SYNNEX CANADA LTD.

SYNNEX CANADA LTD.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2014-034

Décision et motifs rendus
le mercredi 7 octobre 2015

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 11 août 2015 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 21 novembre 2014 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(2) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SYNNEX CANADA LTD. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 11 août 2015

Membre du Tribunal : Peter Burn, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Jidé Afolabi

Agent principal du greffe : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Synnex Canada Ltd.

Trent Cosgrave

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Helene Robertson

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le présent appel, interjeté par Synnex Canada Ltd. (Synnex), concerne une décision anticipée rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) relativement au classement des haut-parleurs Bluetooth® sans fil SuperTooth Disco 2 (la marchandise en cause).
  2. La marchandise en cause est un appareil portatif. Celui-ci est doté de deux haut-parleurs et de circuits électroniques qui commandent entre autres les fonctions de marche et d’arrêt, de réglage du volume et d’avance rapide. Il dispose également de la technologie Bluetooth®. La composante Bluetooth® permet à l’appareil de diffuser de la musique envoyée sans fil depuis un périphérique distinct auquel il est synchronisé, comme un téléphone intelligent. La marchandise en cause est vendue avec un câble audio stéréo, et possède une prise d’entrée à cet usage, pour utilisation avec un périphérique non équipé de la technologie Bluetooth®[1].
  3. Les deux parties conviennent du fait que la marchandise en cause est correctement classée dans le chapitre 85 de l’annexe du Tarif des douanes[2], mais ne s’entendent pas sur la position applicable à la marchandise en cause. Plus précisément, l’ASFC soutient que la marchandise en cause est correctement classée dans la position no 85.18 et dans le numéro tarifaire 8518.22.00, tandis que Synnex affirme qu’elle doit être classée dans la position no 85.27 et dans le numéro tarifaire 8527.13.10.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 14 juin 2013, Synnex a présenté une demande de décision anticipée auprès de l’ASFC afin que la marchandise en cause soit classée dans la sous-position no 8517.62 à titre d’appareils pour la réception, la conversion et l’émission, la transmission ou la régénération de la voix, d’images ou d’autres données, y compris les appareils de commutation et de routage.
  2. Le 8 octobre 2013, l’ASFC a déterminé que la marchandise en cause était correctement classée dans le numéro tarifaire 8518.22.00 à titre de haut-parleurs multiples montés dans la même enceinte.
  3. Le 11 mars 2014, Synnex a demandé à l’ASFC de réviser sa position et proposé de classer la marchandise en cause dans le numéro tarifaire 8527.19.00 à titre d’autres appareils récepteurs pour la radiodiffusion, même combinés, sous une même enveloppe, à un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ou à un appareil d’horlogerie, pouvant fonctionner sans source d’énergie extérieure.
  4. Le 19 septembre 2014, l’ASFC a répondu par une décision préliminaire et réitéré que la marchandise en cause était correctement classée dans le numéro tarifaire 8518.22.00.
  5. Le 7 octobre 2014, Synnex a présenté sa réponse à la décision préliminaire et soumis une nouvelle proposition, soit de classer la marchandise en cause dans le numéro tarifaire 8527.13.10 à titre d’autres appareils récepteurs domestiques pour la radiodiffusion, même combinés, sous une même enveloppe, à un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ou à un appareil d’horlogerie, pouvant fonctionner sans source d’énergie extérieure.
  6. Le 21 novembre 2014, l’ASFC a rendu sa décision définitive dans laquelle elle maintenait sa position selon laquelle la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 8518.22.00.
  7. Le 9 février 2015, Synnex a interjeté le présent appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal).

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[3]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Les sections et les chapitres peuvent contenir des notes explicatives concernant leur interprétation.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[4] et les Règles canadiennes[5] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[6] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[7], publiés par l’OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[8].
  5. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. Si la marchandise en cause ne peut être classée au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles[9].
  6. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle la marchandise en cause doit être classée, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[10]. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[11].
  7. Les extraits de la section, du chapitre, des positions, des sous-positions et des numéros tarifaires pertinents ainsi que les notes explicatives sont reproduits ci-après. Les extraits sur lesquels les parties s’entendent sont présentés en premier, suivis de ceux sur lesquels elles ne s’entendent pas.

