T. MEUNIER

T. MEUNIER
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2016-009

Décision et motifs rendus
le jeudi 12 octobre 2017

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 25 mai 2017, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 4 février 2016 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

T. MEUNIER Appelant

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 25 mai 2017

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Personnel de soutien : Eric Wildhaber, conseiller juridique
Amélie Cournoyer, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelant

 

T. Meunier

 

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Patricia Nobl

TÉMOIN :

William Etter
Technicien en chef des armes à feu
Gendarmerie royale du Canada

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le présent appel a été déposé auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) par M. T. Meunier, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard d’une décision rendue le 4 février 2016 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4).
  2. Le présent appel concerne le classement tarifaire d’une carcasse de pistolet à air comprimé (la marchandise en cause) importée par M. Meunier. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre de dispositif prohibé, soit une réplique d’arme à feu, comme l’a déterminé l’ASFC.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. La marchandise en cause a été confisquée par l’ASFC le 26 mai 2015 au moment de son entrée au Canada, l’ASFC l’ayant classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de dispositif prohibé.
  2. Le 20 août 2015, M. Meunier a présenté à l’ASFC une demande de révision du classement tarifaire, conformément aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi.
  3. Le 4 février 2016, l’ASFC a confirmé, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, que la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de dispositif prohibé et que son importation au Canada est interdite.
  4. Le 4 mai 2016, M. Meunier a déposé un avis d’appel de la décision de l’ASFC auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.
  5. L’ASFC a déposé un rapport préparé par M. William Etter de la Gendarmerie royale du Canada[3] et a demandé au Tribunal que M. Etter soit reconnu comme expert en identification d’armes à feu et de traces d’outil.
  6. Le Tribunal a tenu trois téléconférences pour convenir avec les parties de la procédure appropriée à suivre en tenant compte des circonstances particulières de la présente affaire. Il a notamment été question du contre-interrogatoire de l’expert proposé par l’ASFC par M. Meunier. Tel que convenu par les parties, M. Meunier a posé ses questions à M. Etter par écrit et ce dernier a répondu par écrit. Des observations supplémentaires ont également été déposées par les deux parties.
  7. Avec le consentement des parties, le Tribunal a statué sur l’appel sur la foi des renseignements versés au dossier, conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[4]. L’appel a été instruit sur pièces à Ottawa (Ontario) le 25 mai 2017. La marchandise en cause a été mise à la disposition du Tribunal qui l’a examinée.

MARCHANDISE EN CAUSE

  1. La marchandise en cause est une carcasse WE-Tech 3PX4 Bulldog GBB (WE Bulldog), soit la partie inférieure d’un pistolet à air comprimé WE Bulldog. Elle est fabriquée par la compagnie WE Tactical Training International de Taiwan et a été achetée au distributeur Evike aux États-Unis.
  2. Le colis importé par M. Meunier comprenait la carcasse, un chargeur et deux « sangles arrière de remplacement ». La marchandise en cause a donc été importée séparément du pistolet à air comprimé sur lequel elle est conçue pour être installée.

CADRE LÉGISLATIF

  1. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

    L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

    The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

  1. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

    Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, sauf : [...]

    Pour l’application du présent numéro tarifaire :

    [...]

    a) « arme » et « arme à feu » s’entendent au sens de l’article 2 du Code criminel;

    b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

    Firearms, prohibited weapons, restricted weapons, prohibited devices, prohibited ammunition and components or parts designed exclusively for use in the manufacture of or assembly into automatic firearms, in this tariff item referred to as prohibited goods, but does not include the following: . . . 

    For the purposes of this tariff item,

    . . . 

    (a) “firearms” and “weapon” have the same meaning as in section 2 of the Criminal Code;

    (b) “automatic firearm”, “licence”, “prohibited ammunition”, “prohibited device”, “prohibited firearm”, prohibited weapon, restricted firearm and “restricted weapon” have the same meanings as in subsection 84(1) of the Criminal Code . . . .

