LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2013-042

Décision et motifs rendus
le jeudi 12 juin 2014

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 11 mars 2014, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 26 juin 2013, concernant une demande de révision d’une décision anticipée en matière de classement tarifaire aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 11 mars 2014

Membres du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Carrie Vanderveen

Stagiaire en droit : Kalyn Eadie

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

La Société Canadian Tire Limitée

Michael Kaylor

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Dah Yoon Min

TÉMOIN :

Murray Abbott
Propriétaire/Instructeur
Murray’s Fly Fishing School

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le présent appel a été interjeté par la Société Canadian Tire Limitée (Canadian Tire) le 13 septembre 2013, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).
  2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si des bottes-pantalons (les marchandises en cause) sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6404.19.90 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres chaussures à semelles extérieures en caoutchouc ou en matière plastique, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9507.90.99 à titre d’autres articles pour la pêche à la ligne, comme le soutient Canadian Tire.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 21 septembre 2012, l’ASFC a rendu une décision anticipée selon laquelle les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 6404.19.90 à titre d’autres chaussures à semelles extérieures en caoutchouc ou en matière plastique[3].
  2. Le 10 octobre 2012, Canadian Tire a demandé que l’ASFC réexamine la décision anticipée, soutenant que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9507.90.99 à titre d’autres articles pour la pêche à la ligne[4].
  3. Le 26 juin 2013, l’ASFC a rendu une décision confirmant le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 6404.19.90[5].
  4. Le 13 septembre 2013, Canadian Tire a interjeté appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal[6].
  5. Le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario) le 11 mars 2014. Canadian Tire a fait entendre un seul témoin, M. Murray Abbott, propriétaire et instructeur, Murray’s Fly Fishing School.

MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont des bottes-pantalons imperméables constituées d’une paire de bottes en polychlorure de vinyle (PVC) avec un dessus doublé en néoprène montant jusqu’à la poitrine. Les marchandises sont munies de bretelles en « H » avec des pièces aux épaules et des boucles à dégagement rapide, des poches chaudes pour les mains et une poche en mailles pour le rangement. Elles sont vendues par tailles de chaussures, de 9 à 13[7].

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[8]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[9] et les Règles canadiennes[10] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[12], publiés par l’OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[13].
  5. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, par application de la règle 6 des Règles générales dans le cas de la sous-position et des Règles canadiennes dans le cas du numéro tarifaire.

CLASSEMENT TARIFAIRE EN CAUSE

  1. Le numéro tarifaire 6404.19.90 prévoit ce qui suit :

Chapitre 64

CHAUSSURES, GUÊTRES ET ARTICLES ANALOGUES; PARTIES DE CES OBJETS

[...]

64.04 Chaussures à semelles extérieures en caoutchouc, matière plastique, cuir naturel ou reconstitué et dessus en matières textiles.

-Chaussures à semelles extérieures en caoutchouc ou en matière plastique :

[...]

6404.19 - -Autres

[...]

6404.19.90 - - -Autres

  1. Les notes pertinentes du chapitre 64 prévoient ce qui suit :

Chapitre 64

CHAUSSURES, GUÊTRES ET ARTICLES ANALOGUES; PARTIES DE CES OBJETS

Notes.

1. Le présent Chapitre ne comprend pas :

a) les articles à jeter destinés à couvrir les pieds ou les chaussures, faits de matériaux légers ou peu résistants (papier, feuilles en matière plastique, par exemple) et n’ayant pas de semelles rapportées (régime de la matière constitutive);

b) les chaussons en matières textiles, sans semelles extérieures collées, cousues ou autrement fixées ou appliquées au dessus (Section XI);

[...]

  1. Les notes explicatives du chapitre 64 prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

Sous réserve de quelques exceptions (voir notamment les exclusions énumérées en fin des présentes Considérations générales), le présent Chapitre comprend, dans les nos 64.01 à 64.05, les diverses variétés de chaussures, y compris les couvre-chaussures, quels que soient leurs formes et dimensions et les usages propres pour lesquels elles sont conçues, leur mode d’obtention et les matières dont elles sont faites.

[...]

