KRAFT CANADA INC.

KRAFT CANADA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2013-055

Décision et motifs rendus
le mercredi 5 novembre 2014

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel instruit le 15 juillet 2014 sur la foi des pièces versées au dossier, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À quatre décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 20 décembre 2013, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes, concernant des demandes de révision de décisions anticipées en matière de classement tarifaire.

ENTRE

KRAFT CANADA INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Daniel Petit
Daniel Petit
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 15 juillet 2014

Membre du Tribunal : Daniel Petit, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Georges Bujold

Agent principal du greffe par intérim : Haley Raynor

Agent de soutien du greffe par intérim : Sara Pelletier

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Kraft Canada Inc.

Wendy Wagner
Anca Sattler

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Abigail Martinez

Veuillez adresser toutes les communications au :

Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : secretaire@tcce-citt.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Le présent appel est interjeté par Kraft Canada Inc. (Kraft), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard de quatre décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4), concernant des demandes de révision de décisions anticipées en matière de classement tarifaire.
  2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si certaines préparations alimentaires composées d’un mélange de fromage et de chapelure, qui seront commercialisées au Canada sous le nom de « Kraft (Fresh Take/What’s Cooking) » (les marchandises en cause)[2], sont correctement classées soit dans le numéro tarifaire 0406.20.91, soit dans le numéro tarifaire 0406.20.92 de l’annexe du Tarif des douanes[3] à titre de fromage râpé ou en poudre de tous types[4], comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 2103.90.20 à titre de condiments et assaisonnements composés, comme le soutient Kraft.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 21 novembre 2011, Kraft a demandé une décision anticipée aux termes de l’article 43.1 de la Loi concernant le classement tarifaire de l’une des marchandises en cause, le mélange « romarin et ail rôti » [traduction].
  2. Le 6 janvier 2012, l’ASFC a rendu une décision anticipée aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi, classant le mélange « romarin et ail rôti » dans le numéro tarifaire 2103.90.20 à titre de condiments et assaisonnements composés.
  3. Le 12 octobre 2012, Kraft a avisé l’ASFC que le nom de marque du mélange « romarin et ail rôti » changerait de « Fresh Take » à « What’s Cooking » et lui demandait de confirmer que le changement de nom n’aurait pas d’incidence sur la décision anticipée du 6 janvier 2012. Le même jour, Kraft a également demandé des décisions anticipées, aux termes de l’article 43.1 de la Loi, concernant le classement tarifaire des trois autres mélanges de fromage et de chapelure assaisonnée en cause, soit les mélanges « cheddar, Monterey Jack et bacon » [traduction], « classique quatre fromages » [traduction] et « parmesan italien » [traduction]. Kraft soutenait que ces trois produits devaient également être classés dans le numéro tarifaire 2103.90.20.
  4. Le 23 octobre 2012, l’ASFC a rendu une décision anticipée remplaçant sa décision anticipée du 6 janvier 2012, en prenant note du changement de nom de marque. Le mélange « romarin et ail rôti » est toutefois demeuré classé dans le numéro tarifaire 2103.90.20 aux termes de cette décision anticipée révisée.
  5. Le 29 janvier 2013, l’ASFC a modifié sa décision anticipée du 23 octobre 2012, aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi, concernant le classement tarifaire du mélange « romarin et ail rôti ». Dans sa révision, l’ASFC a déterminé que ce produit était correctement classé soit dans le numéro tarifaire 0406.20.91 à titre de fromage râpé ou en poudre, s’il était dans les limites de l’engagement d’accès, soit dans le numéro tarifaire 0406.20.92, s’il était au-dessus de l’engagement d’accès. L’ASFC a également rendu des décisions anticipées similaires concernant le classement tarifaire des trois autres marchandises en cause, classant chacune de celles-ci soit dans le numéro tarifaire 0406.20.91, soit dans le numéro tarifaire 0406.20.92.
  6. Le 15 avril 2013, Kraft a demandé une révision des quatre décisions anticipées, aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi, soutenant que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 2103.90.20.
  7. Le 20 décembre 2013, l’ASFC a confirmé ses décisions anticipées, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, maintenant que les marchandises en cause étaient correctement classées soit dans le numéro tarifaire 0406.20.91, soit dans le numéro tarifaire 0406.20.92.
  8. Le 15 janvier 2014, Kraft a interjeté le présent appel auprès du Tribunal.
  9. Le Tribunal a décidé d’instruire l’appel sur la foi des pièces versées au dossier, conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[5], à la demande de Kraft et avec le consentement de l’ASFC. L’appel a été instruit à Ottawa (Ontario) le 15 juillet 2014. Des échantillons des marchandises en cause ont été fournis au Tribunal.

MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause correspondent à quatre numéros de gestion de stock d’une gamme de produits composés de fromage râpé et d’un mélange de chapelure assaisonnée pour enrober la volaille, les viandes, le poisson ou les fruits de mer pour la confection d’un plat cuisiné rapide. Il est indiqué sur l’emballage qu’ils sont composés d’un « mélange de fromage et de chapelure » [traduction]. Les saveurs respectives sont ensuite indiquées, soit « romarin et ail rôti », « cheddar, Monterey Jack et bacon », « classique quatre fromages » et « parmesan italien ».
  2. Chacune des marchandises en cause est un assortiment composé de deux articles distincts (c’est-à-dire le fromage et le mélange de chapelure assaisonnée) dans un sac en plastique séparé par une cloison étanche. Le sac en plastique est quant à lui emballé dans une enveloppe en carton pour la vente au détail. Pour utiliser le produit, le consommateur doit déchirer la cloison et mélanger les deux articles dans le sac. Selon les directives, le consommateur doit simplement ajouter la viande ou le poisson directement dans le sac pour l’enrober. La viande ou le poisson ainsi enrobé peut ensuite être cuit au four[6].
  3. Les rapports de laboratoire préparés par l’ASFC indiquent que chacune des marchandises en cause contient une portion de fromage représentant plus de 60 p. 100 du poids total du contenu de l’emballage. Le poids restant peut être attribué à la portion de chapelure assaisonnée dans chacun des cas[7].
  4. Aux États-Unis, les marchandises en cause sont commercialisées et vendues comme enrobage pour la viande et le poulet. Selon les études de marché, les principales catégories de produits concurrents sont les enrobages en poudre et les chapelures, les marinades et les sauces barbecues, les vinaigrettes et les assortiments pour repas préparés (c’est-à-dire les autres enrobages assaisonnés pour la viande et les assortiments pour repas préparés). Au Canada, les études de marché indiquent qu’il est plus probable que les consommateurs utilisent les marchandises en cause pour enrober du poulet[8].
  5. De plus, Kraft place les marchandises en cause dans la section des produits laitiers des marchés d’alimentation, car le produit est périssable. Kraft possède également de l’espace sur les tablettes des sections de produits laitiers en raison de ses autres produits, mais pas dans d’autres sections d’aliments périssables qui pourraient convenir, comme la section des viandes. Selon Kraft, les consommateurs ne s’attendent toutefois pas à trouver les marchandises en cause dans la section des produits laitiers, ce qui oblige Kraft à utiliser des stratégies pour s’assurer que les consommateurs les trouvent dans le magasin (par exemple la publicité par l’entremise de son site Web et des « étiquettes d’étagère », dans la section des enrobages pour la viande, qui dirigent le client vers la section des produits laitiers)[9].

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[10]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Les sections et chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[11] et les Règles canadiennes[12] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[13] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[14] publiés par l’OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[15].
  5. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles[16].
  6. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[17]. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[18].

DISPOSITIONS DE CLASSEMENT PERTINENTES

  1. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Chapitre 4

LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; ŒUFS D’OISEAUX; MIEL NATUREL; PRODUITS COMESTIBLES D’ORIGINE ANIMALE, NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS

[...]

04.06 Fromages et caillebotte.

[...]

0406.20 -Fromages râpés ou en poudre, de tous types

[...]

- - -Autres :

0406.20.91 - - - -Dans les limites de l’engagement d’accès

0406.20.92 - - - -Au-dessus de l’engagement d’accès

[...]

Chapitre 21

PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES

[...]

21.03 Préparations pour sauces et sauces préparées; condiments et assaisonnements, composés; farine de moutarde et moutarde préparée.

[...]

2103.90 -Autres

[...]

2103.90.20 - - -Condiments et assaisonnements, composés

[...]

Chapter 4

DAIRY PRODUCE; BIRDS’ EGGS; NATURAL HONEY; EDIBLE PRODUCTS OF ANIMAL ORIGIN, NOT ELSEWHERE SPECIFIED OR INCLUDED

. . .

04.06 Cheese and curd.

. . .

0406.20 -Grated or powdered cheese, of all kinds

. . .

- - -Other:

0406.20.91 - - - -Within access commitment

. . . 

0406.20.92 - - - -Over access commitment

. . .

Chapter 21

MISCELLANEOUS EDIBLE PREPARATIONS

. . .

21.03 Sauces and preparations therefor; mixed condiments and mixed seasonings; mustard flour and meal and prepared mustard.

. . . 

2103.90 -Other

. . . 

2103.90.20 - - -Mixed condiments and mixed seasonings

. . .

  1. Les notes de section et de chapitre et les notes explicatives seront examinées dans l’analyse du Tribunal ci-après, selon leur pertinence.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Les parties conviennent que les marchandises en cause sont présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail et que, pour cette raison, elles doivent être classées au niveau de la position conformément à la règle 3 des Règles générales, plus précisément en vertu de la règle 3b)[19]. Le Tribunal est d’accord avec les parties sur ce point pour les motifs suivants.
  2. La règle 3 des Règles générales prévoit ce qui suit :

3. Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s’opère comme suit:

a) La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d’une portée plus générale. Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques même si l’une d’elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète.

b) Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l’assemblage d’articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la Règle 3 a), sont classés d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu’il est possible d’opérer cette détermination.

c) Dans les cas où les Règles 3 a) et 3 b) ne permettent pas d’effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être valablement prises en considération.

