LITELINE CORPORATION

LITELINE CORPORATION
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2014-029

Décision et motifs rendus
le lundi 1er février 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 25 septembre et le 19 novembre 2015, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 10 septembre 2014, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LITELINE CORPORATION Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Peter Burn
Peter Burn
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 25 septembre et 19 novembre 2015

Membre du Tribunal : Peter Burn, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Peter Jarosz

Agent principal du greffe : Julie Lescom

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Liteline Corporation

Michael Sherbo
Andrew Simkins

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Sarah-Jane Harvey

TÉMOINS :

Christos Sarakinos
Industrie de l’électronique
CREE

Mircea Porumbaceanu
Directeur du service d’ingénierie
Liteline Corporation

Pierre Berini
Professeur et ingénieur électricien
Université d’Ottawa

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Il s’agit d’un appel interjeté par Liteline Corporation (Liteline) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard de six décisions rendues le 10 septembre 2014 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).
  2. Les marchandises en cause sont des luminaires individuels à diodes électroluminescentes (DEL) en forme de disque (luminaires en forme de disque) et des ensembles d’éclairage à trois disques (ensembles d’éclairage)[2]. Ces marchandises ont de nombreux usages : elles peuvent entre autres servir d’éclairage de fond, d’éclairage de travail et de décoration. Au moment de leur importation, les luminaires en forme de disque ne peuvent pas être raccordés au système électrique ménager; ils doivent être connectés à une unité d’alimentation vendue séparément. L’ensemble d’éclairage contient quant à lui cette unité d’alimentation et le matériel de fixation.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Liteline a importé les marchandises en cause entre le 27 juillet 2009 et le 28 juin 2010. Les marchandises en cause sont classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90 de l’annexe du Tarif des douanes[3] à titre d’autres appareils d’éclairage électriques.
  2. Le 26 juillet 2013 et le 30 janvier 2014, Liteline a déposé une demande de remboursement de droits en vertu de l’alinéa 74(1)e) de la Loi. Liteline a demandé que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8543.70.00 à titre d’autres machines et appareils.
  3. Le 6 août 2013 et le 21 mai 2014, l’ASFC a rejeté la demande de remboursement de droits, ce qui est assimilé à une révision aux termes de l’alinéa 59(1)a) de la Loi. L’ASFC a déterminé que les marchandises en cause demeuraient classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90. Le 7 août 2013 et le 22 mai 2014, Liteline a présenté une demande de réexamen du classement tarifaire en vertu du paragraphe 60(1). Liteline a demandé que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8543.70.00 en tant qu’autres machines et appareils. Le 7 juillet 2014, l’ASFC a rendu une décision provisoire selon laquelle les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90.
  4. Le 10 septembre 2014, l’ASFC a procédé au réexamen du classement tarifaire conformément au paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes, et elle a conclu que les marchandises en cause demeuraient classées sous le numéro tarifaire 9405.40.90.
  5. Le 5 décembre 2014, Liteline a interjeté auprès du Tribunal le présent appel des décisions et a demandé au Tribunal de conclure que les marchandises en cause doivent être classées dans la position n85.43, plus précisément dans le numéro tarifaire 8543.70.00. L’audience a été prévue pour le 15 juin 2015.
  6. Les observations suivantes ont été déposées : (1) le mémoire de Liteline; (2) le mémoire de l’ASFC; (3) les documents additionnels de Liteline; (4) les documents additionnels de l’ASFC; (5) le rapport d’expert de Liteline; (6) le rapport d’expert de l’ASFC.
  7. Le 28 mai 2015, Liteline a déposé une requête en radiation de certaines parties du rapport d’expert de l’ASFC. Le même jour, l’ASFC a déposé une réponse, et Liteline a déposé des observations en réplique le 1er juin 2015. Le Tribunal a accueilli la requête en partie et a retiré du dossier la page 5 du rapport d’expert, car on y exprimait une opinion à l’égard de l’interprétation des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[4].
  8. Le 8 juin 2015, l’ASFC a déposé une requête en radiation d’autres documents déposés par Liteline. Le 9 juin 2015, le Tribunal a rejeté la requête, mais il a fait remarquer que certains documents ne semblaient pas avoir été déposés en réponse au mémoire de l’ASFC et qu’ils étaient disponibles au moment du dépôt du mémoire de Liteline. Par conséquent, le Tribunal a autorisé l’ASFC à présenter des documents additionnels en réponse.
  9. Le 10 juin 2015, soit deux jours ouvrables avant l’audience, l’ASFC a écrit au Tribunal pour demander des clarifications à l’égard des intentions de Liteline concernant les documents susmentionnés et pour demander au Tribunal de tenir une conférence préparatoire à l’audience. Le 11 juin 2015, l’ASFC a déposé ses documents additionnels en réponse. Le 11 juin 2015, le Tribunal a ajourné l’audience jusqu’à ce que ces questions soient résolues. Dans une lettre datée du 18 juin 2015, le Tribunal a enjoint aux parties de produire des observations additionnelles portant sur les questions soulevées dans la requête de l’ASFC. L’ASFC a contesté la réponse de Liteline, alléguant qu’elle était insuffisante. Le Tribunal a donné des directives supplémentaires aux parties le 13 août 2015. Liteline s’est conformée aux directives supplémentaires du Tribunal le 19 août 2015. L’ASFC s’est de nouveau opposée à la réponse de Liteline, le 21 août 2015. Le 24 août 2015, le Tribunal a maintenu sa décision selon laquelle les documents additionnels pouvaient demeurer au dossier.
  10. Le Tribunal a tenu une audience publique le 25 septembre 2015. Une fois les éléments de preuve présentés, l’audience a été ajournée en raison de problèmes de santé chez les participants. La plaidoirie a été reportée au 19 novembre 2015 par consentement des parties, et elle a été entendue à cette date.

