HONDA CANADA INC.

HONDA CANADA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2017-008

Décision et motifs rendus
le mardi 27 février 2018

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 octobre 2017, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 14 février 2017, concernant une demande de révision d’une décision anticipée concernant un classement tarifaire aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

HONDA CANADA INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 26 octobre 2017

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien : Rebecca Marshall-Pritchard, conseillère juridique
Anja Grabundzija, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Honda Canada Inc.

Michael Sherbo
Andrew Simkins
Michael Kaylor

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Joanie Roy

TÉMOIN :

Martin Rose
Gestionnaire, Garantie, et dirigeant principal, CH G-HQS
Honda Canada Inc.

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le présent appel a été interjeté par Honda Canada Inc. (Honda) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard de décisions rendues le 14 février 2017 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).
  2. La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane aux termes du numéro tarifaire 9958.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre de « parties, accessoires et articles [...] devant servir d’équipement d’origine dans la fabrication de [véhicules de tourisme, de camions ou d’autobus] ou de leurs châssis »[3].

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont des boîtes de vitesses automatiques complètes. Elles servent à remplacer les boîtes de vitesses originales défectueuses dans les véhicules motorisés de Honda couverts par une garantie. Elles sont identiques aux boîtes de vitesses originales, notamment parce qu’elles sont conçues pour une marque et un modèle de véhicule Honda en particulier. Les remplacements sont effectués par des mécaniciens chez les concessionnaires de Honda Canada, sans frais pour les clients.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 7 octobre 2014, Honda a déposé une demande de décision anticipée aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi, demandant que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 8708.40.29 à titre de « boîtes de vitesses et leurs parties ». Honda a également demandé que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 9958.00.00 et qu’ils puissent de ce fait bénéficier de l’exonération des droits de douane.
  2. Le 29 février 2016, l’ASFC a déterminé que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8708.40.29. Cependant, elle a rejeté la demande de classement dans le numéro tarifaire 9958.00.00 de Honda au motif que les marchandises en cause ne servaient pas d’équipement d’origine dans la fabrication de véhicules.
  3. Le 14 février 2017, à la suite de la demande de réexamen de Honda, l’ASFC a rendu une décision aux termes de l’alinéa 60(4)b) de la Loi, confirmant que les marchandises en cause ne pouvaient être classées dans le numéro tarifaire 9958.00.00.
  4. Le 8 mai 2017, Honda a porté en appel la décision de l’ASFC auprès du Tribunal.
  5. Le 24 octobre 2017, le Tribunal a fait parvenir une lettre aux parties leur demandant de soumettre, après l’audience, des observations concernant l’historique législatif du numéro tarifaire 9958.00.00.
  6. Le 26 octobre 2017, le Tribunal a tenu une audience. M. Martin Rose, gestionnaire, Garantie, et dirigeant principal, CH G-HQS, chez Honda Canada Inc., a témoigné au nom de Honda.
  7. Le 14 novembre 2017, Honda a déposé ses observations, et l’ASFC a déposé les siennes le 29 novembre 2017. Honda a déposé ses observations en réponse le 5 décembre 2017.