A) Les chaussures peuvent aller des nu-pieds dont le dessus est constitué simplement par des lacets ou des rubans amovibles, jusqu’aux bottes cuissardes dont la tige recouvre la jambe et la cuisse et comporte parfois des sangles ou d’autres dispositifs d’attache permettant d’assujettir la tige à la ceinture pour mieux la maintenir. On peut citer, parmi les chaussures, les variétés suivantes :

[...]

2) Les brodequins, bottines, bottillons, demi-bottes, hautes bottes et bottes cuissardes, qui sont des chaussures à tige montante.

[...]

8) Les autres chaussures spécialement conçues en vue de la protection contre l’eau, l’huile, la graisse, les produits chimiques ou le froid.

[...]

B) Les chaussures comprises dans le présent Chapitre peuvent être en toutes matières (caoutchouc, cuir, matières plastiques, bois, liège, matières textiles (y compris les feutres et les nontissés), pelleteries, matières à tresser, etc.), excepté en amiante; elles peuvent comporter, en quelque proportion que ce soit, des matières du Chapitre 71.

[...]

D) Aux fins du classement des chaussures dans les positions du présent Chapitre, on doit par ailleurs tenir compte de la matière constitutive du dessus. On considère comme dessus les parties de la chaussure situées au-dessus de la semelle (empeigne, tige). Toutefois, en ce qui concerne certaines chaussures dont la semelle est en matière plastique moulée et certaines chaussures du type mocassin des Indiens d’Amérique, un seul et même morceau de matière est utilisé pour obtenir la semelle et une partie ou l’ensemble du dessus, ce qui ne permet pas de distinguer facilement la semelle extérieure du dessus. Dans ce cas, on considère comme dessus la partie de la chaussure qui couvre les côtés et le dessus du pied. La dimension des dessus est très variable suivant les types de chaussures considérés qui peuvent aller de ceux couvrant le pied et l’ensemble de la jambe y compris la cuisse (bottes de pêcheur) à ceux qui ne consistent qu’en une courroie ou un cordon (nu-pieds ou spartiates, par exemple).

Lorsque le dessus est constitué par plusieurs matières, c’est la matière constitutive dont la surface de recouvrement extérieure est la plus grande qui détermine le classement, la présence d’accessoires ou d’applications tels que pastilles de protection de la cheville, bordures de tous genres (protectrices ou ornementales), autres applications ornementales (glands, pompons, passepoils, par exemple), boucles, boutons, œillets, lacets ou fermetures à glissière n’étant pas de nature à modifier le classement. La matière constitutive d’une doublure éventuelle n’influence pas le classement.

  1. Les notes explicatives de la position no 64.04 prévoient ce qui suit :

La présente position couvre les chaussures à dessus (voir l’alinéa D) des Considérations générales du présent Chapitre) en matières textiles et à semelle extérieure (voir l’alinéa C) des Considérations générales du présent Chapitre) en même matière que les chaussures du n° 64.03 (voir la Note explicative de cette position).

  1. La position no 95.07 prévoit ce qui suit :

Chapitre 95

JOUETS, JEUX, ARTICLES POUR DIVERTISSEMENTS OU POUR SPORTS;
LEURS PARTIES ET ACCESSOIRES

[...]

95.07 Cannes à pêche, hameçons et autres articles pour la pêche à la ligne; épuisettes pour tous usages; leurres (autres que ceux des nos 92.08 ou 97.05) et articles de chasse similaires.

[...]

9507.90 -Autres

[...]

9507.90.99 - - - -Autres

  1. Les notes pertinentes du chapitre 95 prévoient ce qui suit :

1. Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

e) les vêtements de sport, ainsi que les travestis en matières textiles, des Chapitres 61 ou 62;

[...]

g) les chaussures (à l’exception de celles auxquelles sont fixés des patins à glace ou à roulettes) du Chapitre 64 et les coiffures spéciales pour la pratique des sports du Chapitre 65;

[...]

  1. Les notes explicatives pertinentes du chapitre 95 prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

Le présent Chapitre comprend les jouets et les jeux pour l’amusement des enfants et la distraction des adultes, des articles et engins utilisés pour la pratique de la gymnastique, de l’athlétisme et autres sports ou pour la pêche à la ligne, certains articles de chasse, ainsi que les manèges et autres attractions foraines.

