TOYS“R”US (CANADA) LTD.

TOYS“R”US (CANADA) LTD.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Appel no AP-2015-024

Décision et motifs rendus
le vendredi 22 juillet 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 mai 2016 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À deux décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 2 septembre 2015 concernant une demande de révision, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes, et une demande de révision d’une décision anticipée en matière de classement tarifaire, aux termes de l’alinéa 60(4)b).

ENTRE

TOYS“R”US (CANADA) LTD. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 26 mai 2016

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Elysia Van Zeyl

Superviseur du greffe : Haley Raynor

Agent de soutien du greffe : Sara Pelletier

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Toys“R”Us (Canada) Ltd.

Michael Sherbo
Andrew Simkins

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Mary Roberts

TÉMOIN :

Marc Bourdages
Directeur technique
Brookfield Global Integrated Solutions

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ

  1. Le présent appel est interjeté par Toys“R”Us (Canada) Ltd. auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] à l’encontre d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 2 septembre 2015.
  2. Le litige concerne le classement tarifaire de barrières de sécurité Safeway® à fixer au mur (les marchandises en cause). Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7326.90.90 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres ouvrages en fer ou en acier, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 7308.90.00 à titre d’autres constructions et parties de constructions en fonte, en fer ou en acier, comme le soutient Toys“R”Us.

MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont fabriquées de tubes métalliques, sont adaptables à des ouvertures de 24,75 pouces à 43,50 pouces et sont utilisées pour empêcher qu’un enfant ait accès à un escalier ou à une pièce afin de prévenir qu’il tombe ou se fasse mal d’une autre façon. Les marchandises en cause se fixent à la balustrade ou au mur au haut d’un escalier, mais peuvent aussi être utilisées dans l’embrasure d’une porte ou dans un couloir. Un des côtés est muni de charnières permettant d’ouvrir la barrière au besoin. Les marchandises en cause sont importées prêtes à monter, et la quincaillerie à cette fin est incluse. Elles sont dotées d’un déclenchement rapide qui permet d’enlever la barrière tout en laissant les fixations en place.
  2. Toys“R”Us a déposé comme pièce la quincaillerie servant à monter les marchandises en cause (pièce A-01).

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Toys“R”Us a fait à l’ASFC trois demandes de révision du classement tarifaire des marchandises en cause datées du 13 novembre 2014, du 8 décembre 2014 et du 4 février 2015.
  2. Le 25 mai 2015, l’ASFC a rendu une décision préliminaire ayant trait aux trois demandes, dans laquelle les marchandises en cause ont été classées dans le numéro tarifaire 7326.90.90.
  3. Le 2 septembre 2015, l’ASFC a rendu une décision définitive, confirmant le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 7326.90.90.
  4. Le 27 novembre 2015, Toys“R”Us a interjeté le présent appel auprès du Tribunal, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

CADRE LÉGISLATIF

  1. Le classement tarifaire de marchandises est déterminé selon le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes[3]. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est divisée en sections et en chapitres, chaque chapitre contenant une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[4] et les Règles canadiennes[5] énoncées à l’annexe.
  3. Les règles 1 à 5 des Règles générales sont appliquées successivement. La règle 1 stipule que « le classement [est] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes ».
  4. En l’espèce, le classement ne peut être déterminé uniquement en vertu de la règle 1 des Règles générales parce que les marchandises en cause sont importées à l’état démonté ou non monté. Par conséquent, le Tribunal doit aussi tenir compte de la règle 2a), qui stipule que « [t]oute référence à un article dans une position déterminée couvre [...] l’article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions [de la présente règle], lorsqu’il est présenté à l’état démonté ou non monté ».
  5. Une fois que la position appropriée a été déterminée, la règle 6 des Règles générales stipule que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire des règles 1 à 5] [...] ».
  6. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[6] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[7]. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[8].
  7. Enfin, la règle 1 des Règles canadiennes stipule que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles générales [...] ».

