LE GROUPE DE MODE DOUBLE J. INC.

LE GROUPE DE MODE DOUBLE J. INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2013-017

Décision et motifs rendus
le vendredi 14 mars 2014

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 14 novembre 2013, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À sept décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 12 avril 2013, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LE GROUPE DE MODE DOUBLE J. INC. Appelante

ET

LE PRÉSIENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 14 novembre 2013

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Jidé Afolabi

Gestionnaire par intérim,
Programmes et services du greffe : Lindsay Vincelli

Agent du greffe : Haley Raynor

Agent de soutien du greffe par intérim : Sara Pelletier

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Le Groupe de Mode Double J. inc.

Michael Kaylor

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Aileen Jones

TÉMOINS :

Tony Pak
Vice-président, International Distribution
Sweet People Apparel

Kemel Hadad
Directeur général
Le Groupe de Mode Double J. inc.

Michael Feldman
Vice-président des finances
Le Groupe de Mode Double J. inc.

Simon Poitras
Agent principal de l’observation des échanges commerciaux
Agence des services frontaliers du Canada

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le présent appel a été interjeté par Le Groupe de Mode Double J. inc. (Double J) le 28 mai 2013 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] à l’égard de décisions rendues le 12 avril 2013 par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4) et énoncées dans sept relevés détaillés de rajustement.
  2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certains paiements (les paiements en cause) effectués par Double J à son fournisseur établi aux États-Unis, Sweet People Apparel (Sweet People), relativement à l’importation de vêtements de la gamme « Miss Me » (les marchandises en cause) font partie du « prix payé ou à payer » aux termes de la méthode d’évaluation de la valeur en douane des marchandises selon leur valeur transactionnelle qui est prévue au paragraphe 45(1) et à l’article 48 de la Loi.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 7 novembre 2011, l’ASFC a entrepris une vérification de la conformité de la comptabilisation des importations en ce qui a trait à la valeur en douane des marchandises en cause importées par Double J au cours de l’année civile 2010[2].
  2. Durant cette vérification, l’ASFC a constaté que Sweet People émettait deux factures distinctes pour chaque livraison de marchandises en cause vendues à Double J. Alors qu’une facture couvrait le prix unitaire des marchandises en cause, l’autre, pour des montants décrits comme des frais de distribution, représentait toujours 67 p. 100 de la première facture émise[3].
  3. À la suite de sa vérification, l’ASFC a conclu que les paiements effectués aux termes des deuxièmes factures, quel que soit le nom qui leur est donné, font partie des conditions de vente à l’exportation des marchandises en cause en vertu du contrat de distribution intervenu entre Double J et Sweet People et, par conséquent, font partie du prix payé ou à payer pour les marchandises en cause[4].
  4. Le 9 octobre 2012, l’ASFC a délivré un rapport provisoire de sa vérification à Double J en l’informant de ses conclusions et en l’invitant à formuler des observations[5].
  5. Le 12 octobre 2012, l’ASFC a délivré un rapport définitif de sa vérification à Double J et, le 17 octobre 2012, elle a émis des relevés détaillés de rajustement concernant les marchandises en cause aux termes de l’article 59 de la Loi[6].
  6. À la suite des demandes de réexamen déposées par Double J le 28 novembre 2012 aux termes de l’article 60 de la Loi et du dépôt d’observations par Double J le 19 décembre 2012, l’ASFC a rendu des décisions provisoires le 19 mars 2013 et des décisions définitives le 12 avril 2013 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Ces décisions ont confirmé la position de l’ASFC selon laquelle les paiements en cause sont relatifs à la vente de marchandises pour exportation et font donc partie du « prix payé ou à payer » pour les marchandises en cause[7].
  7. Le 28 mai 2013, Double J a déposé son avis d’appel auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi[8].
  8. Le 14 novembre 2013, le Tribunal a tenu une audience orale concernant l’appel.
  9. Avant l’audience, Double J a informé le Tribunal de son intention de demander qu’une partie des observations écrites de l’ASFC ayant trait à un échange de courriels entre Double J et un de ses fournisseurs soit radiée du dossier, car cet échange n’a aucun rapport avec le présent appel. Le Tribunal a toutefois été informé à l’audience que les parties avaient conclu un arrangement permettant à l’ASFC d’affirmer que l’échange de courriels constitue un élément de preuve des motifs avancés par Double J pour justifier la réception de deux factures relativement aux importations, Double J continuant de maintenir que l’ASFC utilise l’échange de courriels comme fondement d’une allégation sans preuve, qui n’a aucun rapport avec les faits de l’espèce[9]. Étant donné l’arrangement conclu par les parties, le Tribunal considère qu’il n’est pas nécessaire que la demande initiale de Double J soit examinée plus en détail.
  10. À l’audience, Double J a fait entendre trois témoins : M. Tony Pak, vice-président de la distribution internationale de Sweet People, M. Kemel Hadad, directeur général de Double J, et M. Michael Feldman, vice-président des finances de Double J. De plus, l’ASFC a fait entendre un témoin : M. Simon Poitras, agent principal de l’observation des échanges commerciaux, ASFC.
  11. Bien que Double J ait déposé à titre de document confidentiel le contrat de distribution intervenu entre elle et Sweet People, dont la qualification revêt une importance fondamentale dans le présent appel, Double J a renoncé à sa confidentialité à l’audience[10]. De plus, Double J a renoncé à la confidentialité de certaines parties de ses documents financiers qui ont été soumis au Tribunal dans le cadre du présent appel[11].

CADRE LÉGISLATIF

  1. En vertu de la Loi, afin de percevoir des droits de douane sur des marchandises importées, une valeur doit d’abord être attribuée aux marchandises. L’article 46 de la Loi stipule que la valeur en douane doit être déterminée conformément aux articles 47 à 55.
  2. Les parties pertinentes du paragraphe 47(1) et des paragraphes 48(1), 48 (4) et 48 (5) de la Loi prévoient ce qui suit :

47. (1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d’après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l’article 48.

48. (1)[...] la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable [...].

(4) Dans le cas d’une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

(5) Dans le cas d’une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

a) par addition, dans la mesure où ils n’y ont pas déjà été inclus, des montants représentant :

[...]

(iv) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d’invention, marques de commerce et droits d’auteur, que l’acheteur est tenu d’acquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, à l’exclusion des frais afférents au droit de reproduction de ces marchandises au Canada,

[...]

  1. À l’article 45 de la Loi, « prix payé ou à payer » et « valeur transactionnelle » sont définis comme suit :

« prix payé ou à payer » En cas de vente de marchandises pour exportation au Canada, la somme de tous les versements effectués ou à effectuer par l’acheteur directement ou indirectement au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises.

« valeur transactionnelle » Valeur des marchandises déterminée conformément au paragraphe 48(4).