Extraits de la nomenclature tarifaire sur lesquels les parties s’entendent

  1. Aucune des parties ne conteste le classement dans la section XVI. Dans le présent contexte, les notes 3 et 4 sont pertinentes pour l’interprétation de cette section. Aucune des parties ne conteste non plus le classement dans le chapitre 85. La section, les notes de section et le chapitre sont formulés comme suit :

Section XVI

MACHINES ET APPAREILS, MATÉRIEL ÉLECTRIQUE ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON,
APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES
ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES
DE CES APPAREILS

[...]

3. Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d’espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu’un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l’ensemble.

4. Lorsqu’une machine ou une combinaison de machines sont constituées par des éléments distincts (même séparés ou reliés entre eux par des conduites, des dispositifs de transmission, des câbles électriques ou autre aménagement) en vue d’assurer concurremment une fonction bien déterminée comprise dans l’une des positions du Chapitre 84 ou du Chapitre 85, l’ensemble est à classer dans la position correspondant à la fonction qu’il assure.

[...]

Chapitre 85

MACHINES, APPAREILS ET MATÉRIELS ÉLECTRIQUES ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON,
APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION
DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET
PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

Extraits de la nomenclature tarifaire et des notes explicatives proposés par l’ASFC

  1. Pour rendre sa décision anticipée, et pour présenter ses observations au Tribunal, l’ASFC s’est fondée sur les positions, les sous-positions et les numéros tarifaires suivants du chapitre 85, ainsi que sur les notes explicatives connexes :

85.18 Microphones et leurs supports; haut-parleurs, même montés dans leurs enceintes; casques d’écoute et écouteurs, même combinés avec un microphone, et ensembles ou assortiments constitués par un microphone et un ou plusieurs haut-parleurs; amplificateurs électriques d’audiofréquence; appareils électriques d’amplification du son.

[...]

-Haut-parleurs, même montés dans leurs enceintes :

[...]

8518.22.00 - -Haut-parleurs multiples montés dans la même enceinte

[Notes explicatives]

La présente position comprend les microphones, les haut-parleurs, les écouteurs et les amplificateurs électriques d’audiofréquence de tous types, présentés isolément, sans égard à l’usage particulier en vue duquel certains de ces appareils sont conçus (microphones et écouteurs pour appareils téléphoniques et haut-parleurs pour postes de radio, par exemple).

[...]

B.- HAUT-PARLEURS, MÊME MONTÉS DANS LEURS ENCEINTES

Les haut-parleurs ont une fonction inverse de celle des microphones. Ce sont des appareils qui reproduisent le son par transformation d’impulsions ou d’oscillations électriques d’un amplificateur en vibrations mécaniques et le diffusent en communiquant ces vibrations à la masse d’air ambiante.

[...]

Des transformateurs d’adaptation et des amplificateurs sont parfois incorporés aux haut-parleurs. Généralement, les signaux électriques d’entrée reçus par les haut-parleurs sont transmis sous une forme analogique même si, parfois, le signal d’entrée peut être numérique. Dans ce cas, les haut-parleurs intègrent des convertisseurs numériques-analogiques et des amplificateurs dont les vibrations mécaniques se communiquent à l’air.

Extraits de la nomenclature tarifaire et des notes explicatives proposés par Synnex

  1. Pour présenter ses observations au Tribunal, Synnex s’est fondée sur les positions, les sous-positions et les numéros tarifaires suivants du chapitre 85, ainsi que sur les notes explicatives connexes :

85.27 Appareils récepteurs pour la radiodiffusion, même combinés, sous une même enveloppe, à un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ou à un appareil d’horlogerie.

-Appareils récepteurs de radiodiffusion pouvant fonctionner sans source d’énergie extérieure :

[...]

8527.13 - -Autres appareils combinés à un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son

8527.13.10 - - -Domestiques

[Notes explicatives]

En ce qui concerne la radiodiffusion, la présente position couvre uniquement les appareils récepteurs sans fil.

Font notamment partie de ce groupe :

1) Les récepteurs domestiques de radio de tous genres (récepteurs dits de table, récepteurs-meubles, récepteurs à encastrer, récepteurs portatifs à piles ou à accus, etc., même, le cas échéant, combinés, sous une même enveloppe, à un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son ou à un appareil d’horlogerie).

2) Les récepteurs de radiodiffusion pour automobiles ou autres véhicules.

3) Les appareils récepteurs destinés à être incorporés dans des postes relais du no 85.25, présentés isolément.

4) Les radiocassettes de poche (voir la Note 1 de sous-positions du présent Chapitre).

