WORLDPAC CANADA

WORLDPAC CANADA
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Appel no AP-2014-021

Ordonnance et motifs rendus
le jeudi 18 février 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À une question préliminaire de compétence relative à un appel interjeté par Worldpac Canada le 3 septembre 2014, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ENTRE

WORLDPAC CANADA Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

ORDONNANCE

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut par la présente qu’il n’a pas compétence pour entendre l’appel. Par conséquent, l’appel est rejeté.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. La présente est une décision sur la question préliminaire de la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) pour entendre l’appel interjeté par Worldpac Canada (Worldpac) le 3 septembre 2014, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1].
  2. Dès le départ, le Tribunal désire formuler deux observations.
  3. Premièrement, le Tribunal souhaite jeter un peu de lumière sur le fonctionnement d’une pratique administrative particulière utilisée par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) connue sous le nom « d’autorisation générale » [traduction]. Il s’agit d’un mécanisme particulier dans le cadre duquel un importateur peut demander à l’ASFC l’autorisation de présenter, en même temps, plusieurs demandes d’ajustement ou de remboursement.
  4. Au lieu d’exiger la présentation d’un grand nombre de demandes distinctes (souvent identiques ou ayant le même objet), dans certaines circonstances l’ASFC permet aux importateurs de présenter une demande unique[2], dans le cadre d’une autorisation générale, qui couvre une quantité d’importations pour une période de temps donnée. L’objectif est de permettre tant à l’importateur qu’à l’ASFC d’économiser temps et argent en ne traitant qu’une seule demande au lieu d’une multitude de demandes portant sur des marchandises identiques. Selon ses politiques internes, cependant, l’ASFC n’accordera une telle autorisation générale, à la demande d’un importateur, que si elle estime que le tout sera avantageux tant pour l’ASFC que pour l’importateur; ceci est logique. Le processus vise à simplifier le processus pour toutes les parties concernées.
  5. Évidemment, l’implication nécessaire est qu’un importateur ne pourra présenter plusieurs demandes d’ajustement dans le cadre d’une telle autorisation générale que si l’ASFC l’a dûment autorisé à le faire. Cette autorisation reflète le consensus selon lequel l’ASFC traitera les multiples importations dans le cadre d’une seule demande générale, que ce soit parce que les marchandises sont toutes semblables, les demandes ont toutes le même objet ou, de manière plus générale, les mêmes arguments peuvent être soulevés (par exemple, dans le cas d’une demande de changement de traitement tarifaire).
  6. Le processus d’autorisation générale n’est pas prévu par la Loi; il émane plutôt d’une pratique administrative. Il permet à l’ASFC de simplifier les processus officiels pour faciliter la tâche aux importateurs. Il est important de souligner que le processus ne modifie en rien les prescriptions de la Loi elle-même, y compris le délai de quatre ans pour la présentation d’une demande de remboursement ou d’ajustement conformément au sous-alinéa 74(3)b)i) de la Loi. Les deux parties sont en tout temps liées par les dispositions de la Loi, nonobstant cette simplification administrative.
  7. Deuxièmement, le Tribunal tient à souligner la désorganisation générale du présent appel, et ce, depuis son commencement. Pendant un certain temps, il a été passablement difficile pour le Tribunal de déterminer, avec un quelconque niveau de précision, quelles étaient les marchandises visées par l’appel. Les observations présentées par Worldpac étaient incohérentes et il était difficile de comprendre l’objet même de l’appel. Ce n’est qu’après une série d’interventions et de conférences téléphoniques et la tenue de l’audience préliminaire qu’il a été possible de déterminer la véritable question en jeu. Dans ce contexte, il est utile de revenir plus précisément sur ces évènements en vue de circonscrire les enjeux du présent dossier.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 11 septembre 2011, Worldpac a présenté deux demandes d’autorisation générale à l’ASFC.
  2. Le 28 février 2012, l’ASFC a remis à Worldpac deux lettres d’autorisation générale lui permettant de présenter des demandes de remboursement générales portant sur un changement de classement tarifaire et la réclamation d’avantages prévus au chapitre 99 du Tarif des douanes[3], pour une période de quatre ans commençant le 1er mars 2008[4]. Les lettres d’autorisation générale de l’ASFC mentionnaient explicitement que les demandes de remboursement générales devaient être présentées dans le format convenu entre les parties et que les autorisations pourraient être annulées dans l’éventualité où il n’existerait plus d’avantage administratif mutuel[5]. Les lettres indiquaient également que la présentation d’une demande d’autorisation générale n’éliminait ni ne modifiait en rien les délais prévus dans la Loi pour la présentation de demandes de remboursement.
