R. SULIT

R. SULIT
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2016-037

Décision et motifs rendus
le mardi 5 septembre 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 juillet 2017 en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 7 décembre 2016 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

R. SULIT Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 6 juillet 2017

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Personnel de soutien : Amélie Cournoyer, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

 

R. Sulit

 

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Amy Smeltzer

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

  1. Le présent appel est interjeté auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes,[1] contre une décision rendue le 7 décembre 2016 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4).
  2. Le litige concerne le classement tarifaire de deux coups-de-poing américains (les marchandises en cause) importés par M. R. Sulit. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’armes prohibées et, par conséquent, de marchandises dont l’importation est interdite au Canada aux termes du paragraphe 136(1).

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le ou autour du 15 août 2016, M. Sulit a commandé les marchandises en cause.
  2. Le 31 août 2016, l’ASFC a retenu les marchandises en cause aux termes de l’article 101 de la Loi.
  3. Le 8 septembre 2016, aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi, l’ASFC a rendu une décision classant les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d’armes prohibées. Ce classement est fondé sur la détermination de l’ASFC selon laquelle les marchandises en cause constituent des armes prohibées au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.[3]
  4. Le 16 septembre 2016, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, M. Sulit a demandé la révision de la décision de l’ASFC.
  5. Le 7 décembre 2016, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC a confirmé sa décision originale en ce qui concerne le classement tarifaire des marchandises en cause.
  6. Le 9 janvier 2017, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, M. Sulit a interjeté le présent appel auprès du Tribunal.
  7. Le Tribunal a décidé de statuer sur la plainte sur la foi des pièces versées au dossier, conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[4], ce à quoi les parties ne se sont pas opposées. Le Tribunal a instruit l’appel à Ottawa (Ontario) le 6 juillet 2017. Les marchandises en cause ont été mises à la disposition du Tribunal, qui les a examiner.

MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les parties conviennent que les marchandises en cause sont des coups-de-poing américains.
  2. M. Sulit décrit les marchandises en cause comme des pièces de métal qui épousent la forme des jointures. L’ASFC décrit les marchandises en cause comme des pièces de métal doré percées de quatre trous dans lesquels on enfile les doigts.

CADRE LÉGISLATIF

  1. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes stipule ce qui suit :

    L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

    The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

    [Nos italiques]

  1. Lorsqu’il est question du classement de marchandises dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le paragraphe 136(2) du Tarif des douanes prévoit que les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[5] ne s’appliquent pas. De plus, la note 1 du chapitre 98 prévoit que les « marchandises qui sont décrites dans une disposition du présent chapitre peuvent être classées dans ladite position si les conditions et les exigences de celle-ci et de tout autre règlement applicable sont respectées ».
  2. La question de savoir si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 doit donc être tranchée conformément aux dispositions de ce numéro tarifaire et aux dispositions applicables du Code criminel.
  3. La liste des marchandises prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 comprend les « armes prohibées ». Pour l’application du numéro tarifaire 9898.00.00, l’expression « armes prohibées » s’entend au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.
  4. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit le terme « arme prohibée » de la façon suivante, dont seul l’alinéa b) est pertinent :

    a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;

    b) toute arme – qui n’est pas une arme à feu – désignée comme telle par règlement.

    (a) a knife that has a blade that opens automatically by gravity or centrifugal force or by hand pressure applied to a button, spring or other device in or attached to the handle of the knife, or

    (b) any weapon, other than a firearm, that is prescribed to be a prohibited weapon . . . .

  1. L’article 4 du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés, à autorisation restreinte ou sans restriction[6] indique que les armes énumérées à la partie 3 de l’annexe de ce règlement sont considérées comme des « armes prohibées » au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.
  2. L’article 15 de la partie 3 de l’annexe du Règlement désignant certaines armes comme étant prohibées est rédigé comme suit et qualifie ces marchandises d’armes prohibées :

    L’instrument communément appelé « coup-de-poing américain » et autre instrument semblable consistant en une armature métallique trouée dans laquelle on enfile les doigts.

