DYNATRAC SLEEP PRODUCTS LTD.

DYNATRAC SLEEP PRODUCTS LTD.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2013-049

Décision et motifs rendus
le mardi 16 septembre 2014

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 juin 2014 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 6 septembre 2013 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

DYNATRAC SLEEP PRODUCTS LTD. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Ann Penner
Ann Penner
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 19 juin 2014

Membre du Tribunal : Ann Penner, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Elysia Van Zeyl

Stagiaire en droit : Cassandra Baker

Agent du greffe : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Dynatrac Sleep Products Ltd.

Michael Kaylor

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Lune Arpin

TÉMOINS :

Elio DeBartolo
Président
Dynatrac Sleep Products Ltd.

Michael Bernier
Vice-président
Mattress Mart

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le présent appel a été interjeté par Dynatrac Sleep Products Ltd. (Dynatrac) le 21 novembre 2013, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard de quatre décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 6 septembre 2013, aux termes du paragraphe 60(4).
  2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certains cadres de lit en métal non assemblés (les marchandises en cause) sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9403.20.00 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres meubles en métal, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 9403.90.00 à titre de parties, comme le soutient Dynatrac.
  3. Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario) le 19 juin 2014. Dynatrac a fait entendre deux témoins, M. Elio DeBartolo, président de Dynatrac, et M. Michael Bernier, vice-président de Mattress Mart.

MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont des cadres de lit en métal, dont les composants sont importés à l’état démonté. Toutes les pièces, tout le matériel et toutes les attaches nécessaires pour assembler les marchandises en cause sont importés avec celles-ci dans une seule boîte.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Entre janvier et décembre 2010, Dynatrac a importé les marchandises en cause dans le cadre de quatre transactions distinctes.
  2. À la suite de la décision de l’ASFC de classer les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9403.20.00 à titre d’autres meubles en métal, Dynatrac a présenté une demande de révision, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi.
  3. Le 6 septembre 2013, l’ASFC a rendu ses décisions définitives, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, confirmant ses décisions antérieures de classer les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9403.020.00 à titre d’autres meubles en métal.
  4. Le 21 novembre 2013, Dynatrac a interjeté le présent appel auprès du Tribunal. Dynatrac a déposé son mémoire le 9 janvier 2014, et l’ASFC a déposé le sien le 17 mars 2014, après l’octroi d’un délai d’une semaine.

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[3]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[4] et les Règles canadiennes[5] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[6] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[7], publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[8].
  5. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles[9].
  6. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[10]. L’étape finale consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[11].

CLASSEMENT TARIFAIRE EN CAUSE

  1. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Chapitre 94

MEUBLES; MOBILIER MÉDICO-CHIRURGICAL; ARTICLES DE LITERIE ET SIMILAIRES; APPAREILS D’ÉCLAIRAGE NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS; LAMPES-RÉCLAMES, ENSEIGNES LUMINEUSES, PLAQUES INDICATRICES LUMINEUSES ET ARTICLES SIMILAIRES; CONSTRUCTIONS PRÉFABRIQUÉES

[...]

94.03 Autres meubles et leurs parties.

[...]

9403.20.00 -Autres meubles en métal

[...]

9403.90.00 -Parties

  1. Les notes explicatives pertinentes du chapitre 94 prévoient ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

Le présent Chapitre englobe, sous réserve des exceptions mentionnées dans les Notes explicatives de ce Chapitre :

1) L’ensemble des meubles, ainsi que leurs parties (nos 94.01 à 94.03).

2) Les sommiers, les matelas et autres articles de literie et similaires, comportant des ressorts, rembourrés ou garnis intérieurement de toutes matières, y compris ceux en caoutchouc alvéolaire ou en matières plastiques alvéolaires, recouverts ou non (no 94.04).

[...]