POSITION DES PARTIES

Honda

  1. Honda soutient que les marchandises en cause constituent des parties, accessoires et articles devant servir d’équipement d’origine dans la fabrication de véhicules mentionnés dans le numéro tarifaire 9958.00.00.
  2. Honda fait valoir que, conformément à l’interprétation faite par le Tribunal de l’expression « équipement d’origine » dans la décision Holland Hitch of Canada Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[4], le numéro tarifaire 9958.00.00 renvoie à des articles devant servir à la fabrication de véhicules, à l’assemblage de « première monte », ou encore, comme c’est le cas pour les marchandises en cause, comme pièces de rechange pour des véhicules équipés au départ du même composant (expressément conçu pour une marque et un modèle en particulier) et couverts par une garantie[5]. Honda fait valoir que toute autre interprétation aurait pour effet de rendre redondante l’inclusion de l’expression « d’équipement d’origine » employée dans le numéro tarifaire 9958.00.00; elle ajoute que le législateur avait précisément utilisé l’expression « devant servir d’équipement d’origine » dans ce numéro tarifaire de manière à inclure les remplacements couverts par une garantie.
  3. Dans ses observations supplémentaires, Honda soutient que, dans le contexte de la deuxième partie du numéro tarifaire 9958.00.00, le terme « fabrication » figure tout près du terme « équipement d’origine », ce dernier élargissant le sens ordinaire du premier. Ainsi, dès lors que les remplacements couverts par une garantie sont englobés dans le terme « équipement d’origine », c’est également le cas du terme « fabrication » employé dans ce contexte.
  4. En revanche, Honda avance que, si l’expression « dans la fabrication », dans la deuxième partie du numéro tarifaire, devait être interprétée comme excluant les remplacements couverts par une garantie, il y aurait incompatibilité avec le sens du terme « équipement d’origine », dans la mesure où l’une des deux définitions engloberait les remplacements couverts par une garantie, alors que l’autre les exclurait. Selon Honda, un conflit similaire existerait entre la première et la deuxième partie du numéro tarifaire 9958.00.00. Qui plus est, pareille interprétation aurait pour effet de désavantager injustement les importateurs d’équipement d’origine utilisé à des fins de remplacement couvert par une garantie vis-à-vis de leurs concurrents qui importent des parties pour les utiliser dans la fabrication, au Canada, d’un équipement d’origine équivalent qui, de la même façon, doit servir à des fins de remplacement couvert par une garantie.
  5. Honda soutient que la version précédente du numéro tarifaire 9958.00.00, soit le code tarifaire 6227, était formulée de la même manière.

ASFC

  1. Dans son mémoire initial, l’ASFC concède que les marchandises en cause sont des « articles » devant servir d’« équipement d’origine », suivant le sens donné à cette expression dans la décision Holland Hitch. Néanmoins, l’ASFC soutient que les marchandises ne devaient pas servir à la fabrication de véhicules de tourisme, de camions ou d’autobus. Elle ajoute que le terme « fabrication » ne comprend pas les réparations ou les remplacements.
  2. Dans ses observations supplémentaires, l’ASFC fait valoir que, selon ce que révèle l’historique législatif du numéro tarifaire 9958.00.00, l’intention du législateur était d’offrir une exonération aux fabricants canadiens de véhicules ou de parties de ceux-ci.
  3. Apportant des nuances à ses observations initiales, l’ASFC soutient en outre que les marchandises en cause ne constituent pas de l’« équipement d’origine ». Elle affirme que, même si l’expression « parties d’équipement d’origine », dans la première partie du numéro tarifaire 9958.00.00, peut englober les pièces de remplacement couvertes par une garantie, l’expression « équipement d’origine », dans la deuxième partie du numéro tarifaire — laquelle est pertinente dans le cadre du présent appel — est contextualisée et circonscrite par l’exigence additionnelle selon laquelle les articles doivent servir à « la fabrication [...] de véhicules ». Aux dires de l’ASFC, des pièces visées par une garantie ne peuvent, en toute logique, servir à la fabrication de véhicules.
  4. L’ASFC fait valoir que le dénominateur commun dans le numéro tarifaire 9958.00.00 consiste en l’exigence selon laquelle, pour qu’un traitement en franchise de droits soit accordé, il doit y avoir fabrication au Canada, que cette fabrication concerne des parties (comme le prévoit la première partie du numéro tarifaire) ou des véhicules (comme le prévoit la deuxième partie du numéro tarifaire). L’ASFC soutient que l’interprétation qu’en fait Honda prive le terme « fabrication » de son sens.

