KNIFE & KEY CORNER LTD.

KNIFE & KEY CORNER LTD.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA


Appel no AP-2014-030

Décision et motifs rendus
le lundi 14 septembre 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 11 juin 2015, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 30 octobre 2014, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

KNIFE & KEY CORNER LTD. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Daniel Petit
Daniel Petit
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 11 juin 2015

Membre du Tribunal : Daniel Petit, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Kalyn Eadie
Anja Grabundzija

Agent principal du greffe : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

Appelante

 

Knife & Key Corner Ltd.

 

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Philippe Lacasse

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Il s’agit d’un appel interjeté par Knife & Key Corner Ltd. (Knife & Key) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard d’une décision rendue le 30 octobre 2014 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4).
  2. Le Tribunal doit déterminer si l’ASFC a correctement classé 16 couteaux pliants, de six modèles différents (les marchandises en cause), à titre d’armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes[2] et, par conséquent, à titre de marchandises dont l’importation est interdite au Canada aux termes du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.
  3. Le 8 décembre 2014, Knife & Key a interjeté le présent appel. Le Tribunal a décidé d’instruire l’appel sur la foi des pièces versées au dossier conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[3]. Le Tribunal a instruit l’appel le 11 juin 2015.
  4. Le Tribunal a demandé à l’ASFC de lui fournir les marchandises en cause, et il a procédé à l’examen de chaque couteau.

MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont décrites comme suit[4] :
  • Un couteau pliant militaire Zero Tolerance, modèle ZT-0200 : couteau pliant mesurant 13,3 cm en position fermée, muni d’une lame de 10,2 cm en acier revêtu, d’un ergot sur la lame, d’un « flipper »[5] sur le dos de la lame, d’un manche noir texturé et d’un verrouillage « liner lock »[6].
  • Trois couteaux Tac Force, modèle TF-625BK : couteaux pliants mesurant 11,5 cm en position fermée, munis d’une lame tanto de 8,5 cm en acier inoxydable partiellement dentelée à pointe angulaire, d’un double ergot sur la lame, d’un levier sur le dos de la lame, d’une soie allongée, d’un brise-vitre intégré, d’un verrouillage « frame lock » et d’un clip de poche en acier[7].
  • Trois couteaux Tac Force à verrouillage « frame lock », modèle TF-625UC : couteaux pliants mesurant 11,5 cm en position fermée, munis d’une lame tanto de 8,5 cm en acier inoxydable partiellement dentelée à pointe angulaire, d’un ergot sur la lame, d’un levier sur le dos de la lame, d’un manche multicolore texturé, d’une soie allongée et d’un brise-vitre intégré[8].
  • Quatre couteaux Tac Force Speedster « Joker », modèle TF-457B : couteaux pliants mesurant 11,5 cm en position fermée, munis d’une lame de 9 cm en acier inoxydable avec revêtement noir, d’un manche noir en aluminium anodisé, d’un levier sur le dos de la lame et d’un clip de poche en métal[9].
  • Deux couteaux Zero Tolerance, modèle ZT-0350 : couteaux pliants mesurant 11,7 cm en position fermée, munis d’une lame de 8,25 cm en acier inoxydable revêtu, d’un « flipper »[10] ambidextre sur le dos de la lame, d’un manche noir texturé G-10 et d’un verrouillage « liner lock »[11].
  • Trois couteaux Tac Force Skull Bat Wing Karambit à verrouillage « liner lock », modèle TF‑693BK : couteaux pliants mesurant 12,5 cm en position fermée, munis d’une lame incurvée « hawksbill » de 8 cm en acier inoxydable avec revêtement noir, d’un ergot, d’une soie allongée et d’un manche noir en aluminium anodisé avec motif « tête de mort et aile de chauve-souris » en aluminium, dont le dos est entièrement crénelé et l’extrémité comporte un anneau surdimensionné[12].

