclusion peut être appliquée d’une manière qui soit compatible avec le sens de la note 3 du chapitre 95. Le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument de l’ASFC selon lequel la note 3 n’est qu’une règle générale qui est subordonnée à l’exclusion spécifique des filets de clôture de la note explicative d).
  4. Le Tribunal conclut que la première condition de la note 3 est satisfaite, étant donné qu’aucune des exclusions énumérées à la note 1 ne s’applique aux marchandises en cause. Le Tribunal remarque également que l’ASFC n’a pas contesté ce point. Le Tribunal examinera ensuite la question de savoir si les autres conditions de la note 3 sont satisfaites, c’est-à-dire si les marchandises en cause sont des parties et accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés à des articles du chapitre 95.

« Parties et accessoires »

  1. Puisque ni l’une ni l’autre des parties n’a soutenu que les marchandises sont des parties, l’analyse du Tribunal ne portera que sur la question de savoir si les marchandises en cause sont des accessoires aux fins du classement.
  2. Puisque le mot « accessoire » n’est pas défini dans la nomenclature tarifaire, le Tribunal peut avoir recours aux définitions tirées des dictionnaires afin d’en déterminer le sens ordinaire. Le Tribunal a déjà reconnu le sens ordinaire du terme « accessoire » comme étant un « [...] objet additionnel ou supplémentaire [...], petite adjonction ou installation [...] »[28] ou une « [...] chose contribuant d’une manière subordonnée à un résultat ou effet général; auxiliaire ou accompagnement »[29].
  3. Il est établi dans la jurisprudence du Tribunal qu’un accessoire doit assurer un service particulier en corrélation avec la fonction principale de l’objet, mais que, contrairement aux parties, un accessoire n’a pas à être nécessaire au produit avec lequel il est en corrélation[30].
  4. De manière générale, ces définitions correspondent à l’interprétation de l’ASFC du mot « accessoire », qui est énoncée dans le Mémorandum D10-0-1, sur lequel s’appuie Maurice Pincoffs[31]. Ce mémorandum définit le mot « accessoire » comme suit : « [...] article qui joue un rôle secondaire ou auxiliaire, qui n’est pas essentiel à la fonction et qui pourrait améliorer l’efficacité de la machine, du matériel, de l’appareil ou du dispositif hôte ».
  5. Considérant le sens ordinaire du mot « accessoire » et après avoir examiné les éléments de preuve documentaire qui lui ont été présentés, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des accessoires pour trampolines. Plus particulièrement, les documents de commercialisation et les guides d’utilisation des deux modèles de marchandises en cause montrent que les clôtures du trampoline sont fixées aux trampolines au moyen de boulons, d’écrous autobloquants et de boucles, et ont pour but d’empêcher les utilisateurs de tomber à l’extérieur du trampoline ou d’atterrir sur le cadre ou les ressorts du trampoline[32]. Par conséquent, même si les marchandises en cause ne sont pas essentielles à l’utilisation du trampoline, elles jouent une fonction de sécurité secondaire ou auxiliaire à l’appui de la fonction principale du trampoline qui est de permettre aux utilisateurs de sauter ou de bondir sur un trampoline.

« Exclusivement ou principalement destinés aux articles du chapitre 95 »

  1. Les éléments de preuve indiquent clairement que les marchandises en cause sont conçues pour servir dans des modèles spécifiques de trampolines[33]. Ce fait n’a pas été contesté par l’ASFC et, puisque aucun élément de preuve n’a été présenté au Tribunal pour indiquer que les marchandises en cause pourraient avoir un usage autre que pour les trampolines, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont principalement (sinon exclusivement) destinées aux trampolines.
  2. Le Tribunal a déjà conclu que les trampolines étaient correctement classés dans la position no 95.06 à titre d’articles pour la culture physique, la gymnastique, l’athlétisme, les autres sports (y compris le tennis de table) ou les jeux de plein air. Dans Canadian Tire, il a déclaré que «[l]’activité de sauter et de bondir sur la marchandise en cause est visée par les termes de la position no 95.06, peu importe qu’elle soit considérée comme de la culture physique ou, dans certaines circonstances, comme un type de jeu de plein air »[34]. Le Tribunal adopte le même raisonnement en l’espèce.
  3. Dans le présent appel, le Tribunal ne voit aucune raison de s’écarter de sa conclusion antérieure concernant le classement général des trampolines dans la position no 95.06. En fait, l’ASFC n’a même pas contesté le classement des trampolines à titre « d’articles du chapitre 95 » en l’espèce; elle a plutôt tenté d’établir une distinction avec la décision du Tribunal dans Canadian Tire en soutenant que l’importation des marchandises en cause en tant que produits distincts (par opposition à une clôture incluse avec le trampoline au moment de l’importation) exige une approche différente au classement tarifaire des marchandises en cause[35].
  4. Le Tribunal rejette cet argument. Les conditions énoncées à la note 3 du chapitre 95 n’exigent pas que les parties et les accessoires soient importés avec les articles hôtes du chapitre 95 pour être classés avec ces articles dans une position du chapitre 95, pourvu qu’ils soient « reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés » aux articles hôtes.
  5. Considérant ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des accessoires et qu’elles sont clairement reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux articles du chapitre 95, soit les trampolines. Par conséquent, les conditions de la note 3 du chapitre 95 sont satisfaites, et les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 95.06 conformément à la règle 1 des Règles générales. Pour les motifs qui précèdent, les exclusions prévues à la note explicative d) de la position no 95.06 ne s’appliquent pas en l’espèce puisque les marchandises en cause sont correctement classées avec l’article hôte.
  6. Puisque la note 1(t) de la section XI exclut les « articles du chapitre 95 » de la portée de ce chapitre, le Tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 56.08.

