PREMIER GIFT LTD.

PREMIER GIFT LTD.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Appel no AP-2016-002

Décision et motifs rendus
le mardi 21 février 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 20 octobre 2016 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 20 janvier 2016, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PREMIER GIFT LTD. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Ann Penner
Ann Penner
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 20 octobre 2016

Membre du Tribunal : Ann Penner, membre présidant

Personnel de soutien : Eric Wildhaber, conseiller juridique
Dustin Kenall, conseiller juridique
Stéphanie Desjardins, stagiaire en droit

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Premier Gift Ltd.

Behnam Borojeni
Victor Truong

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Julie Greenspoon

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le présent appel est interjeté par Premier Gift Ltd. (Premier Gift) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard d’une révision du classement tarifaire faite par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 20 janvier 2016, aux termes du paragraphe 60(4).
  2. La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si des drapeaux de jardin sur lesquels sont imprimés divers thèmes et images (les marchandises en cause) sont correctement classés dans le numéro tarifaire 6307.90.99 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres articles confectionnés en matières textiles, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 4911.91.90 à titre d’autres imprimés, y compris les images, les gravures et les photographies, comme le soutient Premier Gift Ltd.[3]

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Les marchandises en cause ont été importées par l’entremise de plusieurs transactions entre 2011 et 2015 en vertu du numéro tarifaire 6307.90.99 à titre d’autres articles confectionnés en matières textiles.
  2. Le 25 mai 2015, Premier Gift a déposé une demande de remboursement de droits conformément à l’article 74 de la Loi, demandant que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 4911.99.90. L’ASFC a rejeté la demande. Le 20 octobre 2015, Premier Gift a contesté ce rejet auprès de l’ASFC aux termes de l’article 60 de la Loi[4]. L’ASFC a confirmé son rejet le 20 janvier 2016[5].
  3. Le 18 avril 2016, Premier Gift a interjeté appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal aux termes de l’article 67 de la Loi.
  4. Les deux parties ont déposé des mémoires ainsi que des photos et des échantillons physiques des marchandises en cause. Premier Gift a déposé, le 17 juin 2016, 48 images des marchandises en cause tirées de son catalogue en ligne et, le 23 septembre 2016, six échantillons physiques des marchandises en cause. Le 14 octobre 2016, l’ASFC a déposé 33 échantillons physiques de drapeaux représentant divers événements de l’histoire canadienne, des drapeaux provinciaux et d’autres thèmes.
  5. Le 20 octobre 2016, le Tribunal a tenu une audience publique au cours de laquelle aucune des parties n’a fait comparaître de témoins.
  6. Lors de l’audience, le Tribunal a demandé des observations supplémentaires concernant l’applicabilité potentielle du numéro tarifaire 4911.91.90 (autres imprimés, y compris les images, les gravures et les photographies) dans l’éventualité qu’il conclue que les marchandises en cause doivent être classées dans le chapitre 49 plutôt que dans le chapitre 63. Une lettre datée du 24 octobre 2016 officialisait cette demande. Premier Gift et l’ASFC ont déposé des observations respectivement le 7 novembre 2016 et le 14 novembre 2016, comme il sera expliqué ci-dessous.

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont des drapeaux de jardin confectionnés de matière textile de tissu à 100 pour cent en polyester. Ils sont ourlés sur quatre côtés et présentent des dimensions variées, quoi que généralement de 31 cm de largeur et 45 cm de longueur. Les drapeaux de jardin sont conçus pour être accrochés à un petit mât à la maison ou dans le jardin. Sur chacun des drapeaux est imprimée une image saisonnière ou thématique; certains portent des salutations comme « Bienvenue », « Joyeux Noël » ou « Joyeuse Pâques ». Les images sont imprimées sur les deux côtés des drapeaux de jardin par sérigraphie[6].

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[7]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[8] et les Règles canadiennes[9] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[10] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11], publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[12].
  5. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles[13].
  6. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle la marchandise en cause doit être classée, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée. La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».
  7. Finalement, le Tribunal doit déterminer le numéro tarifaire approprié. La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

TERMES DES POSITIONS, DES NOTES DE CHAPITRE ET DES NOTES EXPLICATIVES PERTINENTES

Dispositions pertinentes de classement relatives à la position nº 49.11

  1. Les dispositions pertinentes de la nomenclature tarifaire concernant la position nº 49.11 prévoient ce qui suit :

    SECTION X

    PÂTES DE BOIS OU D’AUTRES MATIÈRES FIBREUSES CELLULOSIQUES;
    PAPIER OU CARTON À RECYCLER (DÉCHETS ET REBUTS)
    PAPIER ET SES APPLICATIONS

    [...] 