CADRE LÉGISLATIF

  1. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

The importation of goods of tariff item No.  9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

[Nos italiques]

  1. Au nombre des marchandises prohibées classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 figurent les « armes prohibées ». Il est également précisé que l’expression « armes prohibées » a le même sens que celui qui figure au paragraphe 84(1) du Code criminel :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire [...].

. . .

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

. . .

[...]

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...].

Firearms, prohibited weapons, restricted weapons, prohibited devices, prohibited ammunition and components or parts designed exclusively for use in the manufacture of or assembly into automatic firearms, in this tariff item referred to as prohibited goods . . . .

. . .

[...]

For the purposes of this tariff item:

. . .

[...]

(b) “automatic firearm”, “licence”, “prohibited ammunition”, “prohibited device”, “prohibited firearm”, prohibited weapon, restricted firearm and “restricted weapon” have the same meanings as in subsection 84(1) of the Criminal Code . . . .

[Nos italiques]

  1. Conformément au paragraphe 84(1) du Code criminel[13], « armes prohibées » signifie :

a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;

b) toute arme – qui n’est pas une arme à feu – désignée comme telle par règlement.

(a) a knife that has a blade that opens automatically by gravity or centrifugal force or by hand pressure applied to a button, spring or other device in or attached to the handle of the knife, or

(b) any weapon, other than a firearm, that is prescribed to be a prohibited weapon;

 

  1. En résumé, pour déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées à titre d’armes prohibées du numéro tarifaire 9898.00.00 et, par conséquent, à titre de marchandises dont l’importation est interdite au Canada, le Tribunal doit déterminer si les marchandises satisfont à la définition d’« arme prohibée » au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.
  2. À cet égard, le Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés, à autorisation restreinte ou sans restriction[14] prévoit ce qui suit :

4. Les armes énumérées à la partie 3 de l’annexe sont désignées des armes prohibées pour l’application de l’alinéa b) de la définition de « arme prohibée » au paragraphe 84(1) du Code criminel.

. . .

[...]

PARTIE 3

ARMES PROHIBÉES

. . .

[...]

15. L’instrument communément appelé « coup-de-poing américain » et autre instrument semblable consistant en une armature métallique trouée dans laquelle on enfile les doigts.

4. The weapons listed in Part 3 of the schedule are prohibited weapons for the purposes of paragraph (b) of the definition “prohibited weapon” in subsection 84(1) of the Criminal Code.

. . .

[...]

PART 3

PROHIBITED WEAPONS

. . .

[...]

15. The device known as “Brass Knuckles” and any similar device consisting of a band of metal with one or more finger holes designed to fit over the fingers of the hand.

POSITION DES PARTIES

Knife & Key

  1. Knife & Key soutient que les marchandises en cause sont des couteaux à ouverture assistée au moyen d’une barre de torsion, ce qui ne correspond pas à la description du numéro tarifaire 9898.00.00 ni à celle du paragraphe 84(1) du Code criminel. Knife & Key est plutôt d’avis que les marchandises en cause sont visées par l’exception relative aux couteaux à ouverture assistée prévue dans le Mémorandum D19-13-2[15] de l’ASFC, laquelle stipule que les couteaux à ouverture assistée au moyen d’une barre de torsion dont la lame se déploie par pression manuelle sur un bouton ou une autre protubérance sur la lame ne sont généralement pas visés par la définition d’« arme prohibée ». De plus, selon Knife & Key, les marchandises en cause se distinguent des couteaux que le Tribunal a conclu être des armes prohibées dans les décisions La Sagesse de l’Eau c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[16] et R. Christie c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[17].
  2. Premièrement, Knife & Key soutient que les marchandises en cause ne sont pas munies d’une lame qui s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge. De plus, la lame des marchandises en cause ne s’ouvre pas « par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche ».
  3. Selon Knife & Key, la lame des marchandises en cause s’ouvrent en poussant sur une protubérance sur la lame. La protubérance ne fait pas partie du manche, mais plutôt de la lame elle-même, ce qui distingue les marchandises en cause de celles faisant l’objet des décisions La Sagesse de l’Eau et R. Christie.
  4. De plus, Knife & Key soutient que les marchandises en cause ne sont pas actionnées par le même mécanisme que celles faisant l’objet des décisions La Sagesse de l’Eau et R. Christie. Knife & Key fait valoir que la protubérance des marchandises en cause n’agit pas de la même façon que le « levier » ou l’« actionneur digital » qui sert à ouvrir les couteaux qui faisaient l’objet des deux affaires précitées. Knife & Key soutient que la protubérance ne cadre pas avec la définition de « levier », qui s’entend d’une « barre rigide, mobile autour d’un point d’appui, qui sert à transmettre une force à une charge et qui est généralement utilisé pour conférer un avantage mécanique »[18] [traduction]. Selon Knife & Key, la protubérance ne satisfait pas non plus à la définition d’« actionneur » du fait qu’« elle ne met rien en mouvement ni n’actionne de mécanisme »[19] [traduction]; elle ne sert qu’à déplacer la lame, et ce n’est qu’après que la lame a bougé qu’une autre partie de la lame prend la relève pour activer la barre de torsion.