5) Les installations stéréophoniques (système Hi-Fi) comportant un appareil récepteur de radiodiffusion, présentées sous forme d’un ensemble pour la vente au détail, constituées par des unités modulaires contenues chacune sous leur enveloppe propre telles qu’une combinaison d’un lecteur de disques compacts (CD), d’un enregistreur à cassettes, d’un amplificateur avec égaliseur, des haut-parleurs, etc. L’appareil récepteur de radiodiffusion confère au système son caractère essentiel.

POSITION DES PARTIES

Synnex

  1. Dans ses observations, Synnex expose le mode de fonctionnement de la marchandise en cause, expliquant qu’il s’agit d’un appareil doté de la technologie Bluetooth® qui, en raison de cette caractéristique, doit d’abord être couplé à un autre périphérique compatible pour fonctionner comme il se doit. Synnex souligne que la technologie Bluetooth® permet l’échange de données sur de courtes distances au moyen d’un système de transmission radio[12]. Synnex ajoute que la marchandise en cause peut être couplée à un maximum de huit périphériques, mais ne peut être utilisée que couplée à un seul périphérique à la fois[13].
  2. Synnex invoque les notes explicatives de la position no 85.18 pour avancer que les haut-parleurs ne doivent être classés dans cette position que lorsqu’ils sont « présentés isolément ». À l’appui de cette position, Synnex invoque un appel antérieur interjeté devant le Tribunal et retiré après que l’ASFC eut révisé sa position[14].
  3. Dans Ingram Micro Inc.[15], l’ASFC avait d’abord conclu, en se fondant sur la note 3 de la section XVI, qu’un système de haut-parleurs était un article composite dont les haut-parleurs internes assuraient la fonction principale. En conséquence, l’ASFC avait classé la marchandise dans le numéro tarifaire 8518.22.00 à titre de haut-parleurs multiples montés dans la même enceinte. Lorsqu’elle a changé sa position, l’ASFC a souligné que la marchandise était dotée d’une station d’accueil et de recharge pour l’appareil, d’un amplificateur et de haut-parleurs intégrés, le tout en une seule unité, alors que la position no 85.18 ne fait état que d’une seule fonction pour la marchandise[16]. La marchandise a donc été reclassée dans une autre position du chapitre 85. Synnex soutient que la marchandise en cause n’est pas présentée isolément, mais qu’elle est plutôt, à l’instar du système de haut-parleurs en cause dans Ingram, constituée par plus d’une composante – des haut-parleurs et la technologie Bluetooth®.
  4. Par ailleurs, Synnex fait valoir qu’il existe une grande différence entre un haut-parleur et un haut‑parleur sans fil Bluetooth®, la fonction du premier étant, selon la description présentée dans les notes explicatives de la position no 85.18, la reproduction du son par transformation d’impulsions ou d’oscillations électriques d’un amplificateur en vibrations mécaniques, et la fonction du deuxième étant la reproduction du son transmis sans fil depuis un périphérique compatible par un signal de radiodiffusion[17].
  5. Synnex avance que la marchandise en cause est présentée et exposée pour la vente en tant que haut‑parleur Bluetooth® plutôt que haut-parleur traditionnel. À cet égard, Synnex affirme que ses recherches sur un portail de commerce électronique lui ont permis de constater l’existence des quatre catégories de vente distinctes suivantes : a) les haut-parleurs sans fil ou Bluetooth®; b) les haut-parleurs d’ordinateur; c) les haut-parleurs de format tour; d) les haut-parleurs d’étagère. Synnex affirme que « [l]a nécessité de répartir les haut-parleurs dans quatre catégories distinctes confirme que les différents types d’appareils sont catégorisés et mis en marché selon leurs fonctions »[18] [traduction].
  6. Synnex affirme que la définition énoncée à la position no 85.27, soit « [a]ppareils récepteurs pour la radiodiffusion [...] », décrit tout à fait la marchandise en cause. Synnex souligne que ni le libellé de la position ni celui des notes explicatives connexes ne limitent la « radiodiffusion » à des types de signaux précis, comme la modulation d’amplitude (AM) ou la modulation de fréquence (FM), ni n’énoncent de restrictions quant à la portée des signaux radio en question. Synnex est également d’avis que, tout comme un récepteur radio AM-FM, la marchandise en cause est « [...] principalement conçue pour recevoir un signal de radiodiffusion [...] »[19] [traduction].
  7. Synnex avance que la note 4 de la section XVI n’est pas applicable à la marchandise en cause. En résumé, la note 4 énonce que, lorsqu’une machine est constituée par des éléments distincts en vue d’assurer concurremment une fonction bien déterminée comprise dans l’une des positions du chapitre 84 ou du chapitre 85, la machine est à classer dans la position correspondant à la fonction qu’elle assure. Selon Synnex, la marchandise en cause « n’est pas constituée par des éléments distincts [...] » [traduction], elle est plutôt « un appareil complet et autonome [...] » [20] [traduction].
  8. Synnex s’appuie sur le Mémorandum D10-14-57 selon lequel « [l]es récepteurs radio compatibles Bluetooth® pour radiodiffusion publique sont normalement classés dans la position no 85.27 »[21].
  9. Après avoir présenté ses observations concernant le classement dans la position no 85.27, Synnex a poursuivi en désignant les sous-positions dans lesquelles il pourrait convenir de classer la marchandise, soit la sous-position no 8527.13 qui regroupe les autres appareils combinés à un appareil d’enregistrement ou de reproduction du son, soit la sous-position no 8527.19, une disposition résiduelle qui ne fait état que de la mention « Autres ». Synnex s’est prononcée en faveur du classement dans la première des deux sous‑positions[22].

