MARMEN ÉNERGIE ET AND MARMEN INC.

MARMEN ÉNERGIE INC. ET MARMEN INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appels nos AP-2011-057R et AP‑2011-058R

Décision et motifs rendus
le jeudi 7 juillet 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À des appels entendus le 23 août 2012 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par la Cour d’appel fédérale le 7 mai 2014 infirmant la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur rendue dans les appels nos AP-2011-057 et AP-2011-058 le 14 décembre 2012 et renvoyant l’affaire devant le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

MARMEN ÉNERGIE INC. ET MARMEN INC. Appelantes

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

Les appels sont rejetés.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 7 juillet 2015

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Eric Wildhaber
Jidé Afolabi
Courtney Fitzpatrick

Superviseur du greffe : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

Appelantes

Conseiller/représentant

Marmen Énergie Inc. et Marmen Inc.

Michael Kaylor

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Lune Arpin

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. La présente affaire fait suite à un jugement de la Cour d’appel fédérale (la Cour), rendu le 7 mai 2014[1], renvoyant l’affaire Marmen Énergie Inc. et Marmen Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[2] devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal).
  2. Dans Marmen CAF, la Cour a conclu ce qui suit :

[5] Comme le font remarquer les appelantes, on ne saurait conclure avec certitude que, selon le numéro tarifaire 9903.00.00, toutes les marchandises hôtes doivent être liées à l’agriculture, à l’horticulture ou à l’agroalimentaire. En effet, l’adjonction en l’an 2000 des termes « Machines à remplir les bouteilles, devant être utilisées dans l’industrie des boissons » au numéro tarifaire 9903.00.00 indique à première vue que toutes les marchandises énumérées n’ont pas à être liées à l’agriculture, à l’horticulture ou à l’agroalimentaire. Dans ses motifs détaillés, le TCCE ne traite pas de cette description.

[6] En l’absence d’une explication, une décision fondée sur la prémisse que toutes les marchandises hôtes se limitent à une utilisation agricole, contrairement à la description susmentionnée, ne peut réussir à un examen selon le critère du caractère raisonnable.

[7] L’appel sera donc accueilli, la décision du TCCE sera infirmée et l’affaire sera renvoyée au Tribunal pour qu’il rende une nouvelle décision fondée sur une analyse qui tient compte de l’ajout des termes « Machines à remplir les bouteilles, devant être utilisées dans l’industrie des boissons » au numéro tarifaire 9903.00.00.

[Nos italiques]

  1. Suite à la décision de la Cour, Marmen Énergie Inc. et Marmen Inc. (Marmen) ont écrit au Tribunal le 12 mai 2014 lui demandant la possibilité de produire des soumissions écrites. Le Tribunal a accueilli cette demande et a accordé la même possibilité au président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Marmen a déposé ses soumissions le 9 juillet 2014. L’ASFC a déposé les siennes le 14 août.
  2. Le 18 août 2014, Marmen a demandé a ce qu’elle puisse produire des soumissions en réponse à celles de l’ASFC. L’ASFC a consenti à la demande de Marmen, et le Tribunal a accueilli la demande. Le 7 octobre 2014, Marmen a déposé ces soumissions.
  3. Le Tribunal a tenu une audioconférence avec les conseillers juridiques des parties le 9 mars 2015 et les a avisés qu’une audience publique aurait lieu. Le Tribunal a indiqué que l’audience aurait pour objectif d’entendre leurs arguments ayant trait à l’historique législatif du numéro tarifaire 9903.00.00. Le Tribunal a invité les parties à déposer des soumissions portant expressément sur cette question avant la tenue de l’audience. Marmen a déposé ses soumissions le 2 avril 2015 et l’ASFC le 29 mai 2015.
  4. Le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario) le 7 juillet 2015.
  5. Le 13 octobre 2015, le Tribunal a demandé à Marmen de déposer une copie complète des modifications apportées au Tarif des douanes en vertu d’un décret en conseil intitulé Arrêté de modifications technique (Tarif des douanes) 2000-4[3](ci-après Arrêté). Marmen n’avait inclus qu’un extrait incomplet dudit Arrêté dans ses soumissions déposées le 2 avril 2015. Le Tribunal a aussi donné la possibilité aux parties de déposer simultanément des commentaires sur le contenu de l’Arrêté. Marmen a déposé ses commentaires le 13 octobre 2015. L’ASFC a informé le Tribunal le 15 octobre 2015 qu’elle ne déposerait pas de commentaires. Le Tribunal a clos le dossier en date du 22 octobre 2015.