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[5]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[6] et les Règles canadiennes[7] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[8] et des Notes explicatives, publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[9].
  5. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement applicables. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles[10].
  6. Après avoir déterminé la position dans laquelle les marchandises doivent être classées à l’aide de cette méthode, le Tribunal doit ensuite déterminer la sous-position des marchandises à l’aide d’une méthode similaire[11]. En dernier lieu, le Tribunal détermine le numéro tarifaire des marchandises[12].

DISPOSITIONS PERTINENTES DE CLASSEMENT

  1. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes sont reproduites ci-dessous[13] :

85.43 Machines et appareils électriques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

[...]

8543.70.00 -Autres machines et appareils

[...]

94.05 Appareils d’éclairage (y compris les projecteurs) et leurs parties, non dénommés ni compris ailleurs; lampes-réclames, enseignes lumineuses, plaques indicatrices lumineuses et articles similaires, possédant une source d’éclairage fixée à demeure, et leurs parties non dénommées ni comprises ailleurs.

[...]

9405.40 -Autres appareils d’éclairage électriques

[...]

9405.40.90 - - -Autres

[...]

-Parties:

[...]

9405.99 - -Autres

[...]

9405.99.90 - - -Autres

[Nos italiques]

  1. La note 1f) du chapitre 94 (note 1f)[14] et les notes explicatives du chapitre 85 doivent être considérées comme suit :
  • La note 1f) dispose que « [l]e Chapitre 94 ne comprend pas : [...] les appareils d’éclairage du Chapitre 85. » [Nos italiques]
  • Les notes explicatives de la position no 85.43 prévoient que « [l]a présente position englobe [...] l’ensemble des machines et appareils électriques qui ne sont ni dénommés ni compris dans d’autres positions du Chapitre, ni couverts plus spécifiquement par une position quelconque d’un autre chapitre [...]. » [Nos italiques]
  • Les notes explicatives ci-dessus prévoient également que « [p]armi les appareils relevant de cette position, on peut citer : [...] 16) Les dispositifs électroluminescents, généralement sous forme de bandes, plaquettes ou panneaux, à base de substances électroluminescentes (sulfure de zinc, par exemple) placées entre deux couches de matière conductrice. »