DISPOSITIONS DE CLASSEMENT PERTINENTES

  1. Les parties sont d’accord que les marchandises en cause relèvent du chapitre 73, qui s’intitule comme suit :

SECTION XV

MÉTAUX COMMUNS ET OUVRAGES EN CES MÉTAUX

Chapitre 73

OUVRAGES EN FONTE, FER OU ACIER

  1. Le litige concerne le classement au niveau de la position. Toys“R”Us soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 73.08, qui stipule ce qui suit :

73.08 Constructions et parties de constructions (ponts et éléments de ponts, portes d’écluses, tours, pylônes, piliers, colonnes, charpentes, toitures, portes et fenêtres et leurs cadres, chambranles et seuils, rideaux de fermeture, balustrades, par exemple), en fonte, fer ou acier, à l’exception des constructions préfabriquées du no 94.06; tôles, barres, profilés, tubes et similaires, en fonte, fer ou acier, préparés en vue de leur utilisation dans la construction.

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position no 73.08 stipulent ce qui suit :

La présente position couvre essentiellement ce qu’il est convenu d’appeler les constructions métalliques, même incomplètes, et les parties de constructions. Les constructions au sens de la présente position sont caractérisées par le fait qu’une fois amenées à pied d’œuvre, elles restent en principe fixes. Ces produits sont généralement faits de tôles, de feuillards, de barres, de tubes, de profilés divers en fer ou en acier, ou d’éléments en fer forgé ou en fonte moulée, percés, ajustés ou assemblés avec des rivets ou des boulons, ou par soudure autogène ou électrique, parfois en association avec des articles repris ailleurs, tels que les toiles, treillis, tôles et bandes déployées du no 73.14. Sont également considérés comme parties d’une construction, les colliers et autres dispositifs spécialement conçus pour assembler les éléments de construction de forme tubulaire ou autre. Ces colliers et autres dispositifs sont généralement munis de renflements comportant des trous filetés dans lesquels sont introduites, au moment du montage, les vis de serrage servant à les fixer sur les éléments de construction.

Indépendamment des ouvrages énumérés dans le libellé même de la position, celle-ci comprend notamment :

Les chevalements d’extraction pour puits de mines; les étançons et étrésillons ajustables ou télescopiques, les étais tubulaires, les poutres extensibles de coffrage, les échafaudages tubulaires et matériel similaire; les estacades, jetées et môles d’avancement dans la mer; les superstructures de phares; les mâts, bastingages, écoutilles, etc. de navires; [les volets, les barrières,][9] les portes roulantes; les mâts de T.S.F.; les entourages de tombes; les clôtures de parterres, terrains de jeux et similaires; les châssis pour horticulteurs et fleuristes; les rayonnages de grandes dimensions destinés à être montés et fixés à demeure dans les magasins, ateliers, entrepôts et autres lieux de stockage de marchandises; les stalles et râteliers d’écuries, etc.; les glissières de sécurité pour les autoroutes, fabriquées à partir de tôles ou de profilés.

[Nos italiques]

  1. L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position n73.26, qui stipule ce qui suit :

73.26 Autres ouvrages en fer ou en acier.

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position no 73.26 stipulent ce qui suit :

Dans cette position sont englobés les ouvrages en fer ou en acier obtenus par forgeage ou estampage, par découpage ou emboutissage ou par d’autres ouvraisons telles que pliage, assemblage, soudure, tournage, fraisage ou perçage, non repris soit dans les positions précédentes du présent Chapitre, soit dans la Note 1 de la Section XV, soit dans les Chapitres 82 ou 83, soit enfin dans les autres parties de la Nomenclature.

