HUDSON’S BAY COMPANY

HUDSON’S BAY COMPANY
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Appel no AP-2012-067

Décision et motifs rendus
le vendredi 21 mars 2014

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 25 novembre 2013 en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À six décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 15 novembre 2012 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

HUDSON’S BAY COMPANY Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 25 novembre 2013

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Jidé Afolabi
Kalyn Eadie (stagiaire en droit)

Gestionnaire intérimaire, Programmes et
services du greffe : Lindsay Vincelli

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Hudson’s Bay Company

Michael Kaylor

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Paul Battin

TÉMOINS :

Michael T. Gilson
Aventurier en chef/vice-président
Marques maison
Hudson’s Bay Company

Judy Daly
Vice-président du groupe
Macy’s Merchandising Group

Patrice Gonnon
Gestionnaire intérimaire des dossiers complexes
Agence des services frontaliers du Canada

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le présent appel a été interjeté par la Hudson’s Bay Company (HBC) le 12 février 2013, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard d’un réexamen par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), daté du 15 novembre 2012, aux termes du paragraphe 60(4).
  2. La question en litige dans le présent appel porte sur le calcul de la valeur en douane de marchandises importées par HBC achetées à Macy’s Merchandising Group (Macy’s), et consiste, plus particulièrement, à déterminer si l’ASFC a établi à juste titre que les remises pour « soutien de la marge bénéficiaire » [traduction] et pour « soutien publicitaire » [traduction] (les remises) accordées à HBC par Macy’s ont été correctement exclues du prix payé ou à payer, car elles ont été « effectuées » après l’importation.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 30 décembre 2010, HBC a déposé des demandes générales de remboursement et de correction, aux termes de l’alinéa 74(1)e) et du paragraphe 32.2(2) de la Loi respectivement, afin de modifier la valeur en douane des marchandises achetées à Macy’s au cours de l’année civile 2007. Ces demandes s’appuyaient sur le fait qu’il y avait eu une erreur dans le calcul de la valeur en douane au moment où le courtier de HBC l’a déclarée, car cette valeur ne tenait pas compte des remises[2]. Le 28 janvier 2011, l’ASFC a informé HBC qu’elle ferait une vérification sur place des livres et registres de HBC[3]. Cette vérification a été faite du 7 au 9 février 2011[4].
  2. Le 26 juillet 2011, l’ASFC a émis son rapport de vérification provisoire, informant HBC qu’elle ne tiendrait pas compte des remises pour l’année civile 2007, car elle considérait que ces remises avaient été effectuées après l’importation[5]. Le 17 novembre 2011, l’ASFC a émis son rapport de vérification définitif, confirmant sa position selon laquelle les remises ne seraient pas prises en compte, et a aussi émis des relevés détaillés de rajustement aux termes de l’article 59 de la Loi conformément aux conclusions de ce rapport[6].
  3. Le 23 mai 2012, HBC a déposé des demandes de remboursement et de correction visant ses importations auprès de Macy’s au cours des années civiles 2008 et 2009[7]. Le 18 juillet 2012, l’ASFC a rejeté les demandes de remboursement et de correction pour les importations de 2008 et 2009 au motif que les remises avaient été effectuées après l’importation[8].
  4. Le 10 avril et le 23 août 2012, HBC a demandé que l’ASFC réexamine la valeur en douane des importations de 2007 et des importations de 2008 et 2009, respectivement, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi[9].
  5. Le 28 septembre 2012, l’ASFC a rendu une décision provisoire rejetant les demandes de réexamen visant les importations de 2008 et 2009[10].
  6. Le 15 novembre 2012, l’ASFC a confirmé ses décisions antérieures de ne pas tenir compte des remises pour toutes les importations de 2007 à 2009[11]. L’ASFC a rendu six décisions aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sous forme de relevés détaillés de rajustement, soit deux décisions pour chaque année, l’une concernant les demandes de remboursement visant les marchandises assujetties à des droits de douane et l’autre les demandes de correction visant les marchandises non assujetties à des droits de douane[12].
  7. Le 12 février 2013, HBC a interjeté le présent appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi[13].

DESCRIPTION DES TRANSACTIONS EN CAUSE

  1. HBC achète des marchandises à Macy’s Merchandising Group aux États-Unis et les importe au Canada afin de les vendre aux consommateurs canadiens. Pendant la période durant laquelle les transactions en cause ont eu lieu, HBC a envoyé à Macy’s des bons de commande fondés sur le prix courant de Macy’s pour les marchandises. Au même moment où elle a envoyé les bons de commande, HBC a émis une lettre de crédit garantissant le paiement des marchandises. Les marchandises ont ensuite été expédiées directement à HBC par différents fabricants étrangers. Après la réception des marchandises par HBC, Macy’s a envoyé des factures à HBC, toujours pour le plein prix courant des marchandises, et HBC a libéré les fonds nécessaires en faveur de Macy’s[14].
  2. En 2006, Macy’s et HBC auraient conclu une entente, la « 2007 Partnership Agreement Procedure » (entente sur la procédure du partenariat)[15], en vertu de laquelle Macy’s doit verser des remises de 3 p. 100 pour « soutien de la marge bénéficiaire » [traduction] et de 1,5 p. 100 pour « soutien publicitaire » [traduction], calculées trimestriellement ou semestriellement, respectivement, en fonction des expéditions facturées[16].
  3. Par conséquent, à compter de 2007, Macy’s a envoyé à HBC des rapports d’expédition et des chèques représentant la valeur des remises à la fin de chaque trimestre ou de chaque semestre, selon le cas[17]. Malgré l’existence des remises, les bons de commande et les factures visant les transactions en cause ont continué d’indiquer le plein prix courant pour tous les articles achetés[18].

CADRE LÉGISLATIF

  1. En vertu de la Loi, afin de percevoir des droits de douane sur des marchandises importées, une valeur doit d’abord être attribuée aux marchandises. L’article 46 de la Loi stipule que la valeur en douane doit être déterminée conformément aux articles 47 à 55.
  2. Le paragraphe 47(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

47. (1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d’après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l’article 48.

  1. L’article 48 de la Loi prévoit ce qui suit :

48. (1) Sous réserve des paragraphes (6) et (7), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable [...] :

[...]

(4) Dans le cas d’une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

(5) Dans le cas d’une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

[...]

c) compte non tenu des remises ou réductions du prix payé ou à payer effectuées après l’importation des marchandises.

[...]