    Chapitre 49

    PRODUITS DE L’ÉDITION, DE LA PRESSE OU
    DES AUTRES INDUSTRIES GRAPHIQUES;
    TEXTES MANUSCRITS OU DACTYLOGRAPHIÉS ET PLANS

    [...] 

    49.11 Autres imprimés, y compris les images, les gravures et les photographies.

    [...] 

      -Autres :

    4911.91  - -Images, gravures et photographies

    [...] 

    4911.91.90 - - - - -Autres

    [...] 

    4911.99  - -Autres

    [...] 

    4911.99.90 - - - - -Autres

  1. Les notes explicatives pertinentes du chapitre 49 prévoient ce qui suit[14] :

    CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

    Sauf quelques rares exceptions mentionnées plus loin, le présent Chapitre couvre tous les articles dont la raison d’être est déterminée par le fait qu’ils sont revêtus d’impressions ou d’illustrations.

    Par contre, outre les produits des nos 48.14 et 48.21, les papiers, cartons, ouate de cellulose et ouvrages en ces matières, qui sont revêtus d’impressions dont le rôle est secondaire au regard de l’utilisation (par exemple papiers d’emballage, articles de papeterie), relèvent du Chapitre 48. De même, les articles en matières textiles, tels que mouchoirs ou écharpes, qui ont reçu des impressions décoratives ou de fantaisie n’affectant pas leur caractère essentiel, les tissus à broder et les canevas pour tapisseries à l’aiguille, revêtus de dessins imprimés sont à ranger dans la Section XI.

    Les articles des nos 39.18, 39.19, 48.14 et 48.21 sont également exclus du présent Chapitre, même s’ils sont revêtus d’impressions ou d’illustrations n’ayant pas un caractère accessoire par rapport à leur utilisation initiale.

    Dans le texte du présent Chapitre, le terme imprimé couvre non seulement les modes d’impression à la main (par exemple, les gravures et estampes tirées à la main, autres que les exemplaires originaux), mais également les divers procédés d’impression mécanique (typographie, offset, lithographie, photogravure, etc.), ainsi que la photographie par tirage direct, la photocopie, la thermocopie, la dactylographie ou la reproduction par un procédé commandé par une machine automatique de traitement de l’information (voir la Note 2 du présent Chapitre). On ne tient pas compte de la nature des caractères employés : alphabets et systèmes de numération de toutes sortes, signes sténographiques, signes d’alphabet Morse ou codes conventionnels similaires, caractères Braille, notations et symboles de musique, ni de la présence d’illustrations ou de croquis. Le terme imprimé ne couvre pas, cependant, les impressions et illustrations obtenues par indiennage.

    [...] 

    D’une manière générale, les impressions du présent Chapitre sont exécutées sur papier, mais elles peuvent être réalisées sur d’autres matières, pour autant qu’elles conservent leur caractère au sens du premier paragraphe ci-dessus. [...]

    Outre les imprimés des catégories communes, tels que livres, journaux, brochures, imprimés publicitaires, gravures, ce Chapitre couvre des articles, tels que les décalcomanies, les cartes postales imprimées ou illustrées, les cartes de vœux, les calendriers, les ouvrages cartographiques, les plans et dessins, les timbres-poste, les timbres fiscaux et similaires.

    [Caractères gras et italiques dans l’original, notre soulignement]

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position nº 49.11 prévoient ce qui suit :

    Cette position comprend tous les articles imprimés (y compris les photographies en tirage direct) du présent Chapitre (voir les Considérations générales), qui ne sont pas repris dans les positions précédentes de ce Chapitre.

Dispositions pertinentes de classement relatives à la position nº 63.07

  1. Les dispositions pertinentes de la position nº 63.07 prévoient ce qui suit :

    SECTION XI

    MATIÈRES TEXTILES ET OUVRAGES EN CES MATIÈRES

    [...] 

