SISTEMALUX INC.

SISTEMALUX INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Appel noEA-2015-003

Décision et motifs rendus
le mardi 26 juillet 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 avril 2016, en vertu de l’article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. (1985), ch. S-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 11 juin 2015, concernant une demande de réexamen aux termes de l’article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation.

ENTRE

SISTEMALUX INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Jean Bédard
Jean Bédard
Membre présidant

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Rose Ritcey
Rose Ritcey
Membre

Lieu de l’audience : Ottawa, Ontario
Date de l’audience : le 22 avril 2016

Membres du Tribunal : Jean Bédard, membre présidant
Jason W. Downey, membre
Rose Ritcey, membre

Conseiller juridique pour le Tribunal : Anja Grabundzija

Agent principal du greffe : Julie Lescom

Agent du greffe : Vedranka Zec

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Sistemalux Inc.

Marco Ouellet

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Youri Tessier-Stall

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Sistemalux Inc. (Sistemalux) a déposé le présent appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes de l’article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation[1] à l’égard d’une décision rendue le 11 juin 2015 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes de l’article 59, dans laquelle l’ASFC a conclu que certaines marchandises importées par Sistemalux étaient assujetties à des droits antidumping et compensateurs.

MARCHANDISES EN CAUSE ET QUESTION EN LITIGE

  1. Les marchandises importées par Sistemalux le 10 janvier 2014 sont des « dissipateur[s] thermique[s], communément [appelés] heat sink[s], portant le numéro de pièce HOU-376 »[2] (les marchandises en cause). Elles proviennent de la République populaire de Chine, où elles ont été fabriquées, entre autres, par extrusion d’aluminium, et pèsent environ 460 g[3]. Après importation, les marchandises en cause sont destinées à être assemblées avec des diodes électroluminescentes pour former des ampoules utilisées dans des luminaires[4]. Les marchandises en cause ont été importées dans le numéro tarifaire 7604.29.00[5] de l’annexe du Tarif des douanes.[6]
  2. L’ASFC a déterminé que les marchandises en cause étaient de même description que les marchandises visées par les conclusions rendues par le Tribunal dans l’enquête no NQ-2008-003[7] (les conclusions) et que des droits antidumping et compensateurs étaient donc exigibles. Sistemalux conteste cette décision de l’ASFC.
  3. Plus précisément, dans le cadre de cet appel, Sistemalux ne conteste pas que les marchandises en cause répondent à la définition générale des marchandises assujetties aux conclusions et entrent donc a priori dans leur champ d’application.[8] Sistemalux allègue plutôt que les marchandises en cause sont de même description que des marchandises spécifiquement exclues des conclusions et qu’elles sont à ce titre exemptées de droits antidumping et compensateurs.
  4. L’exclusion pertinente se lit comme suit :

Dissipateurs de chaleur importés sous le numéro tarifaire 8473.30.90 et ayant un poids d’au plus 700 g.

  1. Par conséquent, l’unique question en litige consiste à déterminer, aux termes du paragraphe 61(3) de la LMSI, si les marchandises en cause sont de même description que les marchandises visées par l’exclusion précitée.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Sistemalux a interjeté le présent appel le 8 septembre 2015. Les parties ont déposé des mémoires et Sistemalux a également déposé trois échantillons (pièces A-01, A-02 et A-03), lesquels représentent les marchandises en cause telles qu’importées, ainsi que les marchandises en cause à deux stades différents d’assemblage.
  2. Sur demande conjointe des parties, le Tribunal a décidé, le 23 février 2016, de procéder par audience sur pièces. Les parties ont ensuite déposé un exposé conjoint des faits, et des observations et des documents additionnels selon les procédures établies par le Tribunal.
  3. L’audience sur pièces a eu lieu le 22 avril 2016 à Ottawa (Ontario).