ASFC

  1. L’ASFC soutient que tous les modèles des marchandises en cause sont des armes prohibées. Plus précisément, selon l’ASFC, tous les modèles des marchandises en cause sont munis d’une lame qui s’ouvre automatiquement par pression manuelle exercée sur un bouton, un ressort ou un autre dispositif incorporé ou attaché au manche des couteaux. L’ASFC soutient aussi que le couteau pliant militaire Zero Tolerance, modèle ZT-0200, s’ouvre automatiquement par force centrifuge au moyen d’un mouvement rapide du poignet.
  2. Selon l’ASFC, parce que les couteaux s’ouvrent rapidement en position complètement déployée et verrouillée sous l’effet d’une manipulation minimale, ils doivent être considérés comme s’ouvrant « automatiquement ».
  3. L’ASFC fait également valoir que la protubérance sur la lame de chaque couteau est un « dispositif » au sens de l’article 84 du Code criminel, car elle a été expressément conçue pour ouvrir la lame des marchandises en cause. De plus, le dispositif peut être considéré comme étant « incorporé ou attaché au manche », car il « glisse à l’intérieur du manche pour passer au travers » [traduction] lorsque la lame s’ouvre. À cet égard, les marchandises en cause sont comparables aux couteaux stylets faisant l’objet de la décision R. Christie.
  4. De plus, l’ASFC fait valoir que les couteaux Tac Force « Speedster » Skull Bat Wing Karambit à verrouillage « liner lock », modèle TF-693BK, sont des armes prohibées au sens de l’alinéa 84(1)b) du Code criminel, car le manche est muni d’un anneau dans lequel on peut introduire l’auriculaire ou l’index, ce qui en fait un « coup-de-poing américain » [20].
  5. Enfin, en ce qui concerne le Mémorandum D19-13-2, l’ASFC soutient qu’il est bien établi que le Tribunal n’est pas lié par le contenu de ces mémorandums administratifs.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Afin de déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées à titre d’« arme prohibée » selon la définition énoncée à l’alinéa 84(1)a) du Code criminel, la lame doit s’ouvrir automatiquement de l’une ou l’autre des façons suivantes : 1) par gravité ou force centrifuge, ou 2) par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou un autre dispositif incorporé ou attaché au manche.

La lame des marchandises en cause s’ouvre-t-elle automatiquement par gravité ou force centrifuge?