POSITION DES PARTIES

Toys“R”Us

  1. Toys“R”Us soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 7308.90.00 à titre de constructions et parties de constructions, essentiellement parce que les notes explicatives de la position no 73.08 font expressément mention des « barrières ». Toys“R”Us fait valoir que les marchandises en cause sont vendues et commercialisées en tant que barrières et que, par conséquent, elles sont de fait considérées à juste titre comme des barrières. Toys“R”Us fait aussi référence à une définition du Oxford Dictionary, qui décrit le terme gate (barrière) comme un « hinged barrier used to close an opening in a wall, fence, or hedge »[10] (barrière comportant des charnières et servant à fermer un passage dans un mur, une clôture ou une haie). Selon Toys“R”Us, les parties conviennent que les marchandises en cause sont conçues pour être fixées au mur au moyen de la quincaillerie fournie à cet effet, afin de servir comme barrières.
  2. Toys“R”Us soutient que l’ASFC a commis des erreurs de fait et de droit en concluant que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 73.26. Selon Toys“R”Us, l’ASFC s’est méprise en soutenant que les marchandises doivent être installées de façon permanente pour être correctement classées dans la position no 73.08. Ce faisant, l’ASFC a, selon Toys“R”Us, fait intervenir une exigence de permanence qui ne figure nullement dans le libellé de la position ou des notes explicatives, ce qui n’est pas permis. Toys“R”Us est d’avis que le caractère permanent, lorsqu’il est exigé, est expressément mentionné dans les notes explicatives de la position no 73.08, par exemple « les rayonnages de grandes dimensions destinés à être montés et fixés à demeure dans les magasins ». Elle soutient en outre que le caractère permanent ne peut être exigé pour tous les articles mentionnés dans la position, étant donné que certains articles (par exemple les échafaudages), du fait de leur nature, sont sans contredit destinés à un usage temporaire. En outre, Toys“R”Us attire l’attention du Tribunal sur l’emploi de l’expression « en principe » dans les notes explicatives (« [l]es constructions au sens de la présente position  sont caractérisées par le fait qu’une fois amenées à pied d’œuvre, elles restent en principe fixes ») afin d’étayer davantage l’argument voulant que les marchandises ne doivent pas nécessairement être installées de façon permanente pour être classées dans la position no 73.08.
  3. De plus, Toys“R”Us soutient que même si le caractère permanent était une exigence, les marchandises en cause relèveraient tout de même de la position no 73.08 puisque les documents de commercialisation les présentent comme des produits destinés à être fixés de façon permanente.
  4. Toys“R”Us soutient également que l’ASFC a, de manière artificielle, restreint la portée de la position no 73.08 aux marchandises qui fournissent un « soutien », alors qu’une telle exigence n’est pas expressément mentionnée dans la position ni dans les notes explicatives, et qu’il y a d’autres marchandises énoncées dans la position qui ne sont pas conformes à une telle exigence (par exemple les rideaux de fermeture).

ASFC

  1. L’ASFC reconnaît que les barrières sont mentionnées dans les notes explicatives de la position no 73.08, ajoutant toutefois que toutes les barrières ne relèvent pas de la position no 73.08. En particulier, l’ASFC fait valoir que, pour être visée par la portée de la position, la barrière doit être soit une construction ou une partie de construction. Selon l’ASFC, les marchandises en cause ne sont ni des constructions ni des parties de construction.
  2. Pour étayer son argument selon lequel les marchandises en cause ne sont pas des constructions, l’ASFC prend appui sur plusieurs définitions données par les dictionnaires du terme « construction ». En général, ces définitions mentionnent les bâtiments et immeubles, ou des choses bâties ou construites. En outre, l’ASFC mentionne la décision du Tribunal dans Krueger International Canada Inc. c. Sous-M.R.N.[11] à l’appui de l’argument selon lequel les marchandises en cause ne sont pas des constructions parce qu’elles ne peuvent se supporter elles-mêmes et qu’elles ne supportent pas l’escalier ou le mur auquel elles sont fixées. En outre, l’ASFC prend appui sur la jurisprudence évoquant les caractéristiques habituelles des constructions, comme les grandes dimensions ou l’aspect imposant et un certain degré de permanence ou d’inamovibilité[12].
  3. Selon l’ASFC, non seulement les marchandises en cause ne sont pas considérées comme des constructions, mais elles ne sont pas correctement considérées comme des parties de construction. L’ASFC fait référence à la décision du Tribunal dans Les Industries et Équipements Laliberté Ltée c. Sous-M.R.N.[13], qui a établi selon elle trois critères permettant de déterminer si une marchandise est considérée comme une partie de construction aux termes de la position 73.08, à savoir 1) la marchandise est-elle intégrée à la construction? 2) la marchandise est-elle une partie nécessaire et intégrante de la construction? 3) les pratiques et usages commerciaux courants.
  4. L’ASFC est d’avis que les marchandises en cause ne remplissent pas les critères 2) et 3) susmentionnés. Selon elle, une barrière de sécurité pour enfants n’est ni une partie nécessaire ni une partie intégrante du mur ou de la balustrade auquel elle est fixée, sans compter que son inclusion n’est généralement pas envisagée au moment de la construction du mur, de l’escalier ou de la maison. De plus, il n’est pas courant en immobilier d’inclure une barrière de sécurité pour enfants au moment de la construction d’un mur ou d’un escalier. C’est plutôt le parent ou tuteur qui l’ajoute après la construction, quand des enfants sont présents.
  5. Ayant conclu que les marchandises en cause ne sont ni des constructions ni des parties de construction, l’ASFC fait valoir que la position no 73.26 convient, étant donné que les marchandises sont des « ouvrages » et qu’elles sont en acier.