  3. Le 25 mars 2013, l’ASFC a émis un avis d’annulation d’une des autorisations générales susmentionnées, à savoir l’autorisation no T0324002 (pour le classement tarifaire), au motif qu’il ne voyait pas d’avantage mutuel[6]. Il est ultérieurement devenu clair pour le Tribunal que cette annulation était due au manque manifeste et généralisé d’organisation et de diligence de Worldpac en matière de présentation de documents et de réponse aux demandes de l’ASFC.
  4. Le 26 mars 2013, Worldpac a présenté une nouvelle demande d’autorisation générale à l’ASFC. Le 27 mars 2013, Worldpac a aussi interjeté appel de l’avis d’annulation auprès du Tribunal (appel no AP‑2013-044); elle a ensuite retiré son appel le 5 juin 2013.
  5. Le 12 juillet 2013, l’ASFC a accordé une troisième autorisation générale à Worldpac pour les importations ayant eu lieu de mars à décembre 2009. Il semble qu’il y ait eu un certain contretemps entre la date de la demande de Worldpac et l’émission de l’autorisation générale par l’ASFC. C’est pendant cette période qu’a été interjeté l’appel devant le Tribunal ci-haut mentionné, le tout ayant été suivi d’une période d’inactivité de la part de l’ASFC.
  6. Worldpac a présenté au total 25 demandes d’ajustement générales à l’ASFC : au nombre, 7 en date du 19 septembre 2013 (les demandes de septembre) et 18 en date du 4 octobre 2013 (les demandes d’octobre)[7]. Ces 25 demandes comprenaient des centaines d’importations individuelles ayant eu lieu entre le 1er janvier et le 21 décembre 2009[8].
  7. Le 4 mars 2014, l’ASFC a rendu des décisions sur les demandes de septembre et informé Worldpac que les demandes présentées dans le délai de quatre ans prévu par la Loi avaient été acceptées, mais que les autres demandes n’avaient pas été prises en considération.
  8. Le 1er avril 2014, l’ASFC a rendu des décisions semblables à l’égard des demandes d’octobre. Celles qui respectaient le délai de quatre ans prévu par la Loi avaient été acceptées et celles qui ne respectaient pas ce délai n’avaient pas été prises en considération.
  9. Worldpac a cependant plaidé que la date des deux demandes d’ajustement générales initiales en février 2012 était la date de référence qui devait être appliquée à ces demandes et que, par conséquent, toute demande de remboursement présentée plus de quatre ans avant cette date aurait dû être recevable, même pour les importations traitées dans le cadre de la troisième autorisation générale obtenue en 2013. Par ailleurs, Worldpac a soutenu que les demandes générales présentées en 2012 relevant des deux lettres d’autorisation générale initiales auraient toujours dû être considérées comme pertinentes (nonobstant le fait que l’une d’elles avait été annulée). Apparemment, Worldpac considérait toujours que ces autorisations initiales et les demandes d’ajustement connexes (présentées en 2012 et couvrant une période débutant alors en mars 2008) étaient valides. Sa thèse voulait alors que ces premières autorisations générales suspendaient de quelconque façon l’écoulement du délai prescrit par la Loi.
  10. Les 5 et 13 juin 2014, l’ASFC a ainsi émis des avis de rejet pour les transactions visées par les demandes de septembre et d’octobre pour les périodes qui ne respectaient pas le délai de quatre ans prescrit[9].
  11. Worldpac a demandé une révision ou un réexamen des avis de rejet conformément à l’article 60 de la Loi. L’ASFC a simplement refusé de le faire au motif qu’il n’y avait pas eu de révision ou de réexamen conformément à l’article 59 auquel appliquer une révision ou un réexamen conformément à l’article 60.
  12. Le présent appel a été interjeté auprès du Tribunal le 3 septembre 2014. Après plusieurs contretemps causés par Worldpac, le Tribunal a estimé nécessaire de tenir trois conférences téléphoniques en vue de tout d’abord déterminer quelles importations étaient visées par l’appel et d’obliger Worldpac à mettre de l’ordre dans sa cause et par la suite à fournir des documents pertinents à l’appui de ses réclamations.
  13. Les 12 et 14 mai 2015, l’ASFC a présenté au Tribunal des requêtes en rejet de l’appel au motif que Worldpac ne s’était pas conformée aux directives répétées du Tribunal lui demandant de clarifier la liste des transactions visées par l’appel.
  14. Malgré les efforts sincères du Tribunal, la question est restée en suspens jusqu’à l’audience tenue le 10 juin 2015, où le Tribunal, après un travail considérable visant à établir la chronologie des évènements avec Worldpac, est parvenu à déterminer que l’appel portait sur deux avis de rejet émis par l’ASFC les 5 et 13 juin 2014. Le 6 juillet 2015, le Tribunal a rejeté la requête de l’ASFC (pour rejet d’appel) et permis à l’appel d’aller de l’avant en vue de laisser à Worldpac toute l’opportunité nécessaire de défendre sa thèse.
  15. Au cours de cette même audience préliminaire, une possible question de compétence a été soulevée quant au traitement des demandes en cause par l’ASFC conformément aux articles 59 et 60 de la Loi. Par conséquent, les parties ont été invitées à présenter des observations sur la question de la compétence du Tribunal, conformément à l’article 67, et ce, au plus tard le 24 juillet 2015, ainsi que les réponses aux observations de la partie adverse, au plus tard le 7 août 2015.
  16. Le 28 octobre 2015, une audience sur la question de la compétence du Tribunal a été tenue à Ottawa (Ontario).

