PHILIPS ELECTRONICS LTD.

PHILIPS ELECTRONICS LTD.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2013-013

Décision et motifs rendus
le lundi 3 mars 2014

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 novembre 2013 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 3 avril 2013 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PHILIPS ELECTRONICS LTD. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 5 novembre 2013

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Jidé Afolabi

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Lindsay Vincelli

Agent de soutien du greffe : Alexis Chénier

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentant

Philips Electronics Ltd.

Robert A. MacDonald

 

Intimé

Conseillers/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Agnieszka Zagorska

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le présent appel a été interjeté par Philips Electronics Ltd. (Philips) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] à l’égard d’une décision anticipée relativement à un classement tarifaire rendue le 3 avril 2013 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4)[2].
  2. La question en litige dans le présent appel est le classement approprié de « sucettes Philips AVENT » (les marchandises en cause). L’ASFC a classé les marchandises en cause dans la position no 39.26 de l’annexe du Tarif des douanes[3]. Philips soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 95.03.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 3 juillet 2012, Philips a présenté à l’ASFC une demande de décision anticipée relativement à un classement tarifaire. Suite à cette demande, l’ASFC a rendu une décision anticipée le 28 août 2012, aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi[4], classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 3926.90.99 à titre d’autres ouvrages en matières plastiques et, plus précisément, dans le numéro de classement 3926.90.99.30 à titre d’articles hygiéniques ou pharmaceutiques, tel que spécifié dans la note statistique 2 du chapitre 39[5].
  2. Le 15 novembre 2012, Philips a déposé une demande de révision de la décision anticipée de l’ASFC aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi. Le 7 mars 2013, l’ASFC a rendu une décision provisoire, laquelle ne modifiait pas sa décision initiale[6]. Le 3 avril 2013, l’ASFC a rendu une décision aux termes du paragraphe 60(4), laquelle confirmait sa décision.
  3. Le 13 mai 2013, Philips a déposé le présent appel auprès du Tribunal. Philips soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9503.00.90 à titre d’autres jouets.
  4. Le Tribunal a tenu une audience concernant l’appel le 5 novembre 2013. Philips n’a fait entendre aucun témoin à l’audience.

MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont aussi appelées « tétines ». Elles sont faites en silicone sans goût ni odeur, et sur leur base en plastique rigide sont représentés divers animaux ou insectes à caractère enfantin. Les marchandises en cause sont munies d’une « tétine souple et symétrique » [traduction] et d’un « capuchon protecteur amovible » [traduction]. Elles sont expressément conçues pour les bébés âgés de 0 à 6 mois[7].

CADRE LÉGISLATIF

  1. Dans des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire de marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.
  2. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[8]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et les chapitres 1 à 98 contiennent une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Le chapitre 99 est divisé en numéros tarifaires seulement.
  3. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[9] et les Règles canadiennes[10] énoncées à l’annexe.
  4. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en paliers, de sorte qu’il faut d’abord déterminer si le classement au niveau de la position peut être établi en application de la règle 1, qui prévoit que « [...] le classement [est] déterminé [...] d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres [...] ». Si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la règle 1, il faut alors tenir compte de la règle 2, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le classement soit établi.
  5. En ce qui concerne les sous-positions, la règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci‑dessus [...] » (c’est-à-dire les règles 1 à 5). En ce qui concerne les numéros tarifaires, la règle 1 des Règles canadiennes prévoit que le classement des marchandises est déterminé d’après les termes de ces numéros tarifaires et « [...] des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles générales [...] ».
  6. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[12], publiés par l’OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[13].

POSITIONS ET NOTES DE SECTION ET DE CHAPITRE

Position no 39.26

Termes de la position no 39.26

  1. Tel qu’indiqué ci-dessus, l’ASFC soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 39.26. Cette position relève de la section VII, qui comprend les matières plastiques et les ouvrages en ces matières et le caoutchouc et les ouvrages en caoutchouc, et, plus particulièrement, elle relève du chapitre 39, qui comprend les matières plastiques et les ouvrages en ces matières. La position no 39.26 est formulée comme suit :

39.26 Autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des nos 39.01 à 39.14.

Notes de la section VII

  1. La section VII ne comporte aucune note de section pertinente.

Notes du chapitre 39

  1. La note 2y) du chapitre 39 prévoit ce qui suit :

2. Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

y) les articles du Chapitre 95 (jouets, jeux, engins sportifs, par exemple);

[...]

  1. En outre, la note statistique 2 du chapitre 39 prévoit ce qui suit :

Notes statistiques. (N.B. Ces notes ne font pas partie de la législation du Tarif des douanes.)

[...]

2. Le no de classement 3926.90.99.30 est applicable seulement pour les articles suivants : tétines de biberon et sucettes; vessies à glace [...].

Notes explicatives

  1. La partie pertinente des notes explicatives de la position no 39.26 prévoit ce qui suit :

La présente position couvre les ouvrages non dénommés ni compris ailleurs en matières plastiques (tels qu’ils sont définis à la Note 1 du présent Chapitre) ou en autres matières des nos 39.01 à 39.14. Sont donc notamment compris ici :

[...]

11) Les sucettes; les vessies à glace [...].