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position no 95.07 prévoient ce qui suit :

La présente position comprend :

1) Les hameçons de tous genres (simples ou multiples) et de toutes dimensions, généralement en acier et qui peuvent être bronzés, étamés, argentés ou dorés.

2) Les épuisettes pour tous usages; ce sont de petits filets en forme de poche, maintenus ouverts par une monture circulaire, rectangulaire ou triangulaire fixée à l’extrémité d’un manche.

3) Les articles pour la pêche à la ligne : cannes à pêche de toutes dimensions et en toutes matières (bambou, roseau, bois, fibres de verre, métal, matières plastiques, etc.), en une seule pièce ou en plusieurs brins; parties et accessoires, tels que moulinets et plaques de moulinets, anneaux (autres qu’en pierres gemmes) montés, hameçons montés avec appât artificiel (poissons, devons, mouches, insectes, vers, cuillers, etc.), appâts artificiels non montés, lignes montées, bas de lignes, bouchons ou flotteurs (en liège, en verre ou en plume), y compris les flotteurs lumineux, planchettes et plioirs pour lignes, auto-ferreurs, dégorgeoirs, avançons, plombs et grelots pour lignes de pêche lorsqu’ils sont montés sur ou attachés à des colliers positionneurs extérieurs, agrafes ou autres dispositifs de montage.

4) Les leurres (autres que les appeaux de tous types (no 92.08) ou les animaux naturalisés du no 97.05), miroirs à alouettes et articles de chasse similaires.

[Nos italiques]

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Les parties sont en désaccord sur la question de savoir si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6404.19.90 à titre d’autres chaussures à semelles extérieures en caoutchouc ou en matière plastique, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9507.90.99 à titre d’autres articles pour la pêche à la ligne.
  2. Il est bien établi que, même si les appels devant le Tribunal sont des procédures de novo, il incombe à l’appelant de démontrer que le classement des marchandises importées est incorrect conformément au paragraphe 152(3) de la Loi[14]. Par conséquent, puisqu’il incombe à Canadian Tire de démontrer que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 95.07 à titre d’autres articles pour la pêche à la ligne, le Tribunal commencera son analyse par cette position.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées à titre d’autres articles pour la pêche à la ligne?

