RBP IMPORTS INC.

RBP IMPORTS INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2016-017

Décision et motifs rendus
le mardi 2 mai 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 31 janvier 2017, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par l’Agence des services frontaliers du Canada le 12 mai 2016, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

RBP IMPORTS INC. Appelante

ET

PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : 31 janvier 2017

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien : Rebecca Marshall-Pritchard, conseiller juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

RBP Imports Inc.

Gordon LaFortune

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Thomas Finlay

TÉMOIN :

Norm Liefke
Président et directeur général
RBP Imports Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le présent appel a été interjeté devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) par RBP Imports Inc. (RBP) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard d’une révision d’un classement tarifaire, datée du 12 mai 2016, faite par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.
  2. La question en litige dans cet appel consiste à déterminer si des composantes de garde-corps en aluminium emballées individuellement (les marchandises en cause) sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7610.90.90 de l’annexe du Tarif des douanes[2], à titre de tôles, barres, profilés, tubes et similaires, en aluminium, préparés en vue de leur utilisation dans la construction, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 7604.21.00, à titre d’autres barres et profilés en aluminium, comme le soutient RBP.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Les marchandises en cause ont été importées le 11 mars 2014 et le 25 juillet 2014 en vertu du numéro tarifaire 7604.21.00, à titre d’autres barres et profilés en aluminium.
  2. Le 10 novembre 2015, aux termes de l’article 59 de la Loi, l’ASFC a rendu une décision à l’égard de ces importations, par suite d’une vérification. Dans cette décision, l’ASFC a conclu que les marchandises en cause avaient été incorrectement classées dans le numéro tarifaire 7604.21.00 et qu’elles étaient plutôt correctement classées dans le numéro tarifaire 7610.90.90[3]. Le 6 janvier 2016, RBP a contesté la décision de l’ASFC en vertu de l’article 60 de la Loi[4]. L’ASFC a confirmé sa décision le 12 mai 2016[5].
  3. Le 19 juillet 2016, aux termes de l’article 67 de la Loi, RBP a interjeté appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal.
  4. Les deux parties ont présenté des observations. Le 1er octobre 2017, RBP a déposé des pièces matérielles, y compris des poteaux, des piquets et des garde-corps en aluminium.
  5. Le 31 janvier 2017, le Tribunal a tenu une audience publique. RBP a appelé son président, M. Norm Liefke, à témoigner.

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont des composantes de garde-corps en aluminium emballées individuellement, notamment des traverses supérieures et inférieures, des poteaux, des piquets, des barrières, des équerres, des épars et des entretoises. Les marchandises sont conçues pour être combinées et former des garde-corps qui sont fixés à des constructions résidentielles et commerciales par des entrepreneurs ou par les consommateurs sur le marché du bricolage. Les garde-corps standards mesurent 42 pouces de hauteur et répondent aux exigences internationales du code du bâtiment. On peut trouver les marchandises dans les magasins de matériaux de construction; elles se vendent séparément en tant que produits finis pour répondre aux besoins variés des acheteurs en matière de conception et de dimension des garde-corps.
  2. Les marchandises sont obtenues par extrusion; elles sont percées, cintrées ou entaillées, et elles sont coupées à longueur et enduites de poudre.

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[6]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[7] et les Règles canadiennes[8] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles[9].
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[10] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11], publiés par l’OMD. Bien que les Avis de classement et les Notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[12].
  5. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents.
  6. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle la marchandise en cause doit être classée, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée. La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles ci-dessus [c’est-à-dire les règles 1 à 5] [...] » et que « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».
  7. Finalement, le Tribunal doit déterminer le numéro tarifaire approprié. La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