Classement aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire

  1. Ayant déterminé que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 95.06, le Tribunal doit maintenant déterminer le classement approprié aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire.
  2. La note 3 du chapitre 95 prévoit que les parties et accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux articles de ce chapitre doivent être classés avec ces articles. Par conséquent, conformément à la règle 6 des Règles générales et à la règle 1 des Règles canadiennes, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées avec les trampolines dans le numéro tarifaire 9506.91.90 à titre d’autres articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme, et non dans le numéro tarifaire 9506.99.90, comme le soutient Maurice Pincoffs.

DÉCISION

  1. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des accessoires reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinés aux articles du chapitre 95 et que, par conséquent, elles sont correctement classées avec ces articles dans le numéro tarifaire 9506.91.90 à titre d’autres articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme.
  2. L’appel est admis.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     (12 avril 2012), AP-2011-020 (TCCE) [Canadian Tire].

[4].     Pièce AP-2013-027-06A aux pp. 6, 80; Canadian Tire au par. 3.

[5].     Dans le présent appel, Maurice Pincoffs n’a pas contesté la décision de l’ASFC de classer les trampolines dans le numéro tarifaire 9506.91.90 à titre d’autres articles et matériel pour la culture physique, la gymnastique ou l’athlétisme.

[6].     Pièce AP-2013-027-04A aux pp. 4, 92, 105; pièce AP-2013-027-06A à la p. 6.

[7].     Pièce AP-2013-027-04A à la p. 4; pièce AP-2013-027-06A à la p. 16.

[8].     Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[9].     L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[10].   L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[11].   Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

[12].   Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[13].   Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux Avis de classement.

[14].   Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position.

[15].   La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[16].   La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « [...] les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les Avis de classement et les Notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[17].   Transcription de l’audience publique, 5 décembre 2013, aux pp. 32, 34.

[18].   Ibid. aux pp. 24, 38.

[19].   Pièce AP-2013-027-06A à la p. 23; Transcription de l’audience publique, 5 décembre 2013, aux pp. 25, 26.

[20].   Ibid. à la p. 28.

[21].   Ibid. aux pp. 29, 38.

[22].   Pièce AP-2013-027-04A à la p. 92.

[23].   Transcription de l’audience publique, 5 décembre 2013, à la p. 30.

[24].   À l’audience, les parties ont convenu qu’il n’était pas nécessaire que le Tribunal examine la question du traitement tarifaire qui a été soulevée par Maurice Pincoffs dans son mémoire. Les parties ont convenu que le traitement tarifaire approprié des marchandises en cause découlerait de la décision du Tribunal à l’égard du classement tarifaire. Voir Transcription de l’audience publique, 5 décembre 2013, à la p. 4.

[25].   Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (29 juillet 2013), AP‑2012-041 et AP-2012-042 (TCCE) au par. 46.

[26].   Pièce AP-2013-027-04A à la p. 7; pièce AP-2013-027-06A à la p. 13.

[27].   La note I) des notes explicatives de la Règle 3 des Règles générales prévoit de qui suit : « Cette Règle prévoit trois méthodes de classement des marchandises qui, a priori, seraient susceptibles d’entrer dans plusieurs positions distinctes, soit par application de la Règle 2 b), soit dans tout autre cas. Ces méthodes entrent en jeu dans l’ordre où elles sont reprises dans la Règle. Ainsi la Règle 3 b) ne s’applique que si la Règle 3 a) n’a apporté aucune solution au problème du classement, et si les Règles 3 a) et 3 b) sont inopérantes, la Règle 3 c) entre en jeu. [...] » [Nos italiques]

[28].   Voir Accessoires SportRacks Inc. de Thule Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 janvier 2012), AP-2010-036 (TCCE) au par. 28 [Accessoires SportRacks], où le Tribunal a accepté la définition du mot « accessory » (accessoire) dans le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd.

[29].   Voir Fastco Canada c. Sous-M.R.N. (29 avril 1997), AP-96-078 (TCCE) à la p. 3; Rlogistics Limited Partnership c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (25 octobre 2011), AP-2010-057 (TCCE) au par. 56.

[30].   Accessoires SportRacks au par. 28; Bureau de relations d’affaires internationales Inc. (Busrel Inc.) c. Sous‑M.R.N. (24 août 1999), AP-97-139 et AP-98-042 (TCCE).

[31].   Pièce AP-2013-027-10A à la p. 135.

[32].   Pièce AP-2013-027-04A aux pp. 92, 101-103, 105, 107.

[33].   Pièce AP-2013-027-04A aux pp. 92, 93, 105, 106.

[34].   Canadian Tire au par. 36.

[35].   Pièce AP-2013-027-06A aux pp. 6, 80.