  1. Le paragraphe 45(1) de la Loi définit « prix payé ou à payer » comme suit :

« prix payé ou à payer » En cas de vente de marchandises pour exportation au Canada, la somme de tous les versements effectués ou à effectuer par l’acheteur directement ou indirectement au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises.

  1. En résumé, l’article 47 de la Loi prévoit que la première base d’appréciation de la valeur en douane des marchandises importées est la « valeur transactionnelle » de celles-ci. Le paragraphe 48(1) confirme que cela constitue le point de départ de l’appréciation de la valeur aux termes de la Loi; il est clair que la valeur en douane doit être appréciée en fonction de cette méthode d’appréciation, sous réserve des conditions prévues à l’article 48, qui sont les suivantes :
  • il doit y avoir une vente pour exportation;
  • il doit y avoir un acheteur au Canada;
  • le prix payé ou à payer doit être déterminable.
  1. La méthode d’appréciation fondée sur la valeur transactionnelle s’appuie principalement sur la valeur attribuée aux marchandises par un vendeur et un acheteur dans le cadre d’une transaction d’exportation. Elle correspond au « prix payé ou à payer » pour les marchandises, c’est-à-dire au prix de vente dans le cadre d’une transaction d’exportation lorsque celui-ci peut être déterminé. Dans certains cas, ce prix peut être ajusté à la hausse ou à la baisse pour tenir compte de certains frais, y compris toute remise effectuée avant, mais non après, l’importation des marchandises.
  2. Le paragraphe 74(1) de la Loi énonce les conditions auxquelles un importateur peut demander un remboursement de droits payés :

74. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, de l’article 75 et des règlements d’application de l’article 81, le demandeur qui a payé des droits sur des marchandises importées peut, conformément au paragraphe (3), faire une demande de remboursement de tout ou partie de ces droits et le ministre peut accorder à la personne qui, conformément à la présente loi, a payé des droits sur des marchandises importées le remboursement total ou partiel de ces droits dans les cas suivants :

a) elles ont été endommagées, détériorées ou détruites entre leur expédition vers le Canada et la date de leur dédouanement;

b) elles ont été dédouanées en quantité inférieure à celle pour laquelle les droits ont été payés;

c) elles sont de qualité inférieure à celle pour laquelle les droits ont été payés;

c.1) les marchandises ont été exportées d’un pays ALÉNA ou du Chili mais n’ont pas fait l’objet d’une demande visant l’obtention du traitement tarifaire préférentiel de l’ALÉNA ou de celui de l’ALÉCC au moment de leur déclaration en détail en application du paragraphe 32(1), (3) ou (5);

c.11) les marchandises ont été importées d’Israël ou autre bénéficiaire de l’ALÉCI ou de tout pays ou territoire mentionné à la colonne 1 de la partie 4 de l’annexe, mais n’ont pas fait l’objet d’une demande visant l’obtention du traitement tarifaire préférentiel de l’ALÉCI ou de celui prévu par un accord mentionné à la colonne 2, selon le cas, au moment de leur déclaration en détail en application des paragraphe 32(1), (3) ou (5);

c.2) [Abrogé, 1997, ch. 14, art. 43]

d) le calcul des droits dus sur les marchandises est fondé sur une erreur d’écriture ou de typographie, ou sur une autre erreur de même nature;

e) les marchandises ont fait l’objet d’un paiement de droits excédentaire ou erroné résultant d’une erreur de détermination, en application du paragraphe 58(2) de leur origine — dans des cas autres que ceux prévus aux alinéas c.1) ou c.11) — , de leur classement tarifaire ou de leur valeur en douane et elles n’ont pas fait l’objet de la décision prévue à l’un ou l’autre des article 59 à 61;

f) les marchandises n’ont encore reçu au Canada aucun usage autre que leur incorporation à d’autres marchandises, dans les cas où celles-ci ou celles-là sont soit vendues ou cédées à une personne qui respecte les conditions imposées au titre d’un numéro tarifaire de la liste des dispositions tarifaires de l’annexe du Tarif des douanes ou conformément aux règlements pris en vertu de cette loi à l’égard d’un numéro tarifaire à cette liste, soit affectées à un usage conforme aux mêmes conditions;

g) les droits ont été payés en trop ou par erreur dans les autres cas prévus par règlement.

[...]

  1. Le paragraphe 32.2(2) de la Loi énonce l’obligation imposée aux importateurs de corriger leurs déclarations relatives aux transactions non assujetties à des droits de douane comme suit :

32.2 (2) Sous réserve des règlements pris en vertu du paragraphe (7), l’importateur ou le propriétaire de marchandises ou une personne qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes relativement à celles-ci, ou qui est autorisée en application de l’alinéa 32(6)a) ou du paragraphe 32(7) à effectuer la déclaration en détail ou provisoire des marchandises, ayant des motifs de croire que la déclaration de l’origine de ces marchandises, autre que celle visée au paragraphe (1), la déclaration du classement tarifaire ou celle de la valeur en douane effectuée à l’égard d’une de ces marchandises en application de la présente loi est inexacte est tenue, dans les quatre-vingt-dix jours suivant sa constatation :

a) d’effectuer une correction à la déclaration en la forme et selon les modalités réglementaires et comportant les renseignements réglementaires;

b) de verser tout complément de droits résultant de la déclaration corrigée et les intérêts échus ou à échoir sur ce complément.