  1. Canadian Tire soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9507.90.99. Selon Canadian Tire, l’expression « autres articles pour la pêche à la ligne » est suffisamment large pour inclure les marchandises en cause, car elle couvre tous les articles pour la pêche à la ligne, sauf les articles expressément exclus ou repris ailleurs, comme les cuissardes[15]. Pour appuyer cet argument, Canadian Tire a fourni les définitions des mots « tackle » (article), « fishing » (pêche), « fishing tackle » (articles pour la pêche) et « equipment » (équipement). En outre, elle soutient que la formule « [a]rticles pour la pêche à la ligne [...] tels que » [nos italiques] dans les notes explicatives de la position no 95.07 indique que les articles y énumérés sont inclus à titre indicatif et donc les marchandises en cause ne sont pas exclues[16].
  2. Canadian Tire soutient de plus que tout matériel nécessaire ou utile pour pratiquer la pêche à la ligne, qui comprend la pêche à la mouche, peut être classé dans la position no 95.07 et note les déclarations du témoin selon lesquelles les marchandises en cause sont presque aussi importantes que les cannes à pêche et les mouches pour bien pratiquer la pêche à la mouche[17].
  3. En ce qui concerne la position de Canadian Tire, l’ASFC soutient que toutes les mentions de l’expression « articles pour la pêche à la ligne » dans les notes explicatives de la position no 95.07 renvoient aux articles conçus pour être directement attachés à une canne à pêche ou à une ligne de pêche, ou aux deux, lorsqu’ils sont utilisés pour attirer et attraper les poissons. Elle soutient que la formule « [a]rticles pour la pêche à la ligne [...] tels que » restreint la portée des articles pour la pêche aux articles conçus pour être directement attachés à une canne à pêche ou une ligne de pêche[18]. Puisque les marchandises en cause sont conçues uniquement pour la marche dans l’eau, l’ASFC soutient qu’elles ne peuvent être considérées comme étant des « articles pour la pêche à la ligne ».
  4. L’expression « autres articles pour la pêche à la ligne » et les mots « pêche » et « articles » pris individuellement ne sont pas définis dans le Tarif des douanes ni dans les notes légales ou les notes explicatives. Par conséquent, le Tribunal doit interpréter cette expression conformément à son sens ordinaire et dans son contexte.
  5. Le mot « tackle » (article) est défini comme un « [é]quipement servant à accomplir une tâche ou à pratiquer un sport (articles pour la pêche) »[19] [traduction, nos italiques] et comme un « [a]ppareil; équipement; matériel [articles pour la pêche] »[20] [traduction]. L’expression « fishing tackle » (articles pour la pêche) est définie comme « [...] l’équipement, tels les hameçons, les lignes, les cannes, les moulinets, etc., utilisé pour la pêche »[21] [traduction]. Le mot « équipement », qui est employé dans chacune de ces définitions, est défini comme étant « [...] des outils, des articles, des vêtements, etc. utilisés ou nécessaires à une fin particulière »[22] [traduction]. Ces définitions indiquent que l’expression « articles pour la pêche » a une portée relativement large.
  6. Toutefois, l’expression « autres articles pour la pêche à la ligne » doit également être interprétée dans son contexte. À cet égard, le reste des notes explicatives de la position no 95.07 contient des indications utiles concernant la portée des articles que le législateur entendait viser par l’expression « autres articles pour la pêche à la ligne ».
  7. Le Tribunal convient avec Canadian Tire que l’utilisation de l’expression « tels que » dans les notes explicatives du chapitre 95 indique que les articles suivant cette expression sont énumérés à titre indicatif et n’ont pas pour but de limiter la portée de l’expression « autres articles pour la pêche à la ligne » aux seuls articles énumérés. Par conséquent, le fait que les marchandises en cause ne sont pas expressément nommées dans ces notes ne les exclut pas de l’expression « autres articles pour la pêche à la ligne ».
  8. Toutefois, les articles énumérés dans les notes explicatives du chapitre 95, c’est-à-dire les moulinets et les plaques de moulinets, les appâts artificiels, les appâts artificiels non montés, les lignes montées, les bas de lignes, les bouchons ou flotteurs, les flotteurs lumineux, les planchettes et plioirs pour lignes, les auto‑ferreurs, les dégorgeoirs, les avançons, les plombs et les grelots pour lignes de pêche, ont tous en commun une caractéristique. Comme M. Abbott l’a déclaré, l’art de la pêche consiste à utiliser une imitation de ce que mangent habituellement les poissons afin de les attirer et de les attraper[23]. Tous les articles énumérés comme « articles pour la pêche » dans les notes explicatives de la position no 95.07 sont des dispositifs et des produits utilisés directement pour leurrer et attraper les poissons, au moyen d’une ligne ou d’un autre dispositif semblable.
  9. En revanche, les marchandises en cause n’ont rien à voir avec une canne, un moulinet, une ligne, des flotteurs ou des hameçons. De plus, elles ne sont pas utilisées directement pour leurrer et attraper les poissons. Une lecture contextuelle des notes explicatives de la position no 95.07 n’appuie pas l’argument de Canadian Tire selon lequel les marchandises en cause entrent dans la portée de l’expression « autres articles pour la pêche à la ligne », car elles ne sont pas des marchandises de même catégorie ou nature que les articles y énumérés.
  10. Les arguments de Canadian Tire visent essentiellement à démontrer que les marchandises en cause sont utiles pour les moucheurs et que cela devrait être la seule condition nécessaire pour qu’elles entrent dans la portée de l’expression « autres articles pour la pêche à la ligne ». Pour appuyer cette position, Canadian Tire renvoie à la jurisprudence pour tenter de convaincre le Tribunal que les principes d’interprétation des lois lui permettraient d’inclure les marchandises en cause suivant la compréhension ordinaire de l’expression « autres articles pour la pêche à la ligne »[24].
  11. Le fait que les marchandises en cause soient utiles pour la pêche n’autorise pas le Tribunal à faire fi des sens ordinaire et contextuel de l’expression « autres articles pour la pêche à la ligne », comme il est indiqué ci-dessus. Étendre ainsi le sens de cette expression pourrait entraîner le résultat absurde que d’autres articles utiles pour la pêche, comme les vêtements, les chapeaux ou les lunettes de soleil, seraient également couverts par cette expression.
  12. En résumé, le Tribunal conclut que Canadian Tire ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve[25] et que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 95.07. Le Tribunal doit maintenant examiner la question de savoir si les marchandises en cause sont d’autres chaussures à semelles extérieures en caoutchouc ou en matière plastique de la position no 64.04.

