BUILD.COM INC.

BUILD.COM INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Appel no AP-2015-033

Décision et motifs rendus
le mercredi 14 décembre 2016

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 13 septembre 2016 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 14 décembre 2015 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BUILD.COM INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 13 septembre 2016

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Conseiller juridique pour le Tribunal : Elysia Van Zeyl

Stagiaire en droit : Stéphanie Desjardins

Agent du greffe : Bianca Zamor

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Build.Com Inc.

Rajesh Mamtora

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Andrew Cameron

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

VUE D’ENSEMBLE

  1. Le 9 mars 2016, Build.Com Inc. (Build.Com) a interjeté appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], en réponse à une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) datée du 14 décembre 2015, aux termes du paragraphe 60(4).
  2. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si deux modèles de toilettes importés par Build.Com, c’est‑à-dire les modèles Toto Neorest 550 et Toto Neorest 600, sont correctement classés dans le numéro tarifaire 6910.90.00 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres éviers, lavabos, colonnes de lavabos, baignoires, bidets, cuvettes d’aisance, réservoirs de chasse, urinoirs et appareils fixes similaires pour usages sanitaires, en céramique, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8543.70.00 à titre d’autres machines et appareils, comme le soutient Build.Com.

MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont deux modèles de toilettes : Toto Neorest 550 (no MS980CMG) et Toto Neorest 600 (no MS990CGR). Les deux modèles sont décrits comme des toilettes monoblocs oblongues, dont la cuvette est en porcelaine vitreuse, comportant des panneaux latéraux en plastique et à laquelle est intégré l’élément électromécanique automatisé principal (Washlet), pourvues d’une lunette en plastique avec abattant.
  2. Les marchandises en cause, en plus des fonctions de toilettes ordinaires, comportent les caractéristiques suivantes : eau chaude, ablutions intimes, réglage de la température et de la pression, séchage à l’air chaud, purificateur d’air automatique, système autonettoyant, lunette chauffante et télécommande portable à affichage LCD. 

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 29 janvier 2014, Build.Com a présenté trois demandes de remboursement, aux termes de l’alinéa 74(1)e) de la Loi, ayant trait aux marchandises en cause, conservant leur classement dans le numéro tarifaire 6910.90.00 mais demandant à ce qu’elles bénéficient des avantages du numéro tarifaire 9979.00.00.
  2. Le 26 juin 2015, l’ASFC a rejeté les demandes de remboursement de Build.Com et a émis des relevés détaillés de rajustements.
  3. Le 3 juillet 2015, Build.Com a demandé des réexamens, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi. Build.Com a aussi présenté des nouvelles demandes de remboursement, demandant à ce que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8543.70.00 au lieu du numéro tarifaire 6910.90.00.
  4. Le 14 décembre 2015, l’ASFC a rendu une décision définitive, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 6910.90.00 à titre d’autres appareils en céramique pour usages sanitaires.
  5. Le 9 mars 2016, Build.Com a interjeté appel contre cette décision auprès du Tribunal.
  6. Le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario) le 13 septembre 2016.

CADRE LÉGISLATIF

  1. Dans les appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant des questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.
  2. Le classement tarifaire des marchandises est déterminé selon le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes[3]. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est divisée en sections et en chapitres, chaque chapitre contenant une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  3. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit : « [L]e classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l’annexe. »
  4. Les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[4] sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  5. Une fois que la position appropriée a été déterminée, la règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] ». La Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit dans Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc. : « C’est donc seulement lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales [...] »[5].
  6. Bien que le Tribunal considère que le litige puisse être résolu par une analyse conformément à la règle 1 des Règles générales, l’application de la règle 2b) est aussi soulevée en l’espèce. La règle 2b) stipule ce qui suit :

Toute mention d’une matière dans une position déterminée se rapporte à cette matière soit à l’état pur, soit mélangée ou bien associée à d’autres matières. De même, toute mention d’ouvrages en une matière déterminée se rapporte aux ouvrages constitués entièrement ou partiellement de cette matière. Le classement de ces produits mélangés ou articles composites est effectué suivant les principes énoncés dans la Règle 3.