    Chapitre 63

    AUTRES ARTICLES TEXTILES CONFECTIONNÉS; ASSORTIMENTS;
    FRIPERIE ET CHIFFONS

    [...] 

    63.07 Autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements.

    [...] 

    6307.90 -Autres

    [...] 

    - - -Autres :

    6307.90.99 - - - -D’autres matières textiles

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position nº 63.07 prévoient ce qui suit[15] :

    La présente position englobe les articles confectionnés en tout textile, qui ne sont pas repris dans des positions plus spécifiques de la Section XI ou dans d’autres Chapitres de la Nomenclature.

    Elle comprend en particulier :

    [...] 

    4) Les drapeaux, étendards, bannières, fanions et articles similaires, y compris les cordes à drapeaux (suite de petits drapeaux ou fanions montés sur une corde), pour divertissements, fêtes ou autres usages.

    [...] 

    Sont exclus de cette position, non seulement les articles textiles classés dans des positions plus spécifiques du présent Chapitre ou des Chapitres 56 à 62, mais encore :

    [...] 

    c) Les produits des arts graphiques du Chapitre 49.

    [Caractères gras et italiques dans l’original]

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

  1. Au début de l’audience, Premier Gift a demandé que les pièces déposées par l’ASFC, le 14 octobre 2016, soient exclues du dossier, ces pièces ayant été déposées en retard sans avoir obtenu l’autorisation du Tribunal et sans l’avoir avisé suffisamment. Le Tribunal a rejeté la requête au motif que l’ASFC avait déposé les pièces en retard pour des raisons indépendantes de sa volonté. Cependant, par souci d’équité envers Premier Gift, le Tribunal a également ordonné un bref ajournement de l’audience pour permettre aux conseillers juridiques d’examiner les pièces. De plus, le Tribunal a autorisé Premier Gift à déposer des observations écrites supplémentaires, lesquelles devaient se limiter aux arguments soulevés à l’audience par l’ASFC au sujet des pièces déposées en retard. Le 7 novembre 2016, Premier Gift a refusé l’offre de présenter des observations supplémentaires à ce sujet[16].
  2. Comme il a été mentionné, le Tribunal a, durant l’audience, demandé aux parties de faire valoir leurs arguments sur l’applicabilité potentielle du numéro tarifaire 4911.91.90 dans l’éventualité où il conclurait que les marchandises en cause doivent être classées dans le chapitre 49 plutôt que dans le chapitre 63. Il a également autorisé les deux parties à déposer après l’audience, si elles le voulaient, des observations écrites supplémentaires.
  3. Le 7 novembre 2016, Premier Gift a déposé des observations supplémentaires où elle reconnaissait que le numéro tarifaire applicable était le 4911.91.90, parce qu’il est plus précis que le numéro tarifaire 4911.99.90[17]. Le 14 novembre 2016, l’ASFC a déposé une réponse dans laquelle elle reconnaissait que le numéro tarifaire applicable serait le 4911.91.90 advenant que le Tribunal conclue que les marchandises en cause sont classées dans le chapitre 49[18]. En conséquence, l’analyse du Tribunal reposera sur le numéro tarifaire 4911.91.90 plutôt que sur le numéro tarifaire 4911.99.90.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6307.90.99 à titre d’autres articles confectionnés en matières textiles, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 4911.91.90 à titre d’autres imprimés, y compris les images, les gravures et les photographies, comme le soutient Premier Gift Ltd.
  2. Pour trancher la question, le Tribunal commencera son analyse en se penchant sur l’applicabilité du chapitre 49, à la lumière des notes explicatives de la position nº 63.07, qui excluent les imprimés du chapitre 49[19]. Ce n’est que si les marchandises en cause ne relèvent pas du chapitre 49 que le Tribunal examinera la position nº 63.07.
  3. Les notes explicatives du chapitre 49 indiquent que les « impressions » peuvent être exécutées sur un support autre que le papier. Elles énoncent également deux conditions qui permettent de déterminer ce qui constitue et ce qui ne constitue pas un « imprimé » : (1) la « raison d’être » des marchandises est déterminée par le fait qu’elles sont imprimées, plus précisément qu’elles sont revêtues « d’impressions ou d’illustrations »; et (2) les impressions ne doivent pas être de simples « impressions [ou] illustrations obtenues par indiennage. »
  4. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause répondent à ces conditions et qu’elles doivent donc être classées en tant qu’imprimés dans le chapitre 49, en général, et dans la position nº 4911.91, en particulier.

