JAKKS PACIFIC INC.

JAKKS PACIFIC INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2015-012

Décision et motifs rendus
le mercredi 30 mars 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 janvier 2016, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, le 14 mai 2015, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

JAKKS PACIFIC INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Stephen A. Leach
Stephen A. Leach
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : 21 janvier 2016

Membre du Tribunal : Stephen A. Leach, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Jidé Afolabi

Stagiaire en droit : Jessica Spina

Agent du greffe : Ekaterina Pavlova

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Jakks Pacific Inc.

Jakks Pacific Inc.

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Sarah Sherhols

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

  1. Le présent appel a été déposé par Jakks Pacific Inc. (Jakks) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], en réponse à une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 14 mai 2015, aux termes du paragraphe 60(4).
  2. Le litige concerne le classement tarifaire d’une table d’activités pour enfants. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si la table d’activités est correctement classée dans le numéro tarifaire 9403.20.00 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres meubles en métal, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elle doit être classée dans le numéro tarifaire 9503.00.90 à titre d’autres jouets, comme le soutient Jakks.

MARCHANDISE EN CAUSE

  1. La marchandise en cause est une table d’activités pour enfants de marque Disney, qui comprend deux chaises pliantes. La table et les deux chaises sont en métal. Le siège de chaque chaise est rembourré et recouvert de vinyle. Le dessus de la table est recouvert de vinyle et comporte des images du personnage de Disney « Doc McStuffins ». La surface est effaçable et les enfants peuvent dessiner dessus avec les marqueurs effaçables inclus[3]. La table d’activités est recommandée pour les enfants de trois à sept ans. La table mesure 24 po de largeur sur 20 po de hauteur sur 24 po de profondeur. Les chaises mesurent 13 po de largeur sur 21 po de hauteur sur 13,5 po de profondeur. Le tout peut peser jusqu’à 100 lb[4].

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 8 septembre 2014, Jakks a demandé une décision anticipée concernant le classement tarifaire de la marchandise en cause, aux termes de l’article 43.1 de la Loi. Jakks a suggéré que la marchandise en cause soit classée dans le numéro tarifaire 9503.00.90.
  2. Le 26 janvier 2015, l’ASFC a rendu une décision anticipée, aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi, dans laquelle elle a déterminé que la marchandise en cause était correctement classée dans le numéro tarifaire 9403.20.00.
  3. Le 3 février 2015, Jakks a demandé une révision de la décision anticipée.
  4. Le 27 avril 2015, l’ASFC a avisé Jakks de sa décision préliminaire de classer la marchandise en cause dans le numéro tarifaire 9403.20.00.
  5. Le 30 avril 2015, Jakks a soumis des observations additionnelles en réponse à la décision préliminaire de l’ASFC.
  6. Le 14 mai 2015, l’ASFC a rendu une décision finale confirmant que la marchandise en cause était correctement classée dans le numéro tarifaire 9403.20.00.
  7. Le 27 juillet 2015, Jakks a déposé le présent appel auprès du Tribunal, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

CADRE LÉGISLATIF

  1. Dans le cadre des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal établit le classement tarifaire approprié des marchandises en cause conformément aux règles d’interprétation prescrites.
  2. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[5]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Les sections et les chapitres peuvent comprendre des notes concernant leur interprétation. Les articles 10 et 11 du Tarif des douanes prescrivent la méthode que le Tribunal doit appliquer pour l’interprétation de l’annexe afin de déterminer le classement tarifaire approprié de marchandises.
  3. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[6] et les Règles canadiennes[7] énoncées à l’annexe.
  4. Les Règles générales sont composées de six règles structurées en paliers, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la règle 1, il faut alors tenir compte de la règle 2, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le classement soit établi. Le classement commence donc par l’application de la règle 1, qui prévoit ce qui suit : « [...] le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes. »
  5. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[8] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[9], publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal pour déterminer le classement de marchandises importées, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[10].
  6. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire appropriés, par application de la règle 6 des Règles générales dans le cas de la sous-position et des Règles canadiennes dans le cas du numéro tarifaire.