ANALYSE[6]

  1. Le numéro tarifaire 9958.00.00 prévoit ce qui suit :

    Parties, accessoires et articles, à l’exclusion des pneumatiques et chambres à air, devant servir à la fabrication de parties d’équipement d’origine de véhicules de tourisme, de camions ou d’autobus, ou devant servir d’équipement d’origine dans la fabrication de ces véhicules ou de leurs châssis.

  1. Il ne fait aucun doute que les marchandises en cause sont des « parties, accessoires et articles » au sens du Tarif des douanes. Par ailleurs, puisque nul ne soutient que les marchandises en cause « d[oivent] servir à la fabrication de parties d’équipement d’origine de véhicules de tourisme, de camions ou d’autobus », l’unique question à trancher en l’espèce est celle de savoir si les marchandises en cause sont classées dans le numéro tarifaire 9958.00.00 au motif qu’elles « d[oivent] servir d’équipement d’origine dans la fabrication de ces véhicules ou de leurs châssis ».

Sens de l’expression « [...] devant servir d’équipement d’origine dans la fabrication de [...] véhicules ou de leurs châssis »

  1. Honda s’appuie essentiellement sur la décision Holland Hitch du Tribunal pour faire valoir que, selon le sens qui lui est prêté dans le commerce, le terme « équipement d’origine » comprend les parties des véhicules servant comme pièces de rechange pour des véhicules équipés au départ du même composant (c’est-à-dire expressément conçues pour une marque et un modèle en particulier) et couverts par une garantie. Honda soutient donc que, par déduction nécessaire, les mots contenus dans l’expression « la fabrication [...] de véhicules », lorsqu’ils sont employés conjointement avec le terme « équipement d’origine », ont une signification plus large que leur sens ordinaire et englobent le remplacement de pièces visées par une garantie.
  2. À l’opposé, selon la position modifiée de l’ASFC, le terme « équipement d’origine », dans la deuxième partie du numéro tarifaire 9958.00.00, a une acception restreinte par l’exigence qui s’y rattache, à savoir « servir [...] dans la fabrication de [...] véhicules [...] » [nos italiques]. L’ASFC invoque la décision Great West Van Conversions Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[7], où le Tribunal a interprété le terme « fabrication », dans la deuxième partie du numéro tarifaire 9958.00.00, comme désignant le fait de produire de nouveaux produits qui ont de nouvelles formes, qualités et propriétés leur permettant de remplir une fonction qui ne pouvait pas être remplie auparavant. Ainsi, puisque les pièces visées par une garantie ne peuvent, en toute logique, servir à la fabrication de véhicules, l’ASFC soutient que le terme « équipement d’origine » n’inclut pas les pièces de remplacement couvertes par une garantie.
  3. Après avoir examiné les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, le Tribunal conclut que la portée de l’expression « [...] devant servir d’équipement d’origine dans la fabrication de [...] véhicules ou de leurs châssis », au sens du numéro tarifaire 9958.00.00, ne s’étend pas aux articles devant servir au remplacement de pièces visées par une garantie.
  4. Aucun des termes pertinents en l’espèce n’est défini dans le Tarif des douanes. La règle moderne d’interprétation des lois exige de « [...] lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »[8]. Ainsi, le « sens ordinaire » d’une disposition renvoie « à la première impression du lecteur, c’est-à-dire au sens qui lui vient spontanément à l’esprit lorsqu’il lit les termes dans leur contexte immédiat »[9] [traduction]. Cette expression a aussi déjà été décrite comme « le sens naturel qui se dégage de la simple lecture de la disposition dans son ensemble »[10].
  5. Lorsqu’on lit le numéro tarifaire 9958.00.00 selon son sens ordinaire et grammatical, il transmet l’idée que des marchandises importées sont admissibles à l’exonération des droits de douane au titre de ce numéro tarifaire si elles doivent servir à la fabrication d’autres marchandises. En particulier, le premier volet du numéro tarifaire s’applique aux cas où la marchandise importée doit servir à la fabrication de parties d’équipement d’origine, alors que le deuxième volet s’applique aux cas où la marchandise importée doit servir d’équipement d’origine dans la fabrication de véhicules.