  1. Le paragraphe 84(1) du Code Criminel prévoit qu’un dispositif prohibé comprend notamment une réplique, qui est définie comme suit :

    « réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte – ou à la reproduire le plus fidèlement possible – ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique – ou à la reproduire le plus fidèlement possible – ou auquel on a voulu donner cette apparence.

    “replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

  1. Par conséquent, afin de déterminer si la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer si elle est visée par la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel[5].
  2. Pour qu’un dispositif soit considéré comme une réplique, les trois conditions suivantes doivent être remplies : 1) il doit s’agir d’un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à reproduire le plus fidèlement possible une arme à feu, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) cet objet ne doit pas être une arme à feu; 3) il ne doit pas s’agir d’un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à reproduire le plus fidèlement possible une arme à feu historique, ou auquel on a voulu donner cette apparence.
  3. L’article 2 du Code Criminel définit « arme à feu » comme suit :

    « arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

    “firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

  1. Le paragraphe 84(1) du Code Criminel définit « arme à feu historique » comme suit :

    « arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

    “antique firearm” means

    (a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

    (b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

  1. Selon le paragraphe 152(3) de la Loi et l’article 12 du Tarif des douanes, le fardeau de prouver que la marchandise en cause n’est pas un dispositif prohibé incombe à M. Meunier. La norme de preuve est celle de la prépondérance des probabilités[6].

POSITION DES PARTIES

M. Meunier

  1. M. Meunier soutient que la marchandise en cause n’est pas interdite d’importation puisque l’une des conditions pour qu’un dispositif soit considéré comme une réplique, soit celle exigeant que le dispositif ne soit pas lui-même une arme à feu, n’est pas remplie. En effet, M. Meunier allègue que la marchandise en cause est une pièce d’une véritable arme à feu puisqu’il entend l’installer sur un pistolet à air comprimé qui est considéré comme une arme à feu en vertu du Code criminel. À cet égard, M. Meunier soutient qu’un dispositif devient une véritable arme à feu et n’est donc pas une réplique lorsque le projectile atteint une vitesse de 366 pi/s.

ASFC

  1. L’ASFC soutient que la marchandise en cause est un dispositif prohibé puisqu’elle satisfait aux trois conditions définissant une réplique. L’ASFC soutient que le pistolet à air comprimé WE Bulldog, avec lequel la marchandise en cause est conçue pour être utilisée, n’est pas une arme à feu puisqu’elle n’a pas été conçue ou adaptée pour tirer des projectiles à une vitesse de plus de 366 pi/s et que les projectiles qu’elle tire ne sont donc généralement pas susceptibles de causer des lésions corporelles graves ou la mort à une personne.