POSITION DES PARTIES

  1. Le différend concerne le classement tarifaire au niveau de la position.
  2. Liteline soutient que les marchandises en cause doivent être classées sous la position no 85.43 à titre de machines et d’appareils électriques non dénommés ni compris ailleurs dans le chapitre 85 et ayant une fonction qui leur est propre. Liteline s’appuie sur la note 1f), qui exclut « les appareils d’éclairage du Chapitre 85 », et fait valoir que « s’il est déterminé que les marchandises entrent dans la position no 85.43, alors l’analyse du classement tarifaire prend fin. Il n’y aurait donc pas de raison d’examiner si les marchandises sont visées par le chapitre 94. »[15] [Traduction]
  3. Selon Liteline, les éléments de preuve, les Notes explicatives et les Avis de classement indiquent tous que les marchandises en cause sont visées par la portée du terme « dispositifs électroluminescents », car elles sont des dispositifs composés de diodes électroluminescentes. Ainsi, Liteline soutient que les marchandises doivent à ce titre être classées dans la position no 85.43.
  4. L’ASFC fait valoir que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 94.05 en tant qu’« [a]ppareils d’éclairage (y compris les projecteurs) et leurs parties, non dénommés ni compris ailleurs; lampes-réclames, enseignes lumineuses, plaques indicatrices lumineuses et articles similaires, possédant une source d’éclairage fixée à demeure, et leurs parties non dénommées ni comprises ailleurs ». L’ASFC soutient également que les marchandises en cause ne correspondent pas à une lampe ou à un appareil d’éclairage décrit dans l’une ou l’autre des positions du chapitre 85 et qu’elles ne sont pas plus spécifiquement décrites dans une des positions du chapitre 85 que dans la position no 94.05.
  5. L’ASFC soutient également que les marchandises en cause ne correspondent pas à ce qu’on entend de façon « habituelle » [traduction] par des substances électroluminescentes placées entre deux couches de matières conductrices, et qu’elles ne sont pas à ce titre visées par les notes explicatives de la position no 85.43.
  6. L’ASFC fait valoir que le classement proposé par Liteline exclurait tous les appareils d’éclairage électriques de la portée de la position no 94.05, et que cette interprétation aurait pour effet de rendre « nuls » [traduction] les termes de chacune des nombreuses sous-positions de la position no 94.05.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Si la note 1f) énonce que le chapitre 94 ne vise pas « les appareils d’éclairage du Chapitre 85 », les dispositions applicables du chapitre 85 doivent donc être examinées en premier lieu. S’il est possible de classer les marchandises dans le chapitre 85, alors l’analyse du classement prend fin.
  2. Le Tribunal examinera donc le chapitre 85 pour déterminer si les marchandises en cause sont des appareils d’éclairage aux termes du chapitre 85 et par conséquent exclues du classement du chapitre 94, par application de la note 1f).

Le chapitre 85 ne vise pas les marchandises en cause

  1. Le Tribunal n’interprète pas la note 1f) de la même manière que le fait Liteline. Le Tribunal estime plutôt que le chapitre 85 ne s’applique pas aux marchandises en cause et que celles-ci ne peuvent pas être classées dans la position no 85.43.
  2. Pour expliquer pleinement cette conclusion, il convient d’examiner d’autres positions portant sur des appareils d’éclairage du chapitre 85, et ce, en vue de mieux comprendre i) la référence de la note 1f) aux « appareils d’éclairage » et pourquoi elle exclurait, selon Liteline, les lampes comme les marchandises en cause et ii) le contexte législatif du chapitre 85 relativement à l’inclusion dans ce dernier de composants d’appareils électriques comme des lampes, mais pas nécessairement dans leur entièreté, c’est-à-dire une lampe complète.