Les marchandises en cause sont‑elles des imprimés?

  1. Selon Premier Gift, le tissu du drapeau sert seulement de canevas aux images imprimées. Elle fait valoir que les images sur les drapeaux de jardin sont apposées au moyen d’un processus de sérigraphie dans lequel le tissu est l’équivalent du papier. Bien que l’ASFC n’ait pas contesté que les drapeaux de jardin sont effectivement imprimés au moyen d’un processus de sérigraphie, elle fait valoir que le chapitre 49 vise en général les marchandises exécutées sur papier et que les drapeaux de jardin ne sont pas en papier ni fabriqués dans un matériau semblable au papier[20].
  2. Bien que les marchandises en cause soient faites de polyester à 100 pour cent, le Tribunal conclut qu’il s’agit d’« imprimés ». Les notes explicatives du chapitre 49 indiquent clairement que les « impressions » peuvent être réalisées sur d’autres matières que le papier. C’est pourquoi le Tribunal conclut que le tissu avec lequel les marchandises en cause sont fabriquées est simplement le support sur lequel les images sont imprimées et, par conséquent, affichées.
  3. Le Tribunal se penchera maintenant sur les deux conditions énoncées dans les notes explicatives du chapitre 49. Les parties ne contestent pas que les marchandises en cause sont revêtues « d’impressions ou d’illustrations ». De même, elles reconnaissent que les images imprimées ne sont pas des ensembles coloristiques ou des dessins répétitifs. Par conséquent, le Tribunal cherchera à déterminer (1) si les impressions sur les marchandises en cause déterminent leur « raison d’être »; et (2) si les impressions sont simplement « décoratives », c’est-à-dire « par indiennage ».

La raison d’être des marchandises en cause est‑elle déterminée par le fait qu’elles sont revêtues d’impressions ou d’illustrations?

  1. Premier Gift soutient que la raison d’être des drapeaux de jardin est déterminée par les impressions dont ils sont revêtus. Premier Gift fait valoir que, sans ces impressions, les marchandises en cause ne seraient d’aucune utilité, qu’il s’agirait simplement de drapeaux blancs, vierges. Premier Gift ajoute que les marchandises en cause sont de même nature que celles dans le dossier nº AP-2009-056 (Future Product)[21], où le Tribunal a conclu que des drapeaux en polyester sur lesquels sont imprimés au moyen d’un processus de sérigraphie des logos d’équipes de la Ligue nationale de hockey sont des images « imprimées » au sens du chapitre 49. Tout comme dans la décision Future Product, Premier Gift affirme que les marchandises en cause servent à célébrer et à afficher quelque chose d’important pour une personne, que ce soit une équipe sportive, une saison, une fête ou encore un mot de bienvenue. Enfin, Premier Gift soutient que, parce que les marchandises en cause sont imprimées en vertu d’une licence de propriété intellectuelle, elles ont une spécificité, une reconnaissance et une signification qui dépassent la simple impression ou illustration obtenue par indiennage.
  2. En réponse, l’ASFC fait valoir que les images des marchandises en cause sont simplement « décoratives » et ne peuvent donc être considérées comme des imprimés, étant donné qu’elles représentent simplement des thèmes et des motifs saisonniers ou de fête (par exemple, des fleurs). L’ASFC soutient aussi que les marchandises en cause ne peuvent pas être considérées comme des « imprimés » parce qu’elles sont simplement utilisées pour « décorer » (c’est-à-dire, pour embellir) une maison ou un jardin.
  3. Le Tribunal conclut que la raison d’être des marchandises en cause est déterminée par les images qui y sont imprimées. Les images imprimées définissent les marchandises en cause et démontrent la véritable raison pour laquelle les marchandises ont été fabriquées, achetées et utilisées. Ainsi, le Tribunal conclut que l’impression donne des indications sur le caractère essentiel ou la raison d’être des marchandises en cause; pour reprendre les mots de Future Product, « [...] l’impression est le produit et le produit est l’impression. »[22]
  4. Comme l’ont reconnu les parties, les marchandises en cause peuvent être utilisées comme décorations. Toutefois, le Tribunal conclut qu’il ne s’agit pas de décorations du fait que ce sont des drapeaux de jardin. Les marchandises en cause sont plutôt des décorations en raison des images imprimées qu’elles arborent. Sans les images, les drapeaux de jardin n’auraient en soi aucune finalité[23]. Autrement dit, les marchandises en cause sont utilisées pour montrer les images imprimées qui en font un imprimé, et peuvent ainsi être utilisées pour décorer un jardin ou l’extérieur d’une maison.
  5. Des images imprimées sur un autre support ne seraient pas appropriées comme drapeaux de jardin. Toutefois, étant donné que les marchandises en cause sont faites de tissu et conçues pour résister au vent, à la pluie, à la neige et à la chaleur, le consommateur peut exposer les images imprimées à l’extérieur de sa maison ou dans son jardin. Ainsi, les drapeaux de jardin sont simplement une façon d’exposer les images imprimées au bénéfice de tous.
  6. Par conséquent, le Tribunal conclut que la première condition a été respectée; la raison d’être des marchandises en cause est bel et bien déterminée par les images qui y sont imprimées. Il examinera maintenant la deuxième condition énoncée dans les notes explicatives du chapitre 49.