  1. Il n’y a aucun doute que, dans le présent appel, les marchandises en cause peuvent, de prime abord, être classées dans deux positions, soit dans la position no 04.06, si elles sont considérées comme des produits fromagers, ou dans la position no 21.03, si elles sont considérées comme des condiments et assaisonnements composés. En effet, puisque les marchandises en cause sont composées de deux articles principaux (le fromage et la chapelure assaisonnée) qui sont, de prime abord, à être classées dans des positions différentes, elles paraissent être comprises par plus d’une position. Par conséquent, la règle 3 des Règles générales s’applique[20].
  2. La règle 3a) des Règles générales prévoit que les marchandises doivent être classées dans la position qui donne la description la plus précise. Toutefois, la règle 3a) prévoit également que, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à « une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail », ces positions doivent être considérées comme également spécifiques, même si l’une d’elles donne une description plus précise ou plus complète des marchandises. La règle 3b) prévoit de plus que les marchandises « présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail », dont le classement ne peut être effectué en application de la règle 3a), sont classés d’après l’article qui leur confère leur caractère essentiel.
  3. Par conséquent, dans la mesure où les marchandises en cause sont correctement considérées comme « présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail », elles ne peuvent être classées conformément à la règle 3a) des Règles générales et doivent être classées comme si elles étaient composées seulement de l’article qui leur confère leur caractère essentiel, conformément à la règle 3b).
  4. Les parties conviennent et le Tribunal accepte que les marchandises en cause sont « présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail ». À cet égard, les notes explicatives de la règle 3 des Règles générales prévoient ce qui suit :

X) Pour l’application de la présente Règle, les marchandises remplissant simultanément les conditions suivantes sont à considérer comme « présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail » :

a) être composées d’au moins deux articles différents qui, à première vue, seraient susceptibles de relever de positions différentes. [...]

b) être composées de produits ou d’articles présentés ensemble pour la satisfaction d’un besoin spécifique ou l’exercice d’une activité déterminée,

c) être conditionnées de façon à pouvoir être vendues directement aux utilisateurs sans reconditionnement (en boîtes, coffrets, panoplies, par exemple).

  1. Le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause satisfont à ces trois conditions. Plus précisément, les marchandises en cause (i) sont composées d’au moins deux articles différents qui, à première vue, peuvent être classés dans des positions différentes (c’est-à-dire le fromage et la chapelure assaisonnée), (ii) sont composées d’articles présentés ensemble pour la satisfaction d’un besoin spécifique (c’est-à-dire pour former un enrobage assaisonné pour la viande ou le poisson) et (iii) sont conditionnées de façon à pouvoir être vendues directement aux consommateurs (c’est-à-dire dans un sac en plastique scellé qui est lui-même emballé dans une enveloppe de carton pour la vente au détail).
  2. En outre, les notes explicatives de la règle 3 des Règles générales prévoient également que l’expression « marchandises conditionnées pour la vente au détail » comprenne les assortiments « [...] consistant, par exemple, en divers produits alimentaires destinés à être utilisés ensemble pour la confection d’un plat cuisiné ». Il n’y a aucun doute en l’espèce que les marchandises en cause sont composées de deux produits alimentaires devant être combinés avec d’autres ingrédients (c’est-à-dire la viande, le poisson ou les fruits de mer) pour la confection d’un plat cuisiné.
  3. Ayant déterminé que les marchandises en cause sont correctement considérées comme « présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail », qui ne peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 3a) des Règles générales, le Tribunal doit maintenant examiner la règle 3b) pour tenter de classer les marchandises en cause en fonction de l’article qui leur confère leur caractère essentiel. Autrement dit, le Tribunal doit déterminer si le caractère essentiel des marchandises en cause est conféré par le fromage ou par la chapelure assaisonnée.
  4. Conformément à la règle 3b) des Règles générales, si le Tribunal conclut, comme le soutient Kraft, que c’est la chapelure assaisonnée qui confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel, les marchandises en cause doivent alors être classées dans la position no 21.03 comme si elles étaient composées seulement de cet article. Toutefois, si le Tribunal conclut, comme l’a déterminé l’ASFC, que c’est le fromage qui confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel, les marchandises en cause doivent alors être classées dans la position no 04.06 comme si elles étaient composées seulement de cet article.
  5. À cet égard, le Tribunal constate que les parties s’entendent sur le classement tarifaire de chacun des articles. Kraft admet que le fromage est correctement classé dans la position no 04.06, plus précisément soit dans le numéro tarifaire 0406.20.91, soit dans le numéro tarifaire 0406.20.92[21]. L’ASFC ne conteste pas et le Tribunal accepte l’argument de Kraft selon lequel le mélange de chapelure assaisonnée des marchandises en cause est correctement classé dans la position no 21.03, plus précisément dans le numéro tarifaire 2103.90.20 à titre d’assaisonnement composé[22].
  6. Ayant déterminé le classement tarifaire approprié des articles qui composent les marchandises en cause, le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si le caractère essentiel des marchandises en cause est conféré par le fromage ou par la chapelure assaisonnée[23]. Selon la note explicative VIII de la règle 3 des Règles générales, « [l]e facteur qui détermine le caractère essentiel varie suivant le genre de marchandises. Il peut, par exemple, ressortir de la nature de la matière constitutive ou des articles qui les composent, de leur volume, leur qualité, leur poids ou leur valeur, de l’importance d’une des matières constitutives en vue de l’utilisation des marchandises. »
  7. Les deux parties ont demandé au Tribunal de statuer sur la question du classement tarifaire en litige en déterminant si c’est le fromage ou le mélange de chapelure assaisonnée qui confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel. Il s’agit là de l’élément central du litige entre les parties.