La note 1f) ne vise pas tous les appareils d’éclairage électriques

  1. La note 1f) fait référence aux appareils d’éclairage « du Chapitre 85 ». Bien que le chapitre 85 contienne des positions précises visant des appareils d’éclairage[16], les marchandises en cause ne sont visées par aucune de ces positions.
  2. La position no 85.43 n’est pas une position du chapitre 85 qui décrit précisément certains appareils d’éclairage; il s’agit plutôt d’une catégorie résiduelle et fourre-tout. La note 1f) aurait pu renvoyer directement à la position no 85.43, mais ce n’est pas le cas.
  3. On ne saurait interpréter la note 1f) comme signifiant que tous les appareils d’éclairage électriques doivent être classés dans le chapitre 85 plutôt que dans le chapitre 94, comme le soutient Liteline. L’interprétation de Liteline priverait de son sens la position no 94.05, car tous les appareils d’éclairage électriques qui peuvent être classés dans la position no 94.05, devraient maintenant être classés dans la position no 85.43. Le Tribunal n’adhère pas à une interprétation si incohérente.
  4. Les conclusions ci-dessus sont appuyées par les notes explicatives de la position no 85.43 qui prévoient l’application d’une autre position de la nomenclature si celle-ci (c’est-à-dire la position d’un chapitre autre que le chapitre 85) est plus spécifique. Les notes explicatives reconnaissent le caractère résiduel (parfois désigné « fourre-tout ») et imprécis de la position no 85.43 et étayent l’interprétation que fait le Tribunal de la note 1f).
  5. Les marchandises en cause peuvent à juste titre être considérées comme des « appareils d’éclairage » qui ne sont ni visés plus spécifiquement ni compris dans le chapitre 85. La dénomination « appareils d’éclairage » est plus spécifique que le libellé « machines et appareils électriques », qui vise une vaste gamme de marchandises[17].
  6. Par conséquent, la note 1f), qui exclut « les appareils d’éclairage du Chapitre 85 », exclut uniquement les appareils d’éclairage spécifiquement nommés au chapitre 85 et n’exclut pas les autres appareils d’éclairage (comme les marchandises en cause) qui ne sont pas précisément nommés, mais dont on peut soutenir qu’ils sont décrits de façon générale par la position fourre-tout et résiduelle no 85.43.

Le chapitre 85 couvre certains composants d’appareils d’éclairage électriques, mais pas les appareils d’éclairage

  1. Considérée dans son ensemble, la nomenclature tarifaire du chapitre 85 appuie l’interprétation ci-dessus (selon laquelle le chapitre 85 ne couvre pas tous les appareils d’éclairage électriques). Comme le souligne l’ASFC, la note explicative suivante prévoit que le chapitre 85 vise certaines marchandises qui constituent des composants plutôt qu’un produit entier :

CONSIDERATIONS GENERALES

A.- PORTEE GENERALE ET STRUCTURE DU CHAPITRE

Le présent Chapitre couvre :

[...]

6) Des articles électriques utilisés généralement, non pas individuellement, mais dans des installations ou dans le montage d’appareils plus complexes comme composants exerçant une fonction particulière : c’est le cas, par exemple, des condensateurs (n° 85.32), des commutateurs, coupe-circuit, boîtes de jonction, etc. (n°s 85.35 ou 85.36), des lampes et tubes d’éclairage, etc. (n° 85.39), des lampes, tubes et valves électroniques, etc. (n° 85.40), des diodes, transistors et dispositifs similaires à semi-conducteur (n° 85.41), des balais, électrodes et autres contacts en charbon (n° 85.45), etc.

  1. Dans la liste ci-dessus, la position nº 85.39 « Lampes et tubes électriques à incandescence ou à décharge, y compris les articles dits “phares et projecteurs scellés” et les lampes et tubes à rayons ultraviolets ou infrarouges; lampes à arc » revêt une importance particulière. Ces « lampes » ne sont que des parties d’un tout. En substance, leur seule fonction consiste à servir d’« ampoule » pour les appareils d’éclairage, que ces derniers soient une lampe à part entière ou un appareil d’éclairage qui s’attache à une structure[18]. Ceci explique pourquoi les ampoules DEL sont également classées au chapitre 85.
  2. Dans le même ordre d’idées, Liteline s’est fié à tort à l’avis de classement de la sous-position no 8543.70 pour soutenir sa proposition de classement :

6. « Spot » à diodes émettrices de lumière (LED) comprenant plusieurs diodes émettrices de lumière, des circuits permettant de rectifier l’alimentation en courant alternatif et de convertir la tension à un niveau utilisable par les LED, un dissipateur de chaleur et une base à deux broches.

