SOUTHERN PACIFIC RESOURCE CORP.

SOUTHERN PACIFIC RESOURCE CORP.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Appel no AP-2014-028

Décision rendue
le vendredi 18 septembre 2015

Motifs rendus
le vendredi 2 octobre 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 2 juin 2015, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À diverses décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 20 novembre 2014 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SOUTHERN PACIFIC RESOURCE CORP. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis. Les montants payés par Southern Pacific Resource Corp., afin de pouvoir procéder au présent appel, doivent être remboursés par l’Agence des services frontaliers du Canada.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 2 juin 2015

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Eric Wildhaber
Rebecca Marshall-Pritchard
Courtney Fitzpatrick

Agent de soutien du greffe : Julie Lescom

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Southern Pacific Resource Corp.

Peter Kirby

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Orlagh O’Kelly

TÉMOINS :

Troy Bergfeldt
Gestionnaire, Comptabilité
Southern Pacific Resource Corp.

Byron Fitzgerald
Gestionnaire, Division des litiges, Direction des recours
Agence des services frontaliers du Canada

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE ET ANALYSE

  1. Le présent appel a été interjeté par Southern Pacific Resource Corp. (Southern Pacific) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) le 3 décembre 2014, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1].
  2. Une audience publique a eu lieu à Ottawa (Ontario) le 2 juin 2015. La présente décision et le présent exposé des motifs sont rendus en même temps que la décision et l’exposé des motifs des affaires Bri-Chem Supply Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[2] et Ever Green Ecological Services Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[3], ces appels ayant été instruits ensemble les 7 et 8 mai 2015. Les trois appels concernent la capacité du contribuable de corriger des déclarations en douane erronées.
  3. Les trois appels ont été interjetés auprès du Tribunal en raison du refus du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) d’appliquer la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Frito-Lay Canada, Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[4].
  4. Southern Pacific interjette appel de l’allégation de l’ASFC selon laquelle elle doit verser des droits sur les marchandises en cause. Le Tribunal conclut que Southern Pacific ne doit rien verser.
  5. En 2011 et 2012, Southern Pacific a importé des turbines (les marchandises en cause), les a classées dans le numéro tarifaire 8502.39.90 de l’annexe du Tarif des douanes[5] (case no 27 du formulaire de douane), a déclaré que le pays d’origine était les États-Unis (case no 12, l’origine étant plus précisément « UCA », c’est-à-dire États-Unis, Californie) et a indiqué le code 2 pour le traitement tarifaire (case no 14, le code 2 correspondant au tarif de la nation la plus favorisée). Le taux de droit applicable était de zéro[6].
  6. Comme c’était le cas dans les affaires Bri-Chem et Ever Green, les marchandises en cause auraient dû entrer au Canada en franchise de droits peu importe leur pays d’origine[7] et peu importe le code de traitement tarifaire inscrit par Southern Pacific sur le formulaire, parce que les marchandises en cause étaient également exemptes de droits en vertu de tous les autres traitements tarifaires préférentiels, que ce soit dans le cadre d’un accord de libre-échange ou non. Autrement dit, les marchandises en cause bénéficiaient d’un accès en franchise de droits généralisé.
  7. Le 3 juin 2013, l’ASFC a informé Southern Pacific qu’elle effectuerait une vérification de l’observation commerciale pour la période d’importation des marchandises en cause[8].
  8. Le 30 janvier 2014, l’ASFC a informé Southern Pacific que les marchandises en cause auraient dû être classées dans le numéro tarifaire 8502.39.10 plutôt que dans le numéro tarifaire 8502.39.90[9]. Contrairement aux marchandises importées en vertu du numéro tarifaire 8502.39.90 (accès en franchise de droits généralisé), les marchandises importées en vertu du numéro tarifaire 8502.39.10 sont passibles de droits de 4 p. 100 ad valorem selon le tarif de la nation la plus favorisée (NPF), mais sont exemptes de droits selon le tarif des États‑Unis (TEU/ALENA).
  9. Le 10 mars 2014, en fonction de ce qu’elle venait d’apprendre sur le classement tarifaire des marchandises, Southern Pacific a apporté des corrections, aux termes du paragraphe 32.2(2) de la Loi. Elle a modifié le classement tarifaire des marchandises en cause pour indiquer le numéro tarifaire 8502.39.10 et a inscrit le code 10 (pour « TEU », tarif des États‑Unis) à la case no 14 (où est indiqué le traitement tarifaire). Comme c’était le cas au départ, Southern Pacific a de nouveau indiqué que les marchandises étaient originaires des États-Unis (case no 12, l’origine étant plus précisément « UCA », c’est-à-dire États-Unis, Californie)[10].
  10. De plus, entre le 10 mars et le 31 mars 2014, Southern Pacific a apporté d’autres corrections de même nature au classement tarifaire pour remédier à l’erreur semblable qu’elle avait faite relativement à certaines autres transactions qui n’avaient pas été visées par la vérification effectuée par l’ASFC. L’ASFC a rejeté les corrections déposées par Southern Pacific, alléguant que des droits étaient dus au taux du tarif NPF. Ces décisions font l’objet du présent appel.
  11. Essentiellement, l’ASFC adopte la même position que celle décrite dans l’affaire Bri-Chem[11].
  12. À l’audience, le témoin de l’ASFC a reconnu que, lorsque les marchandises sont exemptes de droits en vertu à la fois du tarif NPF et du tarif des États‑Unis, le fait d’indiquer « TEU » sur les documents de douane pourrait inciter les fonctionnaires de l’ASFC à vérifier la conformité au TEU/ALENA[12]. Le témoin a reconnu que l’ASFC ne vérifiait pas les déclarations indiquant le tarif NPF, car les marchandises qui bénéficient de ce tarif peuvent provenir de n’importe quel pays autre que la République populaire de Corée[13].
  13. Toutefois, si l’importateur déclare un traitement tarifaire autre que celui de la nation la plus favorisée (par exemple TEU/ALENA), le témoin a expliqué que les vérificateurs procéderont vraisemblablement à une vérification de la conformité au regard de l’origine et du traitement tarifaire.
  14. Le témoin a aussi avancé que les importateurs devaient se « prémunir » [traduction] contre d’éventuelles erreurs comptables en demandant toujours « à titre de précaution » [traduction] le traitement tarifaire TEU/ALENA lorsque c’était possible, bien qu’en réalité le tarif NPF et le traitement tarifaire TEU/ALENA commandent tous deux un taux de droit de zéro sur des marchandises en particulier[14].
  15. Ce type de comportement, par définition, va à l’encontre de la saine administration du régime douanier. Dans un monde où les importateurs adopteraient comme pratique de demander le traitement tarifaire TEU/ALENA sur toutes les importations en provenance des États‑Unis, même lorsque le taux de droit du tarif NPF est également de zéro, l’ASFC perdrait de vue, par dilution, les transactions qui devraient à juste titre être vérifiées. Cette démarche imposerait un fardeau financier et administratif aux importateurs et à l’ASFC[15]. Ce n’est pas ce que visent les accords de libre-échange.
  16. Pour les mêmes motifs que ceux donnés dans l’affaire Bri-Chem, le Tribunal conclut que Southern Pacific a apporté des corrections au classement tarifaire qui sont sans incidence sur les recettes, le code 10 (pour « TEU ») étant dorénavant requis pour maintenir l’admissibilité à la franchise de droits demandée auparavant. Les marchandises en cause ont toujours été des importations admissibles à la franchise de droits originaires des États-Unis et admissibles, depuis le début, au traitement tarifaire TEU/ALENA. Comme dans l’affaire Frito-Lay, cela n’a jamais placé Southern Pacific dans une situation de remboursement telle qu’imaginée par l’ASFC; l’article 74 de la Loi ne s’applique pas.
  17. Pour les mêmes motifs que ceux donnés dans l’affaire Bri-Chem, le Tribunal conclut également que les mesures prises par l’ASFC dans cette affaire constituent un abus de procédure.