ANALYSE

  1. À titre de question préliminaire, l’ASFC a demandé au Tribunal de reconnaître M. Etter comme témoin expert en identification d’armes à feu et de traces d’outil. Après avoir examiné le curriculum vitæ de M. Etter déposé avec son rapport et étant donné que M. Meunier ne s’est pas opposé à ce qu’il soit reconnu comme expert, le Tribunal n’a eu aucune difficulté à reconnaître M. Etter comme expert en identification d’armes à feu et de traces d’outil.
  2. Le Tribunal prend note que les parties conviennent que la marchandise en cause remplit les première et troisième conditions de la définition du terme « réplique ». Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut ainsi sans difficulté qu’elle remplit ces deux exigences, étant conçue de façon à avoir l’apparence d’une arme à feu qui n’est pas une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible.
  3. Comme l’article 2 du Code criminel inclut explicitement les carcasses dans la définition d’« arme à feu », il s’ensuit que la réplique d’une telle carcasse peut constituer une réplique d’arme à feu.
  4. Habituellement, le Tribunal compare la taille, la forme et l’apparence générale d’une réplique avec l’arme qu’elle reproduit[7], et il est entendu que la définition de « réplique » tolère des différences mineures[8].
  5. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si la marchandise en cause peut être prise à tort pour une arme à feu véritable, puisque « l’interdiction d’importer des répliques découle logiquement de la préoccupation que ces dernières puissent être à tort perçues comme des armes à feu, en raison de leur apparence »[9].
  6. Comme le Tribunal ne détenait pas d’exemplaire de l’arme à feu véritable, il s’est basé sur le rapport de M. Etter, qui comprend des photographies détaillées, pour comparer la marchandise en cause avec l’arme à feu qu’elle est alléguée reproduire, soit la carcasse d’un pistolet Beretta PX4 Storm, une arme à feu semi-automatique[10].
  7. Tel que souligné par l’ASFC, la marchandise en cause et la véritable carcasse d’un pistolet Beretta PX4 Storm ont une forme pratiquement identique, la même taille et une apparence générale quasi identique, mais comportent des logos différents. De l’avis du Tribunal, cette différence entre les logos est mineure.
  8. Le Tribunal conclut que la marchandise en cause est conçue de façon à reproduire le plus fidèlement possible la carcasse d’une arme à feu véritable et qu’elle pourrait facilement être prise pour une véritable arme à feu.
  9. De plus, selon le rapport de M. Etter, le véritable pistolet semi-automatique Beretta PX4 Storm n’a pas été fabriqué avant 2004[11]. Par conséquent, il n’est pas une arme à feu historique.[12]
  10. Compte tenu de ce qui précède, la seule question qui reste à trancher est celle de savoir si la marchandise en cause est en soi une arme à feu et n’est pas, de ce fait, une réplique, ce qui pourrait avoir une incidence sur la désignation de celle-ci à titre de dispositif « prohibé ».

La marchandise en cause est-elle en soi une arme à feu?