POSITION DES PARTIES

Sistemalux

  1. Sistemalux soutient que les marchandises en cause sont exclues des conclusions en vertu de l’exclusion pour les dissipateurs de chaleur importés sous le numéro tarifaire 8473.30.90 et ayant un poids d’au plus 700 g.
  2. Sistemalux soutient que le classement tarifaire correct des marchandises en cause est dans le numéro tarifaire 8543.90.00. Malgré le fait que ce numéro tarifaire ne corresponde pas à celui identifié dans l’exclusion, Sistemalux soutient que les marchandises en cause sont exclues eu égard au paragraphe 371 des motifs du Tribunal dans Extrusions. Elle s’appuie également sur la documentation déposée par un autre importateur à l’appui des demandes d’exclusion dont il est question au paragraphe 371 des motifs; elle fait valoir que, malgré le fait que ces demandes réfèrent aussi au numéro tarifaire 8473.30.90, celui-ci est inapproprié, et les marchandises décrites dans les demandes d’exclusion sont similaires aux marchandises en cause.
  3. Sistemalux prétend en effet que pour les fins de l’exclusion pertinente, le classement des marchandises dans le numéro tarifaire 8473.30.90 n’est pas déterminant. Elle soumet de plus que les producteurs nationaux d’extrusions d’aluminium ne sont pas en mesure de fabriquer des produits du même type que les marchandises en cause.

ASFC

  1. L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont de la même description que les marchandises visées par les conclusions. De plus, elles ne correspondent à aucune des exclusions spécifiques.
  2. En particulier, l’ASFC soutient que les marchandises en cause ne répondent pas à toutes les caractéristiques de l’exclusion pour « dissipateurs de chaleur importés sous le numéro tarifaire 8473.30.90 et ayant un poids d’au plus 700 g », puisqu’elles n’ont pas été importées sous le numéro tarifaire 8473.30.90.
  3. Selon l’ASFC, les marchandises en cause ne remplissent tout simplement pas un des critères de l’exclusion invoquée. À cet égard, l’ASFC souligne qu’une demande d’exclusion n’équivaut pas à une exclusion accordée par le Tribunal. Par conséquent, l’alléguée ressemblance des marchandises en cause à des marchandises décrites dans certaines demandes d’exclusion présentées lors de l’enquête dans Extrusions n’est pas pertinente pour les fins du présent appel.
  4. L’ASFC souligne aussi que des conclusions s’interprètent en fonction du sens courant des mots qui y sont utilisés et que le Tribunal a indiqué qu’il ne regarderait au-delà des conclusions que si celles-ci sont ambiguës, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. L’ASFC rappelle finalement que le Tribunal n’a pas compétence dans le cadre d’un appel en vertu de l’article 61 de la LMSI pour modifier la portée de ses conclusions et que dans la mesure où Sistemalux désire obtenir une nouvelle exclusion, elle devrait le faire dans le cadre d’un réexamen intérimaire en vertu de l’article 76.01.

ANALYSE

  1. Conformément au paragraphe 3(1) de la LMSI, les droits antidumping ou compensateurs s’appliquent aux marchandises de même description que les marchandises à l’égard desquelles le Tribunal a rendu des conclusions de dommage.
  2. Ainsi, dans le cadre d’un appel interjeté aux termes de l’article 61 de la LMSI où l’applicabilité des droits aux marchandises importées est en cause, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont de même description que les marchandises décrites dans les conclusions. Similairement, lorsque la question en litige consiste à déterminer si les marchandises importées sont exclues des conclusions, la question pertinente est celle de savoir si les marchandises sont de même description que les marchandises exclues[9].
  3. Le point de départ dans cette analyse est le sens courant du libellé des conclusions ou de l’exclusion sous examen. À cet égard, il est bien établi que, si et seulement s’il existe des ambiguïtés dans la formulation de conclusions ou d’une exclusion, l’exposé des motifs ou d’autres documents du dossier administratif pertinents pourront être consultés afin d’en éclairer le sens. La première étape d’un tel exercice demeure de déterminer s’il existe des ambiguïtés quelconques dans la formulation des conclusions ou de l’exclusion donnée[10].
  4. De plus, il convient de souligner que dans le cadre d’un appel en vertu de l’article 61 de la LMSI, la tâche du Tribunal consiste à établir le sens voulu des conclusions et leur application dans les faits. Dans ce contexte, le Tribunal n’a pas compétence pour modifier les conclusions ou une exclusion particulière[11].
  5. En l’espèce, le Tribunal constate que l’exclusion invoquée par Sistemalux vise les marchandises qui répondent à trois critères. Les marchandises doivent 1) être des dissipateurs de chaleur 2) être importées sous le numéro tarifaire 8473.30.90 et 3) avoir un poids d’au plus 700 g.
  6. Cette exclusion ne souffre d’aucune ambigüité. En effet, Sistemalux n’a pas allégué que l’exclusion était ambiguë.
  7. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les motifs du Tribunal ou les éléments de preuve au dossier de l’enquête du Tribunal dans Extrusions. Tel qu’expliqué plus haut, de tels documents servent à clarifier une ambiguïté constatée dans les conclusions. Ils ne servent pas à créer une ambigüité là où il n’en existe pas, ni à remettre en question la portée de l’exclusion spécifiée clairement par le Tribunal.
  8. En l’occurrence, les parties sont d’accord que les marchandises en cause n’ont pas été importées sous le numéro tarifaire 8473.30.90. De plus, Sistemalux ne prétend pas que les marchandises en cause auraient dû être importées sous le numéro tarifaire 8473.30.90.
  9. Par conséquent, puisque les marchandises en cause ne remplissent pas un critère de l’exclusion pertinente, elles ne sont pas de la même description que les marchandises exclues. Les marchandises en cause sont de la même description que les marchandises visées par les conclusions.