Au sens du présent Chapitre, on entend par meubles ou mobilier :

A) Les divers objets mobiles, non compris dans des positions plus spécifiques de la Nomenclature qui sont conçus pour se poser sur le sol (même si dans certains cas particuliers – meubles et sièges de navires, par exemple – ils sont appelés à être fixés ou assujettis au sol) et qui servent à garnir, dans un but principalement utilitaire, les appartements, hôtels, théâtres, cinémas, bureaux, églises, écoles, cafés, restaurants, laboratoires, hôpitaux, cliniques, cabinets dentaires, etc., ainsi que les navires, avions, voitures de chemin de fer, voitures automobiles, remorques-camping et engins de transport analogues. Les articles de même nature (bancs, chaises, etc.) utilisés dans les jardins, squares, promenades publiques, sont également compris ici.

[...]

Les meubles présentés à l’état démonté ou non assemblé sont classés de la même manière que les meubles montés lorsque les diverses parties sont présentées ensemble, même si certaines de ces parties consistent en plaques, parties ou accessoires en verre, marbre ou autres matières (tel est le cas, par exemple, d’une table en bois avec le dessus en verre, d’une armoire de chambre, en bois, avec sa glace, d’un buffet de salle à manger, en bois, avec sa plaque de marbre).

PARTIES

Le présent Chapitre ne couvre que les parties des produits des nos 94.01 à 94.03 et 94.05. Sont considérés comme telles les articles, même simplement ébauchés qui, par leur forme ou d’autres caractéristiques, sont reconnaissables comme étant conçus exclusivement ou principalement pour un article de ces positions et qui ne sont pas repris plus spécifiquement ailleurs.

POSITION DES PARTIES

Dynatrac

  1. Dynatrac allègue que les marchandises en cause ne sont pas correctement classées à titre de meubles car, même une fois assemblées, elles ne forment pas un lit complet et ne peuvent être utilisées comme lit.
  2. Même si Dynatrac ne conteste pas le fait que les marchandises en cause contiennent toutes les parties nécessaires pour former un cadre de lit en métal, elle soutient tout de même que les marchandises en cause ne sont pas correctement classées à titre de meubles. Pour appuyer son argument, Dynatrac renvoie à la décision du Tribunal dans Simmons Canada Inc. et Les Entreprises Sommex Ltée c. Sous-M.R.N.[12], dans laquelle le Tribunal a conclu qu’un matelas n’est pas un meuble. Par déduction, Dynatrac soutient que « [...] les marchandises en cause ne sont pas moins une partie que le sommier ou le matelas lui-même »[13] [traduction].
  3. Dynatrac renvoie également aux notes explicatives du chapitre 94, aux termes desquelles toutes les parties doivent être présentées ensemble, pour soutenir que les marchandises en cause ne peuvent être considérées comme un lit monté, car elles sont importées sans les autres parties d’un lit (par exemple le matelas et le sommier). Par conséquent, elle soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 9403.90.00 à titre de parties car, selon elle, elles ne constituent pas, en soi, des meubles.