DISPOSITIONS DE CLASSEMENT PERTINENTES

  1. La position no 94.03 stipule ce qui suit :

Section XX

MARCHANDISES ET PRODUITS DIVERS

Chapitre 94

MEUBLES; MOBILIER MÉDICO-CHIRURGICAL; ARTICLES DE LITERIE
ET SIMILAIRES; APPAREILS D’ÉCLAIRAGE NON DÉNOMMÉS
NI COMPRIS AILLEURS; LAMPES-RÉCLAMES, ENSEIGNES LUMINEUSES,
PLAQUES INDICATRICES LUMINEUSES ET ARTICLES SIMILAIRES;
CONSTRUCTIONS PRÉFABRIQUÉES

94.03 Autres meubles et leurs parties.

  1. La note 1(l) du chapitre 94 stipule ce qui suit :

1. Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

(l) les meubles et appareils d’éclairage ayant le caractère de jouets (no 95.03) [...]

  1. Les notes explicatives du chapitre 94 stipulent ce qui suit :

CONSIDERATIONS GENERALES

[...]

Au sens du présent Chapitre, on entend par meubles ou mobilier :

A) Les divers objets mobiles, non compris dans des positions plus spécifiques de la Nomenclature qui sont conçus pour se poser sur le sol (même si dans certains cas particuliers – meubles et sièges de navires, par exemple – ils sont appelés à être fixés ou assujettis au sol) et qui servent à garnir, dans un but principalement utilitaire, les appartements, hôtels, théâtres, cinémas, bureaux, églises, écoles, cafés, restaurants, laboratoires, hôpitaux, cliniques, cabinets dentaires, etc., ainsi que les navires, avions, voitures de chemin de fer, voitures automobiles, remorques-camping et engins de transport analogues. [...]

[...]

Entrent dans les nos 94.01 à 94.03 les articles d’ameublement en toutes matières : bois, osier, bambou, rotin, matières plastiques, métaux communs, verre, cuir, pierre, céramique, etc., même rembourrés ou gainés, à surface brute ou travaillée, même sculptés, incrustés, marquetés, décorés de peintures, munis de glaces ou de miroirs, montés sur roulettes, etc.

  1. Les notes explicatives de la position no 94.03 stipulent ce qui suit :

Parmi les meubles de cette position, dans laquelle sont groupés, non seulement les articles eux‑mêmes non repris dans les positions précédentes, mais aussi leurs parties, il y a lieu de mentionner tout d’abord ceux qui se prêtent généralement à l’utilisation en différents lieux, tels qu’armoires, vitrines, tables, porte-téléphone, bureaux, secrétaires, bibliothèques, étagères.

Viennent ensuite les articles d’ameublement particulièrement conçus :

1) Pour appartements, hôtels, etc., tels que : bahuts, coffres à linge, coffres à pain ou huches, chiffonniers, colonnes, tables de toilette, coiffeuses, guéridons, garde-robes, lingères, portemanteaux, porte-parapluies, buffets, dressoirs, argentiers, garde-manger, tables de nuit, lits (y compris les lits réversibles, les lits de camp, les lits pliants, les berceaux), travailleuses, bancs et tabourets (même basculants) pour reposer les pieds, écrans de foyer, paravents, cendriers sur socle, casiers à musique, pupitres, parcs pour enfants, tables roulantes (à hors d’œuvres, à liqueurs, par exemple), même équipées de résistances chauffantes.

  1. La position no 95.03 stipule ce qui suit :

SECTION XX

MARCHANDISES ET PRODUITS DIVERS

Chapitre 95

JOUETS, JEUX, ARTICLES POUR DIVERTISSEMENTS OU POUR SPORTS;
LEURS PARTIES ET ACCESSOIRES

95.03 Tricycles, trottinettes, autos à pédales et jouets à roues similaires; landaus et poussettes pour poupées; poupées; autres jouets; modèles réduits et modèles similaires pour le divertissement, animés ou non; puzzles de tout genre.