POSITION DES PARTIES

ASFC

  1. L’ASFC défend la thèse selon laquelle le Tribunal n’a pas compétence pour entendre l’espèce, car il n’y a pas eu de décision conformément à l’article 60 de la Loi et qu’il n’existe donc pas de processus permettant d’examiner l’affaire sous le régime de l’article 67, qui attribuerait la compétence au Tribunal. À l’appui de cette position, l’ASFC soutient que ce n’est que lorsqu’elle rend une décision fondée sur l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane, ou rend une décision implicite fondée sur un de ces éléments, qu’il existe un fondement juridique pour une révision ou un réexamen conformément aux articles 59, 60 et 67[10]. Pour étayer cette position, l’ASFC fait référence à l’arrêt C.B. Powell Limited c. Canada (Agence des services frontaliers)[11] de la Cour d’appel fédérale (la Cour), dans laquelle la Cour a confirmé les conclusions du Tribunal selon lesquelles seuls une révision ou un réexamen fondés sur la loi, effectués par le président de l’ASFC conformément au paragraphe 60(1) et portant sur un des trois éléments du calcul des droits pouvaient avoir valeur de décision[12].
  2. En outre, l’ASFC fait valoir que l’esprit de la Loi, et en particulier du sous-alinéa 74(3)b)i) et du paragraphe 74(5), font en sorte que le rejet d’une demande fondé sur le manquement par l’importateur de déposer tous les documents nécessaires dans les délais applicables ne constitue pas une révision et ne fait intervenir aucun des éléments pouvant être révisés ou réexaminés aux termes de la Loi.

Worldpac

  1. De son côté, Worldpac soutient que le Tribunal a compétence pour entendre l’appel, car le refus par l’ASFC de rendre une décision conformément à l’article 60 de la Loi est en soi une telle décision. Worldpac s’appuie également, en partie, sur l’arrêt C.B. Powell et sur la décision Frito-Lay Canada, Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[13] pour faire valoir que le refus de prendre une décision est, en soi, tant sur le plan juridique que sur le plan factuel, une décision[14].
  2. Worldpac soutient aussi qu’un grand nombre de ses demandes de remboursement ont été présentées conformément aux deux autorisations générales initiales accordées par l’ASFC et que cela avait, de quelque façon, un effet suspensif quant au délai de quatre ans prévu au sous-alinéa 74(3)b)i) de la Loi. Subsidiairement, Worldpac fait valoir que l’ASFC est fautive d’avoir jugé que ses demandes de remboursement n’avaient pas été présentées dans les délais prescrits par la loi parce que l’ASFC avait annulé la première autorisation générale, ce qui a forcé Worldpac de subir de nombreux contretemps pour obtenir une nouvelle autorisation. Worldpac soutient que ces contretemps ne devraient pas la pénaliser.