ANALYSE

  1. Pour déterminer le classement tarifaire approprié des marchandises en cause, le Tribunal tient compte des règles 1 et 2(a) des Règles générales.
  2. Comme les deux parties l’ont souligné, la position no 73.26 est une position résiduelle. Le Tribunal convient donc qu’il doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 73.08. Le Tribunal se demandera si les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 73.26 que s’il est convaincu qu’elles ne sont pas correctement classées dans la position no 73.08.

Position no 73.08

  1. Bien que la position no 73.08 fasse mention de barrières, il est manifeste qu’il ne s’agit que d’un exemple de partie de construction. De l’avis du Tribunal, il ne suffit pas qu’une marchandise soit considérée comme une barrière pour qu’elle puisse être correctement classée dans cette position; il faut plutôt que cette barrière soit considérée comme une construction ou une partie de construction.
  2. Les notes explicatives de la position no 73.08 ne donnent pas de définition précise du mot « construction ». Comme le Tribunal l’a souligné dans Krueger, les notes explicatives donnent un point de départ pour comprendre le sens du terme « construction » (par exemple généralement faits de tôles, de feuillards, de barres, de tubes, de profilés, entre autres), et les définitions données par les dictionnaires sont utiles pour comprendre le sens courant et ordinaire du terme.
  3. Le Shorter Oxford English Dictionary définit le terme « structure » (construction) comme suit :

4 That which is built or constructed; a building or edifice of any kind, esp. of considerable size and imposing appearance. (ce qui est bâti ou construit; tout genre de bâtiment ou d’édifice, notamment de grandes dimensions et d’aspect imposant)[14]

  1. Le Dictionary of Architecture and Construction définit ce terme comme suit :

1. A combination of units constructed and so interconnected, in an organized way, as to provide rigidity between its elements. 2. Any edifice. (combinaison d’éléments construits et reliés les uns aux autres, d’une façon organisée, les rendant rigides; n’importe quel édifice)[15]

  1. Le Black’s Law Dictionary définit ce terme comme suit :

1. Any construction, production, or piece of work artificially built up or composed of parts purposefully joined together, <a building is a structure>. (toute construction, production ou ouvrage artificiellement érigé ou composé de pièces assemblées à dessein, <un bâtiment est une construction>)[16]

  1. Le Random House Unabridged Dictionary définit ce terme comme suit :

1. Mode of building, construction or organization; (mode de bâtiment, d’ouvrage ou d’organisation)

2. Something built or constructed, as a building, bridge or dgb am. (chose bâtie ou construite, comme un bâtiment, un pont ou un barrage)[17]

  1. Le Tribunal tient également compte de décisions antérieures qui indiquent le sens à donner au terme « construction ». La Cour suprême du Canada[18] s’est par le passé fondée sur un extrait de la décision rendue par le juge Denning dans l’affaire Cardiff Rating Authority v. Guest Keen Baldwin’s Iron & Steel Co. :

Une construction, c’est quelque chose qui est construit, mais les choses construites ne sont pas toutes des constructions. Par exemple, les navires sont construits, mais ce ne sont pas des constructions. Une construction, c’est une chose de grandes dimensions, construite à partir de pièces distinctes et destinée à demeurer en permanence sur des fondations permanentes, mais c’est une construction même si certaines de ses parties constituantes peuvent être déplacées, par exemple autour d’un pivot. Ainsi, un moulin à vent ou une plaque tournante est une construction[19].