ASFC

  1. L’ASFC fait valoir que la marchandise en cause ne peut être classée dans la position no 85.27, car celle-ci désigne les appareils qui disposent d’une fonction de réception d’émissions radiodiffusées et que la marchandise en cause en est dépourvue.
  2. À l’appui de sa position, l’ASFC se reporte aux définitions du dictionnaire et des lois pour préciser le sens du terme « radiodiffusion », affirmant qu’il a trait aux transmissions radio à un vaste auditoire ou à la population en général[23]. L’ASFC souligne que la marchandise en cause ne contient pas de dispositif de réception radio qui permettrait de capter une émission radiodiffusée à l’intention d’un vaste auditoire ou de la population en général, comme celles produites par les stations radiophoniques.
  3. De plus, l’ASFC souligne que même si la marchandise en cause est conçue et mise en marché essentiellement pour une utilisation couplée à un périphérique compatible avec la technologie Bluetooth®, elle est équipée d’une prise pour câble audio stéréo permettant une utilisation avec un périphérique non doté de la technologie Bluetooth®[24]. Lorsqu’elle est utilisée avec le câble fourni, la marchandise en cause assure la fonction d’un haut-parleur traditionnel branché.
  4. Enfin, l’ASFC fait valoir que la marchandise en cause est un haut-parleur et qu’elle est donc correctement classée dans la position no 85.18. À ce propos, l’ASFC soutient que la marchandise en cause est « [...] conçue pour recevoir un signal d’entrée d’un périphérique compatible avec la technologie Bluetooth®, ou directement par le branchement d’un câble dans la prise d’entrée audio, et pour convertir le signal en son par la communication de vibrations mécaniques à l’air »[25] [traduction], une fonction qui correspond à la description donnée dans les notes explicatives de la position no 85.18. De plus, l’ASFC souligne que, d’après ces notes explicatives, les « haut-parleurs pour postes de radio » relèvent de la position no 85.18, de sorte que la composante Bluetooth® de la marchandise en cause, qui utilise un système de transmission radio, n’est pas contraire au classement dans cette position.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. La règle 1 des Règles générales prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre. Ainsi, pour établir le classement approprié de la marchandise en cause, le Tribunal doit examiner les termes des positions qui font l’objet du litige, ainsi que des notes 3 et 4 de la section XVI si elles sont applicables. Suivant l’article 11 du Tarif des douanes, et en l’absence de raison valable de faire autrement, le Tribunal doit aussi tenir compte des notes explicatives relatives à ces positions.
  2. L’ASFC soutient que la marchandise en cause doit être classée dans la position no 85.18, la décrivant comme un « haut-parleur » monté dans sa propre enceinte. Synnex fait valoir qu’elle doit être classée dans la position no 85.27, la décrivant comme un appareil récepteur pour la radiodiffusion combiné, sous une même enveloppe, à un appareil de reproduction du son et pouvant fonctionner sans source d’énergie extérieure.
  3. Le Tribunal comparera tout d’abord la description de la marchandise en cause avec les termes utilisés dans les positions citées par l’ASFC.
  4. En ce qui concerne la position no 85.18, le Tribunal souligne que les notes explicatives de la position prévoient l’inclusion des « haut-parleurs pour postes de radio » dans la portée de la position.
  5. Le guide présentant la marchandise en cause au consommateur décrit celle-ci comme une « [...] enceinte stéréo nomade [...] » sans fil et souligne qu’elle « [...] libère 16 watts [...] de puissance audio grâce à ses deux haut-parleurs en façade. Son système bass reflex hautement efficace situé au dos de l’appareil amplifie le rendu des basses »[26] [traduction]. Le Tribunal est donc pleinement justifié de conclure que la marchandise en cause est un haut-parleur.