DÉCISION

  1. L’appel est admis. Les montants payés par Southern Pacific, afin de pouvoir procéder au présent appel, doivent être remboursés par l’ASFC.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].      (18 septembre 2015), AP-2014-017 (TCCE) [Bri-Chem].

[3].      (18 septembre 2015), AP-2014-027 (TCCE) [Ever Green].

[4].      (21 décembre 2012), AP-2010-002 (TCCE) [Frito-Lay].

[5].      L.C. 1997, ch. 36.

[6].      Pièce AP-2014-28-7C (protégée), onglet 6, vol. 2; pièce AP-2014-028-7B, onglet 7, vol. 1.

[7].      L’unique exception concerne les marchandises originaires de la République populaire de Corée, le seul pays visé par le tarif général.

[8].      Pièce AP-2014-28-7C (protégée), onglet 8, vol. 2; pièce AP-2014-28-7B, onglet 9, vol. 1.

[9].      Southern Pacific ne conteste pas le classement tarifaire révisé.

[10].    Pièce AP-2014-028-7C (protégée), onglet 13, vol. 2.

[11].    Bri-Chem au par. 12.

[12].    Transcription de l’audience publique, 2 juin 2015, à la p. 104.

[13].    Ibid. aux pp. 71, 104.

[14].    Ibid. à la p. 97.

[15].    Le témoin de l’ASFC a déclaré ce qui suit : « Cependant, si un taux de droit de zéro s’applique aux marchandises tant en vertu du tarif NPF que de l’ALENA, aucune raison financière ne justifie cette demande à cause des droits de courtage qui y sont associés. Et l’ASFC ne veut manifestement pas traiter de choses qui ne sont pas nécessaires, pour une raison ou pour une autre » [traduction], ibid. à la p. 96. En plus, l’ASFC a élaboré ce qu’elle appelle une solution administrative où elle propose le recours aux dispositions sur le remboursement énoncées à l’article 74 de la Loi en l’absence d’« incidence financière ». Selon le témoin de l’ASFC, « l’ASFC permettra ce changement aux termes de l’article 74 si l’importateur le veut. [L’importateur] n’a aucune raison de le vouloir, mais s’il veut le faire et débourser pour ça, eh bien, qu’il le fasse » [nos italiques, traduction], ibid. à la p. 99. Ce raisonnement est absurde.