7. Ampoule à diodes émettrices de lumière (LED) ayant la forme standard d’une ampoule à incandescence, contenant plusieurs diodes émettrices de lumière logées dans une enveloppe en matières plastiques, des circuits permettant de rectifier l’alimentation en courant alternatif et de convertir la tension à un niveau utilisable par les LED, un dissipateur de chaleur et un culot à vis Edison.

[Nos italiques]

  1. Ces avis de classement appuient l’avis du Tribunal selon lequel certains composants d’appareils d’éclairage sont correctement classés dans la position no 85.43, qu’ils soient issus de technologies DEL ou autres. Les marchandises décrites dans les avis de classement sont des composants d’appareils d’éclairage, c’est-à-dire que ce sont des ampoules. Cependant, les marchandises en cause sont les appareils d’éclairage mêmes, qui ne sont donc pas décrits dans les avis de classement. Les avis de classement portent sur les ampoules DEL (classées dans la position no 85.43, tout comme les ampoules à incandescence seraient classées dans la position no 85.39) et ne s’intéressent pas aux appareils d’éclairage entiers comme les marchandises en cause, qui sont spécifiquement visées par la position no 94.05.
  2. Pour les motifs ci-dessus, le Tribunal estime que les avis de classement n’exigent pas que les marchandises en cause soient classées dans la position no 85.43, mais indiquent plutôt qu’un tel classement serait erroné. Le classement des marchandises en cause dans un chapitre autre que le chapitre 85 est également conforme au contexte du chapitre 85 susmentionné, alors que leur classement dans le chapitre 85 irait à l’encontre de ce contexte.

Les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans la position nº 85.43

  1. Comme le Tribunal l’a indiqué ci-dessus, les notes explicatives de la position no 85.43 exigent que les marchandises soient classées dans une autre position (c’est-à-dire dans la position d’un chapitre autre que le chapitre 85) si celle-ci est plus spécifique. C’est précisément le cas de la position concurrente no 94.05.
  2. Liteline soutient également que des marchandises similaires ont été classées dans la position no 85.43 par le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis[19] (U.S. Customs and Border Protection). Tout comme il n’est pas lié par les décisions de l’ASFC, le Tribunal n’est ni lié par les décisions d’agences administratives ni convaincu qu’elles appuient la thèse de Liteline en l’espèce, et ce, étant donné la très courte description des marchandises et le fondement du classement présentés dans ces décisions.
  3. La question de savoir si les marchandises en cause sont des dispositifs électroluminescents au sens des Notes explicatives n’est pas déterminante. Contrairement à ce que soutient Liteline, peu importe si les marchandises en cause fonctionnent à l’aide de dispositifs électroluminescents décrits dans les notes explicatives de la position no 85.43[20], elles ne peuvent pas être classées dans la position no 85.43.
  4. Enfin, comme l’a fait remarquer l’ASFC, et ce, à juste titre, l’interprétation que fait Liteline de la note 1f) semble vider la position no 94.05 de la majeure partie de son sens actuel, y compris ce que Liteline admet être juste[21]. Comme indiqué précédemment, le Tribunal rejette cette interprétation. Les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 94.05, comme il est exposé ci-dessous.
  5. Puisque les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans la position no 85.43, le Tribunal doit maintenant examiner l’applicabilité de la position no 94.05.

La position nº 94.05 s’applique aux marchandises en cause

  1. Les notes explicatives de la position nº 94.05 qui figurent ci-dessous établissent les critères de classement des marchandises en cause dans cette position :

[...] Lorsqu’il s’agit d’appareils électriques, ils peuvent être équipés de douilles, d’interrupteurs, de fils électriques avec fiche, de transformateurs, etc. ou, comme dans le cas des réglettes pour lampes fluorescentes, d’un starter et d’un ballast.

Les principaux types d’appareils d’éclairage repris ici sont :

1) Les lampes pour l’éclairage des locaux : lampes à suspension, à globe, plafonniers, lustres, lampes-appliques, lampes-colonnes, lampadaires, torchères, lampes de table, de chevet, de bureau, lampes-veilleuses, lampes étanches pour locaux humides, par exemple.