Position de l’ASFC

  1. L’ASFC soutient que l’application des facteurs énumérés à la note VIII des notes explicatives de la règle 3 des Règles générales porte à conclure que c’est le fromage qui confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel. Selon l’ASFC, contrairement à la chapelure, le fromage représente une proportion importante des marchandises en cause, il ajoute de la valeur aux marchandises et les rend également uniques, en leur permettant de servir à une fin précise.
  2. Plus précisément, l’ASFC soutient ce qui suit :
  • les rapports de laboratoire préparés par l’ASFC confirment que le fromage représente plus de la moitié de la quantité et du poids des marchandises en cause;
  • comparativement à la chapelure assaisonnée, le fromage est l’article constitutif des marchandises en cause, dont la valeur ou le prix est plus élevé;
  • en ce qui concerne le rôle du fromage dans l’utilisation des marchandises en cause, c’est le fromage qui joue un rôle essentiel pour permettre aux marchandises en cause de servir aux fins auxquelles elles sont destinées, comme en témoigne le fait que les marchandises en cause sont commercialisées et étiquetées en mettant le fromage au premier plan dans les publicités et les commentaires sur les produits ainsi que sur la liste d’ingrédients;
  • c’est le fromage qui joue un rôle essentiel en donnant aux plats préparés avec les marchandises en cause une saveur particulière; par exemple, les utilisations proposées figurant dans le livret de recettes « Kraft Fresh Take » soulignent l’importance du fromage dans le contenu de l’emballage pour obtenir un plat « au gratin »;
  • le fromage possède une caractéristique particulière en tant que produit frais et, par conséquent, rend les marchandises en cause uniques en ce qu’elles permettent de confectionner toute une gamme de plats.
  1. L’ASFC soutient de plus que les marchandises en cause remplissent les conditions de la position no 04.06, selon les notes explicatives de cette position[24], parce qu’elles conservent leur caractère de fromage étant donné elles doivent être réfrigérées pour être conservées. Inversement, l’ASFC soutient que les marchandises en cause ne remplissent pas les conditions de la position no 21.03 car elles ne conservent pas leur caractère d’assaisonnement composé.

Position de Kraft

  1. Kraft soutient que la chapelure assaisonnée confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel car leur rôle est prédominant dans l’enrobage de la volaille, du poisson, des fruits de mer et de la viande, qui est l’utilisation prévue du produit. De plus, elle soutient que la chapelure assaisonnée est essentielle à la manière dont les marchandises en cause sont commercialisées auprès des consommateurs et utilisées par ceux-ci, c’est-à-dire comme enrobage assaisonné pour la viande.
  2. S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et du Tribunal[25], Kraft soutient que la tâche du Tribunal consiste à déterminer l’essence ou la nature fondamentale des marchandises en cause et que, dans cet exercice, le rôle d’une matière constitutive par rapport à l’utilisation des marchandises est le facteur auquel il doit être accordé le plus d’importance dans le présent appel. Kraft allègue que, dans le cas de produits alimentaires comme les marchandises en cause, le poids de chacun des articles constitutifs n’est pas le facteur sur lequel il est nécessaire d’insister dans l’analyse du caractère essentiel.
  3. Selon Kraft, il faut conclure que c’est la chapelure qui confère aux marchandises en cause leur essence ou leur nature essentielle lorsque le rôle de cet article est examiné par rapport à l’utilisation des marchandises en cause. À cet égard, Kraft allègue ce qui suit :
  • les marchandises en cause ont été conçues, développées, commercialisées et vendues comme enrobage assaisonné pour la volaille, le poisson, les fruits de mer ou la viande, c’est-à-dire comme assaisonnement composé; la gamme de produits est une version évoluée du produit d’enrobage « Shake ’n Bake » de Kraft et est utilisée pour confectionner des plats cuisinés de la même manière qu’avec ce dernier; les marchandises en cause ne sont pas commercialisées auprès des consommateurs comme produits fromagers, comme en témoigne le fait que les consommateurs sont avisés d’utiliser le produit exactement de la même manière qu’il le feraient avec d’autres assaisonnements composés pour la viande;
  • la chapelure assaisonnée est le principal ingrédient qui permet à l’enrobage d’adhérer à la volaille, au poisson, aux fruits de mer ou à la viande et de créer un enrobage à l’extérieur « croustillant » [traduction], ce qui est essentiel à la « fonction » [traduction] des marchandises en cause et leur confère leur caractéristique principale d’enrobage pour la viande; le fromage râpé joue un rôle secondaire dans l’adhérence du produit à la viande mais ajoute de l’humidité, qui pourrait aussi venir d’autres produits, comme de l’huile ou d’œufs;
  • les marchandises en cause ne peuvent assurer leur fonction de produit d’enrobage pour la viande sans la chapelure assaisonnée;
  • c’est la chapelure assaisonnée qui procure essentiellement à chacune des marchandises en cause une saveur unique et qui définit, finalement, la nature essentielle du plat confectionné à l’aide des marchandises en cause[26];
  • la perception des consommateurs à l’égard des produits concurrents sur le marché indique également que c’est la chapelure assaisonnée qui est l’article constitutif essentiel des marchandises en cause, puisque les principaux produits concurrents sont d’autres assaisonnements composés et non pas des produits laitiers ou du fromage râpé;
  • les consommateurs peuvent acheter du fromage râpé séparément pour préparer des plats; c’est la combinaison de la chapelure assaisonnée et du fromage qui permet aux marchandises en cause de convenir à leur utilisation prévue et de servir à une fin précise en tant qu’enrobage pour la viande;
  • même si Kraft est d’accord avec le fait que le fromage distingue les marchandises en cause des autres enrobages assaisonnés pour la viande, l’ASFC ne comprend pas que les marchandises en cause demeurent néanmoins un enrobage assaisonné pour la viande, dont le caractère essentiel est défini par la chapelure assaisonnée; les produits innovants comme les marchandises en cause ne deviennent pas une catégorie de produits complètement différente (par exemple des produits fromagers) simplement parce qu’un ingrédient a été ajouté;
  • le renvoi par l’ASFC aux notes explicatives de la position no 04.06 est erroné en droit, car elle interprète mal la question en litige comme s’il s’agissait de savoir si les deux articles sont compris dans la position no 04.06 ou la position no 21.03; selon la règle 3b) des Règles générales, la tâche du Tribunal consiste à déterminer quelle article confère aux assortiments conditionnés pour la vente au détail leur caractère essentiel, et non à déterminer si le produit dans son ensemble « conserve le caractère de fromage » [traduction] ou s’il « conserve le caractère d’assaisonnement » [traduction].

