WORLDPAC CANADA

WORLDPAC CANADA
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Appel no AP-2014-021

Ordonnance et motifs rendus
le lundi 6 juillet 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel interjeté par Worldpac Canada le 3 septembre 2014 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À des requêtes déposées par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada les 12 et 14 mai 2015 demandant que l’appel soit rejeté étant donné que Worldpac Canada ne s’est pas conformée aux directives du Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

WORLDPAC CANADA Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

ORDONNANCE

Les requêtes sont refusées.

L’objet de l’appel se limitera aux avis de rejet datés des 5 et 13 juin 2014.

Les parties doivent soumettre simultanément à l’autre partie et au Tribunal canadien du commerce extérieur, au plus tard le 24 juillet 2015, leurs observations sur la question de savoir si le présent appel relève de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur. Les parties doivent soumettre leurs observations en réponse simultanément à l’autre partie et au Tribunal canadien du commerce extérieur au plus tard le 7 août 2015.

La date limite pour le dépôt du mémoire de l’intimé, le cas échéant, sera communiquée à une date ultérieure.

L’audience prévue pour le 9 juillet 2015 est annulée.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le 3 septembre 2014, Worldpac Canada (Worldpac) a interjeté appel aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes[1] au sujet de ce qui n’a été établi que plus tard être deux avis de rejet du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) datés des 5 et 13 juin 2014. L’appel concerne des changements apportés au classement tarifaire de certaines pièces automobiles et les demandes de remboursement y afférentes. Le 5 septembre 2014, Worldpac a déposé un avis d’appel révisé à l’égard de ces mêmes décisions.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 17 septembre 2014, le Tribunal a accueilli l’appel de Worldpac et l’a enjoint à déposer son mémoire au plus tard le 17 novembre 2014.
  2. Le 17 novembre 2014, Worldpac n’a pas déposé son mémoire, mais a déposé une requête demandant que le délai pour le dépôt de son mémoire soit prorogé jusqu’au 11 janvier 2015. L’ASFC s’est opposée à cette requête.
  3. Le 24 novembre 2014, le Tribunal a accordé à Worldpac une prorogation du délai pour le dépôt de son mémoire et lui a donné jusqu’au 16 janvier 2015.
  4. Le 16 janvier 2015, Worldpac a de nouveau omis de déposer son mémoire et a demandé une autre prorogation. Le représentant de Worldpac a indiqué qu’il était en consultation avec un conseiller juridique et a demandé que la date limite soit reportée jusqu’à ce que celui-ci ait eu l’occasion de prendre connaissance du dossier.
  5. Le 22 janvier 2015, l’ASFC s’est opposée à la requête de Worldpac et a demandé au Tribunal de rejeter l’appel intégralement, alléguant que les demandes de remboursement faisant l’objet de l’appel n’ont pas été déposées dans les délais prescrits et que, par conséquent, l’appel ne relève pas de la compétence du Tribunal.
  6. Le 23 janvier 2015, le Tribunal a accordé à Worldpac une autre prorogation du délai pour le dépôt de son mémoire et a fixé la nouvelle date limite au 30 janvier 2015.
  7. Le 30 janvier 2015, Worldpac a déposé son mémoire. Le mémoire, qui n’est pas particulièrement clair, a soulevé des questions quant à savoir quelles décisions de l’ASFC font précisément l’objet de l’appel.