L’impression est-elle simplement « décorative »?

  1. Le Tribunal conclut que l’impression n’est pas simplement décorative. Toutes les images sur les drapeaux de jardin sont de nature festive, conviviale, saisonnière ou relèvent d’un autre thème. Par exemple, certaines marchandises en cause représentent un épouvantail, un poussin posé sur des œufs de Pâques ou une citrouille dans un décor d’automne[24]. Certaines autres montrent des champs de tournesols dans la nature, des anges, des bonshommes de neige, des oiseaux, un renne, un orignal, une petite maison à la campagne en hiver et un chat sur le museau duquel est posé un papillon et le message « vivez dans la joie » [traduction]. Certaines de ces images affichent du contenu artistique suffisamment original pour être protégé par les lois sur le droit d’auteur[25]. Dans cette optique, le Tribunal conclut que l’impression va bien au-delà des dessins ou œuvres abstraites ou encore des images géométriques que l’on peut retrouver sur du papier peint, des banderoles ou du papier d’emballage.
  2. L’ASFC fait valoir que les impressions sont simplement décoratives parce que les marchandises visent uniquement à décorer une maison ou un jardin. Le Tribunal n’est pas d’accord. Le mot « décoratives » ne vise pas l’utilisation de la marchandise mais l’impression au regard de la marchandise. Les notes explicatives du chapitre 49 sont claires : ce qui est exclu, ce sont les marchandises qui comportent des impressions simplement décoratives; il importe peu que la marchandise en soi soit décorative, du moment que l’impression sur la marchandise ne l’est pas :

    [...] les articles en matières textiles, tels que mouchoirs ou écharpes, qui ont reçu des impressions décoratives ou de fantaisie n’affectant pas leur caractère essentiel [...] sont à ranger dans la Section XI.

    [Caractères gras dans l’original, nos italiques]

  1. Le mot « décoratives » ne doit être interprété ni isolément ni de façon plus large que ce qui est permis par la note. Les notes explicatives commencent par affirmer que « [s]auf quelques rares exceptions mentionnées plus loin, [le chapitre 49] couvre tous les articles dont la raison d’être est déterminée par le fait qu’ils sont revêtus d’impressions ou d’illustrations. » Elles excluent ensuite les impressions et illustrations obtenues par indiennage. La version anglaise des notes explicatives indique que « the term “printed” […] does not, however, include coloration or decorative or repetivive-design printing » [caractères gras ajoutés], alors que la version française indique que « [l]e terme imprimé ne couvre pas, cependant, les impressions et illustrations obtenues par indiennage. » Le terme « indiennage » renvoie à un style ornemental, souvent floral, comportant des dessins sur des tissus de coton. En anglais, on emploie parfois le terme « calico printing »[26]. Considérées ensemble, les versions anglaise et française limitent l’exclusion aux impressions qui consistent en des ensembles coloristiques ou dessins répétitifs ou ornementaux, par opposition aux illustrations ou images comme celles qui se retrouvent sur les marchandises en cause.
  2. D’une certaine façon, toutes les impressions peuvent être décoratives, en ce sens qu’elles embellissent le lieu dans lequel elles apparaissent. L’expression « coloration, decorative or repetitive-design printing » et le terme « indiennage » ne peuvent toutefois pas être interprétés de manière à exclure des imprimés toutes les impressions décoratives – selon une telle interprétation, une impression sur un drapeau des « Tournesols » de Vincent Van Gogh serait considérée comme une impression simplement décorative et non comme une œuvre d’art. Ce n’est pas parce que l’art floral des marchandises en cause n’atteint pas le niveau d’un Van Gogh qu’il n’y a pas de raison de les classer différemment au regard du classement tarifaire.
  3. Par conséquent, le Tribunal conclut que la deuxième condition est aussi respectée; l’impression sur les marchandises en cause ne constitue pas de simples « impressions et illustrations obtenues par indiennage ».