Évaluation du Tribunal

  1. Au sujet de la question du « caractère essentiel », la Cour d’appel fédérale a expliqué, dans Mon-Tex, que l’objet d’une analyse aux termes de la règle 3b) des Règles générales « [...] n’est pas de peser simplement les éléments de la Note explicative VIII les uns par rapport aux autres, mais plutôt de déterminer l’essence ou la nature fondamentale des marchandises »[27]. Après avoir renvoyé à diverses définitions du mot « essentiel » tirées de dictionnaires, la Cour d’appel fédérale a ajouté que, « [...] pour être essentielle, une caractéristique doit se rattacher à l’essence de quelque chose; elle doit être fondamentale »[28].
  2. Pour appliquer ce critère, le Tribunal doit évaluer si l’un des articles qui composent les marchandises en cause (le fromage ou la chapelure assaisonnée) peut être considéré comme déterminant leur essence ou leur nature fondamentale. À cet égard, le Tribunal fait remarquer que même si des critères comme le volume, la quantité, le poids et la valeur sont intrinsèquement objectifs, ils ne sont pas nécessairement, en eux-mêmes, déterminants.
  3. Comme l’a expliqué le Tribunal dans Transilwrap, « [...] le fait que le poids puisse être considéré comme une mesure objective ne suffit pas pour qu’il soit le facteur déterminant dans le classement des marchandises. Le poids doit aussi avoir une incidence sur le caractère essentiel des marchandises[29]. » Le Tribunal a également adopté ce point de vue dans Oriental Trading (MTL) Ltd. c. Sous-M.R.N.[30], où il devait décider quelle composante des cotons-tiges – la ouate de coton ou le bâtonnet de polypropylène – conférait aux marchandises leur caractère essentiel. Malgré les éléments de preuve selon lesquels le bâtonnet de polypropylène était plus lourd et plus volumineux que la ouate de coton et qu’il représentait une partie plus importante du coût des cotons-tiges, le Tribunal a conclu qu’en raison du rôle des ouates de coton dans l’utilisation du produit à des fins d’hygiène personnelle, le caractère essentiel du produit lui était conféré par les ouates de coton.
  4. De façon semblable, le Tribunal n’est pas convaincu, en l’espèce, par les arguments de l’ASFC selon lesquels le fait que le fromage soit le principal ingrédient des marchandises en cause en termes de quantité, de poids et de valeur signifie qu’il leur confère leur caractère essentiel. Le Tribunal est d’avis que les éléments de preuve non contestés établissent clairement que l’essence ou la nature fondamentale des marchandises en cause est celle d’un produit d’enrobage assaisonné pour la viande[31]. Il s’ensuit que, pour déterminer quel article confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel, le cas échéant, il faut examiner le rôle que joue chaque article constitutif dans leur utilisation en tant que produit d’enrobage assaisonné pour la viande. Autrement dit, le Tribunal est d’accord avec Kraft sur le fait que le facteur devant être privilégié dans les circonstances de l’espèce est le rôle que joue une matière constitutive par rapport à l’utilisation des marchandises.
  5. À cet égard, Kraft a fourni des éléments de preuve probants, en particulier l’énoncé écrit de Mme Jenna Zylber, gestionnaire de l’innovation du service Image de marque chez Kraft, selon lesquels la chapelure assaisonnée joue un rôle essentiel dans l’adhérence des marchandises en cause à la viande ou au poisson et est donc fondamentale pour leur utilisation en tant que produit d’enrobage assaisonné pour la viande. Plus particulièrement, Mme  Zylber a indiqué ce qui suit :

En termes de fonctionnalité du produit, c’est le mélange de chapelure assaisonnée/épicée qui joue le rôle principal dans l’adhérence de l’enrobage à la volaille, au poisson, aux fruits de mer ou à la viande et dans la création de l’enrobage extérieur « croustillant », ce qui est essentiel à la « fonction » du produit et qui lui confère sa caractéristique principale d’enrobage pour la viande. Le fromage râpé joue un rôle secondaire dans l’adhérence à la viande en ajoutant de l’humidité, qui pourrait aussi venir de l’huile, d’un œuf ou même éventuellement de la viande elle-même, de façon semblable au produit Shake ’n Bake de Kraft. Le fromage sert à donner à l’enrobage une texture plus crémeuse que celle obtenue en utilisant d’autres produits humides et contribue également à la saveur[32].