  1. En résumé, l’article 47 de la Loi stipule que la première base d’appréciation de la valeur en douane des marchandises importées est la valeur transactionnelle de ces marchandises. L’article 48 énonce les conditions devant être réunies pour que la méthode de la valeur transactionnelle soit utilisée. Ainsi, il doit y avoir une vente pour exportation, il doit y avoir un acheteur au Canada et il doit être possible de déterminer le prix payé ou à payer.
  2. Le prix payé ou à payer est défini dans la Loi comme étant la somme de tous les versements répondant à cinq critères qui peuvent être reformulés comme suit :
  • effectués ou à effectuer;
  • par l’acheteur;
  • directement ou indirectement;
  • au vendeur ou à son profit;
  • en paiement de marchandises (en anglais, « in respect of the sale of goods », ou « relatifs à la vente de marchandises ») pour exportation au Canada.
  1. Puisque les conditions énoncées à l’article 48 de la Loi sont réunies, il n’y a aucun litige dans le présent appel quant à la possibilité d’utiliser la méthode de la valeur transactionnelle. De plus, il n’y a aucun différend entre les parties au sujet des quatre premiers critères énoncés ci-dessus[12]. Le seul désaccord entre Double J et l’ASFC concerne l’application du cinquième critère aux paiements en cause, à savoir, essentiellement, si les paiements en cause sont relatifs à la vente de marchandises pour exportation au Canada[13].

POSITION DES PARTIES

Double J

  1. Pour soutenir que les paiements en cause ne font pas partie du prix payé ou à payer, Double J s’appuie, en reprenant le libellé anglais exact (« price paid or payable for the goods ») du paragraphe 48(1) de la Loi, sur l’interprétation jurisprudentielle du mot « for » (pour) dans Toronto Transit Commission c. Canada (Revenu national)[14].
  2. Dans Toronto Transit, la Cour d’appel fédérale a déclaré que le mot « for » indique qu’une chose est « closely connected » (étroitement liée) à une autre. Double J affirme que la question juridique dont le Tribunal est saisi en ce qui concerne les paiements en cause comporte deux parties, la première consistant à déterminer si les versements font partie du prix payé ou à payer selon la définition à l’article 45 et la deuxième consistant à déterminer si les paiements sont réellement pour les marchandises en cause[15]. Selon cette affirmation, des paiements faisant partie du prix payé ou à payer peuvent néanmoins être exclus de la valeur transactionnelle des marchandises importées s’ils n’ont pas été effectués pour les marchandises, peut-être en raison de l’absence d’un lien étroit avec les marchandises.
  3. De plus, Double J soutient que les faits en l’espèce sont comparables aux faits dans Simms Sigal & Cie Ltée c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada[16], affaire qui concernait également un importateur de vêtements et dans laquelle le Tribunal a conclu que certains paiements ne faisaient pas partie du prix payé ou à payer.
  4. Dans Simms Sigal, l’importateur avait obtenu des droits de distribution exclusive au Canada en contrepartie du paiement de frais de distribution calculés en pourcentage du chiffre d’affaires net annuel et versés trimestriellement. Les frais de distribution ne figuraient sur aucune facture commerciale émise au moment de l’importation et l’accord stipulait que Simms Sigal devait verser des frais de distribution minimaux. Dans les passages de la décision cités par Double J, le Tribunal conclut comme suit :

Selon le Tribunal, les frais de distribution versés par Simms Sigal à Anne Klein conformément à l’Accord ne font pas partie de la valeur transactionnelle, puisqu’ils ne représentent pas un versement effectué en paiement des marchandises achetées par Simms Sigal. Le Tribunal n’accueille pas la proposition avancée par le commissaire selon laquelle tous les versements qu’un acheteur effectue au vendeur ou à son profit sont compris dans la valeur transactionnelle. La définition de l’expression « prix payé ou à payer » que donne la Loi exprime clairement que seuls les versements effectués en paiement des marchandises sont inclus. Bien que le sens de l’expression « en paiement des » soit très large, le Tribunal est d’avis que, étant donné le contexte qui se rapporte à la vente des marchandises pour exportation, il ne s’étend pas aux frais de distribution versés à Anne Klein en contrepartie de droits de distribution exclusive ou de services.

[...] Les éléments de preuve n’indiquent pas que les frais de distribution représentaient autre chose que la valeur, pour Simms Sigal, des droits de distribution exclusive au Canada et des services.

[...] Comme il a déjà été indiqué, les éléments de preuve produits par Simms Sigal convainquent le Tribunal que la valeur des services et des droits de distribution exclusive visés par les frais de distribution se situe au-delà de la valeur d’achat des marchandises comme telles. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que les frais de distribution sont distincts du prix payé ou à payer en paiement des marchandises et ne doivent pas être ajoutés au prix d’achat desdites marchandises conformément au sous-alinéa 48(5)a)(v) de la Loi[17].

[Soulignement dans l’original]

  1. Double J affirme également, en ce qui concerne le contrat de distribution intervenu entre elle et Sweet People, que la Cour suprême du Canada a toujours conclu qu’en matière fiscale les rapports juridiques des contribuables doivent être respectés et ne doivent faire l’objet d’une nouvelle qualification que s’ils constituent un trompe-l’œil[18]. Double J a aussi cité de la jurisprudence à l’appui de sa proposition connexe selon laquelle l’intention contractuelle des parties à un contrat doit être déterminée en se référant aux termes employés lors de la rédaction du contrat. Lorsque le contrat qui en résulte est clair et sans ambiguïté à première vue, il n’est pas nécessaire de tenir compte d’éléments de preuve extrinsèques[19].