DISPOSITIONS PERTINENTES DU CLASSEMENT TARIFAIRE

  1. Les deux parties conviennent que les marchandises en cause sont visées par le chapitre 76 du Tarif des douanes :

SECTION XV

MÉTAUX COMMUNS ET OUVRAGES EN CES MÉTAUX

Chapitre 76

ALUMINIUM ET OUVRAGES EN ALUMINIUM

  1. Les notes légales pertinentes du chapitre 76 prévoient ce qui suit :
  1. Dans ce Chapitre, on entend par :

a) Barres

les produits laminés, filés, étirés ou forgés, non enroulés, dont la section transversale pleine et constante sur toute leur longueur est en forme de cercle, d’ovale, de carré, de rectangle, de triangle équilatéral ou de polygone convexe régulier (y compris les « cercles aplatis » et les « rectangles modifiés », dont deux côtés opposés sont en forme d’arc de cercle convexe, les deux autres étant rectilignes, égaux et parallèles). Les produits de section transversale carrée, rectangulaire, triangulaire ou polygonale peuvent présenter des angles arrondis sur toute leur longueur. L’épaisseur des produits de section transversale rectangulaire (y compris les produits de section « rectangulaire modifiée ») excède le dixième de la largeur. On considère également comme tels les produits de mêmes formes et dimensions, obtenus par moulage, coulage ou frittage, lorsqu’ils ont reçu postérieurement à leur obtention une ouvraison supérieure à un ébarbage grossier, pourvu que cette ouvraison n’ait pas pour effet de conférer à ces produits le caractère d’articles ou d’ouvrages repris ailleurs.

b) Profilés

les produits laminés, filés, étirés, forgés ou obtenus par formage ou pliage, enroulés ou non, d’une section transversale constante sur toute leur longueur, qui ne correspondent pas à l’une quelconque des définitions des barres, fils, tôles, bandes, feuilles, tubes ou tuyaux. On considère également comme tels les produits de mêmes formes, obtenus par moulage, coulage ou frittage, lorsqu’ils ont reçu postérieurement à leur obtention une ouvraison supérieure à un ébarbage grossier, pourvu que cette ouvraison n’ait pas pour effet de conférer à ces produits le caractère d’articles ou d’ouvrages repris ailleurs.

  1. La note de sous-position pertinente du chapitre 76 prévoit ce qui suit :
  1. Dans ce Chapitre, on entend par :

[...]

b) Alliages d’aluminium

les matières métalliques dans lesquelles l’aluminium prédomine en poids sur chacun des autres éléments, pour autant que :

  1. la teneur en poids d’au moins un des éléments, ou du total fer silicium, excède les limites indiquées dans le tableau ci-dessus; ou
  2. la teneur totale en poids de ces autres éléments excède 1 %.
  1. Les notes supplémentaires du chapitre 76 prévoient en partie ce qui suit :

1. Dans le présent Chapitre, l’expression « non ouvré » signifie :

a) lorsqu’elle se rapporte aux barres, les produits n’ayant pas reçu une ouvraison ultérieure à leur obtention (non usinés, ni perforés, ni percés, ni tordus, ni gaufrés par exemple);

  1. RBP fait valoir que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7604.21.00, qui prévoit ce qui suit :

76.04  Barres et profilés en aluminium.

[...]

7604.21.00 - -Profilés creux

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position no 76.04 prévoient ce qui suit :

La présente position ne comprend pas :

a) Les barres et profilés, en aluminium, préparés en vue de leur utilisation dans la construction (no 76.10).

  1. Les notes explicatives de la position no 74.07 s’appliquent mutatis mutandis à la position no 76.04. Les notes explicatives pertinentes de la position no 74.07 prévoient ce qui suit :

Ces produits sont obtenus habituellement par laminage, filage ou étirage, mais parfois aussi par forgeage (à la presse ou au marteau). Ils peuvent être parachevés à froid (le cas échéant, après recuit), par étirage à froid, redressage ou par d’autres méthodes qui leur confèrent un meilleur fini. Ils peuvent également avoir subi des ouvraisons (telles que perçage, torsion, ondulation) pourvu que ces ouvraisons n’aient pas pour effet de leur conférer le caractère d’articles ou d’ouvrages repris ailleurs. Sont également compris dans la présente position les tubes et tuyaux à ailettes obtenus par extrusion. [...]

  1. L’ASFC fait valoir que les marchandises en cause devraient être classées dans le numéro tarifaire 7610.90.90, qui prévoit ce qui suit :

76.10 Constructions et parties de constructions (ponts et éléments de ponts, tours, pylônes, piliers, colonnes, charpentes, toitures, portes et fenêtres et leurs cadres, chambranles et seuils, balustrades, par exemple), en aluminium, à l’exception des constructions préfabriquées du no 94.06; tôles, barres, profilés, tubes et similaires, en aluminium, préparés en vue de leur utilisation dans la construction.

[...]

7610.90  -Autres

[...]

7610.90.90 - - -Autres

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position no 76.10 prévoient ce qui suit :

Les dispositions de la Note explicative du no 73.08, relatives aux mêmes ouvrages en métaux ferreux, sont applicables mutatis mutandis aux articles de la présente position.

Ces articles peuvent être assemblés, non seulement par les méthodes habituelles (rivetage, boulonnage, par exemple), mais encore par collage au moyen de résines synthétiques, par exemple.