  1. Par conséquent, la note 2y) du chapitre 39 exclut expressément les jouets. En outre, les notes explicatives de la position no 39.26 comprennent expressément les sucettes. De plus, la note statistique 2 du chapitre 39, que l’ASFC a incluse dans ses observations, indique que le numéro de classement 3926.90.99.30 s’applique aux sucettes.

Position no 95.03

Termes de la position no 95.03

  1. Philips soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 95.03. Cette position relève de la section XX, qui comprend des marchandises et des produits divers, et, plus particulièrement, elle relève du chapitre 95, qui comprend les jouets, les jeux et les articles pour divertissements ou pour sport et leurs parties et accessoires. La position no 95.03 est formulée comme suit :

95.03 Tricycles, trottinettes, autos à pédales et jouets à roues similaires; landaus et poussettes pour poupées; poupées; autres jouets; modèles réduits et modèles similaires pour le divertissement, animés ou non; puzzles de tout genre.

Notes de la section XX

  1. La section XX ne comporte aucune note de section pertinente.

Notes du chapitre 95

  1. La note 1v) du chapitre 95 prévoit ce qui suit :

1. Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

v) les articles de table, les ustensiles de cuisine, les articles de toilette, les tapis et autres revêtements de sol en matières textiles, les vêtements, le linge de lit, de table, de toilette ou de cuisine et articles similaires ayant une fonction utilitaire (régime de la matière constitutive).

[Nos italiques]

Notes explicatives

  1. Les notes explicatives du chapitre 95 prévoient ce qui suit :

Le présent Chapitre comprend les jouets et les jeux pour l’amusement des enfants et la distraction des adultes [...].

  1. La partie pertinente des notes explicatives de la position no 95.03 prévoit ce qui suit :

La présente position couvre :

[...]

D) Les autres jouets.

Ce groupe comprend les jouets destinés essentiellement à l’amusement des personnes (enfants ou adultes). [...]

[...]

Parmi ceux-ci on peut citer :

[...]

22) Les hochets, les diables à ressort, les tirelires-jouets, les théâtres miniatures avec ou sans personnages, etc.

  1. Par conséquent, les notes explicatives du chapitre 95 comprennent expressément les jouets, et les notes explicatives de la position no 95.03 indiquent que la position comprend les jouets « destinés essentiellement à l’amusement des personnes ».
  2. De plus, selon les termes de la note 2y) du chapitre 39 et ceux de la position no 95.03, s’il est déterminé que les marchandises en cause sont des jouets, leur classement dans la position no 39.26 est proscrit, ce qui laisse la possibilité de conclure que les marchandises en cause sont visées par la position no 95.03.

POSITION DES PARTIES

Philips

  1. S’appuyant sur les termes de la position no 95.03 et soulignant les renvois à « amusement » dans les notes explicatives du chapitre 95 et de la position no 95.03, Philips indique, dans ses observations, que les marchandises en cause sont des jouets destinés à l’amusement d’un bébé[14]. Remarquant que le mot « jouet » n’est pas défini dans le Tarif des douanes, Philips s’appuie, aux fins du présent appel, sur une définition tirée du dictionnaire qui renvoie de façon semblable à l’amusement en tant que fonction fondamentale des jouets[15].
  2. En outre, en ce qui a trait à son affirmation, Philips renvoie à la décision du Tribunal dans Calego International Inc. c Sous-M.R.N.[16], dans laquelle il était d’avis qu’« [...] un jouet est quelque chose qui confère de l’agrément ou de l’amusement »[17], ainsi qu’à sa décision dans Zellers Inc. c. Sous-M.R.N.[18], dans laquelle il était d’avis que « [...] les jouets couvrent une infinité de produits dont certains peuvent être facilement identifiables comme des jouets et d’autres seulement après un examen plus attentif »[19]. Philips soutient que les marchandises en cause sont comprises dans la dernière catégorie décrite dans Zellers, en ce sens qu’elles peuvent ne pas être généralement perçues comme étant des jouets, mais qu’un examen plus attentif de celles-ci peut justifier qu’elles soient considérées comme des jouets[20].
  3. Dans le même ordre d’idée de son affirmation et en ce qui a trait à la perception générale des marchandises en cause, Philips renvoie aux définitions des mots « amuse » (amuser), « amusement » (amusement), « pleasure » (plaisir) et « play » (jouer) tirées de dictionnaires, qui mettent généralement l’accent sur la distraction, le divertissement et la satisfaction sensorielle[21].
  4. Philips s’appuie sur le témoignage d’un témoin expert formulé dans Produits juvéniles Elfe c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[22]. Dans Elfe, Mme Jennifer M. Rosinia, une experte en matière de puériculture, a déclaré au sujet de la relation entre l’amusement et la capacité cognitive des bébés que « [...] les nour[r]issons n’ont pas, ou très peu, de maîtrise de leur corps (habiletés motrices) au cours des premiers mois de leur vie [...] » et que « [...] les nour[r]issons ne peuvent s’amuser eux‑mêmes. [...] [L]es gens amusent les bébés en leur faisant vivre différentes expériences sensorielle »[23].
  5. Philips affirme que, de façon semblable aux marchandises dans Elfe, qui étaient des balançoires pour nourrissons, les marchandises en cause sont utilisées par les gens pour procurer aux nourrissons une stimulation sensorielle et, par conséquent, de l’amusement par l’entremise de la « succion non nutritive » [traduction], ce qui représente une fonction fondamentale qui peut ne pas être généralement perçue, mais qui en est néanmoins une selon laquelle les marchandises en cause doivent être classées à titre de jouets[24].
  6. Philips a aussi souligné la décision dans Confiserie Regal inc. c. Sous-M.R.N.[25]. Le Tribunal a indiqué dans Regal ce qui suit :