    The device known as “Brass Knuckles” and any similar device consisting of a band of metal with one or more finger holes designed to fit over the fingers of the hand.

POSITION DES PARTIES

  1. M. Sulit reconnaît que les marchandises en cause sont des coups-de-poing américains et que, par conséquent, elles sont des armes prohibées, mais soutient qu’il en a besoin pour se protéger, et qu’il a le droit de les posséder conformément à ses croyances personnelles.
  2. L’ASFC soutient que les marchandises en cause satisfont à la définition de coup-de-poing américain qui figure à l’article 15 de la partie 3 de l’annexe du Règlement désignant certaines armes comme étant prohibées. L’ASFC soutient qu’il incombe à M. Sulit de prouver que les marchandises en cause ne sont pas correctement classées à titre d’armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du du Tarif des douanes. Enfin, l’ASFC soutient que le Tribunal n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’exclure les marchandises en cause de la portée de la prohibition.

ANALYSE

  1. Aux termes de l’article 15 de la partie 3 de l’annexe du Règlement désignant certaines armes comme étant prohibées, pour être considérées comme des coups-de-poing américains, les marchandises en cause doivent satisfaire à trois critères : elles doivent 1) être constituées d’une armature métallique 2) comportant des trous 3) et conçues pour y enfiler les doigts.
  2. Ayant examiné les marchandises en cause, le Tribunal conclut sans difficulté qu’elles satisfont aux trois critères de la définition : elles sont constituées d’une armature métallique comportant quatre trous dans lesquels on enfile les doigts.
  3. Il doit aussi être souligné que les parties conviennent que les marchandises en cause correspondent à la définition de coup-de-poing américain. En effet, M. Sulit admet que les marchandises en cause sont des coups-de-poing américains et, plus particulièrement, qu’elles sont des pièces de métal conçues pour épouser la forme des jointures afin d’aider l’utilisateur à assener un coup de poing d’une force qui augmente la probabilité qu’une victime subisse des lésions cutanées et des fractures.
  4. De plus, M. Sulit admet que les marchandises en cause doivent être classées à titre d’armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes.  
  5. Le Tribunal doit appliquer la loi telle qu’elle est rédigée et n’est pas habilité à dispenser des mesures en équité dans un tel cas[7]. Comme le souligne l’ASFC, le fait qu’une personne souhaite utiliser une arme prohibée pour se défendre n’entre pas en ligne de compte dans la détermination du classement tarifaire étant donné les dispositions pertinentes de la législation et du Règlement désignant certaines armes comme étant prohibées. Par conséquent, le Tribunal n’a aucun pouvoir discrétionnaire sur cette question puisque le cadre législatif et réglementaire ne prévoit pas l’exclusion des coups-de-poing américains utilisés pour se défendre de la portée de la prohibition[8]. En outre, les croyances personnelles de M. Sulit invoquées à l’appui de sa position ne constituent pas un motif sur lequel le Tribunal pourrait se fonder pour classer les marchandises en cause.
  6. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que M. Sulit n’a pas démontré que les marchandises en cause ne sont pas correctement classées à titre d’armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes[9].

DÉCISION

  1. L’appel est rejeté.
 

[1].     L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     L.R.C., 1985, ch. C-46.

[4].     D.O.R.S./91-499.

[5].     L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[6].     D.O.R.S./98-462 [Règlement désignant certaines armes comme étant prohibées].

[7].     Wayne Erikson c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE) à la p. 3; G. Bradford c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 septembre 2016), AP-2015-031 (TCCE) au par. 34.

[8].     Andrew Taylor c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (3 décembre 2008), AP-2007-025 (TCCE) au par. 40.

[9].     Aux termes du paragraphe 152(3) de la Loi sur les douanes, la partie appelante a le fardeau de démontrer que le classement des marchandises importées est incorrect et que, par conséquent, elles ne constituent pas des armes prohibées. Voir Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII) aux par. 7, 21.