ASFC

  1. L’ASFC soutient que, même si les marchandises en cause ne sont pas des lits complets au moment de leur importation, elles correspondent à la définition de meubles énoncée à la note A) des notes explicatives du chapitre 94. Plus particulièrement, l’ASFC indique que les marchandises en cause ont un but utilitaire car elles peuvent recevoir un matelas, elles sont conçues pour être posées sur le sol, elles sont dotées de roulettes et peuvent être déplacées, et elles servent à meubler les chambres d’une résidence, d’un hôtel ou d’un autre endroit semblable.
  2. Puisque les marchandises en cause sont non assemblées au moment de leur importation, l’ASFC a appliqué la règle 2a) des Règles générales pour classer les marchandises dans la même position que l’article monté. En concluant qu’un cadre de lit monté correspond à la définition de meuble, l’ASFC soutient que les marchandises doivent, par conséquent, être classées dans le numéro tarifaire 9403.20.00 à titre d’autres meubles en métal.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Les parties sont d’accord sur plusieurs questions principales qui établiront le cadre de l’analyse du Tribunal : 1) les marchandises en cause ont été importées au Canada en l’état démonté, mais dans une boîte contenant les composants nécessaires pour assembler les pièces en un cadre de lit en métal complet[14]; 2) la position applicable est la position no 94.03, qui comprend les autres meubles et leurs parties; 3) le classement des composants non assemblés du cadre de lit peut et doit être effectué conformément à la règle 2a) des Règles générales[15]; 4) les marchandises en cause, une fois assemblées, ont le caractère essentiel d’un cadre de lit en métal complet[16].
  2. Toutefois, les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si les cadres de lit en métal peuvent être considérés en soi comme des meubles au moment de leur importation, ou si les marchandises en cause constituent des parties de meuble en raison du fait qu’au bout du compte elles sont utilisées avec un matelas et un sommier pour former un lit.
  3. Il s’agit de la seule question dont le Tribunal est saisi dans le cadre du présent appel.
  4. Comme indiqué ci-dessus, Dynatrac allègue qu’un cadre de lit en métal complet ne peut être considéré en soi comme un meuble. Selon elle, même assemblé, un cadre de lit en métal n’est qu’une partie d’un meuble, c’est-à-dire une partie d’un lit complet. L’ASFC allègue le contraire, en soutenant que les marchandises en cause correspondent à la définition de « meubles » énoncée à la note A) des notes explicatives du chapitre 94.
  5. Puisque les notes explicatives sont considérées comme ayant force exécutoire pour le Tribunal, à moins qu’il n’existe un motif valable de s’en écarter en vertu de l’article 11 du Tarif des douanes et de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Suzuki, le Tribunal examinera l’applicabilité de cette définition aux marchandises en cause pour trancher la question en litige dans le présent appel.
  6. La note A) des notes explicatives du chapitre 94 prévoit que les meubles doivent posséder les cinq caractéristiques suivantes :
  • ils doivent être mobiles;
  • ils doivent être des objets;
  • ils doivent posséder la caractéristique essentielle d’être conçus pour être posés sur le sol;
  • ils doivent être utilisés dans un but principalement utilitaire;
  • ils doivent servir à garnir des appartements.
  1. Le Tribunal constate également que la définition de « meubles » comprend la condition expresse que l’article ne soit pas compris dans des positions plus spécifiques de la nomenclature.
  2. Les parties conviennent que quatre des cinq conditions de la définition de « meubles » sont remplies en l’espèce[17].
  3. Premièrement, il n’y a aucun doute que les marchandises en cause sont mobiles. Elles sont dotées de roulettes et, même si elles n’en avaient pas, elles pourraient quand même être déplacées facilement[18].
  4. Deuxièmement, les parties ne contestent pas le fait que les marchandises en cause sont considérées comme des objets.
  5. Troisièmement, les parties conviennent que les marchandises en cause sont conçues pour être posées sur le sol[19]. En effet, il serait difficile de les placer ailleurs que sur le sol.
  6. Quatrièmement, les marchandises en cause servent généralement à garnir des appartements. Les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause sont vendues aux distributeurs ou aux détaillants et sont ensuite vendues aux clients pour être utilisées dans leur maison[20]. La plupart du temps, les marchandises en cause sont vendues avec un matelas et un sommier; toutefois, les témoins ont affirmé que les cadres de lit en métal peuvent être vendus séparément et le sont effectivement; en effet, certains documents de commercialisation présentés au Tribunal indiquent que les cadres de lit sont commercialisés pour être vendus sans matelas ni sommier[21]. De plus, les marchandises en cause servent parfois à garnir des hôtels et des gîtes touristiques[22].
  7. Toutefois, les parties ne sont pas d’accord sur l’applicabilité de la cinquième condition de la définition de « meubles », soit la question de savoir si les marchandises en cause ont un but utilitaire.
  8. Les témoins de Dynatrac ont indiqué à plusieurs reprises que les marchandises en cause ne peuvent pas servir de lit. M. DeBartolo et M. Bernier ont affirmé avec insistance qu’une personne ne pourrait jamais s’étendre ni dormir sur les marchandises en cause[23].