[...]

Sont également exclus de cette position :

[...]

h) Les lampes (ampoules) et tubes à incandescence ou à décharge (y compris ceux affectant la forme d’arabesques, de lettres, de chiffres, d’étoiles, etc.) ainsi que les lampes à arc (n° 85.39).[22]

[Nos italiques]

  1. Aucune des parties n’a contesté que les marchandises en cause émettent de la lumière et servent à éclairer des pièces[23]. Ainsi, elles sont correctement considérées comme étant des appareils d’éclairage. Les marchandises en cause ne sont ni nommées ni comprises ailleurs dans la nomenclature (ce qui comprend la position no 85.43, comme indiqué ci-dessus).
  2. Il convient de noter que les marchandises en cause ressemblent à des marchandises précédemment classées par le Tribunal dans le chapitre 94, et ce, sur le plan matériel et fonctionnel. Dans sa décision Ulextra Inc. c Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[24], le Tribunal a classé certains modèles d’appareils d’éclairage de plafond encastrés, parfois appelés « luminaires encastrés » ou « appareils d’éclairage encastrés », dans la position no 94.05. Le Tribunal ne voit aucune raison de s’écarter de cette conclusion dans le présent appel.
  3. Enfin, comme le Tribunal l’a indiqué ci-dessus, la position de Liteline vide la position no 94.05 de la majeure partie de son sens, c’est-à-dire que les appareils d’éclairage non électriques pourraient être classés dans cette position, contrairement à ce qu’indiquent les notes explicatives de la position no 94.05. La thèse de Liteline à l’égard de la position no 85.43 va à l’encontre des notes explicatives de la position no 94.05, qui prévoient le classement d’« appareils électriques » dans la position no 94.05. Le classement des marchandises en cause dans la position no 94.05 est conforme aux notes juridiques du Tarif des douanes, aux Notes explicatives, aux Avis de classement et à la jurisprudence du Tribunal examinée ci-dessus.
  4. Ayant déterminé dans quelle position les marchandises en cause doivent être classées, le Tribunal doit maintenant déterminer dans quelle sous-position et dans quel numéro tarifaire les luminaires en forme de disque et les ensembles d’éclairage doivent être classés.
  5. L’analyse porte d’abord sur les ensembles d’éclairage.
  6. Les éléments de preuve présentés au Tribunal montrent que les ensembles d’éclairage sont des « solutions d’éclairage complètes »[25] [traduction], car ils contiennent des luminaires en forme de disque et l’unité d’alimentation nécessaires pour que l’ensemble puisse servir de source d’éclairage, sans autre équipement[26]. Par conséquent, le Tribunal estime qu’un ensemble d’éclairage constitue un produit dans son entièreté et que cette marchandise est correctement classée en tant qu’appareils d’éclairage dans la sous-position no 9405.40 et le numéro tarifaire 9405.40.90.
  7. Quant aux luminaires en forme de disque, les éléments de preuve déposés devant le Tribunal montrent qu’ils sont importés et vendus sans unité d’alimentation en tant que pièces de rechange ou luminaires additionnels pour appareils d’éclairage, comme l’ensemble d’éclairage[27]. Par conséquent, le Tribunal détermine que les luminaires en forme de disque sont des parties d’appareils d’éclairage et qu’ils sont donc correctement classés dans la sous-position no 9405.99 et le numéro tarifaire 9405.99.90[28].

RÉSUMÉ

  1. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 94.05 et, plus précisément, dans le numéro tarifaire 9405.40.90 en ce qui concerne les ensembles d’éclairage, et dans le numéro tarifaire 9405.99.90 pour les luminaires en forme de disque.

DÉCISION

  1. L’appel est rejeté.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].      Pièce AP-2014-029-04, onglet 1, vol. 1.

[3].      L.C. 1997, ch. 36.

[4].      Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[5].      Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[6].      L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[7].      L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[8].      Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

[9].      Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[10].    Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position.