  1. La règle 3 des Règles générales s’applique « [l]orsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2 b) ou dans tout autre cas [...] ».
  2. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[6] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[7]. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[8].
  3. Enfin, la règle 1 des Règles canadiennes stipule que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles générales [...] ».

DISPOSITIONS PERTINENTES ET NOTES

  1. L’ASFC soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6910.90.00, qui stipule ce qui suit :

Section XIII

OUVRAGES EN PIERRES, PLÂTRE, CIMENT, AMIANTE MICA OU MATIÈRES ANALOGUES; PRODUITS CÉRAMIQUES; VERRE ET OUVRAGES EN VERRE

Chapitre 69
PRODUITS CÉRAMIQUES

69.10 Éviers, lavabos, colonnes de lavabos, baignoires, bidets, cuvettes d’aisance, réservoirs de chasse, urinoirs et appareils fixes similaires pour usages sanitaires, en céramique.

6910.10  -En porcelaine

6910.10.10 - - -Cuvettes de cabinets et réservoirs de chasse (réservoirs de toilettes) ou leur combinés

[...]

6910.90.00 -Autres

  1. Les notes explicatives pertinentes du chapitre 69 stipulent ce qui suit :
  1. Le présent Chapitre ne comprend que les produits céramiques qui ont été cuits après avoir été préalablement mis en forme ou façonnés. Les nos 69.04 à 69.14 visent uniquement les produits autres que ceux susceptibles d’être classés dans les nos 69.01 à 69.03.

[...]

CONSIDERATIONS GENERALES

[...]

La cuisson, après mise en forme ou façonnage, constitue la caractéristique fondamentale différenciant les ouvrages du présent Chapitre des ouvrages en pierres et autres matières minérales du Chapitre 68, lesquels ne sont généralement pas soumis à cuisson, et des ouvrages en verre du Chapitre 70 dans lesquels le mélange vitrifiable a subi une fusion complète.

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position no 69.10 stipulent ce qui suit :

Dans la présente position sont compris les appareils destinés à être fixés à demeure, généralement par branchement sur une conduite d’eau ou d’égout, et constitués par de la céramique rendue imperméable par émaillage ou par une cuisson prolongée : grès cérames, faïences (du type fire-clay, notamment), imitations de porcelaines, porcelaine. Outre les articles spécifiés au libellé, elle englobe également les fontaines-lavabos.

Les réservoirs de chasse en céramique restent classés dans la présente position, même lorsqu’ils sont équipés de leur mécanisme.

Sont, par contre, exclus de la présente position les articles portatifs pour usages sanitaires ou hygiéniques, tels que bassins de lit, urinaux, vases de nuit, etc., et les petits accessoires pour installations sanitaires ou hygiéniques, même si, de par leur forme, ils sont destinés à être fixés à demeure, tels que porte-savons, porte-éponges, porte-brosses à dents, crochets pour essuie-mains, distributeurs de papier hygiénique, etc. (nos 69.11 ou 69.12).

  1. Build.Com soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8543.70.00, qui stipule ce qui suit :

SECTION XVI

MACHINES ET APPAREILS, MATÉRIEL ÉLECTRIQUE ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON, APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

Chapitre 85

MACHINES, APPAREILS ET MATÉRIELS ÉLECTRIQUES ET LEURS PARTIES; APPAREILS D'ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON,
APPAREILS D'ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION
DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET
PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

85.43 Machines et appareils électriques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position no 85.43 stipulent ce qui suit :

La présente position englobe, sous réserve qu’ils ne soient pas exclus par les Notes de la Section ou du présent Chapitre, l’ensemble des machines et appareils électriques qui ne sont ni dénommés ni compris dans d’autres positions du Chapitre, ni couverts plus spécifiquement par une position quelconque d’un autre Chapitre (notamment les Chapitres 84 ou 90).