[Italiques dans l’original, traduction]

  1. Compte tenu de ces définitions, le Tribunal conclut que les marchandises en cause n’ont pas été construites ou bâties comme le serait un immeuble, un pont, un barrage ou un moulin à vent, et qu’elles ne sont pas de grandes dimensions.
  2. De plus, dans l’affaire Krueger, le Tribunal a conclu qu’une des caractéristiques essentielles d’une construction était sa capacité de supporter autre chose. En l’espèce, les marchandises en cause ne supportent rien. En fait, pour fonctionner adéquatement, les marchandises en cause doivent être fixées à un mur ou à une balustrade qui les soutient, et non l’inverse.
  3. En ce qui a trait à la notion de permanence, le Tribunal convient qu’il ne s’agit pas d’une exigence rigoureuse dans les notes explicatives, mais plutôt d’un indicateur permettant de penser qu’une chose pourrait être considérée comme une construction. Le libellé des notes explicatives l’exprime clairement : « une fois amenées à pied d’œuvre, [les marchandises] restent en principe fixes » [nos italiques]. Si le caractère permanent était voulu comme une exigence stricte, les notes explicatives auraient mentionné qu’une fois amenées à pied d’œuvre, les marchandises restent toujours fixes. Ainsi, selon les notes explicatives, une construction peut théoriquement être déplacée, quoique dans la plupart des cas elle demeurera au même endroit, de façon permanente ou avec un certain degré de permanence.
  4. Au vu des caractéristiques des marchandises en cause, notamment leurs dimensions, le fait qu’elles ne supportent rien et qu’elles n’ont pas le même degré de permanence qu’un bâtiment, un édifice, un pont ou un ouvrage semblable, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas des constructions en soi.
  5. S’agissant de la question de savoir si les marchandises en cause sont des parties de construction, la décision du Tribunal dans l’affaire Laliberté établit un cadre utile aux fins de cette analyse. Ainsi, le Tribunal tient compte des critères suivants : 1) les marchandises en cause sont-elles intégrées à la construction? 2) les marchandises en cause sont-elles des parties nécessaires et intégrantes de la construction? 3) les pratiques et usages commerciaux courants.
  6. Bien que l’ASFC fasse référence aux trois éléments susmentionnés comme constituant les « critères » tirés de la décision Laliberté, le Tribunal souhaite préciser qu’il est plus juste de dire qu’il s’agit d’indications donnant à penser qu’une marchandise particulière est une partie de construction. Aucun de ces critères n’est déterminant. De plus, le fait qu’une marchandise donnée ne cadre pas avec une des indications ne signifie pas pour autant qu’il faille rejeter l’argument voulant que cette marchandise soit une partie de construction. Il est possible que des marchandises qui ne semblent pas correspondre à une des indications soient, au vu des notes explicatives, correctement classées dans la position no 73.08.
  7. Il convient de garder à l’esprit que les critères énoncés dans la décision Laliberté reposaient sur des décisions antérieures du Tribunal portant sur des « parties » de différents types de machines. Le Tribunal a expressément reconnu qu’il n’existait pas de critère universel permettant de déterminer si un produit est une partie d’un autre, rappelant que chaque affaire doit être tranchée selon ses particularités propres[20].
  8. Sur le fond de l’appel et comme il est mentionné ci-après, la preuve indique que les marchandises en cause ne sont pas des parties de construction et qu’elles ne peuvent être classées comme telles dans la position no 73.08.