LITIGE

  1. Les marchandises en cause comprennent divers articles utilisés dans la fabrication de structures, à savoir des tours. Tel qu’il sera expliqué ci-dessous, ces tours servent de support ou de base à des groupes électrogènes à énergie éolienne.
  2. Marmen soutient que ces articles importés peuvent bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9903.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes[4] à titre d’articles et de matériaux qui entrent dans le coût de fabrication ou de réparation de windmills (version anglaise). Marmen axe au moins une partie de sa position sur le fait que, dans le numéro tarifaire 9903.00.00, le terme « windmills » est rendu en français par le terme « éoliennes »; Marmen soutient que le sens du terme « éoliennes » est large et devrait inclure de grands appareils de production d’énergie tels que ceux qu’elle fabrique.
  3. L’ASFC soutient que les marchandises en cause ne peuvent bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9903.00.00 compte tenu qu’elles n’ont pas trait à des windmills et, d’emblée, qu’il ne s’agit pas d’articles et de matériaux qui entrent dans le coût de fabrication ou de réparation d’articles utilisés dans des groupes électrogènes pour usage dans la ferme à des fins agricoles seulement.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Tel que le lui a ordonné la Cour, le Tribunal a statué à nouveau sur l’affaire en tenant compte dans son analyse de l’ajout des termes « machines à remplir les bouteilles devant être utilisées dans l’industrie des boissons » dans le numéro tarifaire 9903.00.00, conformément à l’article 27 de l’Arrêté[5].
  2. Après un examen minutieux de l’ensemble des éléments de preuve déposés par les parties et de leurs observations, le Tribunal conclut qu’il se peut que les termes « machines à remplir les bouteilles devant être utilisées dans l’industrie des boissons » du numéro tarifaire 9903.00.00 n’aient pas exclusivement trait au domaine agricol, à l’agriculture, à l’horticulture ou à l’industrie agro-alimentaire; l’industrie des boissons à certainement un lien avec l’agriculture et l’agro-alimentaire mais il semble que ce lien ne soit pas exclusivement limité à ces secteurs.
  3. Tel qu’il en sera question ci-dessous, le Tribunal conclut néanmoins que l’inclusion des termes « machines à remplir les bouteilles devant être utilisées dans l’industrie des boissons » dans le numéro tarifaire 9903.00.00 n’altère pas la nature de ce numéro tarifaire au point de permettre une interprétation si large qui inclurait des marchandises telles que des groupes électrogènes à énergie éolienne, qui, selon les témoins qui ont comparu à l’audience dans le cadre de Marmen TCCE et d’autres éléments de preuve soutenues au dossier, relèvent du secteur de l’énergie. Le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune assise en matière de politiques ou sur le plan linguistique pouvant soutenir la position de Marmen, sans se prêter à des contorsions tant sur le plan factuel que législatif. Plus fondamentalement, un groupe électrogène à énergie éolienne n’est pas un windmill au sens de l’annexe du Tarif des douanes.

Machines à remplir les bouteilles devant être utilisées dans l’industrie des boissons