En raison notamment de leur légèreté, l’aluminium et ses alliages se substituent parfois au fer et à l’acier dans la construction de charpentes, de superstructures de navires, de ponts, de portes roulantes, de mâts pour conduites électriques ou pour les stations radio, et dans la fabrication d’étançons de mines, de cadres pour portes ou fenêtres, de mains courantes, par exemple.

  1. Les notes explicatives pertinentes de la position no 73.08 prévoient ce qui suit :

La présente position couvre essentiellement ce qu’il est convenu d’appeler les constructions métalliques, même incomplètes, et les parties de constructions. Les constructions au sens de la présente position sont caractérisées par le fait qu’une fois amenées à pied d’œuvre, elles restent en principe fixes. Ces produits sont généralement faits de tôles, de feuillards, de barres, de tubes, de profilés divers en fer ou en acier, ou d’éléments en fer forgé ou en fonte moulée, percés, ajustés ou assemblés avec des rivets ou des boulons, ou par soudure autogène ou électrique, parfois en association avec des articles repris ailleurs, tels que les toiles, treillis, tôles et bandes déployées du no 73.14. Sont également considérés comme parties d’une construction, les colliers et autres dispositifs spécialement conçus pour assembler les éléments de construction d’une forme tubulaire ou autre. Ces colliers et autres dispositifs sont généralement munis de renflements comportant des trous filetés dans lesquels sont introduites, au moment du montage, les vis de serrage servant à les fixer sur les éléments de construction.

Indépendamment des ouvrages énumérés dans le libellé même de la position, celle-ci comprend notamment :

Les chevalements d’extraction pour puits de mines; les étançons et étrésillons ajustables ou télescopiques, les étais tubulaires, les poutres extensibles de coffrage, les échafaudages tubulaires et matériel similaire; les estacades, jetées et môles d’avancement dans la mer; les superstructures de phares; les mâts, bastingages, écoutilles, etc. de navires; les portes roulantes; [les clôtures et garde-corps montés][13] [traduction]; les mâts de T.S.F.; les entourages de tombes; les clôtures de parterres, terrains de jeux et similaires; les châssis pour horticulteurs et fleuristes; les rayonnages de grandes dimensions destinés à être montés et fixés à demeure dans les magasins, ateliers, entrepôts et autres lieux de stockage de marchandises; les stalles et râteliers d’écuries, etc.; les glissières de sécurité pour les autoroutes, fabriquées à partir de tôles ou de profilés.

On y range également tous éléments, tels que produits laminés plats larges plats, barres, profilés, tubes, etc., ayant reçu une ouvraison (perçage, cintrage, entaillage, notamment) leur conférant le caractère d’éléments de construction.

Cette position comprend, enfin, les fers dits torsadés formés de deux ou plusieurs barres laminées tordues ensemble et qui sont généralement utilisés comme armature pour béton armé ou précontraint.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 76.10, à titre de tôles, barres, profilés, tubes et similaires, en aluminium, préparés en vue de leur utilisation dans la construction, comme l’a établi l’ASFC, ou si elles devraient être classées dans la position no 76.04, à titre de profilés creux en aluminium, comme le soutient RBP.
  2. Pour trancher cette question, le Tribunal commencera par déterminer si la position no 76.10 s’applique, puisque la position no 76.04 exclut les marchandises classées dans la position no 76.10. Le Tribunal ne se penchera sur la position no 76.04 que s’il conclut que les marchandises ne sont pas visées par la position no 76.10.

Les marchandises en cause ne sont pas des garde-corps montés de la position no 76.10