Sont à considérer comme des machines ou des appareils au sens de la présente position, les dispositifs électriques ayant une fonction propre. Les dispositions de la Note explicative du no 84.79 relatives aux machines et aux appareils ayant une fonction propre, sont applicables mutatis mutandis aux machines et aux appareils de la présente position.

Ce sont, pour la plupart, des assemblages de dispositifs électriques élémentaires (lampes, transformateurs, condensateurs, selfs, résistances, etc.) assurant leur fonction exclusivement par un moyen purement électrique. Sont toutefois compris ici les articles électriques comportant des dispositifs mécaniques, à condition que ces dispositifs ne jouent qu’un rôle secondaire par rapport à celui des parties électriques de la machine ou de l’appareil.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Le Tribunal doit déterminer si le classement des marchandises en cause peut être effectué conformément à la règle 1 des Règles générales. Dans le cadre de l’exercice de classement tarifaire, il est important de garder à l’esprit qu’il faut examiner les marchandises en cause dans leur intégralité, telles qu’elles sont importées, plutôt que selon leurs composantes individuelles[9]. Le Tribunal est conscient du fait que les marchandises en cause sont composées de nombreuses pièces ayant des caractéristiques et des fonctions distinctes, qui, lorsqu’elles sont importées séparément, peuvent être classées de façon différente. Toutefois, il faut prendre en compte les caractéristiques et le fonctionnement de l’appareil dans son intégralité pour déterminer s’il s’agit d’« appareils fixes similaires pour usages sanitaires » ou de « machines et appareils électriques ».
  2. Pour les motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées à titre d’« appareils fixes similaires pour usages sanitaires » dans le numéro tarifaire 6910.90.00.
  3. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause peuvent être classées conformément aux règles 1 et 6 des Règles générales et à la règle 1 des Règles canadiennes. Toutefois, subsidiairement, même si le Tribunal avait conclu que la règle 1 des Règles générales n’est pas probante quant au classement des marchandises en cause, une analyse conformément à la règle 2 donnerait le même résultat.
  4. Dans les appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi, l’appelant a le fardeau de démontrer que l’ASFC a incorrectement classé les marchandises[10]. En l’espèce, il incombe à Build.Com de démontrer que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8543.70.00 plutôt que dans le numéro tarifaire 6910.90.00.
  5. Le Tribunal a conclu antérieurement que les marchandises ne peuvent, de prime abord, être classées dans deux positions si, en vertu des notes de section ou de chapitre pertinentes, les termes d’une position sont expressément exclus de l’autre. Le Tribunal a également conclu qu’en présence d’une telle note d’exclusion, le Tribunal doit commencer son analyse par la position qui n’est pas visée par la note d’exclusion[11].
  6. Dans son examen des deux positions en question, le Tribunal constate que les notes explicatives de la position no 85.43 stipulent que, lorsque les marchandises sont décrites de façon plus précise dans une autre position de n’importe quel chapitre de la nomenclature, elles sont exclues du chapitre 85. Par conséquent, le Tribunal doit commencer son analyse en déterminant si les marchandises en cause sont décrites de façon plus précise dans une autre position. En l’espèce, cela signifie que l’analyse doit débuter par la position no 69.10. La position no 85.43 ne sera prise en considération que si les marchandises en cause ne sont pas décrites de façon plus précise dans la position no 69.10.

Les marchandises en cause sont-elles des « appareils fixes similaires pour usages sanitaires » de la position no 69.10?