En ce qui a trait aux jouets en général, [...] dans Zellers, le Tribunal a mentionné que l’essence d’un jouet, c’est de procurer un divertissement. Cela ne signifie pas, cependant, simplement parce qu’un produit a une valeur ludique, qu’il devrait nécessairement être classé parmi les jouets. C’est un fait reconnu qu’un enfant jouera pendant des heures avec une boîte de carton vide, un sac de papier ou un bâton. Le Tribunal est, par conséquent, d’avis que le divertissement seul ne fait pas d’un objet un jouet aux fins du classement tarifaire.

  1. Soulignant la distinction jurisprudentielle importante établie dans Regal entre les jouets, d’une part, et d’autres articles amusants ayant des fonctions utilitaires, d’autre part, Philips affirme que les marchandises en cause ne sont conçues que pour amuser les bébés et n’ont aucune fonction utilitaire, ce qui n’empêche donc pas leur classement à titre de jouets[26].
  2. En outre, quant aux fonctions utilitaires et à l’utilisation du numéro de classement 3926.90.99.30 par l’ASFC pour classer plus précisément les marchandises à titre d’articles hygiéniques ou pharmaceutiques, comme le spécifie la note statistique 2 du chapitre 39, Philips affirme que les marchandises en cause ne sont pas des articles pharmaceutiques, compte tenu d’une définition du mot « pharmaceutique » tirée du dictionnaire, qui s’applique à des substances médicinales et, plus précisément, qu’elles ne sont pas des articles hygiéniques, compte tenu aussi d’une définition du mot « hygiénique » tirée du dictionnaire, qui concerne le maintien de la santé et la prévention des maladies au moyen de la propreté[27].
  3. Pour avancer ses affirmations, Philips indique que l’utilisation de sucettes a été liée à certains problèmes de santé et de développement chez les bébés[28], que les sucettes ne sont pas des articles propres ou sanitaires en soi lorsqu’elles sont utilisées aux fins prévues[29], qu’elles ont été liées à des problèmes émotionnels chez les jeunes garçons[30] et qu’elles sont expressément désignées dans le Règlement sur les produits dangereux (sucettes)[31].
  4. De plus, Philips fait également une comparaison avec les marchandises dans Zellers, qui n’étaient pas promues ni étiquetées comme étant des jouets, mais à l’égard desquelles le Tribunal a conclu qu’en fait il s’agissait de jouets aux fins du classement tarifaire. Philips est d’avis que les marchandises en cause sont également des jouets, même si elles ne sont pas promues comme telles ni nécessairement vendues au rayon des jouets[32].
  5. Enfin, Philips affirme que la jurisprudence dans Suzuki constitue un fondement solide pour que le Tribunal ne tienne aucun compte des notes explicatives de la position no 39.26, qui comprennent expressément les sucettes, en montrant que « [...] les marchandises peuvent, de prime abord, être classées à titre de “jouets” du [chapitre] 95, ce qui les exclut donc du [chapitre] 39 en raison de la note 2y) du [chapitre] 39 »[33] [traduction].

ASFC

  1. Pour sa part, l’ASFC renvoie aux termes de la note 2y) du chapitre 39, qui exclut expressément les jouets, et est d’avis que si les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le chapitre 95 à titre de jouets, leur classement dans le chapitre 39 devient alors possible[34].
  2. L’ASFC allègue ensuite que les marchandises en cause ne sont pas des jouets, puisqu’elles ont une fonction utilitaire pour un bébé. Soulignant la documentation qui indique que les bébés naissent avec un réflexe de succion, qui produit un effet apaisant et calmant, l’ASFC est d’avis que la fonction utilitaire des marchandises en cause consiste à calmer et à apaiser les bébés, ce qui les aide à dormir, soulage leur douleur, prévient le syndrome de mort subite du nourrisson, les aide à se développer et libère leur stress[35]. L’ASFC indique également que l’emballage des marchandises en cause précise qu’elles sont distribuées dans les hôpitaux, ce que l’ASFC considère comme une confirmation supplémentaire de leur fonction utilitaire[36].
  3. En outre, l’ASFC renvoie à la décision du Tribunal dans Franklin Mint Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[37], dans laquelle il a tenu compte de la jurisprudence dans Regal et a indiqué que le fait d’avoir une valeur ludique n’est pas déterminant quant au classement d’une marchandise à titre de jouet[38]. Pour l’ASFC, le corollaire est que, bien que les marchandises en cause puissent avoir une valeur ludique pour les bébés, elles ne sont pas pour autant des jouets, puisqu’elles ont une fonction utilitaire.
  4. De plus, l’ASFC soutient que le classement doit être conforme à celui des partenaires commerciaux du Canada, indiquant que des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni classent les sucettes dans la position no 39.26[39].
  5. Pour faire valoir la pertinence de la promotion et de l’étiquetage, l’ASFC renvoie à la décision de la Cour d’appel fédérale dans HBC Imports (Zellers Inc.) c. Canada (Agence des services frontaliers)[40], dans laquelle la cour a maintenu la décision du Tribunal concernant le classement de traîneaux à titre d’appareils d’exercice plutôt que de jouets, et s’appuie sur celle-ci. Dans cette décision, la cour a indiqué ce qui suit :