  1. Pour être classées dans la position no 76.10, les marchandises en cause doivent appartenir à l’une des trois catégories suivantes : (1) constructions; (2) parties de constructions; (3) pièces préparées en vue de leur utilisation dans la construction[14]. « Indépendamment » de ces catégories, la position no 76.10 vise également d’autres produits, dont les « garde-corps montés ».
  2. RBP fait valoir que le terme « montés » a été choisi dans le but particulier de qualifier « garde-corps ». Le prolongement logique de l’argument de RBP est le suivant : le terme « garde-corps montés » exclut les garde-corps non montés ou démontés. Selon RBP, l’interprétation du terme « garde-corps montés » de façon à y inclure tous les garde-corps nécessiterait une interprétation atténuée de l’adjectif « montés » et serait contraire à la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Suzuki.
  3. Selon RBP, lorsqu’on examine la liste des produits figurant au troisième paragraphe des notes explicatives pertinentes de la position no 73.08 mentionnées ci-haut, qui comprend les étais tubulaires, les superstructures de phares et les châssis pour horticulteurs et fleuristes, on constate qu’aucun de ces produits n’est qualifié de quelque façon que ce soit, sauf les garde-corps. Ainsi, RBP fait valoir que lorsqu’on applique aux articles de la liste la règle 2a), qui prévoit que toute référence à ces articles couvre les articles à l’état démonté ou non monté, ces marchandises demeurent non qualifiées. Par contre, RBP est d’avis que puisque les notes explicatives de la position no 73.08 mentionnent les « garde-corps montés » plutôt que simplement les « garde-corps », cela empêche de classer les pièces de garde-corps dans la même position, puisque les garde-corps classés dans la position no 76.10 doivent être « montés ».
  4. Pour sa part, l’ASFC fait valoir que les « garde-corps montés » dont il est question dans les notes explicatives de la position no 73.08 et les « garde-corps » dont il est question à la position no 76.04 sont de nature similaire et que le renvoi aux garde-corps montés inclut les garde-corps qui ne sont pas montés au moment de l’importation. L’ASFC soutient que le renvoi aux deux positions confirme que les garde-corps sont une composante courante des constructions.
  5. Le dictionnaire Merriam-Webster en ligne définit le verbe « monter » ainsi :

1 : Mettre ensemble, dans un endroit particulier ou pour une fin particulière

2 : Assembler les différentes parties de[15]

[Traduction]

  1. Le dictionnaire English Oxford Living Dictionaries définit le verbe « monter » ainsi :

[...]

2 [suivi d’un objet] Assembler les différentes composantes (d’une machine ou d’un autre objet)

« on s’emploie à monter la nouvelle machine et à démonter l’ancienne »[16]

[Traduction]

  1. Les marchandises en cause sont conçues pour être assemblées après l’importation dans le but de former un garde-corps monté qui répond aux spécifications de conception et aux besoins des clients. Le Tribunal conclut que le terme « garde-corps montés » a été choisi dans un but particulier. Les rédacteurs avaient l’intention d’utiliser l’adjectif « montés » pour qualifier les garde-corps, ce qui signifie que les garde-corps doivent être montés au moment de l’importation pour être visés par la position no 76.10.
  2. La preuve indique que les marchandises en cause sont un ensemble varié de pièces conçues pour être utilisées par les consommateurs pour monter et personnaliser des garde-corps après l’importation. Le Tribunal a entendu le témoignage de M. Liefke, de RBP, selon lequel, au moment de l’importation, il ne sait pas combien de pièces de chaque type un client utilisera pour monter son garde-corps[17]. M. Liefke a témoigné que les marchandises en cause ne sont pas des garde-corps non montés, ni des trousses de construction de garde-corps.
  3. Dans leurs observations écrites et orales, les parties ont souvent invoqué la décision Toys “R” Us (Canada) Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[18] pour appuyer leurs arguments sur la question de savoir si les marchandises en cause sont des constructions, des parties de constructions ou des pièces préparées en vue de leur utilisation dans la construction aux termes de la position no 76.10. RBP a fait valoir que les marchandises en cause ne sont pas visées par la position no 76.10, parce qu’elles ne sont pas des parties de constructions ni des pièces préparées en vue de leur utilisation dans la construction et qu’elles sont donc utilisées pour monter un produit énuméré au troisième paragraphe des notes explicatives pertinentes de la position no 76.10 (c’est-à-dire des « garde-corps montés »)[19]. L’ASFC, pour sa part, a fait valoir que les marchandises en cause sont classées dans la position no 76.10, à titre de pièces préparées en vue de leur utilisation dans la construction. À son avis, les marchandises en cause sont des pièces de garde-corps qui sont fixées à des constructions, comme des bâtiments résidentiels et commerciaux[20]. Le Tribunal a jugé que ces observations avaient une valeur limitée et qu’elles n’étaient pas déterminantes quant à l’issue du présent appel.
  4. Le Tribunal est plutôt d’avis que le présent appel peut être tranché par application de la règle 1.
  5. La règle 1 apporte des précisions quant à l’application des autres règles. Elle prévoit ce qui suit : « [l]e libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes » [nos italiques]. Autrement dit, il ne faut examiner les autres règles que si la règle 1 ne permet pas de déterminer le classement tarifaire. En l’espèce, les notes explicatives, qui définissent la portée de la position no 76.10, mentionnent spécifiquement les « garde-corps montés » [nos italiques]. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner la règle 2a), puisque le terme « garde-corps montés » est précis et permet de trancher l’appel en vertu de la règle 1.
  6. Pour classer les marchandises en cause dans la position no 76.10, il faudrait que le Tribunal conclue que le terme « garde-corps montés » vise également les pièces de garde-corps et donc qu’il ne tienne pas compte de l’adjectif « montés ». Cette interprétation serait contraire à la règle 1 et à la décision rendue par la Cour dans l’arrêt Suzuki. Le Tribunal ne voit aucune raison valable de déroger aux notes explicatives en l’espèce. Il est clair qu’en utilisant l’adjectif « montés » pour qualifier les garde-corps, les rédacteurs avaient l’intention d’exclure de la position no 76.10 tous les garde-corps qui ne sont pas des « garde-corps montés » [nos italiques]. Ainsi, les garde-corps démontés ou les pièces de garde-corps – comme les marchandises en cause – ne peuvent pas être inclus dans cette position. Toute autre interprétation viderait de sens le terme « montés ».