ANALYSE

Question préliminaire : reconnaissance de M. Gonnon à titre de témoin expert

  1. L’ASFC a soumis un rapport d’expert préparé par M. Gonnon, vérificateur principal de l’ASFC dans le cadre de la vérification des transactions de HBC, et a demandé à l’audience qu’il soit reconnu par le Tribunal à titre d’expert dans le domaine des pratiques comptables[19]. Au cours de ce processus, l’ASFC a demandé à M. Gonnon d’indiquer ses titres de compétence, et le Tribunal lui a ensuite posé certaines questions[20].
  2. Le conseiller juridique de HBC s’est opposé au témoignage de M. Gonnon à titre de témoin expert, mais seulement dans la mesure où celui-ci émettrait une opinion sur l’interprétation appropriée des dispositions législatives en cause, puisque cela ne relève pas de son domaine de compétence[21].
  3. Dans R. c. Mohan[22], la Cour suprême a établi les critères de recevabilité d’une preuve d’expert. Selon la Cour, un tribunal doit tenir compte des quatre critères suivants dans l’appréciation de la recevabilité de la preuve d’expert :
  • la pertinence;
  • la nécessité d’aider le juge des faits;
  • l’absence de toute règle d’exclusion;
  • la qualification suffisante de l’expert[23].
  1. Les tribunaux peuvent exclure une preuve d’expert si le risque qu’elle soit utilisée à mauvais escient ou qu’elle fausse le processus d’établissement des faits dépasse sa valeur probante[24]. Un tel risque peut se présenter lorsque l’opinion de l’expert n’est pas fiable en raison de sa partialité[25]. Au lieu d’être autorisé à plaider la cause d’une des parties ou à défendre son propre intérêt quant à l’issue de la cause, l’expert doit être indépendant du litige et éclairer la cour en donnant un avis objectif et impartial sur les questions qui relèvent de son champ de compétence[26].
  2. Bien que les règles applicables à la reconnaissance d’un témoin expert soient plus souples en ce qui concerne un tribunal administratif ou quasi judiciaire par rapport aux tribunaux judiciaires[27], le Tribunal a déjà établi qu’il est inapproprié de reconnaître un témoin à titre d’expert lorsque son manque d’objectivité ou sa partialité influe sur la confiance que le Tribunal accorde à la fiabilité de son témoignage[28].
  3. En l’espèce, même si le Tribunal n’avait aucune difficulté à admettre les compétences du témoin et a conclu que celui-ci pourrait être reconnu à titre d’expert dans le domaine des pratiques comptables[29], le Tribunal a émis de sérieuses réserves quant à l’indépendance de l’expert, en raison de sa participation directe à la vérification de l’établissement de la valeur dont le présent appel découle en partie[30]. Le Tribunal a conclu qu’il était inapproprié de placer M. Gonnon dans une situation où il pourrait avoir à émettre une opinion d’expert à l’égard des pratiques comptables utilisées dans le cadre d’une vérification qu’il a lui-même réalisée[31].
  4. De plus, le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas forcément besoin d’une preuve d’expert pour trancher le présent appel puisque celui-ci ne repose pas sur une telle question, mais plutôt sur l’interprétation et la portée juridiques d’autres faits que ceux qui relèvent du domaine de compétence de M. Gonnon.
  5. Étant donné ce qui précède, le Tribunal a refusé de reconnaître M. Gonnon à titre de témoin expert[32] et a plutôt invité l’ASFC à faire témoigner M. Gonnon uniquement au sujet des faits[33]. Par conséquent, M. Gonnon a témoigné à titre de témoin ordinaire, mais dont l’expérience dans le domaine de la comptabilité a été reconnue[34].

Le prix payé ou à payer doit-il être ajusté pour tenir compte des remises?

  1. La principale question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les remises ont été « effectuées » avant ou après l’importation des marchandises et donc si le prix payé ou à payer doit être ajusté afin de tenir compte de ces remises, ou si celles-ci ne doivent pas être prises en compte en application de l’alinéa 48(5)c) de la Loi.
  2. Deux aspects de cette question doivent être examinés : l’interprétation juste à donner au mot « effectué » dans le contexte de l’alinéa 48(5)c), et la question de savoir si l’entente entre Macy’s et HBC établit que les remises ont été « effectuées » avant l’importation.

Définition du mot « effectué »

  1. Le terme « effectué » n’est pas défini dans la Loi et n’est pas employé dans ce sens ailleurs dans la Loi. Le terme « effectué » doit donc être compris selon son sens courant et conformément au contexte dans lequel il est employé.
  2. L’ASFC n’a pas présenté d’observations sur le sens courant du mot « effectué ». HBC soutient que le terme « effectué » doit être défini conformément à la définition suivante du mot « effect » (effectuer) :

1 : réaliser 2 a : exécuter, souvent en surmontant des obstacles : ACCOMPLIR [...] b mettre à exécution [...] syn. voir EXÉCUTER[35]

[Traduction]

  1. En outre, la définition de « effect » dans le Canadian Oxford Dictionary est la suivante :

1 faire exister [...] ou accomplir [...]. mettre à effet ou mener à accomplissement[36].

[Traduction]

  1. Puisque ces définitions renvoient aux termes « accomplish » (accomplir) et « perform » (exécuter), il est utile d’examiner également leur définition. Dans le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, la définition de « accomplish » est la suivante :

1 : obtenir (un résultat) à la suite d’un effort [...] 2 : mener à son terme [...] 3 : réussir à atteindre (un stade dans une progression) [...][37]

[Traduction]

et celle de « perform » est la suivante :

1 : respecter les conditions de : EXÉCUTER <~ un contrat> 2 : RÉALISER, FAIRE 3 a : faire de façon officielle ou conformément aux rites prescrits[38]

[Traduction]

  1. Le Tribunal est d’avis que ces termes renvoient tous à un concept commun de création, au moment où une obligation commence à être « réalisée », à être « mise à exécution » ou autrement « mise à effet ou menée à accomplissement ».
  2. À la lecture de l’alinéa 48(5)c) de la Loi, le Tribunal interprète donc le terme « effectué » comme exigeant que toute remise ou réduction qui a été « réalisée » ou « mise à effet ou menée à accomplissement » après l’importation de marchandises ne soit pas prise en compte dans le calcul du prix payé ou à payer. En d’autres mots, l’« élément déclencheur » ou la raison d’être de la remise doit exister avant l’importation, et non pas dépendre d’une condition qui ne peut être satisfaite qu’après l’importation, pour que la remise soit déduite du prix payé ou à payer.

Y avait-il une entente ayant force obligatoire entre HBC et Macy’s?