Les marchandises en cause peuvent-elles être classées à titre d’autres chaussures à semelles extérieures en caoutchouc ou en matière plastique?

  1. L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont correctement classées, conformément aux règles 1 à 6 des Règles générales et à la règle 1 des Règles canadiennes, dans le numéro tarifaire 6404.19.90 à titre d’autres chaussures à semelles extérieures en caoutchouc ou en matière plastique[26]. L’ASFC soutient que le libellé des notes explicatives du chapitre 64, qui stipule que le chapitre comprend les diverses variétés de chaussures, quels que soient leurs formes et dimensions, les usages pour lesquels elles sont conçues, leur mode d’obtention et les matières dont elles sont faites, est suffisamment large pour inclure les cuissardes[27]. En outre, l’ASFC soutient que le but premier des bottes-pantalons, celui de garder au chaud et au sec les pieds et les jambes du porteur et d’accroître l’adhérence, est le même que celui des cuissardes qui, comme en a convenu Canadian Tire, seraient classées dans la position no 64.04[28].
  2. Même si Canadian Tire reconnaît que des cuissardes, qui ne montent qu’à la cuisse, sont des chaussures du chapitre 64, elle allègue que les marchandises en cause sont exclues de ce chapitre en vertu des notes explicatives de ce chapitre, car elles montent plus haut, jusqu’à la poitrine[29]. Selon son raisonnement, bien qu’il puisse sembler étrange de classer les cuissardes et les bottes-pantalons dans des chapitres différents, le Tribunal devrait respecter la distinction établie par le législateur entre ces deux marchandises[30]. Elle soutient en outre que le fait que les marchandises en cause soient vendues par tailles de chaussures ne les fait pas entrer dans la portée du numéro tarifaire 6404.19.90, car de nombreuses autres marchandises vendues ainsi ne sont pas classées dans ce chapitre[31].
  3. Un examen des notes explicatives du chapitre 64 indique que le type de chaussures visé par ce chapitre est vaste. Les notes explicatives indiquent que le chapitre comprend « [...] diverses variétés de chaussures [...], quels que soient leurs formes et dimensions et les usages propres pour lesquels elles sont conçues, leur mode d’obtention et les matières dont elles sont faites ». De plus, les notes explicatives prévoient que « [l]es chaussures peuvent aller des nu-pieds [...] jusqu’aux bottes cuissardes dont la tige recouvre la jambe et la cuisse et comporte parfois des sangles ou d’autres dispositifs d’attache permettant d’assujettir la tige à la ceinture pour mieux la maintenir ». Les notes explicatives, traitant de la matière constitutive du dessus des bottes, font référence aux « bottes de pêcheur » à titre d’exemple de bottes recouvrant le pied et la jambe complète, dont la cuisse.
  4. Même si les chaussures recouvrant la jambe, la cuisse et également la poitrine ne sont pas expressément mentionnées dans les notes explicatives du chapitre 64, ce type de chaussures n’est pas expressément exclu non plus. De plus, les notes explicatives prévoient l’inclusion de chaussures munies de sangles ou d’autres dispositifs permettant de les attacher à la taille pour mieux les maintenir. Par conséquent, le Tribunal conclut que ces notes explicatives ne doivent pas être interprétées comme étant limitatives, mais plutôt comme étant descriptives. Elles ne prévoient aucunement que le dessus ne peut monter au-dessus de la cuisse; en fait, elles ne prévoient aucune limite quant à la hauteur que peuvent atteindre les marchandises sur le corps pour être considérées comme étant des chaussures.
  5. À l’audience, le Tribunal a examiné attentivement les marchandises en cause[32]. Elles sont essentiellement des bottes en caoutchouc auxquelles des extensions en néoprène recouvrant les jambes et le corps jusqu’à la mi-poitrine ont été greffées et scellées. À l’audience, M. Abbott a déclaré que le but premier des marchandises en cause est de garder les jambes et les pieds au chaud et au sec[33]. Cela est confirmé par la description figurant sur la boîte des marchandises en cause, qui met l’emphase sur leur fabrication et leur imperméabilité à l’eau. Par conséquent, les marchandises en cause ont en commun avec les bottes la caractéristique essentielle d’être conçues principalement pour protéger les pieds de l’eau et du froid.
  6. De plus, les marchandises en cause sont décrites dans la version française du catalogue en ligne de Canadian Tire comme étant des « Bottes-pantalons en PVC doublées de néoprène » et, en anglais, comme des « PVC boot[s] with neoprene insulation » [nos italiques][34]. Cela indique que les marchandises en cause sont considérées, par Canadian Tire elle-même, comme étant un type de bottes. Puisqu’il n’y a aucun doute que les bottes sont des chaussures, le Tribunal considère, par conséquent, que les marchandises en cause sont des chaussures.
  7. Les parties conviennent que les marchandises en cause ont des semelles extérieures et des bottes en PVC (un type de matière plastique)[35]. De plus, comme il est indiqué ci-dessus, les marchandises en cause sont décrites par Canadian Tire comme étant des « Bottes-pantalons en PVC doublées de néoprène » [nos italiques][36]. Pour ces motifs, le Tribunal considère que les marchandises en cause ont des semelles extérieures en matière plastique.
  8. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées à titre de chaussures à semelles extérieures en caoutchouc ou en matière plastique de la position no 64.04, conformément à la règle 1 des Règles générales.