ASFC

  1. Pour sa part, l’ASFC soutient que peu importe le nombre de factures émises, l’arrangement commercial entre Double J et Sweet People, en vertu duquel cette dernière émettait deux factures pour chaque livraison, est couvert par la définition de « prix payé ou à payer » prévue par la Loi puisque cette définition renvoie à « la somme de tous les versements »[20].
  2. Deuxièmement, l’ASFC allègue que les paiements en cause sont exigés en tant que condition de la vente des marchandises en cause selon les modalités du contrat de distribution intervenu entre Double J et Sweet People, et, de plus, que les montants payés sont liés uniquement au prix d’achat des marchandises en cause[21].
  3. À l’appui de sa position, l’ASFC renvoie à la clause 6(b) du contrat de distribution qui établit des remises continues sur le prix de gros de Sweet People, lesquelles sont fixées à 56,75 p. 100 pour les marchandises expédiées de l’extérieur des États-Unis et à 54,5 p. 100 pour les marchandises expédiées des États-Unis.
  4. L’ASFC renvoie ensuite aux frais de distribution payables par Double J pour chaque achat, que la clause 6(f) du contrat de distribution fixe à 67 p. 100 du solde du prix d’achat après déduction de la remise qui s’applique à la transaction concernée[22].
  5. Selon l’ASFC, puisque les frais de distribution sont clairement reliés aux remises servant à établir chaque prix d’achat, les frais de distribution sont directement liés à la vente des marchandises pour exportation au Canada et sont donc « relatifs » à celle-ci[23]. En substance, l’ASFC soutient que, comme le prévoit le contrat de distribution, les frais de distribution représentent un pourcentage de chaque prix d’achat après remise, auquel les frais de distribution sont ajoutés pour en arriver au prix d’achat total.
  6. L’ASFC fait remarquer que le contrat de distribution permet une réduction des frais de distribution dans l’éventualité où Sweet People ne fournirait pas certains services. L’ASFC soutient toutefois que les seuls services prévus dans le contrat de distribution sont les remises, ce qui appuie également la conclusion que les frais de distribution sont liés aux remises et que le prix d’achat total des marchandises en cause est le résultat de calculs impliquant ces deux composantes[24].
  7. De plus, en ce qui concerne le contrat de distribution, l’ASFC affirme que les paiements en cause ne sont pas relatifs à un droit exclusif de distribution des marchandises en cause puisque l’exclusivité prévue dans le contrat de distribution dépend du respect d’une condition d’achats annuels minimaux, qui n’est pas reliée aux paiements en cause. L’ASFC affirme également que les paiements en cause ne sont pas des redevances puisque le contrat de distribution prévoit l’octroi d’une licence libre de redevances pour l’utilisation des marques de commerce[25].
  8. Troisièmement, l’ASFC s’appuie sur la définition jurisprudentielle de « quant à » (en anglais, « in respect of ») énoncée dans le jugement de la Cour suprême du Canada dans Nowegijick c. La Reine[26]. Dans Nowegijick, la Cour a indiqué que l’expression « quant à » (en anglais, « in respect of ») a « la portée la plus large possible » et que « [p]armi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression “quant à” qui est la plus large ». L’ASFC souligne que le Tribunal a appliqué ce raisonnement dans PMI Food Equipment Group Canada c. Sous-M.R.N.[27] et a ensuite déclaré qu’un paiement est relatif aux marchandises « lorsqu’il ne s’agit pas d’un paiement général qui n’est pas touché par l’importation de marchandises particulières »[28].
  9. L’ASFC soutient ensuite que, en l’espèce, les paiements en cause sont relatifs à la vente des marchandises pour exportation puisque celles-ci ont une incidence sur ces paiements. À l’appui de cet argument, l’ASFC renvoie au raisonnement du Tribunal dans Chaps Ralph Lauren et Modes Alto-Regal, Inc. c. Sous-M.R.N.[29], dans laquelle le Tribunal s’est dit d’avis que, puisque le montant des paiements de redevances était « calculé d’après les ventes nettes des marchandises importées au Canada [...], lesdites marchandises ont une incidence sur ce montant ». L’ASFC établit un parallèle en affirmant que les paiements en cause sont relatifs aux marchandises importées puisqu’ils varient uniquement en fonction du prix d’achat de ces marchandises après remise[30].
  10. Quatrièmement, l’ASFC s’appuie sur les documents financiers de Double J en indiquant que ceux-ci ne traitent pas les paiements en cause comme de véritables frais de distribution. L’ASFC fait remarquer que les frais de distribution payés par Double J à Sweet People pour l’année 2010 figurent dans le chiffrier de la balance de vérification de Double J, mais ne sont pas énumérés dans le tableau des charges [traduction] des états financiers de Double J, ce qui permet de conclure qu’ils ont été inclus dans le coût des ventes. L’ASFC fait également remarquer que les paiements en cause ne sont pas inclus à l’annexe 29 de la Déclaration de revenus des sociétés de Double J, qui exige que Double J énumère certains types de paiement versés à des tiers étrangers, y compris les redevances, honoraires de gestion et les paiements pour « autres services »[31].

ANALYSE

  1. Il convient de commencer l’analyse en énonçant les clauses du contrat de distribution qui sont pertinentes dans les circonstances du présent appel. Les conditions du contrat de distribution qui s’appliquent aux paiements en cause sont les suivantes :

6. Conditions de vente et de paiement.

 a) Conditions de paiement. Sweet People émettra des factures pour constater toutes les commandes passées par le Distributeur et livrées par Sweet People. Sweet People exige que toutes les factures soient payées d’avance par virement bancaire dans un compte désigné par Sweet People ou par lettre de crédit irrévocable émise par une institution financière approuvée.

 b) Remises. À compter de la Date d’entrée en vigueur jusqu’au 1er juin 2012, le Distributeur bénéficiera d’une remise de 56,75 p. 100 sur le prix de gros de Sweet People aux États-Unis si les Produits sont expédiés directement de l’extérieur des États-Unis et d’une remise de 54,5 p. 100 lorsque les Produits sont expédiés des États-Unis. Le Distributeur doit payer des frais de 30 $ par échantillon demandé, en sus des frais d’expédition. Du 1er juin 2008 jusqu’à la fin de la Durée, les remises et les prix peuvent être modifiés de temps à autre par Sweet People à son entière discrétion.

[...]

 f) Frais de distribution. Le Distributeur doit payer à Sweet People des frais de distribution correspondant à 67 p. 100 du prix d’achat payé par le Distributeur à Sweet People conformément au paragraphe 6(b) ci-dessus[32].

[Traduction]