  1. Les termes « machines à remplir les bouteilles devant être utilisées dans l’industrie des boissons » ont été ajoutés au numéro tarifaire 9903.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes en vertu de l’Arrêté en 2001[6]. L’ASFC soutient que les marchandises hôtes énumérées dans le numéro tarifaire 9903.00.00 sont « généralement liées/associées au domaine agricol, à l’agriculture, à l’horticulture ou à l’industrie agro‑alimentaire »[7] [soulignement dans l’original, traduction], mais reconnaît que les « machines à remplir les bouteilles devant être utilisées dans l’industrie des boissons » « n’ont pas exclusivement trait au domaine agricol, à l’agriculture, à l’horticulture ou à l’industrie agro-alimentaire »[8] [traduction]. L’ASFC a déposé des éléments de preuve convaincants en ce qui concerne l’importance des boissons de fruits et de légumes dans le secteur agro-alimentaire, mais reconnaît que les termes de l’annexe du Tarif des douanes dont il est question peuvent ne pas être réservés exclusivement à ce secteur[9].
  2. D’après les éléments de preuve au dossier, le Tribunal comprend que l’industrie des boissons a d’importants points d’intersection avec l’agro-alimentaire et qu’elle joue un rôle important dans ce domaine; toutefois, il est également clair que ce n’est pas toute l’industrie des boissons qui est exclusivement et nécessairement liée à l’agro-alimentaire en soi. À ce titre, les éléments de preuve n’établissent pas de façon concluante que toutes les « machines à remplir les bouteilles devant être utilisées dans l’industrie des boissons » opèrent exclusivement dans le secteur agro-alimentaire; toutefois, il demeure qu’une portion importante de ces machines sont certainement utilisée par ce secteur. À ce titre, le Tribunal aurait eu avantage à expliquer et possiblement nuancer sa conclusion dans Marmen TCCE selon laquelle « chacune des marchandises “hôtes” [du numéro tarifaire 9903.00.00] se rapporte d’une certaine manière à l’agriculture, à l’horticulture ou à l’agroentreprise »[10].
  3. Dans ces circonstances, Marmen invite aujourd’hui le Tribunal à affirmer que l’ajout des termes « machines à remplir les bouteilles devant être utilisées dans l’industrie des boissons » élargissent d’une certaine manière la portée du numéro tarifaire 9903.00.00 de quelque manière à ce que celle-ci ne comprennent plus uniquement l’agriculture ou l’industrie agro-alimentaire et ainsi à ce qu’elle permettent dorénavant l’inclusion de groupes électrogènes à énergie éolienne du genre utilisé dans le secteur de l’énergie.
  4. Le Tribunal conclut que la simple référence à « l’industrie des boissons », un secteur qui a clairement et fondamentalement des liens avec l’agriculture et l’agro-alimentaire, n’altère pas la nature du numéro tarifaire 9903.00.00 lorsqu’il est interprété dans son ensemble et en son contexte. Marmen tente de solliciter le texte pour lui faire dire quelque chose qu’il ne dit tout simplement pas.
  5. Ce numéro tarifaire vise à accorder un allègement tarifaire à certaines marchandises qui sont manifestement utilisées dans les secteurs agricoles, de l’agriculture, de l’horticulture ou de l’industrie agro‑alimentaire, ainsi qu’à des machines utilisées dans un secteur particulier, à savoir celui de l’industrie des boissons, qui a des liens évidents avec l’agriculture et l’agro-alimentaire, bien qu’il puisse aussi en avoir avec d’autres secteurs. Marmen n’a pas démontré soit par l’ajout des termes en question, ou par tout autre moyen, l’élaboration d’une politique quelconque visant à inclure dans ce numéro tarifaire des marchandises totalement différentes, telles que ces marchandises du secteur de la production d’énergie par exemple[11]. L’annexe du Tarif des douanes n’opère pas dans un vide contextuel – ce n’est pas un terrain de jeu linguistique non plus. Il s’agit plutôt de l’expression de l’intention du Canada sur la façon dont il entend taxer, ou non, certaines marchandises entrant au pays.
  6. Marmen poursuit son argumentation en soutenant que, si l’industrie des boissons n’est pas entièrement contenu dans le secteur de l’agro-alimentaire, il s’ensuit nécessairement, selon sa propre logique, que cette industrie pourrait également comprendre des marchandises d’un autre secteur, notamment celui de l’énergie. Ainsi, Marmen avance qu’on doit donner au terme « éolienne » un sens plus large que celui plus restreint du terme « windmill » figurant dans le numéro tarifaire[12]. Le Tribunal n’est pas d’accord.
  7. Le Tribunal ne connaît aucune règle d’interprétation pouvant justifier d’élargir le sens d’un terme (ici « windmill ») en raison de l’utilisation dans l’autre langue officielle d’un terme qui peut sembler avoir un sens plus large dans son usage familier (ici « éolienne »), mais qui peut aussi être interprété comme ayant le même sens lorsque l’annexe du Tarif des douanes et les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[13] sont interprétées conjointement[14].
  8. Le terme « moulins à vent » a été remplacé par le terme « éoliennes » en 1987. Ce changement a été apporté au numéro tarifaire 8412.80.20 tel qu’il était formulé à ce moment-là[15]. Ce numéro tarifaire avait trait aux « windmills » tels que décrits dans les Notes explicatives. Aucun élément de preuve n’a été déposé concernant les raisons qui ont pu motiver ce changement. De façon similaire, Marmen n’a pu fournir aucune preuve que l’intention de ce changement était de permettre l’entrée au Canada en franchise de droits de grands appareils de production d’énergie électrique pour des parcs éoliens. Si tel avait été le cas, le Tribunal est convaincu que d’amples éléments auraient été disponibles à cet effet. Puisqu’aucune preuve de cette nature n’existe, le Tribunal interprète le fait que le terme français ait été changé et que le terme anglais « windmills » ait été conservé comme n’étant qu’un choix rédactionnel sans conséquence aucune. Il semble s’agir plutôt d’une harmonisation linguistique plutôt que d’une déconstruction implicite de la structure de l’annexe du Tarif des douanes.
  9. En l’espèce, Marmen a joué les dons quichottes en s’attaquant au terme « windmills » qui figure dans l’annexe du Tarif des douanes, armée d’une lance linguistique. Au bout du compte, cette lance s’est avérée n’être qu’un brin de paille. Dans Marmen TCCE, le Tribunal a pris en considération ces arguments linguistiques comme moyen de statuer sur ces appels, peut-être à tort, puisque cette manière de procéder a pu prêter inutilement à confusion[16]; en rétrospective, il s’agit sans doute d’un cas où le Tribunal n’aurait pas dû être l’esclave de la façon dont une partie avait choisi de plaider sa cause[17]. Si on en revient à l’essentiel, il appert que cette question peut être résolue beaucoup plus simplement et fondamentalement de la façon exposée ci-dessous.