  6. Il n’y a par ailleurs aucun désaccord entre les parties sur le fait que la marchandise en cause, à titre d’appareil doté de la technologie Bluetooth®, reproduit le son par l’échange de données sur de courtes distances au moyen d’un système de transmission radio et sans nécessiter le moindre fil.
  7. En conséquence, la marchandise en cause correspond à la description de « haut-parleurs pour postes de radio ». Elle est conçue pour assurer la fonction d’un haut-parleur et dotée de la technologie Bluetooth® de manière à pouvoir remplir cette fonction sans nécessiter de fil.
  8. Le Tribunal examinera ensuite la note 4 de la section XVI, qui est particulièrement éclairante quant au classement de la marchandise en cause. La note prévoit en partie que, lorsqu’une machine est constituée par des éléments distincts en vue d’assurer concurremment une fonction bien déterminée comprise dans l’une des positions du chapitre 85, la machine est à classer dans la position correspondant à la fonction qu’elle assure.
  9. Le Tribunal a déjà conclu que la marchandise en cause est un haut-parleur. Sa fonction consiste donc à reproduire le son[27]. La technologie Bluetooth® dont elle est dotée contribue seulement à l’exécution de cette fonction, et rien au dossier ne permet d’affirmer que la marchandise en cause assure quelque autre fonction que ce soit.
  10. Il convient de noter que l’utilisation de la technologie Bluetooth® dont est dotée la marchandise en cause est facultative. De façon générale, la technologie Bluetooth® suppose le couplage d’appareils dotés de la technologie Bluetooth®[28]. Comme ce n’est pas le cas de tous les produits, la marchandise en cause est aussi dotée d’une entrée pour câble audio stéréo et vendue avec un câble, de façon à pouvoir assurer sa fonction qu’elle soit ou non couplée à un appareil doté de la technologie Bluetooth®.
  11. Ainsi, les éléments qui constituent la marchandise en cause – les haut-parleurs, la technologie Bluetooth® et l’entrée pour câble audio stéréo[29] – visent à assurer concurremment une seule fonction clairement définie, soit la reproduction du son.
  12. La position à laquelle correspond cette fonction est la position no 85.18.
  13. Il suffit de comparer la description de la marchandise en cause avec les termes de la position recommandée par Synnex pour confirmer la justesse du classement dans la position no 85.18. Le guide à l’intention du consommateur ne mentionne pas que la marchandise en cause est conçue pour recevoir des émissions radiodiffusées ni qu’elle en a la capacité, une fonction pourtant essentielle pour une marchandise présentée comme un « appareil récepteur pour la radiodiffusion ».
  14. Pour combler cette faille dans sa position, Synnex soutient que l’échange de données sur de courtes distances entre appareils dotés de la technologie Bluetooth® est de la « radiodiffusion ». Le Tribunal ne peut toutefois pas admettre une telle interprétation de ce terme; il accepte en revanche les définitions du dictionnaire mises de l’avant par l’ASFC et estime que la définition donnée dans la Loi sur la radiodiffusion est convaincante.
  15. La radiodiffusion consiste à transmettre des signaux radio destinés à être reçus simultanément en des lieux multiples, généralement par le public. Dans chaque cas, la réception est assurée par un appareil spécialement conçu pour recevoir des émissions de radio, et ce sont les propriétaires de tels appareils récepteurs qui commandent ces appareils.