  1. L’ASFC soutient que le couteau ZT-0200 s’ouvre automatiquement par un mouvement rapide du poignet. Après examen du couteau en question, le Tribunal confirme qu’il s’ouvre effectivement de cette façon.
  2. Le Tribunal a statué à maintes reprises que les couteaux qui s’ouvrent automatiquement par un mouvement rapide du poignet sont considérés comme des couteaux s’ouvrant par force centrifuge et qu’ils sont à ce titre des armes prohibées au sens de l’alinéa 84(1)a) du Code criminel[21]. Par conséquent, ce couteau est une arme prohibée parce qu’il s’ouvre automatiquement par force centrifuge.

La lame des marchandises en cause s’ouvre-t-elle automatiquement par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou un autre dispositif incorporé ou attaché au manche?

  1. L’ASFC soutient que toutes les marchandises en cause sont des armes prohibées du fait qu’elles s’ouvrent automatiquement par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou un autre dispositif incorporé ou attaché au manche.
  2. Puisque le Tribunal a conclu que le couteau ZT-0200 s’ouvre automatiquement par force centrifuge, il est inutile de déterminer s’il s’ouvre par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou un autre dispositif incorporé ou attaché au manche.
  3. En ce qui concerne les cinq autres modèles des marchandises en cause, il n’est pas contesté qu’ils sont des couteaux à ouverture assistée dont la lame se déploie par l’activation d’un ressort ou d’une barre de torsion, qui sont logés dans le manche, par pression manuelle exercée sur un ergot ou un levier faisant partie de la lame. La documentation fournie par Knife & Key décrit comme suit le fonctionnement des couteaux : « Pour ouvrir la lame du couteau, exercez une pression manuelle sur l’ergot ou la protubérance située sur la lame pour vaincre la résistance de la barre de torsion. Une fois la lame sortie du manche, la barre de torsion prend la relève en décrivant un demi-cercle. La lame s’ouvre en douceur et se verrouille. Le couteau est maintenant prêt à être utilisé »[22] [traduction].
  4. Il est vrai que cette description correspond à celle de couteaux à ouverture assistée au moyen d’une barre de torsion qui figure au paragraphe 22 du Mémorandum D19-13-2, qui indique que ces couteaux ne sont généralement pas considérés comme des armes prohibées. Cependant, l’ASFC a raison lorsqu’elle soutient qu’il est bien établi dans la jurisprudence du Tribunal que ce dernier n’est pas lié par ces mémorandums[23].
  5. Les mémorandums D sont des énoncés de politiques administratives publiés par l’ASFC. Bien que ces mémorandums présentent souvent l’interprétation que fait l’ASFC de la loi, c’est la responsabilité du Tribunal d’interpréter et d’appliquer la loi dans chaque appel qu’il instruit. En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause satisfont à la définition d’« arme prohibée » du Code criminel, sans égard au contenu du mémorandum D de l’ASFC.
  6. De façon similaire, la question de savoir si la protubérance satisfait à la définition d’« actionneur digital » ou de « levier » n’est pas pertinente quant au litige en l’espèce, car la définition d’« arme prohibée » qui figure au Code criminel ne renferme pas ces termes.

Bouton, ressort ou autre dispositif

  1. L’ASFC soutient que la protubérance sur la lame des couteaux est un « dispositif » similaire à l’« actionneur digital » ou au « levier » reconnu par le Tribunal comme un « dispositif » dans d’autres causes. Aucune des parties ne fait valoir que les marchandises en cause s’ouvrent à l’aide d’un bouton ou d’un ressort.
  2. Selon le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary[24], « device » (dispositif) s’entend de ce qui suit : « f : pièce d’équipement ou mécanisme conçu à une fin déterminée ou pour remplir une fonction particulière » [traduction].
  3. Selon le Canadian Oxford Dictionary[25], « device » (dispositif) s’entend d’un « objet fabriqué ou adapté à une fin particulière, en particulier un assemblage mécanique » [traduction].
  4. Le Tribunal conclut que la protubérance sur la lame des marchandises en cause est conçue expressément pour activer le mécanisme à ressort ou la barre de torsion. Selon la documentation fournie sur les marchandises en cause, l’unique fonction de la protubérance est de permettre le déploiement rapide de la lame par l’activation d’un mécanisme à ressort ou de la barre de torsion[26]. Par conséquent, la protubérance peut être considérée comme un « dispositif » au sens de l’alinéa 84(1)a) du Code criminel.
  5. Le Tribunal conclut également que le système d’ouverture assistée satisfait en soi à la définition de « dispositif », car il s’agit d’un « mécanisme » ou d’un « assemblage mécanique » qui remplit une fonction particulière de façon à permettre le déploiement « rapide et facile » [traduction] de la lame des marchandises en cause[27].