Un groupe électrogène à énergie éolienne n’est pas un « windmill »

  1. En faisant reposer sa position en l’espèce sur les arguments linguistiques mentionnés ci-dessus, Marmen a essentiellement choisi d’ignorer presque entièrement les observations détaillées de l’ASFC selon lesquelles les groupes électrogènes à énergie éolienne ne sont pas des « windmills », les premiers étant classés dans la position no 85.02 et les deuxièmes dans la position no 84.12[18]. Ici, la position de l’ASFC est correcte et permet de trancher les appels.
  2. Les notes explicatives de la position no 84.12 indiquent que les « windmills » sont des « aéromoteurs » ou des « turbines éoliennes » ou encore des « moteurs à vent ou éoliens » (les trois termes décrivent des marchandises du même genre). Elles sont toutes des « engins moteurs [...] qui transforment directement en énergie mécanique l’action du vent sur une hélice ou une roue ailetée [...] ». De tels dispositifs ne contiennent pas de groupes électrogènes mais peuvent être utilisés pour les actionner. Cette distinction est fondamentale parce que lorsque l’on couple un « windmill » ou une « turbine éolienne » à un « groupe électrogène » (c’est-à-dire que l’élément mû par le vent actionne un groupe électrogène), le « windmill » n’en n’est plus un et devient plutôt un « groupe électrogène » « à énergie éolienne ».
  3. Les notes explicatives de la position no 84.12 indiquent clairement que, lorsqu’un « windmill » est couplé à un groupe électrogène, la marchandise qui en résulte est expressément exclue de la position no 84.12 : « Les hélices et roues éoliennes formant corps avec une génératrice électrique relèvent du no 85.02 [...] » [nos italiques].
  4. Aux fins du classement tarifaire, lorsqu’un « windmill » est couplé de cette façon à une génératrice électrique, il ne s’agit plus d’un « windmill » de la position no 84.14; il devient plutôt un groupe électrogène de la position no 85.02, et plus particulièrement à énergie éolienne (numéro tarifaire 8502.31.00).
  5. En effet, les « groupes électrogènes » « à énergie éolienne » de la sous-position no 8502.31 consistent en « la combinaison d’une génératrice électrique et d’une machine motrice » telle qu’un « moteur à vent ou éolien » ou un « windmill »[19]. Par conséquent, tous les « groupes électrogènes », grands ou petits, relèvent de la position no 85.02, allant des « petites génératrices extérieures d’avions, dites moulinets », jusqu’à de grands appareils actionnés par le vent du type que Marmen équipe.
  6. Les pièces que Marmen importe équipent les tours qui supportent les « groupes électrogènes » « à énergie éolienne » de la sous-position no 8502.31. Qu’on se réfère familièrement à ces marchandises en tant que « turbines éoliennes », « windmills » ou « éoliennes » est vraiment sans importance aucune aux fins du classement tarifaire parce que l’annexe du Tarif des douanes limite expressément le sens des termes utilisés à celui donné dans les notes explicatives de la position no 84.12. Par conséquent, dès que ce qui est couramment appelé une « turbine éolienne », un « windmill » ou une « éolienne » correspond à la description énoncée dans la sous-position no 8502.31, la marchandise est classée dans cette position[20].
  7. Comme son nom l’indique, le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises vise à ce que les marchandises soient classées d’après leur « description ». Le Tribunal respecte ces descriptions, d’abord et avant tout parce qu’elles font autorité et qu’elles priment sur le langage courant, qui peut varier non seulement d’une langue à une autre mais aussi d’une région de la planète à une autre.
  8. Aux fins du classement tarifaire, le Tribunal conclut qu’une « éolienne » est un « windmill » relevant de la position no 84.12[21]. Ce que Marmen soutient être une « éolienne » n’est pas du tout un « windmill » : lorsque le Tribunal compare les caractéristiques de la marchandise que Marmen soutient être une éolienne avec les termes contenus dans de l’annexe du Tarif des douanes, le Tribunal conclut que la marchandise est correctement décrite comme un « groupe électrogène » « à énergie éolienne » de la sous‑position no 8502.31 et que, par conséquent, elle doit être classée dans cette sous-position[22].
  9. Parce que les marchandises en cause sont des pièces destinées à des « groupes électrogènes » « à énergie éolienne » de la sous-position no 8502.31 et non à des « windmills » de la position no 84.12, elles ne peuvent bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9903.00.00. Les articles et les matériaux qui entrent dans le coût de fabrication ou de réparation de groupes électrogènes pour usage dans la ferme à des fins agricoles seulement, qu’ils soient ou non à énergie éolienne, pourraient bénéficier de la franchise de droits conférée par le numéro tarifaire 9903.00.00. Marmen reconnaît que les tours auxquelles ses pièces sont destinées servent de support ou de base à des marchandises qui ne sont pas pour usage dans la ferme, et encore moins à des fins agricoles. Par conséquent, Marmen ne peut bénéficier des avantages du numéro tarifaire 9903.00.00.