[12] En l’espèce, le Tribunal a fourni, aux paragraphes 41 à 51 de sa décision, les motifs qui l’ont conduit à décider que l’Astra Sled n’était pas compris dans les « autres jouets » visés par la position no 95.03. Le Tribunal a précisé qu’il faut prendre en compte l’utilisation réelle et l’utilisation prévue du produit en cause ainsi que la façon dont il est commercialisé. Le Tribunal a conclu que « la raison d’être de la marchandise en cause est de permettre aux enfants (et aux adultes) de participer à l’activité de plein air qui consiste à faire de la luge ou à glisser sur des pentes enneigées ». Le Tribunal a en outre examiné la façon dont HBC commercialise l’Astra Sled.

[13] À mon sens, cette décision du Tribunal appartient aux issues raisonnables. [...]

  1. L’ASFC indique qu’un examen de la manière dont les marchandises en cause sont commercialisées révèle des mises en garde, dont une porte par exemple sur un danger de strangulation et une autre sur l’utilisation sous la surveillance d’un adulte, ainsi qu’une recommandation selon laquelle les marchandises en cause doivent être remplacées toutes les quatre semaines pour des raisons de sécurité et d’hygiène. L’ASFC juxtapose ces indications à des renseignements fournis par Philips relativement à d’autres marchandises qui ne sont pas en cause et qui, selon l’ASFC, peuvent être qualifiées à juste titre de jouets, soulignant un accent mis sur la valeur ludique, y compris des énoncés tels que « pour s’amuser en toute sécurité » et « le plaisir du jeu »[41].
  2. Selon les arguments qu’elle a avancés ci-dessus, l’ASFC affirme que les marchandises en cause ne peuvent être correctement classées à titre de jouets du chapitre 95. Subsidiairement, l’ASFC invoque le libellé de la position no 39.26, qui, selon les notes explicatives de cette position, comprennent expressément les sucettes[42].
  3. Enfin, et à titre de réplique aux arguments de Philips sur la question, l’ASFC soutient que, puisque le numéro de classement 3926.90.99.30 renvoie à des articles hygiéniques et que la note statistique 2 du chapitre 39 indique que les sucettes sont visées par ce numéro de classement, les sucettes sont des articles hygiéniques essentiellement en raison de la définition donnée dans la loi. En outre, l’ASFC renvoie à ce qu’elle considère être les caractéristiques hygiéniques des marchandises en cause, comme celles qui figurent dans les documents y afférents, qui indiquent que les marchandises en cause doivent être stérilisées dans l’eau bouillante et nettoyées après chaque utilisation, et qu’elles sont munies d’un capuchon protecteur[43].

ANALYSE

  1. Avant de procéder à son analyse, il est important que le Tribunal indique que, comme c’est généralement le cas dans le cadre d’appels, la charge de la preuve en l’espèce incombe à Philips. À cet égard, le Tribunal a indiqué ce qui suit dans Les Produits Laitiers Advidia Inc. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada et Producteurs Laitiers du Canada[44], renvoyant à la décision de la Cour suprême du Canada dans Smith c. Nevins[45] :

13. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada, dans une procédure juridique, la règle générale est qu’il appartient à celui ou à celle qui fait une allégation de la prouver, c.-à-d. que le fardeau de la preuve incombe à la partie qui, pour l’essentiel, affirme qu’une chose existe. Cette règle est justifiable non seulement au motif de l’éthique mais aussi parce qu’il est en pratique plus difficile de prouver qu’une chose n’existe pas. La partie sur qui repose le fardeau de la preuve échouera si, une fois toute la preuve produite, le juge des faits entretient un doute véritable sur l’effet de cette preuve. La règle ci-dessus ne devrait être ignorée que dans les circonstances tout à fait exceptionnelles.

[...]

18. [...] Le reste de l’argumentation était centré sur l’interprétation correcte de diverses positions et divers numéros tarifaires et il est bien établi que « [l]’interprétation des numéros tarifaires est une question de droit », et non de fait. [...] [A]ucune des parties ne supporte jamais un fardeau de la preuve en ce qui concerne le droit.