DÉCISION

  1. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     Pièce AP-2013-042-06A, onglet 1, vol. 1.

[4].     Ibid.

[5].     Ibid.

[6].     Pièce AP-2013-042-01, vol. 1.

[7].     Pièce AP-2013-042-06A aux par. 10-13, vol. 1.

[8].     Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[9].     L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[10].   L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[11].   Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

[12].   Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[13].   Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux Avis de classement.

[14].   Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII) aux par. 7, 21.

[15].   Pièce AP-2013-042-04A au par. 33, vol. 1.

[16].   Ibid. aux par. 39-41.

[17].   Transcription de l’audience publique, 11 mars 2014, aux pp. 63-65.

[18].   Pièce AP-2013-042-06A aux par. 49-51, vol. 1.

[19].   Pièce AP-2013-042-04A au par. 25, vol. 1.

[20].   Ibid. au par. 26.

[21].   Ibid.

[22].   Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « equipment ».

[23].   Transcription de l’audience publique, 11 mars 2014, aux pp. 6-7.

[24].   Pièce AP-2013-042-04A aux par. 24, 29, 38, vol. 1.

[25].   Le Tribunal remarque que les éléments de preuve fournis par Canadian Tire, tant par l’intermédiaire de son témoin que par le dépôt de documents non corroborés comme des sources provenant de Wikipedia, ont été peu utiles à l’égard du fardeau de la preuve qui incombait à Canadian Tire, car le Tribunal n’a pu leur accorder qu’une faible valeur probante.

[26].   Pièce AP-2013-042-06A aux par. 30, 43, vol. 1; Transcription de l’audience publique, 11 mars 2014, à la p. 66.

[27].   Transcription de l’audience publique, 11 mars 2014, à la p. 67.

[28].   Ibid. aux pp. 72-73; pièce AP-2013-042-06A au par. 14, vol. 1; pièce AP-2013-042-04A au par. 19, vol. 1.

[29].   Pièce AP-2013-042-04A aux par. 18-19, vol. 1; Transcription de l’audience publique, 11 mars 2014, à la p. 52.

[30].   Transcription de l’audience publique, 11 mars 2014, à la p. 61.

[31].   Ibid. à la p. 53.

[32].   Pièce AP-2013-042-A-02.

[33].   Transcription de l’audience publique, 11 mars 2014, à la p. 37.

[34].   Pièce AP-2013-042-06A, onglet 2, vol. 1.

[35].   Pièce AP-2013-042-04A au par. 2, vol. 1; pièce AP-2013-042-06A aux par. 11, 43, vol. 1.

[36].   Pièce AP-2013-042-06A, onglet 2, vol. 1.