DÉCISION

  1. Les appels sont rejetés.
 

[1].      Marmen Énergie Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2014 CAF 118 (CanLII) [Marmen CAF].

[2].      (14 décembre 2012), AP-2011-057 et AP-2011-058 (TCCE) [Marmen TCCE].

[3].      D.O.R.S./2001-31 [Arrêté].

[4].      L.C. 1997, ch. 36.

[5].      Le Tribunal fait remarquer que, bien que l’Arrêté ait été promulgué en 2001, l’article 6 de l’Arrêté stipule qu’il devait entrer en vigueur le 1er janvier 1998.

[6].      Voir note 5.

[7].      Pièce AP-2011-057R-10A au par. 17, vol. 1.

[8].      Ibid. au par. 20.

[9].      Pièce AP-2011-057R-23A, onglets 5, 6, vol. 1B.

[10].    Marmen CITT au par. 96.

[11].    Cette industrie est dépourvue de tout lien avec l’élevage, l’agriculture, l’horticulture ou l’agro-industrie, tandis que l’industrie des boissons a des liens importants avec l’agro-industrie, si ce n’est qu’elle fasse entièrement partie de ce secteur.

[12].    Le Tribunal a déjà déterminé ce qui différencie les marchandises utilisées dans le secteur agricole de celles utilisées dans le secteur de la production d’énergie et a conclu qu’il s’agissait de produits distincts. Marmen TCCE aux par. 65, 73.

[13].    Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[14].    Voir note 19.

[15].    Pièce AP-2011-057R-10A aux par. 65-66, vol. 1.