  1. La note 4 du chapitre 95 stipule ce qui suit :

4. Sous réserve des dispositions de la Note 1 ci-dessus, le no 95.03 s’applique également aux articles de cette position combinés à un ou plus d’un article et qui ne peuvent être considérés comme assortiments au sens de la Règle Générale Interprétative 3 b), mais qui, s’ils étaient présentés séparément, se classeraient dans d’autres positions, pour autant que les articles soient conditionnés ensemble pour la vente au détail et que cette combinaison d’articles présente la caractéristique essentielle de jouets.

  1. Les notes explicatives du chapitre 95 stipulent ce qui suit :

Le présent Chapitre comprend les jouets et les jeux pour l’amusement des enfants et la distraction des adultes [...]

[...]

Les articles du présent Chapitre peuvent être en toutes matières [...]

  1. Les notes explicatives de la position no 95.03 stipulent ce qui suit :

La présente position couvre :

[...]

D) Les autres jouets.

Ce groupe comprend les jouets destinés essentiellement à l’amusement des personnes (enfants ou adultes). [...] Sont notamment classés dans ce groupe :

Tous les jouets, autres que ceux repris sous A) à C). [...]

Parmi ceux-ci on peut citer :

[...]

10) Les outils et articles de jardinage (y compris les brouettes pour enfants).

[...]

13) Les maisons et le mobilier de poupées, y compris les articles de literie.

[...]

16) Les machines à coudre-jouets.

[...]

Certains des articles ci-dessus (armes-jouets, outils et articles de jardinage, soldats de plomb, etc.) se présentent fréquemment assemblés en panoplies.

Les jouets qui sont la reproduction d’articles à l’usage des adultes, tels que les fers à repasser électriques, les machines à coudre, les instruments de musique, etc., se distinguent, en règle générale, des seconds par la nature des matières constitutives, leur facture habituellement plus rudimentaire, leurs dimensions réduites (adaptées à la taille des enfants), leur rendement assez faible ne permettant pas leur utilisation pour un travail normal d’adulte.

[...]

PARTIES ET ACCESSOIRES

[...]

Sont, en outre, exclus de la présente position :

a) Les couleurs pour l’amusement des enfants (no 32.13).

b) Les pâtes à modeler, pour l’amusement des enfants (no 34.07).

c) Les albums ou livres d'images et les albums à dessiner ou à colorier, pour enfants, du no 49.03.

[...]

ij) Les craies à écrire et pastels, du no 96.09.

POSITION DES PARTIES

Jakks

  1. Jakks soutient que la marchandise en cause doit être classée dans le numéro tarifaire 9503.00.90 à titre d’autres jouets conformément aux notes explicatives du chapitre 95, qui stipulent que les jouets sont pour « l’amusement des enfants et la distraction des adultes ». À l’appui de sa position, Jakks soutient que dessiner et colorier procure de l’amusement aux enfants, ainsi que l’objet sur quoi ils dessinent et colorient. En l’espèce, selon Jakks, cet objet est la table.
  2. Jakks soutient que la surface effaçable de la table, ainsi que les marqueurs effaçables inclus, est l’indication que la marchandise est destinée aux enfants, qui l’utilisent de façon interactive dans l’expression de leur créativité. De plus, Jakks soutient que, bien que la marchandise en cause ait aussi une fonction utilitaire, cela ne doit pas empêcher son classement à titre de jouet de la position no 95.03, en se fondant sur le fait qu’elle sert aussi à divertir.
  3. Jakks affirme que, en vertu de la note 1(l) du chapitre 94, la marchandise en cause ne peut être classée dans la position no 94.03. La note 1(l) du chapitre 94 stipule que le chapitre ne comprend pas les meubles qui servent de jouets. Jakks soutient que la marchandise en cause est un jouet. De plus, faisant remarquer que les notes explicatives du chapitre 94 stipulent que le chapitre ne s’applique qu’aux objets mobiles non compris dans des positions plus spécifiques de la nomenclature, Jakks affirme que le chapitre ne convient pas au classement de la marchandise en cause étant donné qu’elle est décrite plus précisément dans la position no 95.03.