  1. M. Hadad a déclaré que Double J n’a pas négocié les conditions du contrat de distribution. Elle a plutôt pris en charge le contrat de distribution à la demande de Sweet People après le décès du distributeur canadien de celle-ci. M. Hadad a indiqué qu’il a déjà tenté de renégocier les conditions du contrat de distribution, mais que Sweet People n’a manifesté aucun intérêt à les modifier[33].
  2. M. Feldman et M. Pak ont tous les deux indiqué que les frais de distribution représentent la contrepartie payable pour les services de publicité et de marketing que Sweet People fournit à Double J.
  3. À cet égard, renvoi a été fait à la clause 5(c) du contrat de distribution, qui prévoit notamment que « Sweet People autorise le Distributeur à utiliser ses salles d’exposition aux États-Unis et ses kiosques d’exposition à Las Vegas pour vendre les Produits, à condition d’avoir obtenu le consentement écrit préalable de Sweet People, lequel ne doit pas être refusé sans motif raisonnable, étant entendu que ces ventes doivent être faites à des clients établis dans le Territoire » [traduction].
  4. Plus précisément, M. Feldman a indiqué que l’accès aux salles d’exposition de Sweet People et à ses kiosques d’exposition aux salons professionnels est vital pour Double J puisque la visibilité des produits, ainsi que le battage publicitaire qu’elle génère, sont très importants dans le domaine de la mode. De plus, Double J est en mesure d’obtenir des commandes de nouveaux clients aux kiosques d’exposition de Sweet People aux salons professionnels[34].
  5. M. Pak a également déclaré que Sweet People dépense environ 900 000 $ annuellement pour participer à quatre salons professionnels, deux à Las Vegas et deux à New York. Ce montant représente la part du lion de la somme globale de 1,5 million de dollars que Sweet People consacre annuellement à l’ensemble de ses activités de publicité et de marketing dans le monde[35].
  6. De plus, renvoi a été fait à la clause 5(e) du contrat de distribution, qui stipule que « Sweet People fournira au Distributeur des données sur les tendances tirées de recherches marketing et des ateliers sur la vente afin d’aider le Distributeur à maximiser les ventes des produits au Canada » [traduction]. M. Feldman a affirmé que ces services sont très importants pour Double J[36]. En contre-interrogatoire, M. Pak a indiqué que toutes les études de marché que Sweet People mène au Canada prennent la forme de discussions informelles qu’elle tient de temps à autre avec Double J à propos des outils de marketing pouvant être utiles sur le marché canadien; ces discussions semblent être assez limitées[37].
  7. En ce qui concerne la publicité, M. Pak a déclaré que Sweet People annonce les marchandises en cause dans des magazines publiés aux États-Unis, mais distribués à l’échelle mondiale, permettant ainsi une distribution indirecte au Canada se traduisant par un avantage pour Double J[38].
  8. Cependant, en ce qui concerne le caractère mesurable des avantages contractuels, tous les témoins de Double J ont indiqué que ni Double J ni Sweet People n’ont réalisé d’évaluation des besoins réels de Double J sur le plan de la publicité et du marketing des marchandises en cause et, en outre, qu’aucune évaluation n’a jamais été effectuée pour déterminer si les frais de distribution, indexés comme ils le sont par rapport au prix d’achat après remise, représentent ou dépassent la valeur réelle.
  9. Interrogés précisément sur cette question, les témoins de Double J ont essentiellement rejeté l’idée d’effectuer toute analyse de la rentabilité en mentionnant que cela n’avait pas vraiment d’importance tant qu’ils faisaient de l’argent et que toutes les parties étaient satisfaites[39].
  10. Les éléments de preuve versés au dossier indiquent en substance que les frais payés par Double J pour la publicité et le marketing des marchandises en cause aux termes du contrat de distribution peuvent varier considérablement; ils peuvent s’élever à un certain montant une année et à un montant nettement différent l’année suivante, en fonction du volume des ventes de Double J. Ils sont toutefois indépendants de toute augmentation des activités de publicité ou de marketing menées par Sweet People au profit de Double J aux termes du contrat de distribution.
  11. Ayant ainsi qualifié les frais de distribution et les affirmations verbales de Double J au sujet de ce que les frais lui procurent de la part de Sweet People, il importe de décrire brièvement les machinations de la formule créée par l’opération combinée des clauses 6(b) et 6(f) du contrat de distribution.
  12. M. Pak et M. Hadad ont tous les deux indiqué que Sweet People vend les marchandises en cause à Double J aux mêmes coûts « franco à bord » ou FAB que ceux auxquels elle achète ces marchandises auprès de ses fournisseurs établis en Chine et au Vietnam, et que Double J assume les frais de transport[40].
  13. M. Hadad a également déclaré que Sweet People émet deux factures au moment de la vente : l’une pour les coûts FAB de ses fournisseurs asiatiques, qui est acquittée par Double J immédiatement; l’autre pour les frais de distribution de 67 p. 100, qui est acquittée par Double J environ un mois plus tard[41].
  14. M. Feldman a fourni à titre d’exemple le calcul pour un article dont le prix de vente de gros est de 42,00 $. Après déduction d’une remise de 56,75 p. 100 sur ce prix de gros, 43,25 p. 100, ou environ 18,14 $, représentant les coûts FAB, font l’objet de la première facture, puis 67 p. 100 de 18,14 $, ou 12,15 $, représentant les frais de distribution, font l’objet de la deuxième facture[42].
  15. Les frais de distribution totaux payés par Double J à Sweet People se sont chiffrés à environ 1,1 million de dollars en 2010[43]. M. Pak a indiqué qu’aux États-Unis Sweet People vend directement aux grands magasins et facture seulement le prix de gros des marchandises qu’elle vend[44]. Le contrat canadien semble être unique en son genre dans le modèle de distribution de Sweet People.
  16. Ayant étudié tous les faits et les témoignages pertinents, le Tribunal peut maintenant examiner la jurisprudence.
  17. Comme indiqué précédemment, Double J s’appuie sur Simms Sigal pour soutenir que les paiements en cause ne sont pas relatifs à la vente de marchandises pour exportation au Canada. Outre le paiement de frais de distribution, Simms Sigal est similaire au présent appel à d’autres égards.
  18. Dans cette décision, Anne Klein, fournisseur de Simms Sigal, accordait à Simms Sigal un accès à ses salles d’exposition à New York, en plus de lui fournir des échantillons, des aliments dans ses salles d’exposition, des imprimés et du matériel de promotion des ventes.
  19. Cependant, l’affaire Simms Sigal diffère également du présent appel à certains égards. Par exemple, les frais de distribution étaient versés trimestriellement, sans égard à l’importation de marchandises au Canada. De plus, dans Simms Sigal, il est fait mention d’un cas où Simms Sigal a estimé que la valeur des services fournis par Anne Klein était inférieure aux frais de distribution. À ce moment, Simms Sigal a suspendu les paiements des frais de distribution, ce qu’Anne Klein a accepté.
  20. Bien que le Tribunal soit d’avis que le moment où les paiements sont effectués n’est pas concluant pour déterminer si ces paiements sont relatifs à la vente des marchandises pour exportation au Canada, il estime que la qualification de ces paiements, à titre de condition d’exportation ou autre, peut être instructive.
  21. Il existe une différence notable entre le présent appel et la cause Simms Sigal dans la façon dont les fournisseurs ont qualifié les frais de distribution prévus dans leur contrat respectif dans chaque affaire. Alors qu’Anne Klein était prête à renoncer à ces frais et à suspendre simplement les services si Simms Sigal cessait certains paiements, M. Pak a indiqué, au nom de Sweet People, qu’une telle situation serait inacceptable pour Sweet People et l’amènerait à envisager de changer de distributeur canadien si Double J en venait à retenir une partie des frais de distribution[45].
  22. Comme indiqué précédemment, Double J s’appuie sur différentes affaires, dont Shell et Continental Bank, en ce qui concerne la proposition selon laquelle, en matière fiscale, les rapports juridiques des contribuables ne doivent faire l’objet d’une nouvelle qualification que si le tribunal conclut qu’ils constituent un trompe-l’œil.
  23. De l’avis du Tribunal, l’extrait suivant de Shell est instructif :

39. Notre Cour a statué à maintes reprises que les tribunaux doivent tenir compte de la réalité économique qui sous-tend l’opération et ne pas se sentir liés par la forme juridique apparente de celle-ci. Cependant, deux précisions à tout le moins doivent être apportées. Premièrement, notre Cour n’a jamais statué que la réalité économique d’une situation pouvait justifier une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable. Au contraire, nous avons décidé qu’en l’absence d’une disposition expresse contraire de la Loi ou d’une conclusion selon laquelle l’opération en cause est un trompe-l’œil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n’est possible que lorsque la désignation de l’opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables.