[16].    Le Tribunal a aussi été victime de cette confusion. Dans Marmen TCCE, le Tribunal n’a pas toujours été clair en ce qui concerne son utilisation de certains termes dans leur sens familier ou dans le sens que leur donne l’annexe du Tarif des douanes ou les Notes explicatives. Par exemple, les appareils de production d’énergie électrique pour parc éolien sont parfois appelés « turbines éoliennes »; ce terme a cependant une définition précise dans les notes explicatives de la position no 84.12. Le Tribunal trouve malencontreux que les conseillers juridiques n’aient pas fait d’efforts pour aider le Tribunal à démêler cette incohérence en l’espèce. Par exemple, l’appareil illustré dans le premier diagramme qui figure dans l’annexe est incorrectement appelé une « turbine éolienne »; il s’agit en fait d’un « groupe électrogène à énergie éolienne » parce que « turbine éolienne », selon les Notes explicatives, est synonyme de « windmill ». Le Tribunal n’avait pas l’intention de décrire deux marchandises différentes de la même manière. Toutefois, c’est ce que le Tribunal a fait par inadvertance en qualifiant l’appareil du deuxième diagramme de « windmill ». La même erreur a été commise dans la version française de l’annexe en qualifiant l’appareil de « moteur éolien ». Dans Marmen TCCE, le Tribunal a clairement affirmé qu’il s’agissait d’appareils distincts.

[17].    Le conseiller juridique de l’ASFC a aussi été confondu par les arguments de Marmen; une façon plus simple d’aborder la question aurait d’avantage aidé le Tribunal à résoudre le problème.

[18].    Pièce AP-2011-057R-10A aux par. 22-50, vol. 1.

[19].    Précisons de nouveau que, aux fins du classement tarifaire, un « moteur à vent » est un « windmill » et aussi une « turbine éolienne » (les trois termes étant des synonymes selon les notes explicatives).

[20].    Une décision du gouvernement des États-Unis a classé de la même manière des turbines électrogènes pour parc éolien. Voir RE: NY E82319 Revoked; Steel towers for wind-driven turbine electric generator (25 septembre 2001), HQ 964757. Cette décision a été versée au dossier de l’espèce pour en faciliter la consultation.

[21].    Les termes « windmills » et « éoliennes » ne figurent plus dans la position no 84.14. Cependant, comme le souligne l’ASFC, ces termes figuraient dans le numéro tarifaire 8412.80.20 de 1987 (pièce AP-2011-057R-10A aux par. 66-71, vol. 1). Tel qu’indiqué ci-dessus, antérieurement, l’équivalent français de « windmills » était « moulins à vent »; le Tribunal interprète le terme « éoliennes » comme n’étant qu’une mise à jour du terme « moulins à vent » – le terme français qui était utilisé comme équivalent de « windmills » avant l’adoption du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises en 1987 et de la réorganisation globale du Tarif des douanes et de l’annexe à ce moment-là (L.C. 1987, ch. 49). Fait important, cela s’est produit à un moment où le Tribunal doute même qu’il existait une industrie de production d’énergie électrique éolienne. De l’avis du Tribunal, cela ne justifie pas d’accepter le sens familier des termes, qui sont sans rapport, que Marmen voudrait donner au terme « éoliennes ». De toute façon, un « groupe électrogène » « à énergie éolienne » de la sous‑position no 8502.31 n’est pas une « éolienne » en dehors de son sens familier. Lorsque le sens avéré du terme « windmills » est mis en opposition avec le sens supposé du terme « éoliennes », le Tribunal conclut que, si l’intention du législateur avait été celle que suggère Marmen, il ne s’en serait pas remis à une expression familière; le libellé de l’annexe du Tarif des douanes aurait plutôt été celui énoncé ci-dessous. La position de Marmen n’est pas tenable parce que l’annexe du Tarif des douanes ne peut être interprétée de cette façon. En l’absence de toute indication voulant que la franchise de droits soit étendue aux groupes électrogènes à énergie éolienne, la position de Marmen ne peut porter fruit en s’appuyant uniquement sur des arguments linguistiques : il n’y a simplement aucune raison plausible d’appréhender le terme « éoliennes » qui figure dans le numéro tarifaire 9903.00.00 autrement que s’il s’agit d’une mise à jour du terme « windmills ». À ce titre, le Tribunal est convaincu que le législateur avait l’intention de donner au terme « éoliennes » le sens de « windmills » et que, par conséquent, les deux termes ont le même sens que celui de « windmills » dans la version anglaise des Notes explicatives.

[22].    Le numéro tarifaire 9903.00.00 n’est pas libellé de la façon suivante : « windmills de la position no 84.12 et groupes électrogènes à énergie éolienne de la sous-position no 8502.31 ».