Les marchandises en cause remplissent les conditions requises pour être classées dans la position no 76.04

  1. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la position no 76.04 exclut les articles préparés en vue de leur utilisation dans la construction de la position 76.10. Ayant conclu que les marchandises en cause ne peuvent pas être classées dans la position no 76.10, le Tribunal examinera maintenant la question de savoir si elles peuvent être classées dans la position no 76.04.
  2. Les marchandises en cause comprennent des alliages d’aluminium. Ce fait n’est pas contesté.
  3. Les « profilés » sont définis dans les notes du chapitre 76. En l’espèce, les marchandises en cause sont visées par cette définition.
  4. Comme il a déjà été mentionné, les notes explicatives de la position no 74.07 s’appliquent mutatis mutandis à la position no 76.04 et prévoient que la position ne vise pas les profilés en cuivre. Plus précisément, elles prévoient que « [les produits visés par la position] peuvent également avoir subi des ouvraisons [...] pourvu que ces ouvraisons n’aient pas pour effet de leur conférer le caractère d’articles ou d’ouvrages repris ailleurs. » Les marchandises en cause n’ont pas le caractère d’un garde-corps au moment de leur importation. Elles peuvent être utilisées à divers degrés pour monter un garde-corps après l’importation, selon les besoins des clients. Les marchandises en cause ne sont donc pas exclues de la position no 76.04 par les notes explicatives de la position no 74.07. Par conséquent, elles sont correctement classées dans la position no 76.04.
  5. Puisque les marchandises en cause sont des articles creux, elles sont correctement classées dans la sous-position no 7604.21.
  6. Enfin, comme les parties conviennent que les marchandises ont subi des ouvraisons, elles sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7604.21.00.

DÉCISION

  1. L’appel est admis.
 

[1].     L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     Pièce AP-2016-017-4B (protégée), onglet 2 aux pp. 102-107, vol. 2.

[4].     Ni RBP ni l’ASFC n’ont déposé l’appel de RBP relatif à la décision de l’ASFC en vertu du paragraphe 59(2) de la Loi, mais le mémoire de RBP mentionne que l’appel a été formé le 6 janvier 2016. Voir la pièce AP‑2016‑017‑4A aux par. 5-6, vol. 1.

[5].     Pièce AP-2016-017-8A, onglet 3 aux pp. 18-19, vol. 1A.

[6].     Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[7].     L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[8].     L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[9].     Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[10].   Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003 [Avis de classement].

[11].   Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012 [Notes explicatives].

[12].   Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[13].   Termes omis dans la version française des notes explicatives.

[14].   Les notes explicatives de la position no 76.03 s’appliquent mutatis mutandis à la position no 76.10.

[15].   En ligne : https://www.merriam-webster.com/dictionary/assemble [en anglais seulement].

[16].   En ligne : https://en.oxforddictionaries.com/definition/assemble [en anglais seulement].

[17].   Transcription de l’audience publique, vol. 1, 31 janvier 2017, aux pp. 23-26.

[18].   (22 juillet 2016), AP-2015-024 (TCCE) [Toys “R” Us].

[19].   Ne pas oublier que les notes explicatives de la position no 73.08 s’appliquent mutatis mutandis à la position no 76.10.

[20].   De fait, durant l’audience, l’ASFC est allée encore plus loin et a indiqué que tout ce qui est fixé à une construction en fait partie. Voir Transcription de l’audience publique, vol. 1, 31 janvier 2017, à la p. 60.