CADRE LÉGISLATIF

  1. L’alinéa 59(1)b) de la Loi prévoit qu’« [un] agent [...] peut [...] b) réexaminer l’origine, le classement tarifaire ou la valeur en douane dans les quatre années suivant la date de la détermination ou, si le ministre l’estime indiqué, dans le délai réglementaire [...] ».
  2. Le paragraphe 60(1) de la Loi stipule que toute personne avisée en application du paragraphe 59(2) à l’égard de marchandises peut, dans les 90 jours suivant l’avis, demander la révision ou le réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane, ou d’une décision sur la conformité des marques.
  3. Le paragraphe 67(1) de la Loi prévoit que toute personne qui s’estime lésée par une décision de l’ASFC rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut interjeter appel devant le Tribunal.
  4. Le sous-alinéa 74(3)b)i) de la Loi stipule qu’aucun remboursement pour une réclamation ne sera octroyé en vertu du paragraphe 74(1) à moins que la demande de remboursement ne « b) [...] soit adressée à l’agent [...], présentée selon les modalités et assortie des justificatifs réglementaires, et établie en la forme ainsi qu’avec les renseignements réglementaires dans [un] délai [de] [...] i) quatre ans, pour les réclamations dans les cas prévus aux alinéas (1) [...], suivant la déclaration en détail des marchandises en application du paragraphe 32(1), (3) ou (5) ».
  5. Le paragraphe 74(5) de la Loi dispose que le rejet de la demande dans les cas prévus aux alinéas 74(1)c.1), c.11), e), f) ou g) pour le motif que la documentation fournie est incomplète ou inexacte ou pour un motif autre qu’un motif précisé au paragraphe 74(4) n’est pas, pour l’application de la Loi, assimilé à la révision de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane.

ANALYSE

  1. Worldpac soutient que les lettres d’autorisation initiales émises par l’ASFC le 28 février 2012 avaient pour effet de suspendre l’obligation de déposer les demandes de remboursement dans le délai de quatre ans et que, par conséquent, les 25 transactions en cause dans le présent appel (c’est-à-dire les demandes de septembre et d’octobre) devraient être couvertes, en entier, par ces autorisations générales initiales. Le Tribunal relève plusieurs problèmes avec ces arguments.
  2. La Loi prévoit un délai pour la présentation de demandes de remboursement[15]. Une autorisation générale, qui représente un mécanisme administratif conçu par l’ASFC, ne peut pas altérer les prescriptions de la Loi.
  3. Le sous-alinéa 74(3)b)i) de la Loi est prescriptif et ne permet pas de prorogation des délais. En outre, les discussions et les tentatives visant à trouver des aspects mutuellement avantageux pour les deux parties, que ce soit de manière officieuse ou au moyen d’un processus d’autorisation générale, ne suspendent en rien le passage du temps ni l’application de la loi; les parties doivent toujours garder à l’esprit que la Loi s’applique indépendamment de leurs interactions.
  4. En l’espèce, le Tribunal accueille aussi la thèse de l’ASFC selon laquelle elle n’a pas procédé à des révisions sous le régime de l’article 59 de la Loi et que, par conséquent, il n’était pas juridiquement possible de procéder à une révision ou à un réexamen conformément à l’article 60 pour les marchandises en question.
  5. Le Tribunal conclut aussi que les faits des présentes ne démontrent pas une situation dans laquelle Worldpac a été victime d’une erreur provoquée par une personne en autorité ni que l’octroi ou l’annulation d’une quelconque autorisation générale concernée a été injuste.
  6. Tel que mentionné précédemment, l’esprit et les dispositions de la Loi établissent clairement qu’il n’est pas possible de prolonger ou de modifier les délais prévus. Les lettres d’autorisation elles-mêmes étaient abondamment claires quant au fait qu’elles « [...] n’éliminent ni ne prolongent aucunement les délais prévus pour la présentation des demandes d’ajustement nécessaires conformément à l’article 32.2 de la Loi sur les douanes, ni l’application des pénalités prévues dans le Régime de sanctions administratives pécuniaires [et qu’elles] ne repoussent pas non plus le délai d’un an prévu à l’alinéa 74(1)c.1) ni celui de quatre ans prévu à l’article 74 pour la présentation d’une demande de remboursement » [traduction]. Par ailleurs, les autorisations générales elles-mêmes n’avaient ni la capacité ni l’effet de prolonger le délai de quatre ans prévu dans la Loi.
  7. Il est vrai que Worldpac aurait pu présenter des demandes de remboursement distinctes pour chaque transaction individuelle. Cela aurait exigé beaucoup de temps et aurait été administrativement complexe, mais aurait assuré Worldpac de pouvoir respecter les délais prévus dans la Loi. Elle a plutôt choisi de consacrer son temps et ses efforts à négocier une troisième demande d’autorisation générale auprès de l’ASFC, un processus qui a exigé plusieurs mois. Pendant ce temps, le délai de quatre ans s’écoulait inexorablement pour les importations les plus anciennes.
  8. Le Tribunal a porté une attention particulière à la position de Worldpac selon laquelle l’ASFC se serait conduite de manière inappropriée par le biais d’un stratagème de « non-décisions » [traduction] visant à nier sciemment la compétence du Tribunal. Cette même question avait notamment été pertinente dans les affaires Frito-Lay et C.B. Powell, précédemment tranchées par le Tribunal et la Cour.
  9. Le Tribunal conclut que les présentes sont clairement différente des affaires C.B. Powell et Frito Lay. Dans ces dossiers, la question était de savoir si le refus par l’ASFC de traiter des demandes constituait une décision dont il était possible d’interjeter appel auprès du Tribunal. Cependant, en l’espèce, l’ASFC n’avait cette fois aucunement compétence pour rendre une décision conformément à l’article 60 de la Loi et a agi en conséquence, à juste titre. Cette distinction est d’une importance capitale et, de fait, tranche l’affaire.
  10. Le paragraphe 74(5) de la Loi prévoit qu’un remboursement peut être refusé en raison d’une documentation incomplète ou inexacte ou de tout autre motif que ceux énoncés au paragraphe 74(4). Comme dans l’affaire Volpak Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[16], l’ASFC n’avait pas compétence en l’espèce pour rendre une décision conformément à l’article 60. L’agent responsable du traitement des demandes de remboursement de Worldpac à l’ASFC a accueilli celles qui respectaient le délai de quatre ans et a rejeté simplement celles qui avaient dépassé ce délai. Une décision a été rendue quant aux décisions qui respectaient le délai de quatre ans prescrit. La loi ne donne aucune latitude aux agents de l’ASFC qui leur permettrait d’accueillir des demandes présentées en dehors de ce délai. En outre, rien au dossier ne laisse voir une erreur apparente en ce qui concerne les paramètres du calcul du délai de quatre ans ou du tri entre les transactions ayant respecté ou non ce délai.
  11. Ainsi, l’ASFC n’a pris aucune décision qui puisse faire l’objet d’une contestation sur les transactions ne respectant pas le délai prescrit. En outre, rien n’indique, à l’exception de pures spéculations de la part de Worldpac, que l’ASFC tente de manière voilée de nier la compétence du Tribunal.
  12. Le sous-alinéa 74(3)b)i) et le paragraphe 74(5) de la Loi sont clairs. La décision de l’ASFC de ne pas traiter une partie des demandes de remboursement de Worldpac, en raison du fait qu’elles ne respectaient pas le délai prescrit, est correcte et ne peut pas être considérée comme une révision conformément à l’article 59. Dans ce cas, comme il n’y a pas eu de révision conformément à l’article 59, il ne peut pas y avoir réexamen conformément à l’article 60, et il n’existe donc aucun fondement permettant d’interjeter appel auprès du Tribunal sous le régime du paragraphe 67(1). Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’a pas compétence en l’espèce.