[Italiques dans l’original, notes omises]

  1. Pour s’acquitter de sa charge, Philips a l’obligation de fournir des éléments de preuve à l’appui de la conclusion selon laquelle, conformément à la méthode établie dans les Règles générales, les marchandises en cause peuvent être correctement classées dans la position no 95.03[46]. Bien que ce ne soit pas dans tous les cas une condition pour pouvoir s’acquitter de cette charge, la position de Philips s’est retrouvée en l’espèce grandement desservie par son défaut de faire entendre aucun témoin qui s’y connaît en la matière afin d’expliquer les caractéristiques, les fonctions et la commercialisation des marchandises en cause.
  2. Par conséquent, le Tribunal n’a pu se pencher que sur les documents que Philips a versés au dossier et sur ses arguments. Il est à noter que ces documents comprennent très peu de renseignements sur le produit, qui se limitent en fait à un document de deux pages contenu dans son mémoire et n’offrant que des descriptions des plus élémentaires[47]. Il est également à noter que pour tenter de savoir si les arguments de Philips sont appuyés par une quelconque preuve, le Tribunal a, lors de l’audience, posé la question à Philips, qui a admis que ses observations ne contenaient pas de tels éléments de preuve[48].
  3. Étant donné ce manque d’observations factuelles, il ne reste au Tribunal que les affirmations générales non étayées de Philips concernant les caractéristiques des marchandises en cause, auxquelles il ne peut plausiblement accorder de poids sur le plan factuel.
  4. De plus, et tel qu’indiqué précédemment, Philips invite le Tribunal à accorder dans le cadre du présent appel, mutatis mutandis, une force probante au témoignage d’expert entendu dans un appel différent. Bien que le témoignage de Mme Rosinia dans Elfe puisse alors avoir été convaincant à ce moment-là, son application au présent appel n’est pas équitable du point de vue de la procédure. Le témoignage présenté dans Elfe concernait des marchandises différentes; de plus, étant donné que Mme Rosinia n’a pas été appelée comme témoin, l’ASFC n’a pu la contre-interroger et le Tribunal n’a pu lui poser de questions relativement aux marchandises en cause. Dans ces circonstances, admettre son témoignage dans le cadre du présent appel reviendrait à passer outre aux lacunes procédurales et à avaliser un résultat indéfendable du point de vue juridique.
  5. Quant aux observations formulées par l’ASFC et par Philips, il importe de préciser dès le début que les articles 10 et 11 du Tarif des douanes ne mentionnent pas l’utilisation des numéros de classement aux fins du classement de marchandises. Par conséquent, dans Bio Agri Mix Ltd. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada[49], le Tribunal a indiqué ce qui suit :

Le Tribunal fait observer que le classement proposé par l’appelante renvoie aux termes du Tarif des douanes aux niveaux des 9e et 10e chiffres. Plus précisément, la dénomination « contenant [de la] chlortétracycline » se trouve dans le numéro de classement 2309.90.39.42. Les 9e et 10e chiffres, cependant, ne font pas partie du système de classement; il s’agit plutôt de codes statistiques utilisés par Statistique Canada. De ce fait, ils ne font pas partie de l’annexe du Tarif des douanes, puisqu’ils ont été ajoutés par Statistique Canada à la seule fin de réunir des renseignements statistiques. Le Tribunal a toujours maintenu qu’il n’est pas opportun de tenir compte des 9e et 10e chiffres pour trancher des questions de classement tarifaire. De fait, les Règles générales et les Règles canadiennes ne régissent pas le classement aux niveaux des 9e et 10e chiffres[50].

[Note omise]

  1. Par conséquent, le Tribunal ne tiendra pas compte, dans son analyse, des observations concernant le numéro de classement 3926.90.99.30 en ce qui a trait au classement erroné des marchandises à titre d’articles hygiéniques ou pharmaceutiques, comme le spécifie la note statistique 2 du chapitre 39. Conformément à la règle 1 des Règles générales, la tâche dont le Tribunal est saisi consiste à tenir compte « [...] des termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres [...] », les règles subséquentes n’étant utilisées que si la règle 1 ne suffit pas aux fins du classement.
  2. En dépit des lacunes dans l’argumentation de Philips indiquées ci-dessus, le Tribunal tiendra compte, dans l’affaire dont il est saisi, des observations de Philips relativement au classement possible des marchandises en cause dans la position no 95.03. Les observations de Philips sont fondées sur des définitions tirées de dictionnaires et sur la jurisprudence du Tribunal.
  3. En raison des exclusions énoncées dans la note 2y) du chapitre 39, le Tribunal doit commencer son analyse en examinant si les marchandises en cause peuvent être classées dans le chapitre 95 et, plus particulièrement, dans la position no 95.03 à titre de jouets, comme le fait valoir Philips.
  4. Comme les parties l’ont indiqué dans leurs observations, le Tribunal a eu l’occasion, par le passé, d’examiner ce qui constitue un jouet d’après la nomenclature tarifaire. Par conséquent, dans Calego, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

Dans Zellers c. S-MRN et dans Confiserie Regal c. S-MRN, le Tribunal a précisé que, essentiellement, un jouet est quelque chose qui confère de l’agrément ou de l’amusement. Un jouet « est un objet destiné à divertir et avec lequel quelqu’un peut jouer »[51].

[Notes omises]

  1. En outre, dans Franklin Mint, le Tribunal a indiqué ce qui suit relativement aux marchandises en cause dans cet appel :

15. [...] Le Tribunal reconnaît que, même si elles peuvent présenter une valeur de divertissement, ce facteur n’est pas déterminant et ne fait pas des marchandises des jouets aux fins du classement tarifaire. [...] Les marchandises ne sont pas vendues en tant que jouets, les enfants ne jouent habituellement pas avec elles et elles ne sont pas conçues pour être manipulées. [...] De plus, d’après le témoignage du témoin de Franklin, les marchandises étaient, pour obtenir un meilleur prix sur le marché, commercialisées à titre de pièces de collection et non pas de jouets.