  16. Par comparaison, la procédure de couplage Bluetooth® permet la transmission de signaux radio à un ou à plusieurs appareils dans un seul emplacement, généralement sur un réseau personnel. La seule similitude entre cette procédure et la radiodiffusion est que la réception au moyen de la technologie Bluetooth® est toujours assurée par un appareil doté d’une fonction de réception du signal radio. Cependant, il convient de préciser que le signal radio reçu n’est jamais émis sous la forme d’une émission radiodiffusée. De plus, étant donné que l’émission et la réception relèvent souvent d’une même personne, la personne qui active l’appareil émetteur est aussi celle qui commande chaque appareil récepteur dans la plupart des cas.
  17. Par conséquent, la marchandise en cause ne peut pas être classée dans la position no 85.27 puisque les termes de cette position ne la décrivent pas. Néanmoins, il est important que le Tribunal examine et analyse les arguments complémentaires présentés par Synnex.
  18. Synnex fait valoir que la marchandise en cause n’est pas « présentée isolément ». Or, le Tribunal conclut que la marchandise en cause est bel et bien présentée ainsi. Elle est constituée par des éléments en vue d’assurer concurremment une fonction bien déterminée, mais, surtout, elle n’est pas elle-même une composante individuelle d’une combinaison de plusieurs produits présentés ensemble et assurant de multiples fonctions. À titre d’exemple, et à titre comparatif, la marchandise dans Ingram assurait deux fonctions – elle reproduisait le son et servait également de station de recharge.
  19. Synnex avance également qu’il existe une différence importante entre un haut-parleur traditionnel et un haut-parleur sans fil Bluetooth®. En faisant valoir cet argument, Synnex compare à tort les haut-parleurs traditionnels à la technologie Bluetooth®, laissant de côté le fait que la marchandise en cause est un haut‑parleur qui reçoit simplement ses données par un signal radio. Elle émet essentiellement un son sous la forme de vibrations mécaniques communiquées à l’air, ce qui correspond à la description énoncée dans les notes explicatives de la position no 85.18.
  20. De plus, Synnex avance que la marchandise en cause est présentée et exposée pour la vente en tant que haut-parleur Bluetooth® plutôt que haut-parleur traditionnel. Il n’existe aucun rapport direct entre les catégories commerciales et la nomenclature tarifaire. Si tel était le cas, les intervenants commerciaux pourraient modifier la loi simplement en modifiant la publicité et la présentation de leurs produits. Si la catégorisation commerciale peut ajouter du poids à un classement effectué conformément aux Règles générales, elle ne peut à elle seule servir de fondement au classement tarifaire.
  21. Qui plus est, en affirmant que la marchandise en cause est un tout entier et autonome (plutôt qu’une machine constituée par des éléments distincts), Synnex soutient que la note 4 de la section XVI ne s’applique pas. Le Tribunal a déjà conclu, en se fondant en partie sur des éléments de preuve présentés dans les observations de Synnex, que la marchandise en cause est constituée par des éléments distincts et que la note 4 est applicable à la marchandise en cause.
  22. En ce qui concerne le Mémorandum D10-14-57, le Tribunal souligne qu’il est bien établi dans la jurisprudence que les politiques du gouvernement et les interprétations administratives, comme les mémorandums D, ont une certaine valeur, mais ne sont pas déterminantes en ce qui concerne le classement tarifaire[30]. Quoi qu’il en soit, il convient de noter que le Mémorandum D10-14-57 est désuet et qu’il a été remplacé par le Mémorandum D10-14-64. Celui-ci classe les haut-parleurs dans la position no 85.18, et il est donc conforme avec la présente décision.
  23. Ayant conclu que la marchandise en cause est correctement classée dans la position no 85.18, le Tribunal doit maintenant déterminer la sous-position et le numéro tarifaire dans lesquels il convient de classer la marchandise en cause. Les trois sous-positions suivantes peuvent être examinées à cette fin :