  1. Afin de déterminer si les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 69.10, le Tribunal doit premièrement déterminer si elles constituent, dans leur intégralité, des « appareils fixes similaires pour usages sanitaires ».
  2. Les marchandises en cause sont décrites dans les brochures publicitaires et par les parties comme des toilettes ou des toilettes automatiques. L’ASFC soutient que le terme « toilettes » est défini comme « un appareil sanitaire servant à la défécation et à la miction, consistant en une cuvette de porcelaine comportant généralement une lunette avec abattant munie de charnières et un réservoir dont l’eau qu’il contient sert à rincer la cuvette »[12] [traduction]. L’ASFC soutient que les toilettes automatiques, telles que les marchandises en cause, sont des appareils fixes pour usages sanitaires.
  3. La position no 69.10 comprend les dispositifs suivants : « Éviers, lavabos, colonnes de lavabos, baignoires, bidets, cuvettes d’aisance, réservoirs de chasse, urinoirs et appareils fixes similaires pour usages sanitaires, en céramique. » Bien que le terme « toilettes » ne figure pas expressément dans la position no 69.10, le Tribunal fait observer que les « cuvettes d’aisance » sont sont en fait des cuvettes et que les « réservoirs de chasse » sont en fait des réservoirs de chasse d’eau[13]. Ces marchandises, et les autres marchandises énumérées dans la position no 69.10, sont considérées comme des « appareils fixes pour usages sanitaires » à cause de leurs caractéristiques et de leurs fonctions, ce à quoi la plupart des gens souscriraient.
  4. Le premier paragraphe des notes explicatives de la position no 69.10 décrit certaines des caractéristiques des marchandises relevant de cette position de la façon suivante :

Dans la présente position sont compris les appareils destinés à être fixés à demeure, généralement par branchement sur une conduite d’eau ou d’égout, et constitués par de la céramique rendue imperméable par émaillage ou par une cuisson prolongée : grès cérames, faïences (du type fire-clay, notamment), imitations de porcelaines, porcelaine. Outre les articles spécifiés au libellé, elle englobe également les fontaines-lavabos.

  1. Les éléments de preuve démontrent que les marchandises en cause possèdent toutes les caractéristiques qui figurent dans les notes explicatives associées aux appareils fixes pour usages sanitaires de la position no 69.10[14]. Plus particulièrement,
  • les marchandises en cause sont destinées à être fixées à demeure dans des maisons ou d’autres bâtiments par branchement sur une conduite d’eau ou d’égout, comme en témoigne les instructions d’installation du TOTO Neorest 550[15];
  • la cuvette est en porcelaine vitreuse[16];
  • la porcelaine de la cuvette est recouverte d’une glaçure « SanaGloss », qui la rend imperméable[17].
  1. Build.Com ne conteste pas ces faits et convient que les marchandises en cause sont similaires à des « cuvettes d’aisance et des bidets », marchandises expressément nommées dans la position no 69.10[18]. Toutefois, Build.Com soutient que, parce que les marchandises en cause comprennent des composantes qui ne sont pas en céramique, elles ne peuvent être classées dans cette position. Pour cette raison, Build.Com soutient que les éléments électromécaniques des toilettes font que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 85.43.
  2. Les notes explicatives du chapitre 69 stipulent que « [l]e présent Chapitre ne comprend que les produits céramiques qui ont été cuits après avoir été préalablement mis en forme ou façonnés ». Build.Com interprète ces notes comme signifiant que les marchandises doivent être entièrement en céramique. Puisque les marchandises en cause ne sont pas exclusivement en céramique, Build.Com soutient qu’elles ne peuvent être classées dans la position no 69.10.
  3. L’ASFC soutient quant à elle, et le Tribunal est d’accord, qu’il s’agit d’une interprétation erronée des notes explicatives. Accepter l’interprétation de Build.Com rendrait la position no 69.10 inutilisable parce que les appareils sanitaires comprennent presque toujours des composantes qui ne sont pas en céramique, comme une lunette, des boulons et des vis, une chasse d’eau, etc.[19]. En fait, les notes explicatives de la position no 69.10 stipulent que « [l]es réservoirs de chasse en céramique restent classés dans la présente position, même lorsqu’ils sont équipés de leur mécanisme » [nos italiques]. De l’avis du Tribunal, cela indique que les mécanismes des marchandises n’altèrent pas leur caractère de marchandises en céramique même si les mécanismes ne sont pas en céramique.
  4. Ni le chapitre 69 du Tarif des douanes ni les notes explicatives ne donnent une définition du terme « mécanisme ». Toutefois, le Tribunal s’est penché sur la signification de ce terme dans des causes antérieures concernant des appareils mécaniques. Dans Classic Chef Corp. c. Sous-M.R.N., le terme « mécanisme » est décrit comme « la partie d’une machine qui comprend deux ou plusieurs pièces montées de façon à ce que le mouvement d’une pièce entraîne le mouvement d’autres pièces » ou comme « structure ou agencement des parties d’une machine. 2 système de parties adaptées les unes aux autres qui fonctionnent ensemble dans une machine ou comme dans une machine »[20]. En se fondant sur ses décisions antérieures, le Tribunal est d’avis que des articles comme des tirettes, des leviers et des pompes sont tous considérés comme des mécanismes aux fins de la position no 69.10. Ces pièces fonctionnent ensemble pour que les marchandises puissent effectuer leurs fonctions sanitaires.
  5. En ce qui concerne les composantes des marchandises en cause qui ne sont pas en céramique, y compris les panneaux latéraux en plastique qui sont intégrés à l’élément électromécanique principal, le Tribunal est d’avis que ces composantes sont aussi des mécanismes qui font en sorte que les marchandises en cause puissent effectuer leurs fonctions sanitaires (comme actionner la chasse d’eau pour évacuer les matières fécales), y compris celles ayant trait au confort (comme la lunette chauffante, l’éclairage, etc.) pendant l’exécution des fonctions sanitaires.
  6. Ainsi, nonobstant le fait que les marchandises en cause comprennent des composantes qui ne sont pas en céramique, elles ne sont pas exclues de la position no 69.10 pour cette raison.
  7. Lorsque les notes explicatives du chapitre 69 sont interprétées en contexte, au lieu d’indiquer que les marchandises doivent être totalement ou entièrement en céramique, elles visent plutôt à distinguer les produits céramiques qui ont été cuits après avoir été préalablement mis en forme ou façonnés des ouvrages en pierres et autres matières minérales, comme expliqué ci-dessous :