[Note omise]

  1. De plus, dans sa décision rendue dans HBC Imports a/s de Zellers Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[52], le Tribunal était de l’avis suivant :

41. Le terme « jouet » est interprété dans la jurisprudence du Tribunal au sens large comme comprenant une vaste gamme d’articles qui procurent de l’amusement et présenten[t] une valeur ludique.

42. Le Tribunal a conclu antérieurement que la position no 95.03 « [...] couvre les objets avec lesquels les enfants [...] jouent ». La valeur ludique est considérée comme un « [...] aspect servant à caractériser les jouets ».

43. Toutefois, dans Regal, le Tribunal a affirmé que « [...] le divertissement seul ne fait pas d’un objet un jouet aux fins du classement tarifaire ».

44. La question de savoir si un article constitue un jouet est une question de fait qui doit être déterminée au cas par cas. Afin de déterminer si une marchandise est un jouet, on doit examiner l’utilisation prévue de cette marchandise et son utilisation réelle ainsi que la manière dont elle est commercialisée, emballée et annoncée.

45. Il est évident que la marchandise en cause présente une valeur ludique, comme le prétend HBC. Cependant, ce facteur seul ne suffit pas à la décrire comme un « jouet ».

[...]

47. [...] HBC omet effectivement que la raison d’être de la marchandise en cause est de permettre aux enfants (et aux adultes) de participer à l’activité de plein air qui consiste à faire de la luge ou à glisser sur des pentes enneigées. C’est cette même glissade sur la neige qui, à son tour, procure un divertissement.

[Nos italiques, notes omises]

  1. Par conséquent, il ressort d’un examen de la jurisprudence que, bien que le fait de procurer de l’amusement soit important pour le classement d’une marchandise à titre de jouet, l’amusement n’est pas un facteur déterminant. Au fond, tous les jouets procurent de l’amusement, mais ce ne sont pas toutes les marchandises amusantes qui sont des jouets. Les marchandises ayant une fonction utilitaire peuvent néanmoins procurer de l’amusement. La question de savoir si une marchandise peut être classée à titre de jouet doit être déterminée au cas par cas, en tenant dûment compte de l’utilisation réelle de cette marchandise, de son utilisation prévue ainsi que de la manière dont elle est emballée et commercialisée.
  2. Les énoncés ci-dessus servant de guide analytique, le Tribunal portera son attention sur le document contenu dans le mémoire de Philips. Le document intitulé « Philips AVENT Fashion Pacifiers » (Philips AVENT – Sucettes tendance)[53] contient l’expression « Orthodontiques, sans BPA » [traduction], inscrite en grands caractères, et indique ce qui suit concernant les marchandises en cause :

Les tétines orthodontiques souples et symétriques Philips AVENT ne gênent en rien le développement naturel du palais, des dents et des gencives de bébé. Toutes les sucettes Philips AVENT sont faites en silicone et n’ont ni goût ni odeur.

[Traduction]