Intégrées à la construction

  1. Pour être utilisées, les marchandises en cause doivent être fixées à la balustrade d’un escalier ou au mur d’une maison[21]. Toys“R”Us est d’avis qu’une telle installation fait en sorte que les marchandises en cause sont intégrées à la construction. L’ASFC n’a pas contesté ce point avant l’audience.
  2. À l’audience, l’ASFC a souligné que les marchandises en cause ne sont pas intégrées à un mur comme le seraient un rideau de fermeture, une porte ou un seuil de porte. En particulier, même si elles sont fixées au mur ou à la balustrade, les marchandises en cause peuvent être retirées sans difficulté. À l’audience, Toys“R”Us a affirmé qu’il suffisait que les marchandises en cause soient vissées à un escalier ou à un mur pour qu’elles soient considérées comme « intégrées » à la construction.
  3. La preuve indique que les marchandises en cause sont conçues pour être fixées à un mur ou à une balustrade, ou à tout autre élément solide d’une maison, au moyen de la quincaillerie fournie à cet effet. Selon le guide d’utilisation, les vis fournies permettent de fixer les marchandises en cause directement à une surface de bois; cela dit, la quincaillerie pourra différer selon le type de surface à laquelle les marchandises en cause seront fixées[22]. Dans certaines circonstances, l’installateur doit percer un trou pour fixer correctement les marchandises en cause. Il est assez facile de retirer temporairement la partie pivotante des marchandises en cause en rétractant la patte de blocage située sur le dessus de la partie inférieure de la charnière; cela dit, même quand cette partie des marchandises en cause est retirée, la quincaillerie reste généralement en place. Si les marchandises en cause sont retirées définitivement, y compris leurs parties fixes, le mur et la balustrade seront vraisemblablement endommagés dans une certaine mesure, contrairement aux cloisons dont il était question dans l’affaire Krueger, qui étaient spécialement conçues pour être installées, retirées et déplacées de temps à autre, et ce assez facilement et sans endommager le plafond ni le plancher.
  4. En l’espèce, bien que les marchandises en cause ne soient pas nécessairement installées de façon permanente (en d’autres termes, elles peuvent très bien être déplacées par le propriétaire de la maison ou être retirées quand elles ne sont plus nécessaires pour assurer la sécurité d’enfants présents dans la maison), elles sont suffisamment intégrées au mur ou à la balustrade, et donc à la maison elle-même, pour convaincre le Tribunal qu’elles peuvent être considérées comme intégrées à la construction.

Parties nécessaires et intégrantes de la construction

  1. La deuxième indication dont a tenu compte le Tribunal dans l’affaire Laliberté porte sur la question de savoir si la marchandise est une « partie nécessaire et intégrante de la construction ».
  2. De l’avis du Tribunal, bien que les parents ou tuteurs puissent juger que les marchandises en cause sont utiles pour éviter que leurs enfants puissent se blesser, une barrière de sécurité pour enfants n’est pas une partie nécessaire et intégrante d’un mur ou d’une balustrade, ni d’une maison.
  3. Physiquement, les marchandises en cause bloquent l’accès à un escalier ou à un passage à peu près de la même façon que la porte d’une clôture bloque l’accès à une propriété; il y a cependant une importante distinction à faire entre ces deux types de barrières. De fait, la clôture a pour fonction d’empêcher l’accès non autorisé à une propriété, et sa porte contribue à cette fonction en bloquant ce qui serait autrement une ouverture dans la clôture. À l’opposé, les marchandises en cause ne contribuent en rien à la fonction de l’escalier, de la balustrade ou de la maison dans son ensemble. Autrement dit, l’escalier, la balustrade ou la maison conservera sa fonction peu importe si les marchandises en cause sont présentes ou non, à la différence près que les marchandises en cause ajoutent un élément de sécurité.