[Notre soulignement, références omises]

  1. De plus, le Tribunal considère que l’extrait suivant de Continental Bank, dans lequel le juge Bastarache de la Cour suprême du Canada épouse la démarche énoncée dans Orion Finance Ltd. v. Crown Financial Management Ltd.[46], est utile eu égard aux faits de l’espèce :

21. [...] Une fois qu’il est accepté que les documents reflètent véritablement l’opération intervenue entre les parties, on dégage la qualification juridique appropriée de celle-ci en interprétant les documents. Il ne s’ensuit pas que les termes retenus par les parties sont nécessairement déterminants. La substance de l’accord dont ont convenu les parties doit être dégagée du libellé employé, mais la qualification d’un document est déterminée par l’effet juridique qu’il est censé avoir; lorsque, suivant une interprétation appropriée, l’effet du document dans son ensemble est incompatible avec la terminologie employée par les parties, le libellé inapproprié doit céder le pas à la substance.

[Nos italiques]

  1. Par conséquent, il existe un courant jurisprudentiel suivant lequel les tribunaux reconnaissent que la désignation ou la terminologie rattachée à une partie d’un contrat, ou à une opération découlant d’un contrat, peut différer des effets juridiques véritables de celle-ci. Dans de tels cas, le tribunal est justifié d’accorder préséance à ces effets plutôt qu’à la désignation ou à la terminologie.
  2. Les principes établis par la jurisprudence sont un peu plus nuancés que la reformulation proposée par Double J. Il est inexact d’affirmer qu’une nouvelle qualification est interdite en l’absence d’une conclusion de trompe-l’œil. Une nouvelle qualification est permise en présence de termes simplement mal employés. La jurisprudence ne permet certainement pas de conclure qu’une divergence entre la terminologie et les effets juridiques constitue un motif valable pour conclure qu’un contrat est trompeur et constitue donc un trompe-l’œil. Un contrat ne devient pas illicite pour cause de tromperie simplement parce que la terminologie employée est inappropriée[47].
  3. Les tribunaux se sont penchés sur la question parallèle de l’ambiguïté contractuelle dans d’autres causes. Par exemple, dans General Motors, la Cour d’appel fédérale a émis l’opinion suivante :

32. Dans les affaires Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd. et Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., la Cour suprême du Canada a abordé cette question précise. Dans l’affaire Eli Lilly, le débat portait notamment sur la question de savoir si l’accord d’approvisionnement intervenu entre Apotex Inc. et Novopharm Ltd. constituait une sous-licence, ce qui justifiait l’annulation, par Eli Lilly, de la licence obligatoire détenue par Novopharm relativement à la nizatidine. Sous la plume du juge Iacobucci, la Cour écrit ce qui suit, aux paragraphes 54 à 59 :

54 Le juge de première instance semble avoir considéré que, d’après l’arrêt Consolidated Bathurst, l’interprétation du contrat devrait viser en définitive à vérifier l’intention véritable des parties au moment de conclure le contrat et que, ce faisant, le juge des faits peut admettre des éléments de preuve extrinsèques concernant les intentions subjectives des parties à ce moment-là. À mon avis, cela n’est pas tout à fait exact. L’intention des parties contractantes doit être déterminée en fonction des mots qu’elles ont employés en rédigeant le document, éventuellement interprétés à la lumière des circonstances du moment. La preuve de l’intention subjective d’une partie n’occupe aucune place indépendante dans cette décision.

55 En fait, il n’est pas nécessaire de prendre en considération quelque preuve extrinsèque que ce soit lorsque le document est, à première vue, clair et sans ambiguïté. Pour reprendre les propos de lord Atkinson dans Lampson c. City of Quebec : « [...] l’intention qu’il faut rechercher en interprétant l’acte est celle des parties telle qu’elle se dégage des termes qu’elles ont utilisés dans l’acte lui-même. [...] [S]i la signification de l’acte, selon le sens ordinaire des mots qui y sont employés, est claire et sans ambiguïté, il n’est pas permis aux parties à cet acte, aussi longtemps qu’il n’est pas modifié, de venir affirmer devant une cour de justice : « Notre intention était tout à fait différente de celle qui est exprimée par les termes de l’acte. »

56 Quand le texte du document est sans ambiguïté, l’idée exprimée dans Consolidated Bathurst, selon laquelle il y a lieu de retenir l’interprétation qui assure un « résultat équitable » ou un « résultat commercial raisonnable », n’est pas déterminante. Certes, il serait absurde d’adopter une interprétation nettement incompatible avec les intérêts commerciaux des parties, si l’objectif est de vérifier leur véritable intention au moment de contracter. Toutefois, il n’est pas difficile d’interpréter un document clair conformément à l’intention véritable des parties contractantes, si l’on présume que les parties voulaient les conséquences juridiques des mots qu’elles ont employés. Cela est conforme à l’opinion incidente de notre Cour dans Joy Oil Co. c. The King : [...] en interprétant un document, il s’agit non pas de chercher à comprendre ce que les mots seulement veulent dire, ni ce que le rédacteur seulement a voulu dire, mais plutôt de chercher ce que les mots employés par le rédacteur veulent dire.

57 À mon sens, le contrat intervenu entre Apotex et Novopharm ne comporte aucune ambiguïté. Aucune tentative n’a été faite pour camoufler l’objet véritable de l’entente ou les circonstances ayant entouré sa rédaction. De toute évidence, l’accord visait à réduire au minimum les effets préjudiciables des modifications apportées à la Loi sur les brevets, qui étaient censées imposer, et ont imposé en définitive, des restrictions considérables au régime antérieur de licences obligatoires, en portant au maximum l’accès de chaque partie à la plus grande variété possible de médicaments brevetés. Cela a été fait en obligeant chaque partie à obtenir de telles substances pour l’autre partie dans le cas où cette partie possédait une licence que l’autre n’avait pas et ne pourrait plus facilement acquérir. Tout cela ressort du texte clair des considérants de l’accord d’approvisionnement. Mis à part la question de contourner la loi, qui n’a rien à voir avec l’interprétation du contrat, les intentions des parties ressortent clairement à la lecture de l’accord. En conséquence, j’estime qu’on ne saurait affirmer à juste titre que l’accord d’approvisionnement comporte des ambiguïtés que son texte même ne permet pas de résoudre. Aucun autre outil d’interprétation n’est nécessaire.