[Traduction]

  1. Mme Zylber a également indiqué que chacune des marchandises en cause a une saveur distincte, créée par son mélange d’assaisonnements unique, et que c’est principalement le mélange de chapelure assaisonnée qui les distingue les unes des autres[33]. Selon cet élément de preuve, c’est donc principalement la chapelure assaisonnée qui permet aux marchandises en cause de jouer leur rôle en leur conférant leur caractéristique fondamentale en tant que produit d’enrobage pour la viande et en leur donnant leur saveur particulière. De plus, des éléments de preuve prépondérants indiquent que les marchandises en cause ne font pas directement concurrence à d’autres produits laitiers ou fromagers[34]. Ce fait va également à l’encontre d’une conclusion selon laquelle le fromage constitue l’essence ou la nature fondamentale des marchandises en cause.
  2. Le Tribunal constate aussi que l’ASFC n’a déposé aucun élément de preuve pour réfuter les affirmations et les documents à l’appui de Mme Zylber, qui indiquent que la chapelure assaisonnée confère aux marchandises en cause leur caractéristique principale de produit d’enrobage pour la viande et leur permet de jouer leur rôle. À titre d’exemple, l’ASFC n’a pas fait entendre de témoin ni n’a déposé un énoncé écrit signé par un chef ou une autre personne maîtrisant l’utilisation de produits d’enrobage assaisonné pour la viande afin de contester les éléments de preuve de Mme Zylber concernant l’importance primordiale de la chapelure assaisonnée pour créer l’extérieur « croustillant » désiré et pour s’assurer que l’enrobage adhère à la viande, au poisson ou aux fruits de mer. Cette absence de preuve contraire est un élément important et mine l’affirmation de l’ASFC selon laquelle c’est le fromage qui, « en dernière analyse, fait des marchandises en cause ce qu’elles sont »[35] [traduction]. Tout compte fait, le Tribunal conclut que cet argument n’est pas étayé par les éléments de preuve versés au dossier.
  3. En effet, les renseignements versés au dossier concernant la production, la commercialisation et la vente des marchandises en cause montrent leur caractère fondamental en tant que produit d’enrobage assaisonné pour la viande, dans lequel la chapelure assaisonnée joue un rôle déterminant. Les arguments de l’ASFC, qui mettent l’accent sur le poids et la valeur du fromage, sur le fait qu’il figure en premier lieu dans la liste d’ingrédients et sur le fait que sa présence rend les marchandises en cause périssables et nécessite un emballage particulier ainsi que leur réfrigération[36], ne tiennent aucun compte des éléments de preuve selon lesquels la chapelure assaisonnée joue le rôle principal en assurant l’enrobage voulu de la viande, du poisson ou des fruits de mer, définit la saveur et est indispensable à la manière dont les marchandises en cause sont utilisées (c’est-à-dire en tant que produit d’enrobage assaisonné pour la viande, le poisson ou les fruits de mer).
  4. Même si l’ASFC suggère que le fromage pourrait être utilisé seul pour créer un plat, le Tribunal accepte l’argument de Kraft selon lequel cela ne signifie pas que le fromage confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel. À la lumière des éléments de preuve non contestés fournis par Mme Zylber, le plat réalisé ne serait pas un produit de viande enrobé et assaisonné de nature semblable au plat créé en utilisant les marchandises en cause. En fait, en l’absence de la chapelure assaisonnée, le fromage n’adhérerait pas à la viande de la même manière ou ne créerait pas la texture croustillante qui constitue la caractéristique essentielle du plat créé en utilisant les marchandises en cause. Par conséquent, il est évident que le fromage qui compose les marchandises en cause n’est pas destiné à être utilisé seul, ni ne détermine la raison d’être des marchandises en cause.
  5. Quant à l’argument de l’ASFC selon lequel le fromage donne aux marchandises en cause leur caractère unique et distinct et que les recettes figurant dans le livret de Kraft soulignent l’importance du fromage dans le contenu global de l’emballage pour obtenir un plat au gratin[37], le Tribunal considère que même si on acceptait ces affirmations en tant que faits, elles n’établiraient pas que le fromage joue le rôle essentiel en permettant aux marchandises en cause d’être utilisées aux fins prévues. Même si le fromage est sûrement un ingrédient important des marchandises en cause, en ce sens qu’il les distingue d’autres produits d’enrobage assaisonné pour la viande, il n’en demeure pas moins que, selon les éléments de preuve versés au dossier, les marchandises en cause ne peuvent assurer leur fonction de produit d’enrobage assaisonné pour la viande sans la chapelure assaisonnée. Par conséquent, le fromage ne peut être considéré comme permettant aux marchandises en cause d’être utilisées aux fins prévues puisque, pour qu’elles soient utilisées comme produit d’enrobage assaisonné pour la viande, le fromage doit être combiné à la chapelure assaisonnée.
  6. La présente analyse amène le Tribunal à conclure que le caractère essentiel des marchandises en cause leur est conféré par la chapelure assaisonnée. En bref, malgré l’ajout de fromage, les marchandises en cause sont et demeurent des produits innovants d’enrobage assaisonné pour la viande, dans lesquels la chapelure assaisonnée est l’élément essentiel ou fondamental.
  7. Enfin, le Tribunal constate que l’ASFC soutient que les marchandises en cause respectent les exigences de la position no 04.06 en raison des notes explicatives de cette position[38], puisqu’elles conservent le caractère de fromage. Inversement, elle affirme que les marchandises en cause ne respectent pas les exigences de la position no 21.03 parce qu’elles ne conservent pas le caractère d’assaisonnement. Cependant, comme le souligne Kraft, cet argument aborde la question de façon erronée, comme si la question était de savoir si les deux articles qui composent les marchandises en cause sont visés par la position no 04.06 ou par la position no 21.03. Aux termes de la règle 3b) des Règles générales, la question ne consiste pas à déterminer si le produit dans son ensemble respecte le libellé d’une position, mais plutôt à déterminer l’article qui confère aux ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l’assemblage d’articles différents et aux marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, comme les marchandises en cause, leur caractère essentiel lorsqu’il est possible de le faire.
  8. Par conséquent, la tâche du Tribunal ne consiste pas à évaluer si les deux articles qui composent les marchandises en cause, prises ensemble, conservent le caractère de fromage ou le caractère d’assaisonnement. Le Tribunal doit plutôt déterminer si le caractère essentiel des marchandises en cause est conféré par le fromage ou par la chapelure assaisonnée. Dans la mesure où un de ces articles confère à l’assortiment conditionné pour la vente au détail son caractère essentiel, les marchandises en cause doivent alors, aux termes de la règle 3b) des Règles générales, être classées uniquement d’après cette article.
  9. Cela est confirmé par les notes explicatives de la règle 3b) des Règles générales, qui prévoient ce qui suit : « Dans ces diverses hypothèses, le classement des marchandises doit être fait d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel [...] ». Par conséquent, contrairement aux affirmations de l’ASFC, une fois l’exercice du classement effectué aux termes de la règle 3b), la question ne consiste pas à déterminer si un assortiment conditionné pour la vente au détail, pris dans son ensemble, respecte le libellé d’une des positions concurrentes. Il faut tenir compte du classement tarifaire de l’article qui confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel et, lorsque cette détermination est effectuée, les classer d’après cet article, c’est-à-dire dans la position qui comprend l’article désigné comme celui qui confère à l’assortiment son caractère essentiel.
  10. Compte tenu de l’analyse qui précède, de la détermination selon laquelle la chapelure assaisonnée constitue l’article qui confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel et du fait non contesté que la chapelure assaisonnée peut elle-même être classée dans la position no 21.03, le Tribunal conclut, conformément à la règle 3b) des Règles générales, que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 21.03.