  6. Les versions française et anglaise du numéro tarifaire communiquent la même signification, qui met l’accent sur l’utilisation de la marchandise importée pour la fabrication d’une autre marchandise[11]. De fait, ce sens ordinaire et grammatical qui transparaît dans le numéro tarifaire 9958.00.00 a déjà été reconnu par le Tribunal[12].
  7. Honda ne nie pas que le mot « fabrication », selon son sens ordinaire (et selon l’interprétation qu’en a fait le Tribunal dans la décision Great West Van, dans le contexte de la deuxième partie du numéro tarifaire 9958.00.00), ne comprend pas le remplacement d’une partie défectueuse, même si celle-ci est couverte par la garantie du véhicule[13].
  8. De surcroît, le Tribunal n’accepte pas l’argument de Honda selon lequel l’expression « équipement d’origine », telle qu’elle a été interprétée dans la décision Holland Hitch, place en contexte le sens du mot « fabrication » employé dans la deuxième partie du numéro tarifaire 9958.00.00 de telle manière à inclure également le remplacement de pièces défectueuses couvertes par une garantie. Pour accepter la position de Honda, il serait nécessaire d’adopter une interprétation forcée du libellé du numéro tarifaire dans son ensemble, tout comme du terme « fabrication ». Le Tribunal estime que rien ne justifie l’adoption d’une telle interprétation.
  9. À cet égard, la décision Holland Hitch n’étaye pas la position de Honda. Avant d’interpréter l’expression « parties d’équipement d’origine » figurant dans la première partie du numéro tarifaire 9958.00.00, le Tribunal a expressément reconnu les exigences différentes prévues par les première et deuxième parties du numéro tarifaire, notamment le fait que « [l]e passage précédant l’expression “ou devant servir d[e]” dans le numéro tarifaire 9958.00.00 ne contient aucune condition expresse selon laquelle les parties d’équipement d’origine doivent servir à la fabrication de véhicules »[14] [nos italiques].
  10. À la différence du passage qui était en cause dans la décision Holland Hitch, celui qui suit l’énoncé « ou devant servir d[e] » dans le numéro tarifaire 9958.00.00 exige expressément que les marchandises servent d’équipement d’origine « dans la fabrication de [...] véhicules [...] ». Le sens donné, dans le commerce, au terme « équipement d’origine », tel qu’établi dans la décision Holland Hitch, ne peut éclipser cette exigence expresse. Il ressort plutôt de celle-ci que la deuxième partie du numéro tarifaire s’applique uniquement à l’équipement d’origine servant dans la fabrication de véhicules[15].
  11. Une telle interprétation concorde avec l’intention apparente du législateur qui sous-tend le numéro tarifaire 9958.00.00. Comme l’ASFC l’a fait observer, ce numéro tarifaire est issu d’un décret réduisant les droits de douane[16] sur certaines marchandises servant à la fabrication de véhicules automobiles. Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation joint au décret prévoit notamment ce qui suit :

    [...] Ce décret modifie le Décret de 1988 sur la réduction ou la suppression des droits de douane soit pour réduire, soit pour éliminer les taux de droits de la NPF sur une gamme de pièces d’automobile d’origine devant servir à la fabrication de véhicules automobiles. [...] Depuis longtemps, il est courant d’avoir recours au pouvoir que confère ce décret pour réduire ou supprimer les droits de douane sur des matériaux utilisés dans des activités de fabrication au Canada. [...] La réduction des droits de douane sur des pièces d’automobile fera diminuer les coûts des intrants des compagnies automobiles asiatiques (Toyota, Honda et Hyundai), qui fabriquent des véhicules automobiles au Canada. Cette mesure est compatible avec la recommandation faite par le Groupe de travail sur la prospérité, selon laquelle les tarifs canadiens sur les intrants utilisés dans le secteur de la fabrication devraient être ramenés aux niveaux de ceux de nos principaux partenaires commerciaux. [...][17]