  1. Par conséquent, le document qualifie les marchandises en cause de sucettes et, de plus, ne fait aucune affirmation concernant l’amusement ou la promotion des marchandises en cause en tant que jouets.
  2. En outre, le mémoire de Philips contient un document intitulé « Stages Of Play During Child Development »[54] (Phases de jeu au cours du développement de l’enfant). Dans la section concernant les bébés âgés de 0 à 6 mois, le document indique qu’ils « mettent des objets dans [leur] bouche et touchent des objets » [traduction] avec leurs mains et qu’ils « [jouent] seuls avec des jouets [...] comme [...] des hochets [...] » [traduction]. Philips ne fait aucune affirmation selon laquelle les marchandises en cause sont des hochets.
  3. De plus, selon ce qui ressort clairement du guide analytique énoncé ci-dessus, les marchandises amusantes ne sont pas toutes des jouets. Par conséquent, le fait que les bébés âgés de 0 à 6 mois jouent en mettant des objets dans leur bouche et en faisant les autres actions indiquées ne suffit pas pour justifier la conclusion selon laquelle tous les objets avec lesquels les bébés font de telles actions sont des jouets. Il incombait à Philips de montrer que les enfants jouent avec les marchandises en cause de la manière décrite dans le document et, en outre, que les marchandises en cause sont fabriquées et commercialisées pour un tel jeu et n’ont aucune fonction utilitaire. Philips n’a présenté aucun élément de preuve pouvant justifier une telle conclusion.
  4. En outre, le mémoire de Philips contient un autre document renfermant des extraits concernant l’utilisation d’une sucette tirés de l’Encyclopedia of Children’s Health[55] (Encyclopédie de la santé des enfants). Un extrait qualifie une sucette de « [...] tétine artificielle conçue pour que les bébés la sucent à des fins de réconfort » [traduction]. Philips attire particulièrement l’attention du Tribunal sur une partie indiquant que « [l]es nourrissons sucent lorsqu’ils sont fatigués, qu’ils s’ennuient ou qu’ils ont besoin de réconfort. Certains bébés ont un plus grand besoin de sucer que d’autres et – à défaut de manger et d’être tenus dans les bras – sucer peut fournir un grand réconfort à un nourrisson. Les bébés qui ne sucent pas leur pouce ou leurs doigts dépendent souvent des sucettes » [traduction].
  5. Le document indique ensuite que les professionnels « [...] qualifient une sucette d’objet transitionnel qui aide les enfants à s’adapter à de nouvelles situations et à libérer leur stress » [traduction]. Le document contient d’autres utilisations des sucettes, comme pour aider à s’endormir et à se calmer dans des situations de stress, ce qui indique beaucoup plus une fonction utilitaire qu’une valeur ludique. Les énoncés contenus dans le document rejoignent ceux qui figurent dans un autre document provenant du site Web de Mayo Clinic[56]. Même si l’on accorde un poids minimal au premier document en raison des incertitudes quant à sa source ou à son autorité, ces documents mettent sérieusement en doute l’affirmation de Philips selon laquelle les marchandises en cause sont des jouets.
  6. Philips établit également un lien entre le Règlement sur les produits dangereux (sucettes) et le Règlement sur les jouets dans le contexte de son argument concernant l’inexactitude du classement des sucettes à titre d’articles hygiéniques ou pharmaceutiques, comme le soutient l’ASFC. En substance, la position adoptée par Philips est que le Règlement sur les produits dangereux (sucettes), lorsqu’il renvoie aux sucettes dans un de ses articles, indique que les sucettes doivent être conçues conformément aux exigences de fabrication qui s’appliquent aux articles visés par le Règlement sur les jouets, qui, bien entendu, comprend les jouets.
  7. Quant aux questions de classement tarifaire, le Tribunal ne peut s’appuyer sur les renvois contenus dans les textes législatifs énoncés à d’autres fins, comme, dans le cas présent, la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation[57]. Quoi qu’il en soit, il est à noter que, dans le contexte d’un cadre législatif particulier, une disposition selon laquelle un objet satisfait aux exigences applicables à une catégorie d’articles ne peut, en soi, justifier la conclusion selon laquelle l’objet appartient à cette catégorie d’articles. Une telle formulation de référence peut, par exemple, établir des exigences identiques pour différents types de marchandises sans vouloir associer ces marchandises ni, par ailleurs, les définir à toutes fins pratiques.
  8. Étant donné le manque d’éléments de preuve à l’appui des affirmations de Philips et, en fait, la présentation par celle-ci d’éléments de preuve documentaires qui contredisent clairement ces affirmations, le Tribunal ne peut conclure que les marchandises en cause sont, conformément aux termes des notes explicatives du chapitre 95 et de la position no 95.03, des jouets pour l’amusement des bébés.
  9. Un examen plus approfondi fondé sur les éléments de preuve documentaires présentés par Philips appuie la conclusion selon laquelle les marchandises en cause servent à des fins utilitaires par le biais de la succion non nutritive, comme le réconfort, la libération du stress, l’aide à s’endormir et l’apaisement en situations de stress. En outre, les éléments de preuve documentaires disponibles indiquent que Philips ne commercialise pas les marchandises en cause en tant que jouets.
  10. Le Tribunal examinera maintenant les termes de la position no 39.26, ainsi que la note de chapitre et les notes explicatives connexes de cette position. La position vise des ouvrages en matières plastiques ou en autres matières des positions nos 39.01 à 39.14. Philips n’a présenté aucun élément de preuve concernant la fabrication des marchandises en cause en matières non plastiques ou en matières autres que celles des positions nos 39.01 à 39.14.
  11. Pour sa part, l’ASFC a inclus dans son mémoire un document provenant du site Web de Consumer Reports, qui décrit une sucette comme une « [...] tétine en latex ou en silicone montée sur une grande rondelle en plastique [...] »[58] [traduction]. En outre, l’ASFC a affirmé, au cours de l’audience, que les marchandises en cause sont faites en silicone, à savoir une matière plastique[59]. À la lumière des notes explicatives de la position no 39.26, qui indiquent expressément que les sucettes sont comprises dans les termes de cette position, le Tribunal juge convaincante la position de l’ASFC.
  12. Quant à ce qui précède, le Tribunal peut s’appuyer sur le fait que Philips a admis au cours de l’audience que les marchandises en cause sont des sucettes[60]. Cela est appuyé par le document contenu dans son mémoire[61]. D’ailleurs, Philips n’a pas tenté de démontrer que les marchandises en cause sont tout sauf des sucettes; l’argument avancé par Philips est plutôt que les sucettes sont des jouets. Cependant, Philips n’a pas démontré que les marchandises en cause sont des jouets, et le Tribunal conclut, d’après les éléments de preuve disponibles, que les marchandises en cause ne sont pas des jouets. Selon cette conclusion, la note 2y) du chapitre 39 n’empêche aucunement le classement des marchandises en cause dans ce chapitre.
  13. Par conséquent, d’après les termes de la position no 39.26, ainsi que les notes explicatives connexes de cette position, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 39.26 à titre d’autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des positions nos 39.01 à 39.14.

DÉCISION

  1. L’appel est rejeté.
 

[1].     L.R.C. 1985 ch. 1, (2e suppl.) [Loi].