Classement au niveau de la sous-position et du numéro tarifaire

  1. Ayant déterminé le classement des marchandises en cause au niveau de la position, le Tribunal doit ensuite déterminer dans quelle sous-position les marchandises en cause doivent être classées. Cependant, puisqu’il a été déterminé que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 21.03, en application de la règle 3b) des Règles générales, le Tribunal doit procéder au classement au niveau de la sous-position ainsi qu’au niveau du numéro tarifaire, selon la notion implicite que l’exercice de classement vise la chapelure assaisonnée qui compose les marchandises en cause.
  2. À cet égard, il ressort d’un examen du libellé des sous-positions de la position no 21.03, en application des règles 1 à 6 des Règles générales, que la sous-position appropriée est la sous-position no 2103.90, qui vise les condiments et assaisonnements composés, autres que ceux expressément visés par les sous-positions précédentes de la position no 21.03.
  3. De même, selon le libellé des numéros tarifaires de la sous-position no 2103.90, le numéro tarifaire approprié, aux termes des Règles canadiennes et de la règle 1 des Règles générales, est le numéro tarifaire 2103.90.20.

DÉCISION

  1. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 2103.90.20 à titre de condiments et assaisonnements composés, comme le soutient Kraft.
  2. L’appel est donc admis.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     Il y a quatre de ces produits en cause, qui sont composés de fromage et d’un mélange de chapelure assaisonnée. Chaque produit a une saveur particulière et a fait l’objet d’une décision anticipée distincte concernant le classement tarifaire et d’une décision distincte aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Les quatre décisions anticipées et les décisions visées par le présent appel sont identiques.

[3].     L.C. 1997, ch .36.

[4].     L’importation de fromage au Canada est assujettie à des engagements d’accès au marché sous forme de contingents tarifaires. Si les quantités de fromage importées sont dans les limites de l’engagement d’accès (à l’intérieur du contingent), elles sont classées dans le numéro tarifaire 0406.20.91 et sont assujetties à des taux de droits inférieurs. Si les quantités importées sont au-dessus de l’engagement d’accès du Canada, elles sont classées dans le numéro tarifaire 0406.20.92 et sont assujetties à des taux de droits plus élevés.

[5].     D.O.R.S./91-499.

[6].     Pièce AP-2013-055-06B aux par. 5-10, onglets B et C, vol. 1.

[7].     Pièce AP-2013-055-09A (protégée), onglet 5, vol. 2. Même si les marchandises en cause sont composées de deux articles distincts, le fromage et la chapelure assaisonnée, les ingrédients dont chacun de ces articles est constitué diffèrent dans chaque cas. Par exemple, le fromage correspondant au numéro de gestion de stock « romarin et ail rôti » se compose de provolone, de parmesan et de mozzarella, l’ail et le romarin étant les principaux ingrédients d’assaisonnement de la chapelure. Dans le cas du numéro de gestion de stock « cheddar, Montrerey Jack et bacon », le fromage se compose d’un mélange de cheddar, de Monterey Jack et de provolone, tandis que le mélange de chapelure est assaisonné principalement de lard et de morceaux de bacon. Toutefois, les parties ne soutiennent pas que les ingrédients particuliers de chacune des marchandises en cause ont une quelconque incidence sur leur classement tarifaire. Comme indiqué ci-dessous, il est incontestable que la chapelure assaisonnée dans toutes les marchandises en cause doit être classée dans le numéro tarifaire 2103.90.20 à titre de condiments et assaisonnements composés, et que le fromage est lui-même correctement classé soit dans le numéro tarifaire 0406.20.91, soit dans le numéro tarifaire 0406.20.92 à titre de fromage râpé ou en poudre.