  1. Avant de procéder à l’analyse, le Tribunal doit examiner la nature des éléments de preuve versés au dossier pour prouver l’existence de l’entente entre Macy’s et HBC.
  2. HBC a produit un document d’une page, intitulé « 2007 Partnership Agreement Procedure » (entente sur la procédure du partenariat), qui décrit très brièvement les modalités et le calendrier des remises en cause énoncées ci-dessus[39].
  3. Le 22 novembre 2013, quelques jours avant l’audience, le Tribunal a demandé au conseiller juridique de HBC s’il existait entre les parties une entente plus générale et globale de laquelle ce document découlerait[40]. Le Tribunal a été informé qu’il s’agissait d’un document distinct ne faisant partie d’aucun autre ensemble d’ententes duquel il relèverait[41].
  4. À l’audience, l’ASFC a contesté la recevabilité du document soumis par HBC pour prouver l’existence d’une entente entre HBC et Macy’s puisque le document ne porte pas de date (à l’exception de la mention de l’année dans le titre) et qu’il n’est pas signé[42]. En réponse à cet argument, HBC s’est référée à deux lettres soumises à l’ASFC par M. Harry Frenkel, à l’emploi de Macy’s[43], et a demandé à Mme Judy Daly, également à l’emploi de Macy’s, de confirmer que M. Frenkel était présent lors de la rédaction de l’entente et qu’il avait surveillé son exécution[44]. Il importe toutefois de noter que ni Mme Daly ni l’autre témoin pour HBC, M. Michael Gilson, n’étaient présents lors de la rédaction de l’entente et ne peuvent donc en confirmer l’authenticité en se fondant sur une connaissance personnelle[45].
  5. Le Tribunal est d’avis qu’il ne peut s’appuyer sur cette entente pour conclure à l’existence d’une entente ayant force obligatoire entre HBC et Macy’s.
  6. L’absence de signature et de date empêche le Tribunal de conclure que le document offre une preuve de signature ou une preuve de paternité et d’origine, comme l’exigent les règles de preuve applicables aux documents privés[46]. Bien qu’en qualité de tribunal administratif le Tribunal ne soit pas formellement tenu au respect de ces règles, il conclut néanmoins que cette entente est un document trop imparfait à ces deux égards pour pouvoir servir à établir l’existence d’une entente ayant force obligatoire.
  7. De plus, le Tribunal conclut qu’il ne peut s’appuyer sur la lettre de M. Frenkel ni sur le témoignage de Mme Daly à titre de preuve de la signature de l’entente. Puisque M. Frenkel n’était pas présent à l’audience, le conseiller juridique pour la partie adverse n’a pas eu la possibilité de le contre-interroger par rapport cette question. Même si, tel qu’indiqué précédemment, les règles de preuve en ce qui concerne un tribunal administratif peuvent être assouplies, le Tribunal doit néanmoins faire preuve de prudence avant de se fier à ce qui équivaut à du ouï-dire.
  8. Cependant, en plus de l’entente, HBC a produit un document indiquant le calcul de la remise pour soutien de la marge bénéficiaire pour la période de janvier à mars 2007[47].
  9. En particulier, les deux dernières colonnes de ce document établissent la valeur totale des achats faits durant cette période, en fonction des expéditions facturées, ainsi qu’un montant représentant 3 p. 100 des ventes totales. Ce document est accompagné d’une copie d’un relevé et d’un chèque au même montant, représentant également 3 p. 100 des ventes totales, qui est daté du 20 avril 2007 et qui était payable par Macy’s à HBC[48]. Selon le bordereau de dépôt qui l’accompagne, le chèque a été déposé au compte de HBC le 21 avril 2007[49].
  10. HBC a également produit un document indiquant le calcul de la remise pour soutien publicitaire pour la période d’août 2007 à janvier 2008[50]. De la même façon, les deux dernières colonnes établissent la valeur totale des achats faits durant cette période, en fonction des expéditions facturées, et un montant représentant 1,5 p. 100 des ventes totales. Un relevé, un chèque et un bordereau de dépôt ont aussi été produits afin de démontrer que le paiement a été fait par Macy’s à HBC le ou vers le 20 février 2008 et a été déposé par HBC le 3 mars 2008[51].
  11. À l’examen de ces deux ensembles de documents, le Tribunal a constaté immédiatement qu’ils ne correspondent pas entièrement aux transactions en cause dans le présent appel étant donné que celui-ci vise toutes les transactions intervenues entre Macy’s et HBC de 2007 jusqu’en 2009. De plus, M. Gilson et Mme Daly ont déclaré que ces relevés et chèques étaient envoyés régulièrement par Macy’s à HBC depuis au moins janvier 2007, et peut-être même depuis décembre 2006[52].
  12. Par conséquent, à l’audience, le Tribunal a demandé aux parties de convenir d’une liste de toutes les transactions en cause dans le présent appel et de lui fournir cette liste ainsi que des documents similaires établissant le calcul des remises et prouvant l’émission et le dépôt des chèques, si disponibles[53].
  13. Ainsi, le 4 décembre 2013, le conseiller juridique de HBC a déposé auprès du Tribunal des documents connexes concernant 18 remboursements faits au cours des années 2007 à 2009[54]. Ces documents témoignent de remboursements semestriels faits par Macy’s à HBC, représentant 1,5 p. 100 du volume des ventes, et des remboursements trimestriels de Macy’s à HBC, représentant 3 p. 100 du volume des ventes, pour 2007, 2008 et 2009[55].
  14. Bien que le Tribunal ne puisse accorder une valeur probante suffisante à l’entente pour les motifs exposés ci-dessus, la conduite des parties pendant la période de 2007 à 2009 ainsi que la compilation systématique des remises, les remboursements par chèque et le dépôt de certains montants aux comptes de HBC démontrent l’existence d’une pratique constante entre les parties qui appuie clairement l’assertion selon laquelle il y avait une entente entre elles.
  15. Par conséquent, le Tribunal estime que les documents décrits ci-dessus, complétés par les déclarations des témoins pour HBC quant à l’application de l’entente, lui fournissent des éléments de preuve suffisants pour lui permettre de conclure qu’il y avait effectivement entre les parties une entente prévoyant des remises de 3 p. 100 et de 1,5 p. 100 à intervalles réguliers de 2007 jusqu’en 2009.

Les remises ont-elles été « effectuées » avant l’importation des marchandises?