DÉCISION

  1. L’appel est pour ces motifs rejeté.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].      La notion de « demande unique » [traduction] est utilisée ici à titre d’illustration. Il est possible de présenter plus d’une demande dans le cadre de ce processus « général » [traduction], selon la date d’importation et la nature des marchandises concernées. En l’espèce, par exemple, 25 demandes couvrant des centaines d’importations distinctes ont été présentées.

[3].      L.C. 1997, ch. 36.

[4].      Voir pièce AP-2014-021-10A, onglet C-3, vol. 1, pour des copies des autorisations générales nos T0343978 (pour les changements au code tarifaire) et T0324002 (pour le classement tarifaire).

[5].      Pièce AP-2014-021-10A, onglet C-3, vol. 1.

[6].      Pièce AP-2014-021-34D, onglet C, vol. 1B.

[7].      Pièce AP-2014-021-34D, onglets A, B, vol. 1B.

[8].      Pièce AP-2014-021-341A aux par. 5-7, vol. 1A.

[9].      Pièce AP-2014-021-34D, onglets A, B, vol. 1B.

[10].    Pièce AP-2014-021-34A au par. 2, vol. 1A.

[11].    2011 CAF 137 (CanLII) [C.B. Powell].

[12].    Pièce AP-2014-021-34A aux par. 26, 30, vol. 1A.

[13].    (21 décembre 2012), AP-2010-002 (TCCE) [Frito-Lay].

[14].    Pièce AP-2014-021-35 aux pp. 1, 3, vol. 1C.

[15].    Sous-alinéa 74(3)b)i) de la Loi.

[16].    (8 novembre 2010), AP-2010-031 (TCCE).