  9. Il est certain que le Tribunal reconnaît qu’une personne ne pourrait dormir ou s’étendre sur les marchandises en cause comme elle le ferait sur un lit. Par conséquent, Dynatrac a raison d’affirmer que les marchandises en cause ne sont pas des lits. Toutefois, la question dont le Tribunal est saisi n’est pas celle de savoir si les marchandises en cause sont des lits, mais bien celle de savoir si les marchandises en cause sont d’autres meubles en métal. Compte tenu de la définition du mot « meuble », le Tribunal doit, par conséquent, déterminer si les marchandises en cause ont en soi un but utilitaire. Comme Dynatrac l’a reconnu à juste titre, il lui incombe de prouver que les marchandises en cause n’ont pas de but utilitaire[24].
  10. Dans le cadre de leurs arguments concernant la question de savoir si les marchandises en cause ont un but utilitaire, les deux parties ont renvoyé à la décision du Tribunal dans Renelle Furniture Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[25]. Dans cette affaire, le Tribunal a examiné la question de savoir si un divan-lit futon ne devenait un meuble complet que lorsqu’il était agencé à un matelas futon et si, avant qu’elle ne soit ainsi agencée, une structure pour futon avait ou non une fonction ou une utilisation[26]. Par conséquent, le Tribunal devait déterminer si la structure pour futon constituait une partie et si elle devait être classée dans le numéro tarifaire 9403.90.00. Dans sa décision, le Tribunal n’a pas été convaincu par le fait qu’une personne ne pouvait s’asseoir ni s’étendre confortablement sur les marchandises et a en définitive conclu que les structures pour futon, une fois assemblées, possédaient la caractéristique essentielle de futons complets, car elles présentaient toute la complexité, la conception et l’apparence d’un article complet[27].
  11. Dynatrac soutient qu’une distinction peut être faite entre le présent appel et Renelle pour plusieurs raisons, dont l’une est particulièrement pertinente à l’égard de la question en litige dans le présent appel. Pour Dynatrac, les faits dans Renelle ne sont pas similaires aux faits de l’espèce, car il est possible d’imaginer que quelqu’un puisse s’étendre sur une structure pour futon assemblée, bien qu’inconfortablement, alors qu’une personne ne pourrait jamais s’étendre sur les marchandises en cause. Les témoins ayant clairement indiqué qu’une personne ne pourrait jamais s’étendre sur les marchandises en cause, Dynatrac soutient que « [...] l’absence de possibilité de faire cela [...] enlève aux marchandises en cause toute forme de but ou de fonction utilitaire [...] »[28] [traduction].
  12. Le Tribunal n’est pas d’accord. Le fait qu’une personne ne puisse s’étendre sur les marchandises en cause n’entraîne pas inévitablement la conclusion selon laquelle elles n’ont aucun but utilitaire. Le mot « utilitaire » signifie simplement qu’un objet peut être utilisé. En effet, le Canadian Oxford Dictionary définit le mot « utilitarian » (utilitaire) comme suit : « [...] conçu pour être utile de manière pratique plutôt qu’attrayant; fonctionnel »[29] [traduction].
  13. Le Tribunal conclut que cette définition s’applique aux marchandises en cause. En effet, les deux témoins ont affirmé à plusieurs reprises que le but des marchandises en cause est de supporter et de hausser un matelas et un sommier[30]. M. DeBartolo, par exemple, a indiqué qu’« [un cadre de lit] est un objet qui est utilisé dans l’industrie pour supporter les matelas et les sommiers et pour fixer la tête de lit au cadre de lit en métal »[31] [nos italiques, traduction]. Ainsi, les déclarations des témoins démontrent implicitement que les cadres de lit en métal sont utiles et fonctionnels et, par conséquent, ont en soi un but utilitaire.
  14. À cet égard, le Tribunal constate que les marchandises en cause sont similaires aux autres marchandises énumérées dans le numéro tarifaire 9403.20.10. Dynatrac reconnaît que les marchandises énumérées dans le numéro tarifaire 9403.20.10 ont un but utilitaire et servent généralement à garnir les pièces dans lesquelles elles sont placées[32]. Par exemple, Dynatrac a indiqué qu’une armoire garnit une pièce en contenant une gamme d’articles ménagers. Une corbeille à bûches garnit une pièce à titre de décoration et, plus particulièrement, en contenant des bûches[33].
  15. De même, les marchandises en cause ont une fonction utile ou utilitaire, car elles supportent un sommier et un matelas et permettent qu’on y fixe une tête de lit le cas échéant. Autrement dit, les marchandises en cause garnissent une pièce tout comme le font les armoires et les corbeilles à bûches, c’est‑à-dire qu’elles contiennent d’autres objets (soit un matelas et un sommier). Comme l’a affirmé M. DeBartolo à l’audience, les marchandises en cause sont conçues pour accueillir un sommier et un matelas et, si elles n’étaient pas ainsi conçues, « [...] tout ce que vous [auriez], c’est un [tas de pièces] en métal »[34] [traduction].
  16. Le Tribunal est d’avis que les marchandises en cause ne sont pas qu’un tas de pièces en métal qui, une fois assemblées, constituent une partie n’ayant aucune fonction particulière en soi. Une fois assemblées, ces pièces en métal constituent un cadre de lit fini ayant un but utilitaire identifiable, celui-ci étant clairement et sans aucun doute de contenir un sommier et un matelas. Même si ce but est lié, en définitive, à celui d’un lit, il s’agit néanmoins d’un but utilitaire. Par conséquent, le Tribunal ne peut que conclure que les marchandises en cause ont effectivement, en soi, un but utilitaire.
  17. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause remplissent toutes les conditions de la définition de « meubles » énoncée à la note A) des notes explicatives du chapitre 94, nonobstant les arguments contraires avancés par Dynatrac. Par conséquent, compte tenu les éléments de preuve qui lui ont été présentés, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des meubles et qu’elles sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9403.20.00 à titre d’autres meubles en métal.