  8. Le 3 février 2015, l’ASFC a réitéré sa position selon laquelle l’appel doit être rejeté intégralement pour absence de compétence et a demandé à ce que la question de la compétence soit entendue séparément et préalablement à l’appel. Worldpac ne s’est pas opposée à cette requête, mais a demandé à ce que l’ASFC fournisse certains renseignements au sujet du moment où les décisions mentionnées dans ses observations sur la compétence ont été prises.
  9. Le 12 février 2015, le Tribunal a tenu une conférence par téléphone avec les parties pour discuter de la question de la compétence, à savoir si elle devait être entendue préalablement à l’appel. Au cours de la conférence, le Tribunal a enjoint à Worldpac de spécifier quelles transactions font l’objet de l’appel. La tenue d’une deuxième conférence par téléphone a été fixée pour le 18 février 2015,
  10. Le 17 février 2015, Worldpac a informé le Tribunal et l’ASFC que le conseiller juridique dont elle avait retenu les services ne la représentait plus et a demandé qu’une nouvelle date soit fixée pour la conférence par téléphone. Le Tribunal a refusé la requête de Worldpac.
  11. Le 18 février 2015, le Tribunal a tenu une deuxième conférence par téléphone avec les parties au cours de laquelle il a enjoints à ceux-ci de déposer, au plus tard le 10 avril 2015, un énoncé conjoint spécifiant les transactions faisant l’objet de l’appel. Suite à la conférence, le Tribunal a confirmé aux parties ses directives par écrit.
  12. Le 22 avril 2015, après le manque de coopération total de la part de Worldpac et des tentatives répétées de l’ASFC de coordonner la rédaction d’un énoncé conjoint spécifiant les transactions faisant l’objet de l’appel, le Tribunal a tenu une troisième conférence par téléphone. Au cours de cette conférence, Worldpac a indiqué qu’elle était toujours à la recherche d’un conseiller juridique. Le Tribunal a enjoint à Worldpac de fournir une liste des transactions faisant l’objet de l’appel au plus tard le 8 mai 2015. Dans le cas où Worldpac retiendrait les services d’un conseiller juridique, le Tribunal lui a accordé une semaine de plus pour déposer la liste.
  13. Le 8 mai 2015, Worldpac a déposé plusieurs gros fichiers de format Excel via le service sécurisé de dépôt sur le site Web du Tribunal, qui prétendument répondaient à la demande du Tribunal. À cause de la grosseur des fichiers, Worldpac a affirmé ne pas avoir été en mesure de soumettre les documents à l’ASFC par courriel et qu’elle lui ferait parvenir sur DVD à une date ultérieure.
  14. Worldpac a expédié les documents sur DVD le 13 mai 2015. L’ASFC et le Tribunal ont reçu copie des documents sur DVD le 14 mai 2015. Il est à noter que le DVD contient huit documents, dont trois qui ne sont pas compris dans le dépôt de Worldpac du 8 mai 2015. Les premier, deuxième, septième et huitième documents sont identiques à ceux déposés auprès du Tribunal le 8 mai 2015. Toutefois, les troisième, quatrième et cinquième documents sont de nouveaux documents qui n’ont pas été déposés le 8 mai 2015.
  15. Les 12 et 14 mai 2015, l’ASFC a déposé des requêtes auprès du Tribunal demandant que l’appel soit rejeté étant donné que Worldpac ne s’est pas conformée aux directives répétées du Tribunal de spécifier quelles transactions font l’objet de l’appel.
  16. Le 10 juin 2015, une audience a été tenue à Ottawa (Ontario) concernant les requêtes de l’ASFC demandant le rejet de l’appel.