    [Nos italiques]

  1. En harmonie avec le sens ordinaire du code tarifaire 6227, d’abord, puis du numéro tarifaire 9958.00.00, par la suite, l’accent mis par le législateur sur les activités de fabrication et les intrants ressort clairement du Résumé de l’étude d’impact de la réglementation. Rien dans l’historique législatif de cette disposition n’étaye l’interprétation élargie que fait Honda du terme « fabrication » en particulier.
  2. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n’est pas disposé à accepter les autres arguments fondés sur le texte présentés par Honda. En fait, les deux parties ont avancé que le législateur aurait pu rédiger autrement le numéro tarifaire 9958.00.00 s’il avait voulu parvenir à tel résultat ou tel autre. Le Tribunal conclut que de tels arguments fondés sur le texte sont peu utiles pour les fins de l’exercice d’interprétation en l’espèce. Le Tribunal se fie au libellé réellement choisi par le législateur, libellé qui, selon son sens ordinaire et grammatical, transmet une signification qui est par ailleurs conforme à l’historique législatif de la disposition.

Les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 9958.00.00

  1. Les marchandises en cause servent à remplacer les boîtes de vitesses défectueuses dans les boîtes de vitesses des automobiles Honda visées par une garantie. Comme il a été mentionné précédemment, le remplacement d’une boîte de vitesses ne constitue pas de la « fabrication ». Par conséquent, les marchandises en cause ne servent pas d’équipement d’origine dans la fabrication de véhicules de tourisme, de camions ou d’autobus ou de leurs châssis, et ne peuvent donc pas être classées dans le numéro tarifaire 9958.00.00.

DÉCISION

  1. L’appel est rejeté.

ANNEXE A – CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[18]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que, conformément au paragraphe 10(2), le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[19] et les Règles canadiennes[20] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[21] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[22], publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal pour déterminer le classement de marchandises importées, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[23].
  5. Le chapitre 99 prévoit des dispositions de classement spéciales adoptées par le Canada qui permettent que certaines marchandises soient importées en franchise de droits. Les dispositions de ce chapitre ne sont pas uniformisées sur le plan international. Puisque chacune des positions du chapitre 99 n’est composée que d’une sous-position et d’un numéro tarifaire, il suffit que le Tribunal tienne compte, dans la mesure nécessaire, des règles 1 à 5 des Règles générales pour déterminer si des marchandises peuvent être classées dans ce chapitre.
  6. Les notes du chapitre 99 prévoient ce qui suit :

    1. Les dispositions du présent Chapitre ne sont pas régies par la règle de spécificité de la Règle générale interprétative 3 a).

    2. Les marchandises qui peuvent être classées dans les dispositions du Chapitre 99, sont classées dans le Chapitre 98 si elles peuvent également être classées dans ce chapitre.

    3. Les marchandises peuvent être classées dans un numéro tarifaire du présent Chapitre et peuvent bénéficier des taux de droits de douane du tarif de la nation la plus favorisée ou du tarif de préférence prévus au présent Chapitre qui s’appliquent à ces marchandises selon le traitement tarifaire applicable selon le pays d’origine, mais ce classement est subordonné au classement préalable de celles-ci dans un numéro tarifaire des Chapitres 1 à 97 et à l’observation des conditions prévues par les textes d’application qui leurs sont applicables.

    4. Les termes utilisés dans ce Chapitre et dans les Chapitres 1 à 97 s’entendent au sens de ces derniers Chapitres.

 

 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].      L.C. 1997, ch. 36.

[3].      Les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 8708.40.29 à titre de « boîtes de vitesses et leurs parties ».

[4].      (18 janvier 2013), AP-2012-004 (TCCE) [Holland Hitch]. La décision du Tribunal a été confirmée en appel par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Agence des services frontaliers) c. Saf-Holland Canada Ltd., 2014 CAF 3 (CanLII).