Ouverture automatique par pression manuelle

  1. Comme le fait valoir l’ASFC, le Tribunal a conclu par le passé qu’un couteau peut être considéré comme s’ouvrant « automatiquement » s’il s’ouvre à la suite d’une pression manuelle exercée sur un « dispositif » ne nécessitant qu’une manipulation minimale[28].
  2. Selon la documentation sur les couteaux Zero Tolerance, « il suffit de pousser légèrement sur l’ergot ou de tirer légèrement sur le levier » [traduction] pour que la lame se déploie, et « l’ouverture assistée des couteaux ZT déploie la lame rapidement et facilement et la verrouille »[29] [traduction]. Il est également précisé que le mécanisme d’ouverture assistée permet de « déployer la lame en douceur et facilement d’une seule main »[30] [traduction].
  3. L’examen des marchandises en cause par le Tribunal confirme que la lame de tous les couteaux (et pas uniquement celle des couteaux Zero Tolerance) s’ouvre de la façon susmentionnée, c’est-à-dire par une pression manuelle minimale exercée sur la protubérance de la lame, qui active le mécanisme d’ouverture assistée déployant complètement la lame et la verrouillant. Par conséquent, une manipulation minimale est requise pour déployer la lame des marchandises en cause.
  4. De plus, il est manifeste que la lame des marchandises en cause s’ouvre à la suite d’une pression manuelle exercée directement sur la protubérance, dont il a déjà été déterminé qu’il s’agit d’un « dispositif ». Il peut également être soutenu que la pression manuelle est exercée indirectement sur le mécanisme d’ouverture assistée au moyen de la protubérance, qui constitue également un « dispositif » comme mentionné ci-dessus.
  5. En ce qui concerne l’application d’une pression indirecte, le libellé de l’alinéa 84(1)a) du Code criminel ne semble pas exiger qu’une pression manuelle soit exercée directement sur le dispositif, car il est précisé que le dispositif peut être « incorporé ou attaché au manche ». Logiquement, si un dispositif est entièrement « incorporé » au manche, la pression manuelle ne peut être exercée directement sur le dispositif. De plus, le Tribunal a déjà affirmé que les exigences de l’alinéa 84(1)a) peuvent être remplies dans le cas où le ressort à l’intérieur du manche est attaché à un « poussoir » sur lequel l’utilisateur exerce une pression pour activer le mécanisme d’ouverture assistée, du fait qu’il peut être dit que, dans un tel cas, la pression manuelle est exercée indirectement sur le ressort au sens de l’alinéa 84(1)a)[31].
  6. Par conséquent, il peut être considéré que la lame des marchandises en cause s’ouvre « automatiquement » par une pression manuelle exercée directement ou indirectement sur un « dispositif ».