ANALYSE

  1. En deux mots, les actions ou les inactions du représentant de Worldpac sont inacceptables.
  2. Le dossier du Tribunal abonde en exemples où le représentant de Worldpac s’est montré désorganisé ou, au mieux, incertain sur la façon de plaider la cause de son client.
  3. Les engagements pris à l’égard du Tribunal n’ont pas été respectés. Worldpac ne s’est pas conformée aux directives du Tribunal. Plusieurs documents qui ont été déposés ne sont d’aucune utilité ou d’une utilité marginale ou accessoire.
  4. Les pièces de procédure sont au-delà de ce qui peut être considéré comme concis ou pertinent. De multiples délais en ont été le résultat direct. À grand-peine et seulement après l’intervention du Tribunal a-t-il été finalement possible d’établir, à partir des documents de plusieurs milliers de pages déposés par Worldpac, que le présent appel ne concerne que les deux avis de rejet mentionnés par Worldpac dans son mémoire[2].
  5. La capacité du Tribunal d’être une instance qui promeut la facilité d’accès, de modifier sa procédure afin d’être moins formel et d’excuser les vices de forme et les irrégularités a des limites, lesquelles ont été atteintes par Worldpac et son représentant.
  6. Lorsqu’une partie ne respecte pas une exigence des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[3] ou ne respecte pas une ordonnance ou des directives, le Tribunal peut rejeter l’appel aux termes de l’alinéa 29c). Le Tribunal a exercé ce pouvoir par le passé[4]; toutefois, bien qu’il y soit enclin, le Tribunal ne le fera pas dans le cas présent. Compte tenu des faits uniques de l’espèce, il serait particulièrement injuste pour Worldpac de perdre ses droits d’appel uniquement à cause des insuffisances dont a fait preuve son représentant jusqu’à maintenant. Par conséquent, les requêtes de l’ASFC sont refusées.
  7. À ce stade-ci, le Tribunal est encore disposé à donner à Worldpac une dernière occasion de régler ses affaires avec son représentant pour qu’elle puisse engager la procédure sans plus tarder dans le respect le plus rigoureux des directives du Tribunal. Le Tribunal n’accordera aucune autre nouvelle prorogation en raison du représentant retenu par Worldpac ou pour toute autre cause, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Worldpac devra donc assumer les conséquences de toute autre incapacité de la part de son représentant de bien la représenter dans le cadre procédural qui est celui du Tribunal.
  8. Le Tribunal encourage le représentant de Worldpac à se familiariser avec les Règles et à communiquer avec le greffier du Tribunal pour obtenir des renseignements supplémentaires le cas échéant. Le Tribunal recommande aussi qu’il consulte un document intitulé « Conseils sur la représentation efficace devant le Tribunal canadien du commerce extérieur », disponible sur le site Web du Tribunal, et qu’il obtienne conseil au besoin.
  9. Dans une requête déposée auprès du Tribunal datée du 3 février 2015 et lors de l’audience du 10 juin 2015, l’ASFC a contesté la compétence du Tribunal en l’espèce[5]. Le Tribunal considère que la question de sa compétence doit d’abord être réglée et, par conséquent, enjoint aux parties de soumettre simultanément à l’autre partie et au Tribunal, au plus tard le 24 juillet 2015, leurs observations sur la question de savoir si le présent appel relève de la compétence du Tribunal. Les parties doivent soumettre leurs observations en réponse simultanément à l’autre partie et au Tribunal au plus tard le 7 août 2015.

ORDONNANCE

  1. Les requêtes sont refusées.
  2. L’objet de l’appel se limitera aux avis de rejet datés des 5 et 13 juin 2014.
  3. Les parties doivent soumettre simultanément à l’autre partie et au Tribunal, au plus tard le 24 juillet 2015, leurs observations sur la question de savoir si le présent appel relève de la compétence du Tribunal. Les parties doivent soumettre leurs observations en réponse simultanément à l’autre partie et au Tribunal au plus tard le 7 août 2015.
  4. La date limite pour le dépôt du mémoire de l’intimé, le cas échéant, sera communiquée à une date ultérieure.
  5. L’audience prévue pour le 9 juillet 2015 est annulée.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

[2].      Transcription de l’audience publique, vol. 1, 10 juin 2015, à la p. 46; pièce AP-2014-021-10A, onglets C-7.2 et C-8, vol. 1.

[3].      D.O.R.S./91-499 [Règles]. L’article 29 prévoit ce qui suit : « Le Tribunal peut, lorsqu’une partie à une procédure ne se conforme pas aux présentes règles ou à une ordonnance ou une directive du Tribunal, prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes : [...] c) rendre l’ordonnance qu’il juge juste et équitable dans les circonstances, notamment le rejet de la procédure ».

[4].      Gateway Cabinets Ltd. c. M.R.N. (5 juillet 2002), AP-90-154 et AP-90-160 (TCCE); Grimmworks Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (15 juin 2015), AP-2014-040 (TCCE).

[5].      Pièce AP-2014-021-11, vol. 1A; Transcription de l’audience publique, vol. 1, 10 juin 2015, à la p. 49.