[5].      Pièce AP-2017-008.04A au par. 27, vol. 1.

[6].      Le cadre législatif du classement tarifaire est énoncé à l’annexe A.

[7].      (30 novembre 2011), AP-2010-037 (TCCE) [Great West Van] au par. 70, se basant sur les principes énoncés dans l’affaire The Queen v. York Marble, Tile and Terrazo Ltd, [1968] RCS 140 et Enseignes Imperial Signs Ltée c. M.R.N., [1990] A.C.F. nº 171, [1991] 1 C.T.C. 229.

[8].      Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, 1998 CanLII 837 au par. 21.

[9].      R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6e éd. à la p. 30.

[10].    Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Association canadienne des pilotes de lignes aériennes, [1993] 3 RCS 724, 1993 CanLII 31 (CSC) à la p. 735 (juge Gonthier); voir aussi Pharmascience Inc. c. Binet, [2006] 2 RCS 513, 2006 CSC 48 (CanLII) au par. 30.

[11].    La version anglaise prévoit ce qui suit : « Parts, accessories and articles, excluding tires and tubes, for use in the manufacture of original equipment parts for passenger automobiles, trucks or buses, or for use as original equipment in the manufacture of such vehicles or chassis therefor » [nos italiques].

[12].    Dans la décision Great West Van, qui portait sur la deuxième partie du numéro tarifaire, le Tribunal a déclaré que le numéro tarifaire 9958.00.00 exige que les marchandises importées soient : 1) des parties, accessoires ou articles 2) devant servir d’équipement d’origine 3) dans la fabrication de véhicules de tourisme. De même, dans la décision Holland Hitch, qui concernait la première partie du numéro tarifaire 9958.00.00, il était entendu que l’utilisation dans la « fabrication » était une condition nécessaire au classement dans ce numéro tarifaire. Les parties ont convenu que les marchandises en cause étaient des articles semi-finis importés pour transformation ultérieure en parties de véhicules automobiles finies.

[13].    Pièce AP-2017-008-14A aux par. 17, 25-26, vol. 1A. Transcription de l’audience publique, 26 octobre 2017, aux pp. 40-41.

[14].    Holland Hitch au par. 54.

[15].    Honda a soutenu à l’audience que la formulation « dans la fabrication de [...] véhicules [...] » avait été utilisée par le législateur en conjonction avec « équipement d’origine » de manière à indiquer que seuls les premières montes et les remplacements de garantie étaient visés. Elle a soutenu ce qui suit : « Outre cela, il n’y a pratiquement aucun moyen d’arriver à ce que [...] les remplacements couverts par une garantie soient visés par la disposition, et pas les remplacements d’un point de vue plus large [...] » [traduction]; transcription de l’audience publique, 26 octobre 2017, aux pp. 37-38. Toutefois, le sens donné dans le commerce au terme « équipement d’origine » — tel qu’il a été établi dans la décision Holland Hitch, aux par. 74-75, et invoqué par Honda — est intrinsèquement limité aux remplacements couverts par une garantie. Ainsi, Honda n’a fourni aucune raison qui justifierait la présence des mots « dans la fabrication de [...] véhicules [...] », dans la deuxième partie du numéro tarifaire, advenant que son interprétation soit retenue.

[16].    Décret de 1988 sur la réduction ou la suppression des droits de douane—Modification, DORS/94-18. Voir pièce AP-2017-008-15A, onglet 4, vol. 1B. Ce décret introduisait le code tarifaire 6227, que le numéro tarifaire 9958.00.00 a remplacé, et qui était, relativement à tous les aspects pertinents en l’espèce, libellé de manière identique.

[17].    Pièce AP-2017-008-15A, onglet 4, vol. 1B.

[18].    Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[19].    L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[20].    L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[21].    Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[22].    Organisation mondiale des douanes, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[23].    Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.