  1. Pour les raisons qui suivent, le Tribunal est d’avis que M. Meunier ne s’est pas acquitté de son fardeau de prouver que la marchandise en cause est une arme à feu et que, par conséquent, celle-ci n’est pas visée par la définition de réplique au paragraphe 84(1) du Code criminel.
  2. Le terme « arme à feu » n’est pas défini dans le paragraphe 84(1). La définition contenue à l’article 2 du Code criminel stipule qu’une « arme à feu » est « toute arme susceptible [...] d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne ».  
  3. En l’espèce, eu égard à la définition d’arme à feu à l’article 2 du Code criminel, pour prouver que la marchandise en cause est une arme à feu, M. Meunier devait prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est une carcasse d’une « arme susceptible [...] d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne ».
  4. Le Tribunal reconnaît le caractère un peu contradictoire du fardeau dont M. Meunier devait s’acquitter, soit celui de prouver que la marchandise en cause est une arme à feu, en considération de l’objectif de sécurité publique que visent ces dispositions. Le fardeau qui incombe à l’appelant de démontrer qu’un article est potentiellement dangereux peut sembler incongru, mais la loi est ainsi rédigée et trace le chemin que doit suivre le Tribunal.
  5. Le Tribunal accepte la preuve non contestée fournie par l’ASFC selon laquelle le seuil auquel des lésions corporelles graves risquent d’être infligées par un pistolet à air comprimé utilisant des projectiles en plastique ayant un poids de 0,20 g se situe à une vitesse de 366 pi/s[13].
  6. Tel qu’indiqué plus haut, la marchandise en cause est la carcasse d’un pistolet à air comprimé WE Bulldog. Selon le rapport de M. Etter[14], la marchandise en cause ne peut être installée sur un véritable pistolet Beretta PX4 Storm.
  7. M. Meunier allègue que la marchandise en cause, lorsqu’importée au Canada, est conçue pour être utilisée avec un pistolet à air comprimé capable de projeter une bille à une vitesse de 370 à 400 pi/s lorsqu’il est muni d’un canon long. M. Meunier souligne que ce canon est différent de celui illustré sur le site Internet du distributeur américain Evike, soumis par l’ASFC, qui indique que la vitesse du projectile tiré par un pistolet à air comprimé WE Bulldog est de 265 à 280 pi/s[15].
  8. À l’appui de cette prétention, M. Meunier a soumis au Tribunal un courriel qu’il a reçu d’un représentant du fabricant WE Tactical Training International indiquant que les pistolets WE Bulldog sont habituellement importés au Canada avec un canon assurant que les pistolets atteignent la vélocité minimale requise[16]. Le Tribunal souligne par ailleurs que le représentant invitait dans son courriel M. Meunier à communiquer directement avec le distributeur Evike, auquel M. Meunier a acheté la marchandise en cause, afin de s’assurer que son colis comprendrait un tel canon. Selon la preuve au dossier, il ne semble pas y avoir eu un tel contact entre M. Meunier et Evike.
  9. M. Meunier a également soumis au Tribunal des extraits de sites Internet d’entreprises canadiennes qui vendent des pistolets à air comprimé WE Bulldog indiquant que ceux-ci peuvent atteindre une vélocité supérieure à 366 pi/s[17]. Le Tribunal souligne que l’un de ces extraits indique ce qui suit : « vélocité de 370 fps/ .20gr avec canon long. Le tout vient avec un faux silencieux et canon d’origine »[18] [nos italiques].
  10. Quant à l’ASFC, en plus de l’extrait du site Internet du distributeur Evike, elle a soumis un extrait du site Internet du manufacturier WE Tactical Training International qui indique que le pistolet à air comprimé WE Bulldog est conçu pour tirer un projectile à une vitesse maximale de 330 pi/s[19].
  11. Le Tribunal souligne par ailleurs que M. Meunier a également soumis un extrait du site Internet du manufacturier qui confirme que la vitesse du projectile tiré par le WE Bulldog est de 330 pi/s. M. Meunier allègue toutefois que les informations trouvées sur le site Internet du manufacturier sont destinées en premier lieu à des acheteurs locaux qui peuvent utiliser la marchandise en cause différemment des acheteurs internationaux. M. Meunier soutient que le site Internet du manufacturier ne reflète donc pas le fait que des acheteurs internationaux, comme lui, peuvent utiliser la marchandise en cause avec un canon qui permettra de tirer un projectile pouvant atteindre une vitesse supérieure à celle affichée.
  12. Ayant examiné les éléments de preuve au dossier, le Tribunal conclut que ceux-ci sont insuffisants pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la marchandise en cause est une carcasse de pistolet à air comprimé capable de tirer un projectile à une vitesse pouvant « infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne ».
  13. Les extraits des sites Internet du manufacturier soumis par les deux parties ainsi que l’extrait du site Internet du distributeur auquel M. Meunier a acheté la marchandise en cause indiquant que la vitesse du projectile tiré par un WE Bulldog est inférieure à 366 pi/s sont déterminants en l’espèce.
  14. Quant aux extraits des sites Internet soumis par M. Meunier provenant de tierces parties, ceux-ci établissent tout au plus que la marchandise en cause peut être intégrée soit à des pistolets à air comprimé constituant des armes à feu, soit à des pistolets à air comprimé ne constituant pas des armes à feu. Ceci constitue une preuve insuffisante pour que M. Meunier s’acquitte du fardeau de la preuve qui lui incombe en l’espèce[20]. La possibilité que cette pièce puisse être adjointe à un canon plus long, soit par assemblage ou par une quelconque modification, n’est pas déterminante quant à l’utilisation prévue de cette pièce.
  15. De plus, aucune preuve n’a été présentée indiquant que le colis acheté par M. Meunier au distributeur Evike contenait des pièces supplémentaires tel que décrites dans le courriel du manufacturier qui permettraient au projectile d’atteindre les vitesses qu’il prétend. Ayant examiné la marchandise en cause, le Tribunal constate qu’elle a été importée sans canon et que, par conséquent, des pièces pouvant prétendument augmenter la vitesse du projectile tiré par le pistolet n’ont pas été importées avec la marchandise en cause.
  16. Le Tribunal prend également acte de l’argument de M. Meunier selon lequel il est probable que des acheteurs canadiens utilisent la marchandise en cause avec un canon permettant d’augmenter la vitesse du projectile tiré par le pistolet, et souligne que l’utilisation particulière que compte faire un importateur de marchandises importées ne peut être contrôlée par l’ASFC et n’est pas pertinente pour l’application du Tarif des douanes.
  17. Il est bien établi que le classement tarifaire selon le Tarif des douanes s’effectue au moment de l’importation des marchandises[21]. Or, il ressort des éléments de preuve que la marchandise en cause est conçue pour être utilisée comme partie de dispositifs qui ne sont pas des armes à feu en vertu du Code criminel. Qu’elle puisse, après son importation, potentiellement aussi être utilisée avec des dispositifs qui pourraient éventuellement faire en sorte qu’elle soit désignée comme arme à feu, étant donné la vitesse du projectile, est insuffisant pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que la marchandise en cause est une carcasse d’arme à feu[22].
  18. Par conséquent, le Tribunal convient avec l’ASFC que la marchandise en cause remplit la troisième condition de la définition du terme « réplique », c’est-à-dire qu’elle n’est pas en soi une arme à feu.