[2].     Pièce AP-2013-013-04A, onglet 3, vol. 1.

[3].     L.C. 1997, ch. 36.

[4].     Pièce AP-2013-013-04A, onglet 1, vol. 1.

[5].     Ibid. aux pp. 1, 2, vol. 1.

[6].     Ibid., onglet 2, vol. 1.

[7].     Ibid. aux par. 9-13, onglet 4, vol. 1.

[8].     Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[9].     L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[10].   L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[11].   Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement]. Aucun avis de classement ne s’applique en l’espèce.

[12].   Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[13].   Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire.

[14].   Pièce AP-2013-013-04A aux par. 37-40, 45-48, vol. 1.

[15].   Ibid. aux par. 43, 44, vol. 1.

[16].   (29 mai 2000), AP-98-102 (TCCE) [Calego].

[17].   Calego à la p. 6.

[18].   (29 juillet 1998), AP-97-057 (TCCE) [Zellers].

[19].   Zellers à la p. 8.

[20].   Pièce AP-2013-013-04A au par. 48, vol. 1.

[21].   Ibid. aux par. 54-57, vol. 1.

[22].   (15 juin 2012), AP-2011-029 (TCCE) [Elfe].

[23].   Elfe au par. 42.

[24].   Pièce AP-2013-013-04A aux par. 52, 58-64, vol. 1.

[25].   (25 juin 1999), AP-98-043, AP-98-044 et AP-98-051 (TCCE) [Regal].

[26].   Pièce AP-2013-013-04A aux par. 48, 52, vol. 1.

[27].   Ibid. aux par. 74-78, vol. 1.

[28].   Ibid. au par. 79, vol. 1.

[29].   Ibid. au par. 80, vol. 1.

[30].   Ibid. au par. 81, vol. 1.

[31].   C.R.C., ch. 930. De plus, Philips fait un lien entre le Règlement sur les produits dangereux (sucettes) et le Règlement sur les jouets, DORS/2011-17, soulignant qu’il est indiqué dans le paragraphe 5(2) du premier que « [t]out produit [...] doit satisfaire aux exigences de l’article 25 du Règlement sur les jouets ». Cet article énonce les conditions ayant trait aux jouets contenant des substances toxiques.

[32].   Pièce AP-2013-013-04A aux par. 49, 50, vol. 1.

[33].   Ibid. au par. 93, vol. 1.

[34].   Pièce AP-2013-06A au par. 18, vol. 1A.

[35].   Ibid. aux par. 35, 36, onglet 19, vol. 1A.

[36].   Ibid. au par. 37, vol. 1A.

[37].   (13 juin 2006), AP-2004-061 (TCCE) [Franklin Mint].

[38].   Pièce AP-2013-06A au par. 28, vol. 1A.

[39].   Ibid. au par. 30, onglet 16, vol. 1A.

[40].   2013 CAF 167 (CanLII) [HBC].

[41].   Pièce AP-2013-06A aux par. 31-34, vol. 1A.

[42].   Ibid. au par. 19, vol. 1A.

[43].   Ibid. aux paras. 45, 47, vol. 1A.

[44].   (8 mars 2005), AP-2003-040 (TCCE).

[45].   [1925] R.C.S. 619.

[46].   À cet égard, voir aussi la décision du Tribunal dans Montecristo Jewellers Inc. c. M.R.N. (15 mars 2002), AP-99-088 (TCCE). À titre d’information, le Tribunal trouve utile de faire remarquer que les appels interjetés aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sont des procédures entièrement nouvelles, accordant à l’appelante le privilège et la charge de faire valoir ses prétentions sans avoir à tenir compte d’arguments qu’elle a précédemment présentés à l’ASFC et des décisions rendues par l’ASFC en réponse à ces arguments. À cet égard, voir Volpak Inc. (2 février 2012), EP-2011-002 (TCCE), et Smith v. Minister of National Revenue, [1965] S.C.R. 582. Néanmoins, étant donné le genre de questions qui doivent trouver réponse dans de tels appels, il est très difficile pour une appelante de faire valoir ses prétentions sans aborder ce qu’elle perçoit être des lacunes dans l’argumentation de l’ASFC. L’idéal est que l’appelante tienne compte de ce contexte dans son argumentation.

[47].   Pièce AP-2013-013-04A, onglet 4, vol. 1.

[48].   Transcription de l’audience publique, 5 novembre 2013, aux pp. 15-19.

[49].   (28 novembre 2000), AP-99-085 (TCCE) [Bio Agri Mix].

[50].   Bio Agri Mix à la p. 7.

[51].   Calego à la p. 6.

[52].   (11 avril 2012), AP-2011-018 (TCCE).

[53].   Pièce AP-2013-013-04A, onglet 4, vol. 1.

[54].   Ibid., onglet 21, vol. 1.

[55].   Ibid., onglet 22, vol. 1.

[56].   Ibid., onglet 23, vol. 1.

[57].   L.C. 2010, ch. 21.

[58].   Pièce AP-2013-06A, onglet 5, vol. 1A.

[59].   Transcription de l’audience publique, 5 novembre 2013, à la p. 29.

[60].   Ibid. à la p. 11.

[61].   Pièce AP-2013-013-04A, onglet 4, vol. 1.