  1. Le principal argument de HBC est que le prix payé ou à payer doit être ajusté afin de tenir compte des remises puisque, à son avis, c’est l’entente entre elle et Macy’s qui est la raison pour laquelle les remises ont été « effectuées » et que cette entente a été conclue avant les importations.
  2. La position première de l’ASFC est que les remises ne doivent pas être considérées comme faisant partie du prix payé ou à payer convenu entre HBC et Macy’s, comme en font foi les conditions de vente indiquées sur les factures commerciales, les bons de commande, les paiements, la comptabilité ainsi que les livres et registres tenus par HBC.
  3. L’ASFC s’appuie plus particulièrement sur le fait que les remises n’ont pas été inscrites sur les factures commerciales ou les bons de commande à titre de condition de vente et n’ont pas été enregistrées comme des sommes à recevoir dans les livres et registres au moment de l’importation[56]. L’ASFC se fonde sur le Mémorandum D13-4-10 pour appuyer sa position selon laquelle toutes les conditions de vente doivent être indiquées dans les documents comptables de l’importateur pour être prises en compte dans le calcul du prix payé ou à payer[57].
  4. L’ASFC affirme plutôt que l’élément déclencheur des remises a été l’émission des rapports d’expédition et des chèques par Macy’s, c’est-à-dire le paiement des remises après l’importation des marchandises, et donc qu’elles ne doivent pas être prises en compte, conformément au sens courant du libellé de l’alinéa 48(5)c). L’ASFC cite la Cour d’appel fédérale dans Deputy, Canada (Minister of National Revenue), Customs and Excise c. Toyota Canada Inc.[58] à l’appui de cette interprétation de l’alinéa 48(5)c)[59].
  5. HBC soutient que l’ASFC a tort de s’appuyer sur les pratiques comptables et les pratiques de paiement de l’importateur pour établir que les remises ont été effectuées après l’importation[60]. HBC soutient que cette exigence n’est pas clairement énoncée dans le Mémorandum D13-4-10 et que, même si elle l’était, elle n’est pas reflétée dans le libellé de l’alinéa 48(5)c)[61].
  6. De plus, HBC s’appuie sur la décision du Tribunal dans Quadra Chimie Ltée c. Sous-M.R.N.[62] au soutien de son affirmation selon laquelle l’ASFC devait tenir compte de toutes les conditions de vente entre HBC et Macy’s, y compris l’entente, au lieu de se contenter d’examiner les factures commerciales et autres documents semblables[63].
  7. De plus, HBC soutient que, conformément à l’analyse de la Cour fédérale dans Nordic Laboratories c. Sous-M.R.N.[64], il n’y avait aucune obligation ou condition à satisfaire après l’importation pour que les remises soient accordées. Au contraire, toutes les conditions pertinentes sont énoncées dans l’entente et on ne peut donc pas affirmer que les remises aient été effectuées après l’importation[65].
  8. En réponse à ces arguments, l’ASFC soutient que Quadra Chimie n’exige pas qu’elle tienne compte de l’entente avec Macy’s, car Quadra Chimie porte sur une situation mettant en cause des prix estimés[66]. Contrairement à la position de HBC, l’ASFC soutient que Quadra Chimie établit plutôt que les conditions de vente figurant sur les factures commerciales sont déterminantes[67].
  9. De plus, l’ASFC soutient que HBC ne peut s’appuyer sur la jurisprudence portant sur les corrections (comme Nordic Laboratories), car la demande de remboursement de HBC ne découle pas du fait qu’elle a fait une erreur dans sa déclaration des marchandises[68]. Les parties ont plutôt pris la décision commerciale de retarder le paiement des remises, et l’intention des parties était donc que les remises soient considérées comme ayant été effectuées après l’importation des marchandises[69].
  10. Étant donné l’interprétation donnée par le Tribunal du mot « effectué » dans le contexte de l’alinéa 48(5)c), le Tribunal convient avec les parties qu’il est évident que l’« élément déclencheur » ou la raison d’être de la remise doit exister avant l’importation. De plus, la remise ne doit pas dépendre d’une condition qui ne peut être satisfaite qu’après cette importation.
  11. Le Tribunal est d’avis que la situation présentée dans le présent appel est similaire à celle qui était en cause dans Nordic Laboratories. Dans cette affaire, l’importateur, Nordic Laboratories Inc. (Nordic), avait négocié une entente prévoyant que les prix qu’il devait payer à son fournisseur étranger, Tanabe, pour certains produits brevetés seraient modifiés rétroactivement en cas d’introduction d’un produit générique sur le marché canadien. Après l’importation des produits au Canada et le paiement des droits de douane applicables par Nordic, celle-ci a appris que des formes génériques avaient été introduites sur le marché des mois avant qu’elle n’importe les formes brevetées. Par conséquent, Tanabe avait accordé à Nordic un crédit fondé sur un prix réduit, conformément à leur entente. Nordic avait ensuite demandé un remboursement des droits de douane payés en se fondant sur la valeur transactionnelle réduite. Le ministre du Revenu national et, subséquemment, le Tribunal ont refusé l’ajustement de la valeur en douane en s’appuyant sur le fait que le crédit constituait une réduction du prix payé ou à payer ayant été effectuée après l’importation et qu’ils ne devaient donc pas en tenir compte en application de l’alinéa 48(5)c) de la Loi. En appel, la Cour fédérale a conclu ce qui suit :

57 Le Tribunal a conclu que, puisque l’une des conditions requises par l’entente de 1988 a été remplie seulement après l’importation du Produit au Canada, il ne fallait pas tenir compte de la remise ou de la réduction du prix payé ou à payer. De l’avis du Tribunal, l’entente de 1988 exigeait que deux conditions soient remplies : l’introduction d’un produit générique au Canada, et la reconnaissance ou la confirmation de ce fait par Tanabe. À mon avis, la preuve présentée au Tribunal n’appuie pas la conclusion de ce dernier. En fait, l’article 5.05 de l’entente de 1988 indique clairement que l’élément déclencheur est la vente d’un produit générique au Canada. Aux termes de cet article, rien d’autre n’est nécessaire pour que la nouvelle structure de prix s’applique. Comme je l’ai dit, la reconnaissance ou la confirmation par Tanabe était évidemment nécessaire, sinon il aurait probablement fallu intenter des procédures en justice pour trancher la question. Dans les circonstances, des procédures en justice n’étaient pas nécessaires puisque les parties avaient toutes convenu qu’un produit générique avait bel et bien été introduit au Canada avant le 14 décembre 1988.

58 Par conséquent, je suis d’avis que la condition sous-jacente a été remplie lorsque le produit générique a été introduit sur le marché canadien. Par conséquent, si la note de crédit était une remise ou une réduction du prix payé ou payable, j’estime que cette remise ou cette réduction n’a pas été effectuée après l’importation du Produit au Canada.