ASFC

  1. L’ASFC soutient que la marchandise en cause constitue un meuble au sens du chapitre 94, étant donné qu’elle a les mêmes fonctions qu’une table ordinaire et que, par conséquent, il ne s’agit pas d’un jouet. Selon l’ASFC, la marchandise en cause partage les mêmes caractéristiques et la même utilisation finale qu’une table qui n’est pas destinée aux enfants.
  2. De plus, l’ASFC soutient que les « meubles [...] ayant le caractère de jouets », comme mentionné dans les notes explicatives du chapitre 94, ne comprennent pas les meubles d’enfant qui retiennent leur fonction utilitaire. Selon l’ASFC, l’expression « meubles [...] ayant le caractère de jouets » fait plutôt référence à des meubles miniatures. Elle affirme que, conformément à la référence faite aux « maisons et [au] mobilier de poupées » dans la note D)13) des notes explicatives de la position no 95.03, les versions jouet de marchandises se distinguent des vrais marchandises qu’elles représentent en ce qu’elles ne remplissent pas toutes les fonctions des vrais marchandises. Ainsi, selon l’ASFC, le fait que la marchandise en cause soit destinée aux enfants, et qu’elle soit plus petite que des marchandises similaires destinées aux adultes, ne modifie en rien son caractère utilitaire.
  3. L’ASFC reconnaît que la marchandise en cause peut amuser les enfants dans une certaine mesure, et que c’est effectivement le cas[11]. Cependant, l’ASFC soutient que le simple fait qu’une marchandise procure de l’amusement n’est pas suffisant pour qu’elle soit classée à titre de jouet. De plus, l’ASFC soutient que l’aspect divertissant est secondaire au caractère utilitaire de la marchandise en cause, qui est lié à ses fonctions de table et de chaise. Essentiellement, de l’avis de l’ASFC, la marchandise en cause est un meuble parce qu’il s’agit d’un objet mobile ayant une fonction utilitaire, conçu pour être posé sur le plancher d’un logement.
  4. L’ASFC soutient que, bien que des marqueurs effaçables puissent être utilisés sur la surface en vinyle de la table, la surface en vinyle est vantée autant pour sa facilité d’entretien que comme surface pour dessiner. De plus, l’ASFC fait remarquer que la marchandise en cause est commercialisée et vendue à titre de mobilier d’enfant ou de salle de jeux.
  5. L’ASFC est d’accord que la marchandise en cause ne peut être classée dans la position no 94.03 à titre de meuble si elle est décrite de façon plus précise ailleurs dans la nomenclature; toutefois, l’ASFC soutient que la marchandise en cause n’est pas décrite de façon plus précise dans la position no 95.03 à titre d’autres jouets parce que, lorsque l’on considère l’ensemble de ses fonctions, elle ne peut être qualifiée de jouet et constitue plutôt un meuble en métal pour enfants[12].