[8].     Pièce AP-2013-055-06B aux par. 8, 15-16, onglets D, E et J, vol. 1.

[9].     Pièce AP-2013-055-06B aux par. 17-19, onglets K et L, vol. 1.

[10].   Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[11].   L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[12].   L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[13].   Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003. [Avis de classement].

[14].   Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[15].   Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux Avis de classement.

[16].   Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position.

[17].   La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[18].   La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[19].   Pièce AP-2013-055-09B aux par. 39-45, vol. 1; pièce AP-2013-055-06A aux par. 19-26, vol. 1. Même si la position principale de Kraft est celle selon laquelle les marchandises en cause doivent être classées conformément à la règle 3b) des Règles générales, elle soutient subsidiairement que les marchandises en cause doivent être classées conformément à la règle 3c) si la règle 3b) ne peut s’appliquer.

[20].   La règle 2b) des Règles générales, qui prévoit que le classement des produits mélangés ou articles composites est effectué suivant les principes énoncés dans la règle 3, appuie également cette conclusion.

[21].   Pièce AP-2013-055-06A au par. 35, vol. 1.

[22].   À cet égard, il convient de souligner que les notes explicatives de la position no 21.03 indiquent que cette position comprend des préparations, généralement épicées, destinées à relever la saveur de certains mets (viandes et poissons, salades, en particulier) et confectionnées à l’aide d’ingrédients divers (œufs, légumes, viandes, fruits, farines, fécules, huile, vinaigre, sucre, épices, moutarde, aromates, etc.). La chapelure assaisonnée des marchandises en cause correspond à cette définition.

[23].   Dans la mesure où il ne peut être affirmé qu’un seul article confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel, leur classement au niveau de la position ne peut alors être effectué conformément à la règle 3b) des Règles générales. Le cas échéant, la prochaine règle qui doit être prise en considération est la règle 3c), qui prévoit que les marchandises doivent être classées dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être prises en considération.

[24].   Ces notes prévoient notamment que la présence, dans les fromages, de viande, de poissons, de crustacés, d’aromates, d’épices, de légumes, de fruits, de noix, de vitamines, de lait écrémé en poudre, etc., n’empêche pas le classement dans la position no 04.06, pour autant que le produit conserve son caractère de fromage.

[25].   Industries Mon-Tex Ltée c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CAF 346 (CanLII) [Mon-Tex]; Naturin Canada c. Sous-M.R.N. (14 janvier 2000), AP-98-108 (TCCE); Transilwrap of Canada, Ltd. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (11 septembre 2001), AP-2000-018 (TCCE) [Transilwrap]; S.C. Johnson et Fils, Limitée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (19 juillet 2006), AP-2005-015 (TCCE).

[26].   À cet égard, Kraft indique que c’est l’utilisation de chapelures assaisonnées différentes qui crée un type de plat différent, c’est-à-dire qu’un consommateur n’aura pas une expérience complètement différente s’il consomme un mélange de romarin, d’ail, de cheddar et de provolone ou un mélange de romarin, d’ail, de Monterey Jack et de Colby. Toutefois, l’expérience du consommateur sera bien différente s’il consomme un mélange de romarin, d’ail, de cheddar et de provolone ou un mélange de chipotle, de cheddar et de provolone.

[27].   Mon-Tex au par. 11.

[28].   Mon-Tex au par. 13.

[29].   Transilwrap à la p. 3.

[30].   (31 août 1992), AP-91-081 et AP-91-223 (TCCE) à la p. 2.

[31].   Voir la description des marchandises en cause à la rubrique « Marchandises en cause » et les éléments de preuve qui y sont présentés, en particulier la pièce AP-2013-055-06B aux par. 5-9, vol. 1.

[32].   Pièce AP-2013-055-06B au par. 10, vol. 1.

[33].   Pièce AP-2013-055-06B aux par. 13-14, vol. 1.

[34].   Pièce AP-2013-055-06B aux par. 15-16, onglet J, vol. 1.

[35].   Pièce AP-2013-055-09B au par. 53, vol. 1.

[36].   De toute façon, comme indiqué ci-dessus, ces facteurs ne sont pas déterminants étant donné la nature des marchandises en cause.

[37].   À cet égard, le Tribunal constate que la définition du dictionnaire du terme culinaire « au gratin » qui lui a été présentée indique qu’un plat au gratin comprend parfois, mais pas toujours, du fromage, alors qu’il présente invariablement un enrobage de chapelure. Voir pièce AP-2013-055-06A au par. 58, onglet 11, vol. 1. Par conséquent, même si les marchandises en cause peuvent servir à créer un plat au gratin, cela ne signifie pas que le fromage constitue leur caractéristique fondamentale ou essentielle.

[38].   Les notes explicatives de la position no 04.06 prévoient, notamment, que « [l]a présence, dans les fromages, de viande, de poissons, de crustacés, d’aromates, d’épices, de légumes, de fruits, de vitamines, de lait écrémé en poudre, etc., n’a pas pour effet d’en modifier le régime, pour autant qu’ils conservent leur caractère de fromage ».