[Nos italiques]

  1. En résumé, la Cour a conclu que la seule condition nécessaire comme « élément déclencheur » du crédit, soit l’introduction d’un produit générique sur le marché canadien, existait avant l’importation des marchandises, malgré le fait que l’accord stipulait également que la vérification de cette condition par Tanabe était nécessaire.
  2. De même, dans le présent appel, malgré le fait que le paiement des remises est fait uniquement après l’émission des rapports d’expédition et des chèques, le Tribunal conclut que ce n’est pas l’élément déclencheur des remises. Le Tribunal est plutôt d’avis que, conformément à l’entente, la seule condition devant être remplie pour que HBC ait droit aux remises est l’achat de marchandises à Macy’s.
  3. Le Tribunal est d’avis que cette position est conforme aux préceptes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans Canada c. BASF Coatings & Inks Canada Ltd.[70], dont les passages pertinents énoncent ce qui suit :

[10] Il est difficile, compte tenu du libellé de ces dispositions, d’accepter la thèse de l’intimée suivant laquelle, parce que la Loi ne prévoit pas expressément de réduction du « prix de vente » comme celle qui est visée à l’article 46 de la Loi (ou encore aux articles 181,1 et 232 de la Loi dans le cas de la taxe sur les produits et services (TPS)), la réduction du « prix de vente » consentie après la vente initiale n’a aucune incidence sur le montant de la taxe que le contribuable doit payer. L’intimée soutient que le juge de première instance a eu raison de conclure qu’en raison du libellé de l’alinéa 50(1)a) le montant de la taxe due doit être calculé au moment de la survenance de l’un ou l’autre des événements prévus à cet alinéa, à savoir le moment de la livraison de la marchandise à l’acheteur ou le moment où la propriété des marchandises est transmise, selon la première de ces éventualités. Une telle interprétation, soutient-elle, s’accorde avec le sens courant et ordinaire de l’alinéa et tranche la question. La méthode d’interprétation téléologique de la Loi les réalités économiques et commerciales de l’opération ne sauraient y changer quoi que ce soit lorsque le texte de la loi est clair.

[11] Nous estimons qu’en adoptant une telle approche, on interprète les dispositions pertinentes d’une façon inutilement rigide. Même en interprétant la disposition d’imposition, en l’occurrence 50(1)a), selon son sens courant et ordinaire, force est de conclure que l’intention du législateur fédéral était d’imposer une taxe sur le « prix de vente » des marchandises vendues. L’expression « prix de vente » n’exclut pas nécessairement de façon implicite le calcul d’une remise de prix, si une telle remise est par la suite consentie sur le « prix de vente ». Le fait que le législateur s’empresse de préciser que la taxe est « payable [...] au moment où les marchandises sont livrées [...] ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l’autre » exclut toute règle rigide en ce qui concerne le moment où le calcul de la taxe de vente doit être effectué. L’alinéa 50(1)a) vise le moment où la « taxe de vente » est « payable », et non celui où elle est « calculée ». Nous croyons que le Tribunal avait raison de dire :

[...] Le Tribunal estime que le libellé de l’alinéa 50(1)a) de la Loi ne signifie pas, comme l’intimée le prétend, que le montant de la taxe due doit être calculé au moment où l’un ou l’autre des événements visés par ces alinéas se produit, c’est-à-dire lorsque les marchandises sont livrées à l’acheteur ou lorsque la propriété des marchandises est transmise. Le Tribunal estime plutôt que, bien que cette disposition cristallise l’obligation de payer la taxe, elle n’établit pas le montant de la taxe à payer. Le calcul de la taxe due est fonction de l’expression « prix de vente » que l’on trouve au paragraphe 50(1), et c’est l’article 42, et non l’alinéa 50(1)a) de la Loi, qui précise le sens de cette expression. Suivant le Tribunal, le calcul du montant de la taxe à payer est fonction de la somme effectivement reçue par le vendeur et, dans le cas qui nous occupe, cette somme ne peut être déterminée qu’après la survenance d’événements qui doivent d’abord se produire pour qu’on puisse établir ce que l’appelante a effectivement reçu, même si ces événements se produisent après ceux dont il est question à l’alinéa 50(1)a) de la Loi.

[12] Mais même si nous devions accepter que le mot « payable » vise non seulement le moment où le vendeur devient assujetti à la taxe, mais également le moment du calcul de cette taxe, il convient de remarquer qu’au moment de la transmission de la propriété aux grossistes, l’appelante et ses grossistes étaient liés par un contrat valide aux termes duquel une réduction du prix de vente ou un crédit applicable à celui-ci était dû. Il ne restait plus qu’à calculer le montant précis de cette remise. La réduction de prix était donc implicite au moment de la transmission de la propriété.

[Note omise]

  1. Le Tribunal estime qu’un parallèle étroit peut être fait entre cette décision et le présent appel. En l’espèce, l’entente entre les parties établit le droit aux remises. Le calcul du montant dû constitue un exercice nécessaire, plutôt qu’une condition préalable à l’obtention des remises, que les parties ont choisi d’entreprendre après l’importation.
  2. Le Tribunal est d’avis que l’imposition d’une exigence chronologique stricte et formaliste à l’interprétation des dispositions en cause dans le présent appel ne respecterait pas l’économie générale de la Loi. Il considère qu’il faut plutôt mettre l’accent sur ce qui a déclenché les remises, soit, en l’espèce, les achats faits dans le contexte d’une entente en vigueur les concernant.
  3. Le Tribunal reconnaît que les dispositions législatives en cause dans BASF ne sont pas les mêmes que celles qui sont en cause dans le présent appel. Toutefois, il se trouve que les dispositions en cause dans BASF étaient plus strictes que celles dont il s’agit en l’espèce, et le fait que la Cour d’appel ait statué qu’elles doivent être interprétées de façon souple est particulièrement instructif.
  4. Tel que souligné précédemment, l’ASFC soutient que le Mémorandum D13-4-10 exige que les factures commerciales, les bons de commande ou les autres documents utilisés pour déclarer les marchandises au moment de leur importation indiquent les remises pour que celles-ci soient prises en compte dans le calcul du prix payé ou à payer. À l’audience, l’ASFC a tout particulièrement attiré l’attention du Tribunal sur la note se trouvant sous le paragraphe 7[71] du Mémorandum, laquelle prévoit ce qui suit :

Remarque : Aux fins du codage, le code de la valeur en douane utilisé sur les documents de déclaration en détail doit comprendre les escomptes (tel que les escomptes au comptant) comme faisant partie du prix payé ou à payer et non pas à titre de rajustements. Par exemple, si les obligations ou conditions nécessaires pour obtenir l’escompte sont respectées avant l’importation, le code de la valeur en douane doit être le code 13 ou 23 lorsque l’acheteur et le vendeur sont des parties liées. Lorsque des rajustements sont effectués en vertu du paragraphe 48(5), le code de la valeur en douane doit être le code 14 ou 24 lorsque l’acheteur et le vendeur sont des parties liées[72].