CONCLUSION

  1. Étant donné que la marchandise en cause remplit les trois conditions de la définition du terme « réplique » énoncée au paragraphe 84(1) du Code criminel, le Tribunal conclut qu’il s’agit d’un dispositif prohibé. Par conséquent, la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00, de sorte que son importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

DÉCISION

  1. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.
 

[1].     L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     Rapport préparé par M. William Etter, technicien en chef des armes à feu, Services spécialisés de soutien en matière d’armes à feu de la Gendarmerie royale du Canada, intitulé Inspection of a WE Model Company Model, WE Bulldog Airsoft Frame (complete), daté du 7 septembre 2016, pièce AP-2016-009-08A, vol. 1A.

[4].     D.O.R.S./91-499.

[5].     L.R.C. 1985, ch. C-46.

[6].     Tel que réaffirmé par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII), au par. 21.

[7].     Don L. Smith c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (23 septembre 2003), AP-2002-009 (TCCE).

[8].     Scott Arthur c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (30 janvier 2008), AP-2006-052 (TCCE) au par. 16.

[9].     Vito V. Servello c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (19 juin 2002), AP-2001-078 (TCCE) à la p. 14.

[10].    Le rapport de M. Etter fourni par l’ASFC contient une photo d’une véritable carcasse du pistolet Beretta PX4 Storm; voir pièce AP-2016-009-08A, vol. 1A, à la p. 3.

[11].    Pièce AP-2016-009-08A, vol. 1A, au par. 10.

[12].    Selon le paragraphe 84(1) du Code Criminel, pour être considérée comme une arme à feu historique, l’arme doit avoir été fabriquée avant 1898.

[13].    Pièce AP-2016-009-07A, vol. 1, aux par. 42-46; pièce AP-2016-009-05, vol. 1, au par. 11.

[14].    Pièce AP-2016-009-08A, vol. 1A, aux par. 11, 16.

[15].    Pièce AP-2016-009-07A, vol. 1, onglet 3.

[16].    Pièce AP-2016-009-05, vol. 1, onglet P-2.

[17].    Pièce AP-2016-009-05, vol. 1, onglet P-3; pièce AP-2016-009-10, vol. 1A, onglets P-10, P-11 et P-12.

[18].    Pièce AP-2016-009-10, vol. 1A, onglet P-11.

[19].    Pièce AP-2016-009-08A, vol. 1A, onglet C.

[20].    L. Lavoie c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (6 septembre 2013), AP-2012-055 (TCCE) aux par. 26-27.

[21].    Deputy M.N.R.C.E. v. MacMillan & Bloedel (Alberni) Ltd., [1965] SCR 366, 1965 CanLII 82 (SCC); Tiffany Woodworth c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (11 septembre 2007), AP-2006-035 (TCCE) au par. 21.

[22].    L. Lavoie c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (6 septembre 2013), AP-2012-055 (TCCE) au par. 28.