[11].    La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « [...] les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[12].    La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « [...] les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[13].    Le Tribunal fait remarquer que, même si les marchandises ont été importées à divers moments entre 2009 et 2010, les dispositions pertinentes de la version de 2009 de l’annexe du Tarif des douanes n’ont pas été modifiées pendant cette période.

[14].    Aucune note de section ne s’applique.

[15].    Pièce AP-2014-029-04 au par. 21, vol. 1.

[16].    Par exemple, la position no 85.12 « Appareils électriques d’éclairage ou de signalisation (à l’exclusion des articles du no 85.39), essuie-glaces, dégivreurs et dispositifs antibuée électriques, des types utilisés pour cycles ou automobiles », la position no 85.13 « Lampes électriques portatives, destinées à fonctionner au moyen de leur propre source d’énergie (à piles, à accumulateurs, électromagnétiques, par exemple), autres que les appareils d’éclairage du no 85.12 » et la position no 85.39 « Lampes et tubes électriques à incandescence ou à décharge, y compris les articles dits “phares et projecteurs scellés” et les lampes et tubes à rayons ultraviolets ou infrarouges; lampes à arc ».

[17].    Le Tribunal fait remarquer que cette directive exposée dans les Notes explicatives est conforme à l’analyse qui serait réalisée conformément à la règle 3a) des Règles générales s’il était déterminé que les deux positions concurrentes, c’est-à-dire les positions no 85.43 et no 94.05, étaient applicables à première vue. À l’égard du classement correct des marchandises en question, les conclusions du Tribunal à l’issue d’une telle analyse seraient les mêmes qu’à l’issue d’une analyse au titre de la règle 1.

[18].    Pièce AP-2014-029-21 aux pp. 26-27, vol. 1D.

[19].    Ibid. à la p. 23.

[20].    Le Tribunal fait remarquer que les éléments de preuve présentés par le témoin expert de l’ASFC établissent que les marchandises en question ne fonctionnent pas à l’aide de sulfure de zinc ou de tout autre condensateur, comme il est expressément prévu dans les Notes explicatives. Plutôt, elles fonctionnent par l’application d’un courant continu à un semiconducteur et, en particulier, à une diode, par exemple une DEL. Transcription de l’audience publique, 25 septembre 2015, aux pp. 39-41.

[21].    Liteline a admis au cours des plaidoiries que les appareils d’éclairage utilisant des ampoules à incandescence traditionnelles continueraient d’être classés dans la position no 94.05, mais que les mêmes appareils d’éclairage utilisant des ampoules DEL pourraient être classés dans la position no 85.43. Transcription de l’audience publique, 25 septembre 2015, à la p. 90. Il convient de noter que le Tribunal a conclu par le passé que les lampes pour l’éclairage extérieur utilisant une technologie DEL étaient correctement classées dans la position no 94.05. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (29 juillet 2013), AP-2012-041 et AP-2012-042 (TCCE).

[22].    Le Tribunal fait remarquer que le chapitre 85 vise expressément certaines ampoules non DEL en tant que « lampes », par exemple la position no 85.39 « Lampes et tubes électriques à incandescence ou à décharge, y compris les articles dits “phares et projecteurs scellés” et les lampes et tubes à rayons ultraviolets ou infrarouges; lampes à arc ». Le Tribunal estime que ces termes font entre autres référence à des ampoules à incandescence traditionnelles. En revanche, la position no 85.42 « Circuits intégrés électroniques » couvre quant à elle, entre autres, les DEL individuelles.

[23].    Pièce AP-2014-029-10A aux par. 7, 66, vol. 1A; pièce AP-2014-029-04 au par. 35, vol. 1; Transcription de l’audience publique, 19 novembre 2015, aux pp. 20, 43, 56.

[24].    (15 juin 2011), AP-2010-024 (TCCE).

[25].    Transcription de l’audience publique, 25 septembre 2015, aux pp. 42-45.

[26].    Ibid.

[27].    Pièce AP-2014-029-10B aux pp. 224, 227, 234, vol. 1B; ibid. aux pp. 10, 13, 15, 45.

[28].    Au moment de la publication de la présente décision du Tribunal, ce numéro tarifaire avait été changé pour le numéro tarifaire 9405.99.00.