ANALYSE

  1. Dans les appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi, l’appelant, aux termes de la loi, a le fardeau de démontrer que l’ASFC a incorrectement classé les marchandises en cause[13]. En l’espèce, cela signifie qu’il incombe à Jakks de démontrer que la marchandise en cause n’est pas correctement classée dans la position no 94.03 et qu’elle doit plutôt être classée dans la position no 95.03.
  2. Les notes explicatives du chapitre 94 stipulent que le chapitre ne s’applique qu’aux objets mobiles non compris dans des positions plus spécifiques de la nomenclature. Par conséquent, si la marchandise en cause est un article compris dans une position plus spécifique, elle ne peut être classée dans la position n94.03. En fonction de cette disposition, et en commençant par la règle 1 des Règles générale, le Tribunal débutera son analyse en déterminant si la marchandise en cause peut être classée dans la position no 95.03 à titre d’autres jouets. Si tel est le cas, le Tribunal ne poursuivra pas son analyse puisqu’il sera clair que la position no 95.03 donne une description plus précise de la marchandise en cause que la position no 94.03. Si ce n’est pas le cas, le Tribunal examinera si la position no 94.03 s’applique.

La marchandise en cause peut-elle être classée dans la position no 95.03 à titre d’autres jouets?

  1. Le Tribunal constate que le terme « jouet » n’est pas défini dans la nomenclature. Toutefois, le Tribunal a constamment interprété le terme « jouet » dans son sens large pour englober une vaste gamme d’articles qui procurent de l’amusement ou qui ont une fonction ludique, conformément aux notes explicatives du chapitre 95 et de la note D) des notes explicatives de la position no 95.03[14]. Il a déjà affirmé que la position no 95.03 comprend « les objets avec lesquels les enfants [...] jouent »[15] et que la fonction ludique d’un objet est « un aspect qui le caractérise en tant que jouet »[16].
  2. Le Tribunal a aussi été constant à considérer que la question de savoir si une marchandise est un jouet au sens de la position no 95.03 est une question mixte de fait et de droit, qui a trait à l’interprétation du terme « jouet » d’après le contexte de la position no 95.03 ainsi qu’aux caractéristiques de la marchandise[17]. À cette fin, l’utilisation effective ainsi que l’utilisation prévue de la marchandise doivent être prises en considération, notamment la commercialisation, l’emballage et la publicité[18]. En ce qui concerne l’utilisation prévue, le Tribunal a déjà conclu que « l’expression “conçu pour” fait référence à une intention délibérée de la part du fabricant du système (ou des marchandises) quant à la nature [fondamentale se son] utilisation ou fonction »[19].
  3. Ainsi, pour déterminer si la marchandise en cause peut être classée à titre de jouet dans la position no 95.03, le Tribunal commencera par examiner la fonction ludique de la marchandise en cause, après quoi le Tribunal abordera l’utilisation effective et l’utilisation prévue de la marchandise en cause, en tenant compte de la commercialisation, de l’emballage et de la publicité.

La marchandise en cause amuse-t-elle les enfants?

  1. Le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary définit le terme « amuse » (amuser) de la façon suivante : « détourner l’attention [...] occuper l’attention [...] distraire [...] divertir ou occuper de façon légère, ludique ou agréable [...] »[20] [traduction]. Le Canadian Oxford Dictionary définit ce terme de la façon suivante : « provoquer (chez une personne) le rire ou le sourire [...] intéresser ou occuper; divertir (une personne) »[21] [traduction].
  2. Les parties reconnaissent, et le Tribunal en convient, que la table et les chaises ont une fonction ludique, car elles divertissent et occupent les enfants par le jeu en leur permettant de dessiner sur la surface de la table[22].
  3. Toutefois, comme le Tribunal l’a expliqué antérieurement, bien que la fonction ludique soit un aspect qui caractérise un objet en tant que jouet, la fonction ludique n’est pas suffisante en soi pour qu’un objet soit qualifié de « jouet » en ce qui a trait au classement tarifaire[23]. Effectivement, la majorité des membres dans HBC Imports a affirmé que « [...] la catégorie ‘autres jouets’ [de la position no 95.03] ne comprend pas tous les jouets susceptibles d’être par ailleurs considérés comme des ‘jouets’ »[24]. Il est aussi reconnu que le sens de l’expression « autres jouets », d’après le contexte de la position no 95.03, est quelque peu plus étroit que son acception ordinaire.