La cuisson, après mise en forme ou façonnage, constitue la caractéristique fondamentale différenciant les ouvrages du présent Chapitre des ouvrages en pierres et autres matières minérales du Chapitre 68, lesquels ne sont généralement pas soumis à cuisson, et des ouvrages en verre du Chapitre 70 dans lesquels le mélange vitrifiable a subi une fusion complète.

  1. Compte tenu des éléments de preuve ci-dessus, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont des « appareils fixes similaires pour usages sanitaires ». Il examinera maintenant si les marchandises en cause sont décrites de façon plus précise dans la position no 69.10.

Les marchandises en cause sont-elles décrites de façon plus précise dans la position no 69.10?

  1. Les notes explicatives de la position no 85.43 stipulent ce qui suit : « La présente position englobe [...] l’ensemble des machines et appareils électriques qui ne sont ni dénommés ni compris dans d’autres positions du Chapitre, ni couverts plus spécifiquement par une position quelconque d’un autre Chapitre [...]. » Ainsi, comme indiqué ci-dessus, si les marchandises en cause sont décrites de façon plus précise dans la position no 69.10, elles sont exclues de la position no 85.43.
  2. La position no 85.43 comprend les dispositifs suivants : « Machines et appareils électriques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre. » Ce à quoi servent les dispositifs n’est pas précisé à part qu’ils fonctionnent à l’électricité. La « fonction propre » des dispositifs n’est pas décrite non plus.
  3. En revanche, les marchandises de la position no 69.10 sont décrites de la façon suivante : « Éviers, lavabos, colonnes de lavabos, baignoires, bidets, cuvettes d’aisance, réservoirs de chasse, urinoirs et appareils fixes similaires pour usages sanitaires, en céramique » [nos italiques]. Cette position, en plus de donner des exemples d’« appareils fixes pour usages sanitaires », décrit les caractéristiques et les fonctions des marchandises classées dans cette position. En particulier, la description fait référence au fait qu’elles sont en céramique, à leur nature d’appareil pour usages sanitaires et au fait qu’elles sont fixes.
  4. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que la position no 69.10 décrit les marchandises en cause plus précisément que la position no 85.43.