DÉCISION

  1. Pour les motifs qui précèdent, les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 4911.91.90 à titre d’autres imprimés, y compris les images, les gravures et les photographies.
  2. L’appel est admis.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].      L.C. 1997, ch. 36.

[3].      Tel qu’expliqué ci-dessous, les parties conviennent que, dans la mesure où les marchandises en cause sont correctement classées dans le chapitre 49 plutôt que dans le chapitre 63, le numéro tarifaire approprié est 4911.91.90 plutôt que 4911.99.90, comme l’a soutenu Premier Gift à l’origine. L’analyse du Tribunal se fera en conséquence.

[4].      Pièce AP-2016-002-04A, annexe 2-1, vol. 1.

[5].      Ibid., annexe 2-8.

[6].      Ibid., annexe 1.

[7].      Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[8].      L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[9].      L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[10].    Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

[11].    Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[12].    Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[13].    Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[14].    Il n’y a aucune note pertinente de section ou de chapitre ni d’avis de classement pertinent.

[15].    Il n’y a aucune note pertinente de section ou de chapitre ni d’avis de classement pertinent.

[16].    Pièce AP-2016-002-23 au par. 1, vol. 1B.

[17].    Ibid. au par. 2.

[18].    Pièce AP-2016-002-24 au par. 9, vol. 1B.

[19].    Le Tribunal a conclu antérieurement que les marchandises ne peuvent, de prime abord, être classées dans deux positions si, en vertu des notes de section ou de chapitre pertinentes, les termes d’une position sont expressément exclus de l’autre. Par conséquent, le Tribunal a commencé toute analyse par la position qui est visée par la note d’exclusion. Build.Com Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers (14 décembre 2016), AP-2015-033 (TCCE) au par. 29; Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers (29 juillet 2013), AP-2012-041 et AP-2012-042 (TCCE) au par. 46; Cross Country Parts Distribution Ltd. v. Canada (l’Agence des services frontaliers), 2015 CAF 187 (CanLII).

[20].    Pièce AP-2016-002-07A aux par. 8, 29, vol. 1A.

[21].    Future Product Sales Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers (8 juillet 2010) [Future Product].

[22].    Future Product aux par. 38-39.

[23].    Il convient de faire remarquer que les Notes explicatives excluent expressément certaines marchandises (les marchandises des positions nº 39.18, 39.19, 48.14 et 48.21) du classement à titre d’imprimés même lorsqu’elles sont revêtues d’impressions « n’ayant pas un caractère accessoire par rapport à leur utilisation initiale », c’est-à-dire lorsque l’impression est essentielle. Ainsi, certaines marchandises ne peuvent être classées en tant qu’imprimés même lorsque l’impression définit leur caractère essentiel. Soulignons que les drapeaux ne sont pas inclus dans la liste des biens exclus, même s’ils auraient pu l’être si les rédacteurs avaient conclu que la forme des drapeaux était plus importante au regard du classement tarifaire que ce qui était imprimé sur ces drapeaux.

[24].    Pièces AP-2016-002-A-04, AP-2016-002-A-03 et AP-2016-002-A-06.

[25].    Pièce AP-2016-002-016, vol. 1A.

[26].    Le Webster’s Third New International Dictionary (2002) définit « calico » comme « tissu de coton bon marché avec des patrons ornementaux » [traduction] et « indienne » comme « tissu de coton léger avec des dessins peints ou imprimés imitant des dessins utilisés à l’origine dans le sous-continent indien » [traduction].