Est-ce que la marchandise en cause a été conçue intentionnellement pour amuser les enfants?

  1. Les éléments de preuve au dossier ne conduisent pas le Tribunal à considérer que la marchandise en cause a été conçue intentionnellement ou qu’elle a été prévue pour amuser les enfants.
  2. Jakks n’a pas déposé d’éléments de preuve à l’appui d’une conclusion que la marchandise en cause est avant tout un jouet[25]. Plus particulièrement, Jakks n’a pas fait le lien entre les aptitudes et les intérêts des enfants et la manière dont la marchandise en cause a été conçue.
  3. Bien que la surface effaçable ait une fonction ludique, la marchandise en cause a essentiellement une fonction utilitaire. L’amusement que peut procurer la marchandise en cause est d’importance secondaire par rapport à sa fonction principale qui est de « manger, jouer et pour toutes sortes d’autres activités »[26] [traduction].

La commercialisation, l’emballage et la publicité ayant trait à la marchandise en cause met-elle l’accent sur sa fonction ludique à l’intention des enfants?

  1. De même, le Tribunal conclut que la commercialisation, l’emballage et la publicité ayant trait à la marchandise en cause ne met pas l’accent sur sa fonction ludique à l’intention des enfants. Les sites Web des grands détaillants indiquent que la marchandise en cause est, en règle générale, vendue à titre de mobilier d’enfant ou de salle de jeux[27].
  2. La marchandise en cause est décrite par les détaillants comme convenant aux enfants pour « manger, jouer et pour toutes sortes d’autres activités »[28] [traduction] ainsi que pour « dessiner, manger et jouer »[29] [traduction]. Bien que dessiner soit mentionné dans la description du produit d’un des détaillants, l’accent n’est pas mis sur cette activité; de plus, manger est mentionné à plusieurs reprises comme étant une utilisation appropriée de la marchandise en cause. En outre, la documentation sur le produit ne mentionne pas la possibilité de dessiner sur une surface effaçable et ne fait que souligner que la table et les chaises procureront « des heures et des heures de plaisir » [traduction][30].
  3. L’opinion des consommateurs met l’accent sur la fonction de table et de chaises pour manger et jouer et beaucoup moins comme jouet qui procure de l’amusement aux enfants. Certains consommateurs ont affirmé ce qui suit sur le site Web de détaillants : « je l’ai achetée pour faire manger mon enfant » et « en plus, elle peut dessiner partout sur la table »[31] [traduction], indiquant que la marchandise en cause a été achetée en tant que meuble et que l’amusement qu’elle procure est secondaire par rapport à sa fonction principale.
  4. Par conséquent, en accord avec sa jurisprudence et selon les éléments de preuve, le Tribunal conclut que la marchandise en cause ne peut être classée dans la position no 95.03 à titre d’autres jouets parce qu’elle constitue avant tout un meuble. Bien que la marchandise en cause puisse amuser les enfants, elle n’a pas été intentionnellement conçue à cette fin, et la commercialisation, l’emballage et la publicité ne mettent pas l’accent sur cet aspect.