Pratiques et usages commerciaux courants

  1. Les maisons ne sont pas généralement conçues en ayant à l’esprit qu’il faudra y ajouter une barrière de sécurité pour enfants. En règle générale, les barrières de sécurité pour enfants sont plutôt installées par un parent ou tuteur un certain temps après la construction de la maison. Dans certains cas, l’installation peut se faire plusieurs années après la construction de la maison. Et, bien souvent, jamais une barrière de sécurité pour enfants ne sera installée dans la maison, par exemple si aucun jeune enfant ne s’y trouve.
  2. De plus, l’installation des marchandises en cause ne nécessite pas que des modifications particulières soient apportées à la maison, à l’escalier ou au mur. Au contraire, le caractère ajustable des marchandises en question montre que ces produits peuvent convenir à des passages ou à des escaliers de largeurs très variées.
  3. Les marchandises en cause ne sont pas essentielles au fonctionnement de la maison, de l’escalier ou du mur. Qui plus est, selon les pratiques et usages commerciaux courants, elles ne sont pas considérées comme des parties d’escalier, de mur ou de maison.
  4. Pour les motifs susmentionnés, et ayant tenu compte des indications établies dans l’affaire Laliberté, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas des parties de construction et que, par conséquent, elles ne peuvent être classées dans la position no 73.08.

Position no 73.26

  1. Ayant conclu que les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans la position no 73.08, le Tribunal examinera maintenant si elles peuvent être classées dans la position no 73.26.
  2. Comme mentionné précédemment, la position no 73.26 est une catégorie résiduelle dans laquelle des marchandises peuvent être classées seulement s’il a été établi qu’elles ne relèvent pas d’une autre position. Le Tribunal est d’avis que la seule autre possibilité est la position no 73.08. Ayant déterminé que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 73.08, le Tribunal conclut qu’elles ne sont pas reprises dans les autres parties de la nomenclature.
  3. Les marchandises sont faites d’acier. Ce fait n’est pas contesté.
  4. Par le passé, le Tribunal a interprété le terme « ouvrage » comme désignant « un produit fini ou semi-fini qui n’est pas considéré comme une matière ou du matériel »[23]. En l’espèce, les marchandises en cause correspondent à cette définition.
  5. Par conséquent, les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 73.26.
  6. Étant donné que les marchandises en cause ne sont désignées dans aucune sous-position, le Tribunal conclut que celles-ci sont correctement classées le numéro tarifaire 7326.90.90 à titre d’autres ouvrages en fer ou en acier.

DÉCISION

  1. L’appel est rejeté.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].      L.C. 1997, ch. 36.

[3].      Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[4].      L.R. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[5].      L.R. 1997, ch. 36, annexe.

[6].      Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Avis de classement].

[7].      Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[8].      Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux paras. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les Notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux Avis de classement.

[9].       Termes omis dans la version française des notes explicatives.

[10].    Pièce AP-2015-024-04A au par. 28, vol. 1.

[11].    (14 février 1996), AP-94-357 (TCCE) [Krueger].

[12].    British Columbia Forest Products Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1972] RCS 101, 1971 CanLII 156 (CSC) à la p. 109; Canadian Imperial Bank of Commerce v. Alberta (Assessment Appeal Board), 1990 CanLII 5566 (AB QB) aux par. 24-27; R. v. Bedard, [1976] O.J. No. 833 au par. 31; Springman v. The Queen, [1964] SCR 267, 1964 CanLII 69 (SCC) [Springman] à la p. 273.

[13].    (23 décembre 1998), AP-97-070 (TCCE) [Laliberté].

[14].    Pièce AP-2015-024-07B à la p. 194, vol. 1A.

[15].    Ibid. à la p. 162.

[16].    Ibid. à la p. 157.

[17].    Ibid. à la p. 188.

[18].    Springman; British Columbia Forest Products Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1972] RCS 101, 1971 CanLII 156 (CSC).

[19].    Springman à la p. 273.

[20].    Laliberté au par. 12.

[21].    Transcription de l’audience publique, vol. 1, 26 mai 2016, à la p. 7.

[22].    Pièce AP-2015-024-07B à la p. 166, vol. 1A.

[23].    HBC Imports a/s de Zellers Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (6 avril 2011), AP‑2010-019 (TCCE) au par. 57.