Incorporé ou attaché au manche

  1. Knife & Key soutient que, parce que la protubérance est sur la lame plutôt que sur le manche, les marchandises en cause ne satisfont pas à la définition d’« arme prohibée » figurant à l’alinéa 84(1)a) du Code criminel.
  2. Le Tribunal a déjà donné une interprétation large de l’exigence selon lequel le bouton, le ressort ou le dispositif doit être « attaché » au manche. Il a conclu dans la décision R. Christie que le levier-poussoir et le bouton-poussoir, tous deux sur la lame, étaient « attachés » au manche du couteau d’une certaine façon[32].
  3. Ayant minutieusement examiné les marchandises en cause, le Tribunal conclut qu’une pression manuelle sur la protubérance actionne la barre de torsion ou le ressort incorporé au manche. Par conséquent, il peut être dit que la lame des couteaux s’ouvre par pression exercée sur un dispositif attaché au manche, la protubérance étant attachée au ressort ou à la barre de torsion de façon à l’actionner.
  4. Également, si la barre de torsion ou le ressort sont considérés comme étant le « dispositif », alors les éléments de preuve indiquent clairement qu’ils sont dans le manche.
  5. Par conséquent, le Tribunal conclut que la lame des cinq modèles restants des marchandises en cause s’ouvre par pression manuelle exercée « sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche ».
  6. Pour terminer, comme le Tribunal a déjà établi que les marchandises en cause sont des armes prohibées conformément à l’alinéa 84(1)a) du Code criminel, il est inutile de se pencher sur l’argument subsidiaire de l’ASFC selon lequel un des couteaux est prohibé du fait qu’il s’agit d’un coup-de-poing américain.

Conclusion

  1. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées à titre d’armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00, conformément aux exigences de l’alinéa 84(1)a) du Code criminel, au motif que la lame des marchandises en cause s’ouvre automatiquement par force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou un autre dispositif incorporé ou attaché au manche.

DÉCISION

  1. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     D.O.R.S./91-499.

[4].     Pièce AP-2014-030-06A, annexe A, vol. 1.

[5].     Ibid., onglet 6.

[6].     Pièce AP-2014-030-B-01.

[7].     Pièce AP-2014-030-B-02.

[8].     Pièce AP-2014-030-B-03.

[9].     Pièce AP-2014-030-B-04.

[10].   Pièce AP-2014-030-06A, onglet 6, vol. 1.

[11].   Pièce AP-2014-030-B-05.

[12].   Pièce AP-2014-030-B-06.

[13].   L.R.C. (1985), ch. C-46.

[14].   D.O.R.S./98-462 [Règlement désignant des armes comme étant prohibées].

[15].   (23 janvier 2013), « Importation et exportation d’armes à feu, d’armes et de dispositifs ».

[16].   (13 novembre 2012), AP-2011-040 et AP-2011-041 (TCCE) [La Sagesse de l’Eau].

[17].   (15 janvier 2014), AP-2012-072 (TCCE) [R. Christie].

[18].   Pièce AP-2014-030-04 à la p. 4, vol. 1.

[19].   Ibid.

[20].   Arme désignée prohibée dans le Règlement désignant des armes comme étant prohibées.

[21].   Wayne Ericksen c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE) aux pp. 2-3; MilArm Co. Ltd. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (12 juillet 2006), AP-2002-114 (TCCE) au par. 13; Kenneth Lee c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 juillet 2006), AP-2003-054 (TCCE) au par. 12; Terry Shannon c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (30 janvier 2008), AP-2006-059 (TCCE) au par. 13; R. Christie aux par. 59, 64; T. Lysyshyn c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (14 juillet 2014), AP-2013-047 (TCCE) au par. 29.

[22].   Pièce AP-2014-030-04, annexe B, vol. 1.

[23].   La Sagesse de l’Eau au par. 56.

[24].   Onzième éd., s.v. « device ».

[25].   Deuxième éd., s.v. « device ».

[26].   Pièce AP-2014-030-04, annexe B, vol. 1; pièce AP-2014-030-06A, onglet 6, vol. 1.

[27].   Pièce AP-2014-030-04, annexe B, vol. 1.

[28].   La Sagesse de l’Eau aux par. 46-49.

[29].   Pièce AP-2014-030-06A, onglet 6, vol. 1.

[30].   Pièce AP-2014-030-04, annexe B, vol. 1.

[31].   La Sagesse de l’Eau au par. 44.

[32].   R. Christie aux par. 19, 60.