Classement de la marchandise en cause dans la position no 94.03

  1. La position no 94.03 comprend les « autres meubles et leurs parties ». Le Tribunal constate que la marchandise en cause, en plus d’être constituée d’une table, comprend aussi deux chaises, des marqueurs effaçables et une clef pour vis hexagonale. Ainsi, la position no 94.03 ne décrit pas tous les éléments de la marchandise en cause, ce qui a pour résultat que le Tribunal est incapable de classer de façon concluante la marchandise en cause selon la règle 1 des Règles générales.
  2. De plus, puisque la règle 2 des Règles générales ne fait qu’étendre l’application de la règle 1 aux articles incomplets ou non finis ainsi qu’aux articles composites, la marchandise en cause ne peut non plus être classée de façon concluante en vertu de cette règle.
  3. La règle 3a) des Règles générales est tout aussi peu concluante en ce qui concerne le classement de la marchandise en cause, étant donné que les positions qui s’appliquent à la table, aux chaises, aux marqueurs effaçables et à la clef pour vis hexagonale ne font référence qu’à « une partie seulement » de l’ensemble constituant la marchandise en cause, ce qui a pour résultat que ces positions doivent être considérées comme « également spécifiques ».
  4. La règle 3b) des Règles générales s’applique aux « marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail ». Aux termes de la règle 3b), les marchandises sont classées « d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel ». Les notes explicatives de la règle 3b) stipulent que, pour l’application de cette règle, l’expression « présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail » signifie les marchandises qui sont a) composées d’au moins deux articles différents qui, à première vue, peuvent être classés dans des positions différentes, b) qui sont composées de produits ou d’articles présentés ensemble pour la satisfaction d’un besoin spécifique ou l’exercice d’une activité déterminée et c) qui sont conditionnées de façon à pouvoir être vendues directement aux utilisateurs sans réemballage[32].
  5. La règle 3b) des Règles générales est convaincante en ce qui concerne le classement de la marchandise en cause parce qu’elle est constituée d’articles différents qui peuvent être classés dans des positions différentes, qui sont vendus ensemble pour la satisfaction d’un besoin spécifique ou l’exercice d’une activité déterminée et qui sont conditionnés de façon à pouvoir être vendus directement aux utilisateurs sans réemballage.
  6. En ce qui concerne le caractère essentiel, les notes explicatives de la règle 3b) des Règles générales stipulent en outre que « [l]e facteur qui détermine le caractère essentiel varie suivant le genre de marchandises. Il peut, par exemple, ressortir de la nature de la matière constitutive ou des articles qui les composent, de leur volume, leur quantité, leur poids ou leur valeur, de l’importance d’une des matières constitutives en vue de l’utilisation des marchandises. »
  7. L’ASFC soutient, et le Tribunal est d’accord, que la table confère à la marchandise en cause son caractère essentiel à cause de son rôle dans l’utilisation de la marchandise en cause. La marchandise en cause est commercialisée comme pouvant être utilisée pour manger, pour dessiner, pour lire, pour jouer et pour plusieurs autres activités. Toutes ces activités requièrent la surface de la table. De plus, la table est le plus grand élément de l’ensemble.
  8. Par conséquent, le Tribunal conclut que la marchandise en cause est correctement classée, aux termes de la règle 3b) des Règles générales, dans la position no 94.03 à titre d’autres meubles, la table constituant le facteur qui détermine le caractère essentiel de l’ensemble.

Classement aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire

  1. Jakks n’a avancé aucun argument en ce qui concerne le classement aux niveaux de la sous-position et du numéro tarifaire dans le chapitre 94. Pour sa part, l’ASFC fait remarquer que la position no 94.03 est divisée en un certain nombre de sous-positions selon le matériau de fabrication du meuble, dont deux ayant trait aux meubles en métal – la sous-position no 9403.10 (« meubles en métal des types utilisés dans les bureaux ») et la sous-position no 9403.20 (« autres meubles en métal »). Constatant que la marchandise en cause n’est pas un meuble de bureau, l’ASFC soutient que la marchandise en cause doit être classée dans la sous-position no 9403.20.
  2. Aux termes de la règle 6 des Règles générales, la marchandise en cause doit être classée au niveau de la sous-position de façon à respecter les étapes des règles 1 à 5. En l’espèce, le Tribunal est d’accord avec l’ASFC et conclut que le recours à la règle 1 est suffisant en ce qui concerne le classement au niveau de la sous-position. La marchandise en cause est correctement classée dans la sous-position no 9403.20 à titre d’autres meubles en métal.
  3. Enfin, par application de la règle 1 des Règles canadiennes, le Tribunal peut conclure que la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9403.20.00, puisqu’il s’agit du seul numéro tarifaire faisant l’objet du litige.