  1. Le Tribunal convient avec HBC que cette note ne donne aux importateurs aucune indication claire d’une obligation d’indiquer les conditions de toute remise sur les factures commerciales ou les bons de commande. Cette note constitue plutôt, tout au plus, une directive concernant le code de la valeur en douane à utiliser pour remplir le formulaire B3 de l’ASFC et n’énonce pas une exigence concernant le contenu des documents qui seront présentés au soutien de la déclaration de la valeur en douane.
  2. De plus, et ce qui est plus directement pertinent, le Tribunal souligne que le Mémorandum D13-4-10 ne cite aucune disposition législative précise à l’appui de cette exigence, qui semble donc n’être qu’une politique administrative de l’ASFC. Le Tribunal est d’avis que cette exigence ne reflète pas correctement ou assez étroitement la portée législative de l’alinéa 48(5)c).
  3. L’ASFC s’appuie notamment sur Quadra Chimie pour soutenir que les conditions régissant la vente sont uniquement celles qui sont stipulées sur les bons de commande et les factures commerciales. Cependant, le Tribunal interprète la décision dans Quadra Chimie comme reposant principalement sur le fait que les ajustements de prix que l’appelante tentait de faire déduire du prix payé ou à payer avaient été négociés après l’importation des marchandises et qu’on ne pouvait donc affirmer qu’ils avaient été « effectués » avant celle-ci. Dans cette affaire, le Tribunal s’est appuyé sur le fait que les ajustements n’apparaissaient pas sur les bons de commande pour établir le moment où la réduction de prix négociée avait été effectuée. Cette interprétation est conforme aux motifs de la Cour fédérale dans Nordic Laboratories[73].
  4. Enfin, le Tribunal doit se pencher sur l’argument de l’ASFC selon lequel le Tribunal ne doit pas se laisser guider par des décisions comme Nordic Laboratories parce que ces affaires portent sur des corrections, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le Tribunal est en désaccord.
  5. L’alinéa 48(5)c) de la Loi ne doit pas être interprété d’une façon stricte et rigide qui interdirait toute correction ou modification après la date d’importation. Si les conditions justifiant une correction ou une modification existaient avant l’importation des marchandises, une demande de remboursement des droits payés peut être faite conformément à l’alinéa pertinent du paragraphe 74(1) de la Loi, ou une déclaration corrigée peut être déposée conformément à l’article 32.2 de la Loi lorsque aucun droit n’était payable à la suite de la déclaration initiale.
  6. En l’espèce, le Tribunal conclut que HBC était justifiée de demander une révision et un remboursement aux termes de l’alinéa 74(1)e) de la Loi au motif qu’elle avait fait une erreur dans sa déclaration des marchandises.
  7. Il ressort clairement du témoignage de M. Gilson, témoin pour HBC, qu’avant 2010, le service des douanes de HBC a connu certaines difficultés et que certains aspects de la relation entre les parties, en ce qui a trait à la conformité aux dispositions législatives, ont été négligés[74]. Autrement dit, il semble que HBC ne savait pas, avant 2010, qu’elle était autorisée à déduire les remises du prix payé ou à payer.
  8. La conclusion du Tribunal selon laquelle la Loi doit permettre aux parties de déposer des corrections ou des modifications après l’importation est également appuyée par la décision du Tribunal dans Jockey Canada Company c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[75] :

187. Sur le plan juridique, la Loi prévoit qu’un prix payé ou à payer pour des marchandises importées qui est déterminable au moment de leur entrée peut être modifié après leur importation sans avoir pour effet de rendre inapplicable l’article 48. En d’autres termes, le simple fait que le prix payé ou à payer pour les marchandises puisse être modifié après leur importation ne signifie pas nécessairement qu’il est indéterminable au moment de l’importation. Cela est clairement énoncé à l’alinéa 48(5)c), qui prévoit que le prix payé ou à payer doit être ajusté « compte non tenu des remises ou réductions du prix payé ou à payer effectuées après l’importation des marchandises ».

188. En raison de cette disposition, le prix payé ou à payer pour les marchandises au moment de leur vente pour exportation aux termes du paragraphe 48(4) de la Loi ne correspond pas nécessairement au prix final réel qu’un importateur paie en fin de compte. Autrement dit, si le prix payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour exportation est modifié après leur importation, la question pertinente est celle de déterminer si le prix payé ou à payer (c’est-à-dire la valeur transactionnelle des marchandises) doit être ajusté afin de refléter ces changements de prix ultérieurs à l’importation.

189. Sur cette question, le Tribunal constate que les éléments de preuve indiquent que l’ASFC n’a pas considéré les redressements à la baisse du prix de transfert que JCC a effectués à la clôture de l’exercice dans le but d’atteindre ses objectifs d’établissement du prix de transfert aux fins de l’impôt sur le revenu comme des remises ou réductions au sens de l’alinéa 48(5)c) de la Loi.

190. En fait, elle a tenu compte de ces redressements pour déterminer la valeur transactionnelle des marchandises en cause aux termes de l’article 48 de la Loi. Cela a eu pour effet de réduire le prix payé ou à payer et, par conséquent, la valeur en douane des marchandises asiatiques dans certains cas. À l’audience, M. Fitzgerald a expliqué que cette décision était conforme à la pratique normalisée de l’ASFC de permettre ce type de redressements de fin d’exercice, puisqu’ils influent sur la valeur qu’un vendeur et un acheteur accordent aux marchandises importées.

191. En règle générale, l’ASFC permet aux importateurs de corriger eux-mêmes leur déclaration de la valeur en douane à la clôture de l’exercice si, en raison du redressement du prix de transfert, ils se retrouvent à payer moins pour les marchandises importées qu’ils ont achetées auprès d’une partie liée que le prix de transfert qu’ils ont déclaré au moment de l’importation. M. Fitzgerald a également déclaré que l’ASFC s’attend à ce que les importateurs effectuent eux-mêmes des rajustements aux termes de l’article 32.2 de la Loi si, en raison du redressement du prix de transfert, ils se retrouvent à payer plus pour les marchandises achetées auprès d’une partie liée que le montant qu’ils ont déclaré au moment de l’importation.

192. Le Tribunal conclut que cette pratique est conforme aux exigences de l’article 48 de la Loi. D’ailleurs, les ajustements à la baisse du prix payé ou à payer pour les marchandises importées qui sont effectués après l’importation ne constituent pas nécessairement des remises sur le prix payé ou à payer pour les marchandises importées au sens de l’alinéa 48(5)c) de la Loi.