58 Plus précisément, il n’est pas nécessaire de recourir à l’un ou l’autre élément de preuve soumis par Apotex ou Novopharm relativement aux intentions subjectives de leurs mandants au moment de rédiger l’accord. Par conséquent, j’estime que cette preuve est irrecevable en vertu de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque : voir Indian Molybdenum Ltd. c. The King.

59 De plus, même si cette preuve était nécessaire, telle n’est pas la nature de la preuve soumise en l’espèce, qui n’élucide aucunement les circonstances de la rédaction. Elle ne concernait que les intentions subjectives des parties : l’intention subjective de M. Dan au moment de la rédaction et l’intention subjective de M. Sherman d’exécuter l’accord d’une certaine manière.

[Italiques ajoutées pour souligner, références omises]

  1. De plus, dans Jockey, le Tribunal a émis l’opinion suivante :

103. Toutefois, lorsqu’une transaction est consignée par écrit dans une convention entre deux parties, les éléments de preuve extrinsèques sont, en général, irrecevables pour contredire ou modifier les termes du document ou pour y a ajouter ou en supprimer des éléments. Cela est particulièrement vrai lorsque la transaction a lieu entre deux sociétés averties.

104. En fait, un examen de la jurisprudence portant sur l’admissibilité d’éléments de preuve extrinsèques dans le contexte de l’interprétation d’un document contractuel révèle que, s’il ne décèle aucune ambiguïté dans le document à l’examen, un tribunal ne peut tenir compte d’éléments de preuve extrinsèques et que, même lorsqu’il y a une ambiguïté, les éléments de preuve portant uniquement sur l’intention subjective d’une partie sont irrecevables.

105. Dans le présent appel, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas d’ambiguïté dans la convention de vente et de distribution conclue entre JII et JCC. Il est clair que l’intention des parties était de conclure une convention applicable à la vente à JCC de marchandises fabriquées par des tiers pour JII, nonobstant le pays d’origine de ces marchandises. Par conséquent, le témoignage de M. Tolensky selon lequel l’intention réelle des parties était différente au moment de la rédaction et de la signature de la convention est irrecevable. L’outil le plus important pour déterminer l’intention des parties au moment de la conclusion du contrat est présent dans le libellé même de la convention.

[Nos italiques, note omise]

  1. En substance, ce courant jurisprudentiel connexe appuie la proposition selon laquelle on peut conclure qu’il y a ambiguïté seulement si l’intention des parties n’est pas claire à la face même du contrat. Ce n’est que dans de tels cas que des éléments de preuve extrinsèques sont recevables dans le cadre de tout effort visant à qualifier convenablement les conditions actuelles du contrat.
  2. Une reformulation possible des principes établis par l’ensemble de la jurisprudence citée serait la suivante : lorsque la terminologie employée dans un contrat diffère des effets juridiques véritables de celui-ci, l’intention des parties n’est pas claire et il est alors possible d’affirmer à juste titre que le contrat est ambigu. Dans un tel cas, une nouvelle qualification est permise, et des éléments de preuve extrinsèques peuvent servir à cette fin. Il importe de souligner qu’une conclusion d’ambiguïté est très loin d’une conclusion de trompe-l’œil. Il convient également de souligner que les effets juridiques véritables du contrat sont le pilier de cette reformulation.
  3. Il est possible de tirer des conclusions concernant les effets juridiques véritables des conditions d’un contrat en procédant à un examen approfondi de son application par les parties au contrat, entrepris à la lumière du libellé du contrat lui-même. Par conséquent, une nouvelle qualification n’est pas une réécriture, mais une clarification des effets juridiques.
  4. En l’espèce, le contrat de distribution énonce ce qui semble être une formule claire, quoique reliée, pour calculer le prix d’achat et les frais de distribution. Toutefois, les témoignages des témoins de Double J, lorsqu’ils sont examinés à la lumière du libellé du contrat de distribution, soulèvent un doute quant aux effets juridiques véritables du fonctionnement de cette formule. En substance, les témoignages des témoins de Double J et le libellé contractuel soulèvent la question de savoir si la formule a deux finalités juridiques distinctes, celle d’établir les paiements pour les marchandises et celle d’établir les paiements pour les services, ou si elle a une finalité juridique double mais inextricablement liée, celle d’établir les paiements pour les marchandises conjointement avec les paiements pour les services.
  5. À ce sujet, M. Pak a indiqué que, au moment de l’achat et conformément à la clause 6(b) du contrat de distribution, Double J paie à Sweet People exactement le même montant que celui en contrepartie duquel Sweet People achète les marchandises en cause de ses propres fournisseurs asiatiques[48]. Par conséquent, l’application de la clause 6(b) se traduit par une vente au prix coûtant seulement, sans aucune marge bénéficiaire.
  6. De plus, au moment de l’achat et conformément à la clause 6(f), Double J reçoit une facture pour des frais de distribution calculés en pourcentage du paiement prévu à la clause 6(b) et paie cette facture à Sweet People dans un délai d’un mois[49]. Bien que les frais de distribution puissent varier considérablement au cours d’une année en raison de leur méthode de calcul, les avantages que les témoins ont attribués à ces frais demeurent constants et leur valeur monétaire n’a pas été évaluée par Double J ou par Sweet People.
  7. Si la clause 6(f) n’existait pas dans le contrat de distribution, l’application de la clause 6(b) ne comporterait aucune ambiguïté et, suivant le raisonnement dans General Motors, le Tribunal serait forcé de conclure que Sweet People voulait les conséquences juridiques des mots employés dans le contrat de distribution qui, dans un tel cas, feraient en sorte que Sweet People serait liée par un contrat commercial lui imposant des obligations, mais n’engendrant aucun profit.
  8. Cependant, la clause 6(f) existe bel et bien dans le contrat de distribution et, alors que la clause 6(b) relie clairement les paiements aux livraisons de produits en indiquant que des remises seront accordées si ou lorsque des « Produits sont expédiés » [traduction], aucun rendement mesurable ni octroi de droits ne sont reliés aux paiements qui y sont exigés.
  9. Selon les témoignages au dossier, la clause 6(f) couvre la publicité et le marketing. Si ces témoignages sont examinés à la lumière du libellé du contrat de distribution, il devient manifeste qu’aucune méthode de mesure n’a été établie pour relier les paiements à la publicité et au marketing. En d’autres mots, la valeur n’est pas et ne peut être mesurée[50].
  10. De plus, comme indiqué précédemment, les clauses 5(c) et 5(e) du contrat de distribution impose des obligations à Sweet People sans que le contrat les relie à des paiements mesurables.
  11. Par conséquent, si on isolait les services de publicité et de marketing stipulés dans le contrat de distribution, Double J n’aurait aucun moyen de savoir si elle a payé un montant suffisant en contrepartie des services reçus, et Sweet People n’aurait aucun moyen de savoir si elle a fourni des services suffisants en contrepartie des paiements reçus. Cela est un peu étonnant de la part d’entités commerciales averties comme les parties en cause.
  12. Le Tribunal doit donc déterminer les effets juridiques véritables de trois éléments distincts : des paiements pour des marchandises sans marge bénéficiaire, des paiements illimités sans indication d’un rendement mesurable et sans octroi de droits, et des services devant être rendus sans indication de paiements mesurables.
  13. De plus, il importe de souligner que les paiements sont irrévocablement reliés entre eux, ce qui est particulièrement intrigant puisque les parties au contrat de distribution ont indiqué qu’elles ne tiennent pas à mesurer les avantages qui sous-tendent les paiements illimités. Ce fait constitue une différence déterminante par rapport à Simms Sigal, dans laquelle le Tribunal a souligné que « [...] M. Simms a témoigné que Simms Sigal était très satisfaite de la valeur reçue en contrepartie des frais de distribution prévus dans l’Accord »[51].
  14. Pour le dire autrement, le Tribunal a devant lui un contrat prévoyant des paiements reliés pour les marchandises et les services et en vertu duquel la totalité des profits qu’une partie au contrat peut réaliser dépendent strictement de ce que les parties au contrat ont qualifié comme étant les paiements pour les services, si bien que si l’autre partie en venait à rationaliser les paiements pour les services, l’intégralité du contrat deviendrait insoutenable pour la première partie.
  15. Si le Tribunal décidait de ne pas tenir compte des réalités obscures introduites par les clauses 5(c), 5(e) et 6(f) du contrat de distribution, des absurdités en résulteraient.
  16. Par exemple, le Tribunal serait forcé de conclure que sur le budget total mondial de publicité et de marketing de 1,5 million de dollars de Sweet People, un seul de ses distributeurs (Double J) dans un territoire qui n’est pas son plus important marché se trouve à couvrir 1,1 million de dollars ou 73 p. 100 de ses dépenses totales de marketing dans le monde. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela semble incompatible avec les avantages dont Double J bénéficie en termes de publicité et de marketing. General Motors et Jockey appuient le raisonnement selon lequel des éléments de preuve extrinsèques des deux parties à un contrat sont recevables pour remédier à de telles absurdités et qualifier convenablement les contrats obscurs ou ambigus.
  17. Dans leur ensemble, les clauses du contrat de distribution examinées par le Tribunal, conjuguées aux témoignages des témoins des deux parties au contrat de distribution, soutiennent la conclusion selon laquelle l’effet juridique véritable de ces clauses n’est pas d’assurer des paiements distincts pour les marchandises et les services, mais d’assurer des paiements inextricablement liés pour les marchandises et les services. Ainsi, les paiements pour les marchandises constituent des paiements pour les services, et inversement.
  18. Double J a indiqué qu’elle a tenté de renégocier le contrat de distribution, essentiellement pour éliminer les ambiguïtés en faisant en sorte qu’il y ait une séparation distincte entre les paiements pour les marchandises et les paiements pour les services. Cependant, Sweet People est demeurée intraitable en insistant pour que les frais pour la livraison des marchandises et des services soient inextricablement liés. À cet égard, M. Hadad a déclaré :