DÉCISION

  1. L’appel est rejeté.
 

[1].      L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

[2].      Pièce EA-2015-003-04 au par. 9, vol. 1; pièce EA-2015-003-13 au par. 11, vol. 1B.

[3].      Pièce EA-2015-003-04 au par. 11, vol. 1.

[4].      Ibid. au par. 10.

[5].      Les marchandises en cause ont ensuite été reclassées dans le numéro tarifaire 8543.90.00.

[6].      L.C. 1997, ch. 36.

[7].      Extrusions d’aluminium (17 mars 2009), NQ-2008-003 (TCCE) [Extrusions]. Dans ses conclusions, rendues aux termes du paragraphe 43(1) de la LMSI, le Tribunal a déterminé que le dumping et le subventionnement des marchandises décrites avaient causé un dommage à la branche de production nationale. Les conclusions dans Extrusions ont été prorogées conformément à l’alinéa 76.03(12)b) de la LMSI par ordonnance du Tribunal rendue le 17 mars 2014 à la suite du réexamen relatif à l’expiration no RR-2013-003. Sauf indication contraire, toutes les références dans les présents motifs sont à l’enquête no NQ-2008-003.

[8].      Pièce EA-2015-003-04 aux par. 3, 13, vol. 1; pièce EA-2015-003-21, vol. 1B; pièce EA-2015-003-10, vol. 1B.

[9].      Robertson Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (25 janvier 2016), EA-2014-002 et EA-2014-003 (TCCE) [Robertson] aux par. 19-20; Ideal Roofing Company Limited et Havelock Metal Products Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 juillet 2014), AP-2013-008 et AP-2013-009 (TCCE) [Ideal Roofing] au par. 21; Powers Industries Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (22 avril 2013), AP-2012-010 (TCCE) [Powers] au par. 25.

[10].    Robertson au par. 21; Salzgitter Mannesmann International (Canada) Inc. et Varsteel Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (25 septembre 2013), AP-2012-047 et AP-2012-048 (CITT) aux par. 13-15; Powers aux par. 23-25; Regal Ideas Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (27 mai 2013), AP-2012-025 (TCCE) aux par. 28-35; Colonial Élégance Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (11 septembre 2013), AP-2012-038 (TCCE) aux par. 15-16; Ideal Roofing aux par. 21-23; Sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise c. Trane Company of Canada, Ltd., [1982] 2 CF 194 (CAF) à la p. 206.

[11].    Robertson au par. 21; Aluminart Products Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (19 avril 2012), AP-2011-027 (TCCE) au par. 9; Levolor Home Fashions Canada c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (22 mai 2012), AP-2011-015 (TCCE) au par. 17; DeVilbiss (Canada) Ltd. c. Tribunal antidumping, [1983] 1 CF 706; MAAX Bath Inc. c. Almag Aluminum Inc., 2010 CAF 62 (CanLII) au par. 35.