8518.21.00 - -Haut-parleur unique monté dans son enceinte

8518.22.00 - -Haut-parleurs multiples montés dans la même enceinte

8518.29 - -Autres

8518.29.10 - - -Excitateurs de cône à compression ou tweeters de cône à compression, devant servir à la fabrication de systèmes de haut-parleurs

8518.29.20 - - -Haut-parleurs, sans enveloppe, avec échelle de fréquence de 300 Hz à 3,4 MHz et un diamètre n’excédant pas 50 mm, pour les télécommunications

8518.29.90 - - -Autres

  1. Les termes de la sous-position no 8518.22.00 décrivent adéquatement la marchandise en cause, car celle-ci est constituée de deux haut-parleurs montés dans la même enceinte. Le classement dans cette sous‑position est tout indiqué compte tenu de l’absence d’un ensemble distinct de numéros tarifaires.

DÉCISION

  1. Le Tribunal conclut, conformément à la règle 1 des Règles générales, que la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 8518.22.00 à titre de haut-parleurs multiples montés dans la même enceinte.
  2. L’appel est rejeté.
 

[1].     Pièce AP-2014-034-04A à la p. 6, annexes 6, 7, vol. 1.

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[4].     L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[5].     L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[6].     Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

[7].     Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[8].     Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux Avis de classement.

[9].     Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position.

[10].   La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[11].   La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les Avis de classement et les Notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[12].   Pièce AP-2014-034-04A à la p. 7, vol. 1.

[13].   Ibid. à la p. 8.

[14].   Ibid. aux pp. 6, 7.

[15].   (19 janvier 2009), AP-2008-009 (TCCE) [Ingram].

[16].   Pour arriver à sa position initiale, l’ASFC s’était fondée sur la note 3 de la section XVI. Lorsqu’elle a révisé sa position, l’ASFC a affirmé que « [l]a position 85.18 ne décrit qu’une seule composante de la marchandise [...] » [traduction], pièce AP-2014-034-04A, à la p. 45, annexe 9, vol. 1. L’ASFC a donc fait référence à la « composante » plutôt qu’à la « fonction ». Toutefois, le Tribunal souligne que la note 3 prévoit que le classement des combinaisons de machines ou des machines complémentaires doit se faire d’après la composante ou la machine qui assure la fonction principale. Le critère établi à la note 3 repose donc essentiellement sur la fonction et non sur la composante. En conséquence, pour en arriver à une autre conclusion, l’ASFC doit avoir conclu que la marchandise assurait plus d’une fonction, dont aucune n’était identifiée comme la principale, plutôt que d’avoir conclu qu’elle était constituée de plus d’une composante.

[17].   Pièce AP-2014-034-04A à la p. 7, vol. 1.

[18].   Ibid. à la p. 8.

[19].   Ibid. à la p. 13.

[20].   Ibid. à la p. 14.

[21].   Ibid.

[22].   Ibid. aux pp. 14, 15. Les deux sous-positions mentionnées par Synnex sont des sous-positions à deux tirets faisant partie de la position à un tiret no 85.27 qui porte sur les appareils récepteurs de radiodiffusion pouvant fonctionner sans source d’énergie extérieure. Il est à noter que la catégorie renferme une troisième sous-position à deux tirets non mentionnée par Synnex, la sous-position no 8527.12, soit celle des radiocassettes de poche.

[23].   Pièce AP-2014-034-06A aux pp. 6-8, vol. 1. Entre autres sources, l’ASFC fait référence à la définition donnée dans le McGraw-Hill Dictionary of Scientific and Technical Terms, selon laquelle « radiodiffusion » s’entend de la « transmission radio dans le but d’une réception générale » [traduction], pièce AP-2014-034-06A à la p. 7, vol. 1. L’ASFC invoque également le paragraphe 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, dans lequel le terme « radiodiffusion » est défini comme la « [t]ransmission, à l’aide d’ondes radioélectriques ou de tout autre moyen de télécommunication, d’émissions encodées ou non et destinées à être reçues par le public à l’aide d’un récepteur [...] », pièce AP-2014-034-06A à la p. 7, vol. 1. L’ASFC souligne que même si une définition tirée d’une autre loi n’a pas d’effet contraignant dans le contexte du Tarif des douanes, elle est convaincante dans le présent contexte.

[24].   Pièce AP-2014-034-06A à la p. 2, vol. 1.

[25].   Ibid. à la p. 9.

[26].   Pièce AP-2014-034-04A, annexe 7, vol. 1.

[27].   À ce propos, il y a lieu de se reporter au premier paragraphe de la partie B des notes explicatives de la position no 85.18.

[28].   Selon la pièce AP-2014-034-04A, annexe 11, vol. 1, « [l]orsque quelqu’un affirme qu’un produit contient la technologie Bluetooth, il faut comprendre que le produit est doté d’une minuscule puce informatique qui contient la radio Bluetooth. Toutefois, la connexion du produit à d’autres produits au moyen de la technologie sans fil Bluetooth requiert aussi l’utilisation d’un logiciel » [traduction].

[29].   Pièce AP-2014-034-04A à la p. 6, annexe 11, vol. 1.

[30].   DMG Trading Co. Ltd. c. Sous-M.R.N. (28 août 1997), AP-96-076 (TCCE).