[Notes omises]

  1. Bien que le Tribunal reconnaisse que la décision dans Jockey porte sur une situation d’établissement de prix de transfert et n’est pas directement comparable aux faits du présent appel, le Tribunal fait néanmoins remarquer que Jockey démontre que l’ASFC a reconnu qu’il convient, dans certaines circonstances, de permettre des corrections au prix payé ou à payer après l’importation lorsqu’il existe une entente entre les parties.

DÉCISION

  1. Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut que les remises doivent être déduites du prix payé ou à payer puisqu’elles ont été « effectuées » avant l’importation des marchandises et qu’elles ne doivent donc pas être exclues en application de l’alinéa 48(5)c) de la Loi.
  2. L’appel est donc admis.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     Pièce AP-2012-067-06B, vol. 1B à la p. 29.

[3].     Ibid. à la p. 30.

[4].     Pièce AP-2012-067-04B, vol. 1 à la p. 4.

[5].     Pièce AP-2012-067-04C, vol. 1 aux pp. 28-31.

[6].     Ibid. aux pp. 39-46.

[7].     Pièce AP-2012-067-04B, vol. 1 à la p. 4.

[8].     Ibid.

[9].     Pièce AP-2012-067-06B, vol. 1B aux pp. 34-36, 37.

[10].   Pièce AP-2012-067-04C, vol. 1 à la p. 47.

[11].   Pièce AP-2012-067-06B, vol. 1B aux pp. 38-61.

[12].   Ibid. à la p. 62.

[13].   Pièce AP-2012-067-01, vol. 1 à la p. 1.

[14].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, aux pp. 26-30.

[15].   Pièce AP-2012-067-04C, vol. 1 à la p. 49.

[16].   Pièce AP-2012-067-04B, vol. 1 à la p. 6.

[17].   Ibid.

[18].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, à la p. 14.

[19].   Pièce AP-2012-067-10A (protégée), vol. 2A; Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, à la p. 65.

[20].   Ibid. aux pp. 66-76.

[21].   Ibid. à la p. 71.

[22].   [1994] 2 RCS 9 (CanLII) [Mohan].

[23].   Mohan au par. 17.

[24].   Mohan aux par. 18, 19.

[25].   United City Properties Ltd. v. Tong, 2010 BCSC 111 (CanLII).

[26].   Fellowes, McNeil v. Kansa General International Insurance Co., 1998 CanLII 14856 (ON SC), renvoyant à The « Ikarian Reefer », [1993] 2 Lloyd’s Rep. 68.

[27].   R.W. Macaulay et J.L.H. Sprague, Practice and Procedure Before Administrative Tribunals, Scarborough, Carswell, 1988, vol. 2 à la p. 17-3.

[28].   Siemens Enterprise Communications Inc., anciennement Enterasys Networks of Canada Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (23 décembre 2010), PR-2010-049, PR-2010-050 et PR-2010-056 à PR-2010-058 (TCCE).

[29].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, à la p. 78.

[30].   Pièce AP-2012-067-10A (protégée), vol. 2A à la p. 1; Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, aux pp. 71-76.

[31].   Ibid. aux pp. 82-83.

[32].   Ibid. à la p. 82.

[33].   Ibid. à la p. 83.

[34].   Ibid. à la p. 84.

[35].   Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 11e éd., s.v. « effect ».

[36].   Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « effect ».

[37].   Merriam-Webster New Collegiate Dictionary, 11e éd., s.v. « accomplish ».

[38].   Ibid., s.v. « perform ».

[39].   Pièce AP-2012-067-04C, vol. 1 à la p. 49.

[40].   Pièce AP-2012-067-25, vol. 1E.

[41].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, à la p. 5.

[42].   Ibid. à la p. 40. Il est vrai que le document porte le logo de Macy’s dans le coin supérieur gauche et le logo de HBC dans le coin supérieur droit, mais il ne comporte aucune forme d’assentiment de la part de ses adhérents.

[43].   Pièce AP-2012-067-04C, vol. 1 aux pp. 50, 51.

[44].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, à la p. 57.

[45].   Ibid. aux pp. 54-55.

[46].   Bryant, Alan W., Lederman, Sidney N., Fuerst, Michelle K., Sopinka, Lederman and Bryant: The Law of Evidence in Canada, 3e éd., Markham (Ontario), LexisNexis Canada Inc., 2009, aux pp. 1234-1238.

[47].   Pièce AP-2012-067-04C, vol. 1 à la p. 52.

[48].   Ibid. aux pp. 53-55.

[49].   Ibid. à la p. 56.

[50].   Ibid. à la p. 57.

[51].   Ibid. aux pp. 58-61.

[52].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, aux pp. 11, 17-18; voir aussi aux pp. 96-97.

[53].   Ibid. aux pp. 190-191.

[54].   Pièce AP-2012-067-27, vol. 1E.

[55].   Le Tribunal fait remarquer que le conseiller juridique aurait pu produire ces documents à l’avance puisque les parties en connaissaient manifestement l’existence et en ont témoigné. En l’espèce, l’appel de HBC n’est sauvegardé que par la souplesse des règles de preuve quant à un tribunal administratif et par la conclusion du Tribunal selon laquelle il était nécessaire de bien comprendre les faits pour disposer de l’appel à bon droit.

[56].   Pièce AP-2012-067-06A, vol. 1A à la p. 11.

[57].   Ibid. aux pp. 15-16.

[58].   1999 CanLII 8189 (CAF).

[59].   Pièce AP-2012-067-06A, vol. 1A aux pp. 11-12.

[60].   Pièce AP-2012-067-04B, vol. 1 au par. 30.

[61].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, aux pp. 155-156.

[62].   (26 juillet 2004), AP-93-260 (TCCE) [Quadra Chimie].

[63].   Pièce AP-2012-067-04B, vol. 1 à la p. 10.

[64].   [1996] A.C.F. no 1067 [Nordic Laboratories].

[65].   Pièce AP-2012-067-04B, vol. 1 aux pp. 9-10.

[66].   Pièce AP-2012-067-06A, vol. 1A à la p. 13.

[67].   Ibid. aux pp. 11-12.

[68].   Ibid. aux pp. 13-14.

[69].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, à la p. 165.

[70].   1998 CanLII 8215 (CAF) [BASF].

[71].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, aux pp. 169-170.

[72].   Pièce AP-2012-067-04D, vol. 1A à la p. 86.

[73].   Nordic Laboratories au par. 53.

[74].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 25 novembre 2013, à la p. 51.

[75].   (20 décembre 2012), AP-2011-008 (TCCE) [Jockey].