DÉCISION

  1. L’appel est rejeté.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[4].     L.R. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[5].     L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[6].     Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

[7].     Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012.

[8].     Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux paras. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[9].     Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position.

[10].   La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[11].   La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « [...] les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[12].   (15 septembre 1997), AP-96-063, AP-96-085 et AP-96-089 (TCCE).

[13].   Pièce AP-2013-049-04A au par. 23, vol. 1.

[14].   Transcription de l’audience publique, 19 juin 2014, aux pp. 13-14, 27-28.

[15].   La règle 2a) des Règles générales prévoit que « [t]toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu’il présente, en l’état, les caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini. Elle couvre également l’article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu’il est présenté à l’état démonté ou non monté. »

[16].   Transcription de l’audience publique, 19 juin 2014, à la p. 63.

[17].   Ibid. aux pp. 15, 26, 28, 29, 43.

[18].   Ibid. aux pp. 15, 28.

[19].   Ibid.

[20].   Ibid. aux pp. 10-11, 28.

[21].   Ibid. à la p. 12; pièce AP-2013-049-08A, onglet 1, vol. 1.

[22].   Transcription de l’audience publique, 19 juin 2014, à la p. 33.

[23].   Ibid. aux pp. 8, 33.

[24].   Ibid. à la p. 52. Le Tribunal constate également que l’alinéa 152(3)c) de la Loi prévoit ce qui suit : « [...] dans toute procédure engagée sous le régime de la présente loi, la charge de la preuve incombe, non à Sa Majesté, mais à l’autre partie à la procédure [...] pour toute question relative [...] au paiement des droits afférents [...] » [nos italiques]. Le présent appel est une procédure engagée aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi. En outre, étant donné que le paiement des droits sur les marchandises importées dépend, en définitive, de leur classement tarifaire, cette matière est une « question relative » au paiement des droits afférents, au sens de l’alinéa 152(3)c). Puisque les deux conditions de l’alinéa 152(3)c) sont remplies, le fardeau de la preuve incombe à Dynatrac. Voir par exemple Unicare Medical Products Inc. c. Sous-M.R.N.D.A. (21 juin 1990), 2437, 2438, 2485, 2591 et 2592 (TCCE) à la p. 3; Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII).

[25].   (23 mars 2007), AP-2005-028 (TCCE) [Renelle].

[26].   Renelle au par. 6.

[27].   Renelle au par. 20.

[28].   Transcription de l’audience publique, 19 juin 2014, à la p. 71.

[29].   Deuxième éd., s.v. « utilitarian ».

[30].   Transcription de l’audience publique, 19 juin 2014, aux pp. 6, 28.

[31].   Ibid. à la p. 5.

[32].   Ibid. à la p. 44.

[33].   Ibid. à la p. 53.

[34].   Ibid. à la p. 22.