Les marchandises en cause peuvent aussi être classées dans la position no 69.10 conformément à la règle 2 des Règles générales

  1. Bien que le Tribunal soit convaincu qu’une analyse selon la règle 1 des Règles générales permet d’établir que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 69.10, il en arriverait à la même conclusion en faisant une analyse selon la règle 2.
  2. Tel qu’affirmé dans Igloo Vikski, la règle 2 des Règles générales est appliquée conjointement avec la règle 1 afin de déterminer à prime abord le classement, notamment de marchandises composées de divers matériaux et n’étant pas décrites précisément dans aucune position[21].
  3. La règle 2a) des Règles générales concerne le classement tarifaire de marchandises non finies et n’est pas pertinente en l’espèce. La règle 2b) s’applique lorsqu’une marchandise est composée de plus d’un matériau et stipule que toute mention d’une marchandise en un matériau donné dans une position se rapporte aux marchandises constituées entièrement ou partiellement de ce matériau.
  4. Les notes explicatives de la règle 2b) des Règles générales expliquent que l’effet de cette règle est d’étendre la portée des positions qui mentionnent des ouvrages en une matière déterminée de manière à y inclure les ouvrages partiellement constitués de cette matière. Toutefois, la règle 2b) n’élargit pas la portée des positions jusqu’à pouvoir y inclure des articles qui ne répondent pas aux termes des libellés de ces positions. Autrement dit, le produit mélangé ou l’article composite répond aux termes du libellé de la position, à moins que l’adjonction d’une autre matière ou substance n’enlève à l’article le caractère d’une marchandise reprise dans la position[22].
  5. Build.Com semble soutenir que la composante électrique des marchandises en cause les prive du caractère des marchandises décrites dans la position no 69.10. Le Tribunal n’est pas d’accord. En l’espèce, l’effet de la règle 2b) des Règles générales est que les marchandises relevant de la position n69.10 demeurent des appareils fixes pour usages sanitaires nonobstant le fait qu’elles sont combinées à une matière qui pourrait relever d’une autre position, en autant que l’ajout de ces autres matières ne prive pas les marchandises de leur caractère d’appareils fixes pour usages sanitaires. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que l’ajout d’une composante électrique aux toilettes ne les prive pas du caractère des marchandises décrites dans la position no 69.10.
  6. Le Tribunal est conscient que l’ASFC a rendu une décision anticipée à l’égard du TOTO Washlet S300 (la lunette uniquement) et l’a classé dans le numéro tarifaire 8543.70.00 à titre « machines et appareils électriques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre »[23]. Toutefois, comme mentionné ci-dessus, les marchandises en cause doivent être considérées dans leur intégralité. Une importante distinction entre les marchandises qui ont fait l’objet de la décision anticipée et les marchandises en cause est que ces dernières sont des appareils fixes pour usages sanitaires, composés principalement de céramique. En revanche, le TOTO Washlet S300 ne comporte pas de céramique et ne fonctionne pas, en soi, comme un appareil pour usages sanitaires.
  7. Par conséquent, la règle 2b) des Règles générales a pour effet d’étendre la portée de la règle 1, en vertu de laquelle les marchandises en cause sont classées à titre d’appareils en céramique pour usages sanitaires de la position no 69.10, à la composante électrique des marchandises en cause.
  8. Subsidiairement, Build.Com soutient que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 85.43 en appliquant la règle 3, qui stipule que c’est uniquement lorsque des marchandises paraissent pouvoir être classées dans deux ou plusieurs positions que celle-ci s’applique.
  9. Il n’est pas nécessaire d’aborder l’argument subsidiaire de Build.Com en ce qui concerne la règle 3 des Règles générales parce que les marchandises en cause ne paraissent pas pouvoir être classées dans deux ou plusieurs positions. Comme mentionné ci-dessus, le Tribunal a conclu dans des causes antérieures que des marchandises ne paraissent pas pouvoir être classées dans deux positions si, en vertu d’une note de section ou de chapitre, les termes d’une position sont exclus des termes d’une autre position.
  10. Par conséquent, parce que les notes explicatives de la position no 85.43 stipulent que lorsque des marchandises sont décrites plus précisément dans une position quelconque d’un autre chapitre, celles-ci sont exclues du chapitre 85, les marchandises en cause ne paraissent pas pouvoir être classées dans les deux positions nos 85.43 et 69.10. Pour cette raison, conformément à la note d’exclusion, les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no No. 69.10 parce que, comme mentionné ci-dessus, cette position décrit plus précisément les marchandises en cause que la position no 85.43.