DÉCISION

  1. Le Tribunal conclut que la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9403.20.00 à titre d’autres meubles en métal. L’appel est rejeté.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].      L.C. 1997, ch. 36.

[3].      Pièce AP-2015-012-04A, vol. 1.

[4].      Ibid., onglet 17.

[5].      Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[6].      L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[7].      L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[8].      Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

[9].      Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007.

[10].    Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[11].    Transcription de l’audience publique, 21 janvier 2016, à la p. 44.

[12].    Ibid. aux pp. 26-27.

[13].    À cet égard, le paragraphe 152(3) de la Loi prévoit ce qui suit : « [...] dans toute procédure engagée sous le régime de la présente loi, la charge de la preuve incombe, non à Sa Majesté, mais à l’autre partie à la procédure [...] pour toute question relative, pour ce qui est de marchandises : [...] c) au paiement des droits afférents ». Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1). Puisque l’exigibilité des droits sur des marchandises importées dépend du classement tarifaire de celles-ci, le classement tarifaire est une question « relative » au paiement des droits sur les marchandises, au sens de l’alinéa 152(3)c). Les conditions de l’alinéa 152(3)c) ayant été remplies, le fardeau de la preuve incombe donc à Jakks. Voir par exemple Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (23 mai 2014), AP-2011-033 (TCCE) [Costco] au par. 25; Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII).

[14].    Zellers Inc. c. Sous-M.R.N. (29 juillet 1998), AP-97-057 (TCCE); Regal Confections Inc. c. Sous-M.R.N. (25 juin 1999), AP-98-043, AP-98-044 et AP-98-051 (TCCE) [Regal]; Franklin Mint Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 juin 2006), AP-2004-061 (TCCE) [Franklin]; La Société Canadian Tire Limitée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 avril 2012), AP-2011-020 (TCCE) [Canadian Tire].

[15].    Korhani Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (18 novembre 2008), AP‑2007-008 (TCCE) [Korhani] au par. 32.

[16].    Havi Global Solutions (Canada) Limited Partnership c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 octobre 2008), AP-2007-014 (TCCE) au par. 30.

[17].    HBC Imports (Zellers Inc.) c. Canada (Agence des services frontaliers), 2013 CAF 167 (CanLII) [HBC Imports] au par. 4; Costco au par. 29, confirmé dans Costco Wholesale Canada Ltd. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2015 CAF 110 (CanLII); Mattel Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 juillet 2014), AP-2013-034 et AP-2013-040 (TCCE) [Mattel] aux par. 39-41.

[18].    Korhani au par. 33.

[19].    Union Tractor Ltd. c. M.R.N. (8 septembre 1993), AP-92-213 (TCCE) à la p. 3.

[20].    Onzième éd., s.v. « amuse ».

[21].    Deuxième éd., s.v. « amuse ».

[22].    Transcription de l’audience publique, 21 janvier 2016, à la p. 44.

[23].    Regal à la p. 8; Franklin au par. 15; N.C. Cameron & Sons Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (14 juin 2007), AP-2006-022 (TCCE) au par. 15; Canadian Tire au par. 10.

[24].    HBC Imports au par. 16.

[25].    Par exemple, dans Mattel aux par. 48-51, la partie appelante a fait comparaître des témoins experts qui ont attesté que les marchandises étaient intentionnellement conçues pour offrir des activités qui intéressent les enfants.

[26].    Pièce AP-2015-012-04A, onglet 17, vol. 1.

[27].    Ibid.

[28].    Ibid.

[29].    Ibid.

[30].    Pièce AP-2015-012-04A au par. 48, vol. 1.

[31].    Pièce AP-2015-012-04A, onglet 17, vol. 1.

[32].    S.C. Johnson & Son, Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (19 juillet 2006), AP‑2005-015 (TCCE) au par. 32.