Vous me mettez sur la sellette là, car j’ai tenté de faire baisser [les frais de distribution] mais c’était à prendre ou à laisser. Je comprends parfaitement, étant donné la différence de prix entre le Canada et les États-Unis, et nos prix sont foncièrement beaucoup plus élevés, mais c’étaient les exigences[52].

[Nos italiques, traduction]

  1. Double J administre sa comptabilité en partant du principe que les deux paiements couvrant les marchandises et les services sont inextricablement liés. Ainsi, dans ses livres comptables, ces deux paiements sont reflétés dans le « coût des ventes » [traduction]. Expliquant les raisons pour lesquelles les paiements des frais de distribution sont inclus dans la rubrique du coût des ventes, M. Feldman a indiqué que « [...] tout élément inclus dans le coût des ventes influe sur l’établissement du coût de revient unitaire des jeans, et nous sommes très exacts dans notre comptabilité sur ce point »[53] [traduction]. Ces faits sont très similaires aux faits dans Jockey en ce qui a trait aux éléments de preuve. Dans cette décision, l’appelant tenait également des livres et registres indiquant le montant réel des paiements effectués pour acquérir les marchandises importées. Lorsque les livres et registres d’un appelant sont incompatibles avec son témoignage, le fardeau d’élucider ces disparités, de façon à que le Tribunal n’en vienne pas à conclure que les livres et registres sont particulièrement probants, appartient à l’appelant.
  2. Puisque les marchandises et les services sont inextricablement liés dans le contrat de distribution, chaque ensemble de paiements transactionnels effectués aux termes du contrat de distribution est, globalement, « relatif » aux marchandises et « relatif » aux services. À cet égard, le Tribunal considère que le raisonnement dans Nowegijick, en ce qui a trait à l’interprétation de l’expression « in respect of », est convaincant. Si les paiements sont reliés aux marchandises de quelque façon que ce soit, ils sont relatifs aux marchandises; un lien simultané avec les services ne vient aucunement restreindre la portée de ce qui précède.
  3. Autrement dit, et suivant la décision du Tribunal dans PMI Food, si les paiements sont touchés par l’importation des marchandises, ils sont relatifs aux marchandises. Une fois que le Tribunal en arrive à cette conclusion, il n’y a aucune raison d’y faire obstacle pour le motif que les paiements sont également touchés par les services[54].
  4. Une dernière ambiguïté semble exister entre les termes employés dans le contrat de distribution pour décrire les paiements en cause, soit « frais de distribution », qui, selon leur sens courant, entraîneraient l’application du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, et la qualification des paiements en cause par les témoins de Double J comme étant des frais pour la publicité et le marketing. Toutefois, le Tribunal est convaincu qu’aux termes de l’alinéa 48(5)a), les paiements en cause sont « déjà inclus » dans le prix payé ou à payer en vertu du contrat de distribution en vigueur au moment de l’importation.

DÉCISION

  1. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal est convaincu que les paiements en cause sont liés aux marchandises en cause ou touchés par celles-ci. Par conséquent, les paiements en cause sont relatifs à la vente des marchandises pour exportation au Canada et font partie du prix payé ou à payer aux termes de la méthode d’appréciation de la valeur en douane des marchandises fondée sur leur valeur transactionnelle qui est prévue au paragraphe 45(1) et à l’article 48 de la Loi.
  2. L’appel est rejeté.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     Pièce AP-2013-017-08C, vol. 1 au par. 4.

[3].     Ibid. au par. 6.

[4].     Ibid. au par. 7.

[5].     Ibid. au par. 8.