DÉCISION

  1. Compte tenu des motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6910.90.00 à titre d’« appareils fixes similaires pour usages sanitaires ».
  2. Par conséquent, l’appel est rejeté.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].      L.C. 1997, ch. 36.

[3].      Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[4].      L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[5].      2016 CSC 38 (CanLII) [Igloo Vikski] au par. 21.

[6].      Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

[7].      Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012.

[8].      Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[9].      Proctor-Silex Canada c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (8 avril 2013), AP-2011-065 (TCCE) au par. 34; Cross Country Parts Distribution Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (19 août 2016), AP-2012-052R (TCCE) au par. 22.

[10].    J. Cheese Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 septembre 2016), AP-2015-011 (TCCE) au par. 63; Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (23 mai 2014), AP-2011-033 (TCCE) au par. 25; Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII).

[11].    Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (29 juillet 2013), AP‑2012-041 et AP-2012-042 (TCCE) au par. 46; Cross Country Parts Distribution Ltd. c. Canada (l’Agence des services frontaliers), 2015 CAF 187 (CanLII).

[12].    Pièce AP-2015-033-06A, onglet 1 au par. 16, vol. 1A.

[13].    Transcription de l’audience publique, 13 septembre 2016, à la p. 20.

[14].    Build.Com semble soutenir dans son mémoire que l’espèce est analogue à la décision du Tribunal dans l’appel no AP-90-174, dans laquelle certains appareils en acier inoxydable utilisés comme toilettes ont été classés à titre « d’autres machines et appareils électriques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le Chapitre 85 ». Toutefois, dans cette décision, les marchandises en cause n’avaient aucune des caractéristiques des marchandises relevant de la position no 69.10 (elles n’étaient pas en céramique et n’étaient pas des appareils fixes) et aucune partie n’a soutenue qu’elles étaient des appareils fixes pour usages sanitaires en céramique. Cette décision n’est donc d’aucune aide pour déterminer le classement approprié des marchandises en cause.

[15].    Pièce AP-2015-033-06A, onglet 22, vol. 1A.

[16].    Pièce AP-2015-033-04A au par. 10, vol. 1.

[17].    Pièce AP-2015-033-06A, onglet 17, vol. 1A.

[18].    Pièce AP-2015-033-04A au par. 21, vol. 1.

[19].    Transcription de l’audience publique, 13 septembre 2016, à la p. 69. À l’audience, Build.Com a soutenu que ces mécanismes devaient être distingués de l’élément électrique car ce dernier est plus dispendieux. Toutefois, rien dans le Tarif des douanes ne suggère de faire une distinction entre différents « mécanismes » sur la base de leur prix.

[20].    (17 décembre 1999), AP-98-078 (TCCE), note 6.

[21].    Igloo Vikski au par. 22.

[22].    Ibid. au par. 26.

[23].    Pièce AP-2015-033-11A, onglet 1, vol. 1B.