[6].     Ibid. aux par. 9-10; pièce AP-2013-017-08A (protégée), vol. 2, onglet 5.

[7].     Pièce AP-2013-017-08C, vol. 1 aux par. 11-14.

[8].     Ibid. au par. 15.

[9].     Transcription de l’audience publique, 14 novembre 2013, aux pp. 4-6.

[10].   Ibid. aux pp. 25-26.

[11].   Ibid. aux pp. 39-40.

[12].   Pièce AP-2013-017-08C aux pp. 10-13; pièce AP-2013-017-04A à la p. 1.

[13].   Bien que l’expression « en paiement des » soit employée dans la définition de « prix payé ou à payer », l’expression « en tant que condition de » est employée au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. On peut donc conclure, pour les fins de l’application de la méthode d’appréciation de la valeur en douane des marchandises fondée sur leur valeur transactionnelle, que des paiements effectués « en tant que condition de » la vente des marchandises relèvent des paiements effectués « en paiement des » marchandises.

[14].   2010 CAF 33 (CanLII) [Toronto Transit].

[15].   Transcription de l’audience publique, 14 novembre 2013, à la p. 137.

[16].   (27 mai 2013), AP-2001-016 (TCCE) [Simms Sigal].

[17].   Pièce AP-2013-017-04A aux pp. 3-4.

[18].   Ibid. aux pp. 6-7; Transcription de l’audience publique, 14 novembre 2013, aux pp. 137-138. À cet égard, Double J a renvoyé à Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 RCS 622 [Shell]; Industries Perron Inc. v. Canada, 2013 FCA 176 (CanLII); Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 RCS 298 [Continental Bank].

[19].   Pièce AP-2013-017-04A aux pp. 7-9. À l’égard de cette proposition, Double J a renvoyé à Jockey Canada Company c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (20 décembre 2012), AP-2011-008 (TCCE) [Jockey]; Canada c. General Motors du Canada Limitée, 2008 CAF 142 (CanLII) [General Motors].

[20].   Pièce AP-2013-017-08C aux pp. 11-12.

[21].   Ibid. aux pp. 13-14.

[22].   Pièce AP-2013-017-04B, onglet 2 (renonciation à la protection de la confidentialité).

[23].   Pièce AP-2013-017-08C aux pp. 14-15.

[24].   Ibid. à la p. 15.

[25].   Ibid. aux pp. 15-16.

[26].   [1983] 1 RCS 29 [Nowegijick].

[27].   (10 janvier 1997), AP-95-123 (TCCE) [PMI Food].

[28].   Pièce AP-2013-017-08C à la p. 16. The test was earlier articulated in Polygram Inc. c. Sous-M.R.N.D.A. (7 mai 1992), AP-89-151 et AP-89-165.

[29].   (22 décembre 1997), AP-94-212 (TCCE).

[30].   Pièce AP-2013-017-08C aux pp. 17-18.

[31].   Ibid. aux pp. 18-19.

[32].   Il ressort clairement de la clause 3(a) que les « PO » sont des bons de commande et il ressort clairement de la clause 4(a) que le contrat se termine le 1er juin 2012, de sorte que la remise indiquée à la clause 6(b) s’applique pendant toute la durée du contrat de distribution.

[33].   Transcription de l’audience publique, 14 novembre 2013, aux pp. 75-81.

[34].   Ibid. aux pp. 16-19.

[35].   Ibid. aux pp. 20, 62.

[36].   Ibid. aux pp. 20-21.

[37].   Ibid. aux pp. 60-61.

[38].   Ibid. aux pp. 21-22.

[39].   Ibid. aux pp. 75-81. M. Feldman a déclaré plus particulièrement qu’il n’était pas important pour Double J de pouvoir mesurer les avantages sous-tendant le paiement des frais de distribution par rapport aux services de publicité et de marketing fournis par Sweet People.

[40].   Ibid. aux pp. 12, 71.

[41].   Ibid. à la p. 74.

[42].   Ibid. aux pp. 41-46. Double J a fourni ce calcul afin de démontrer que les frais de distribution se situent dans une fourchette de pourcentage représentant la norme commerciale pour de tels frais. Le calcul démontre également que la structure des paiements établie dans le contrat de distribution exerce une pression à la hausse sur le prix des marchandises au Canada par rapport à leur prix aux États-Unis. Dans l’exemple fourni, le prix de gros au Canada, auquel Double J vendait l’article à ses propres clients, s’établissait à 67 $ après l’ajout d’une marge bénéficiaire.

[43].   Pièce AP-2013-017-08A à la p. 161 (renonciation à la protection de la confidentialité).

[44].   Transcription de l’audience publique, 14 novembre 2013, aux pp. 69-70.

[45].   Ibid. à la p. 91.

[46].   [1996] 2 B.C.L.C. 78 (C.A.).

[47].   Continental Bank fournit, au paragraphe 20, une explication concise du raisonnement à suivre pour conclure qu’un contrat est un trompe-l’œil.

[48].   Transcription de l’audience publique, 14 novembre 2013, aux pp. 12, 71.

[49].   Ibid. à la p. 74.

[50].   Bien que la clause 5(h) prévoie que Double J aura droit à une réduction négociée des frais de distribution si Sweet People « ne fournit pas certains des services » [traduction], cette stipulation ne rend pas les frais de distribution mesurables par rapport aux services puisqu’elle signifie simplement que les frais de distribution peuvent demeurer illimités tant que les mêmes services sont reçus, mais peuvent être renégociés dans l’éventualité d’une réduction des services. En substance, la clause justifie les services sans justifier les frais. Cette interprétation est renforcée par le témoignage de M. Pak à la page 91 de la Transcription de l’audience publique, dans lequel il indique que Sweet People envisagerait de changer de distributeur canadien si Double J en venait à rationaliser les frais en retenant les versements dépassant un seuil représentant la valeur.

[51].   Simms à la p. 5.

[52].   Transcription de l’audience publique, 14 novembre 2013, à la p. 75.

[53].   Ibid. à la p. 29. De plus, à la p. 82, M. Feldman a indiqué que « [p]our des fins internes de comptabilisation des coûts de revient, nous tenons compte des coûts FAB convertis en dollars canadiens, des frais de transport et de douane, et d’une commission d’achat, s’il y en a une, ainsi que des frais de distribution s’ils sont fondés sur le coût, sur le FAB » [traduction].

[54].   De plus, l’affirmation de Double J selon laquelle les paiements faisant partie du prix payé ou à payer peuvent néanmoins être exclus de la valeur transactionnelle des marchandises importées puisqu’ils n’ont pas été effectués « pour » les marchandises ne convainc pas le Tribunal. La Loi n’établit pas de critère en application duquel les marchandises peuvent avoir un prix payé ou à payer dont une partie vise les marchandises et l’autre partie vise un autre objet non divulgué.