WORLDPAC CANADA INC.

WORLDPAC CANADA INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2016-039

Décision et motifs rendus
le mardi 13 mars 2018

TABLE DES MATIÈRES

 

EU ÉGARD À un appel entendu le 29 janvier 2018, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 11 octobre 2016, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

WORLDPAC CANADA INC. - Appelante

ET

PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA - Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.

Ann Penner -
Ann Penner
Membre présidant

Lieu de l’audience : - Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : - le 29 janvier 2018

Membre du Tribunal : - Ann Penner, membre présidant

Personnel de soutien : - Elysia Van Zeyl, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Worldpac Canada Inc.

Zave Kaufman
Jocelyn Grégoire

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Louis Sébastien

TÉMOINS :

Martin Restoule
Professeur
Algonquin College of Applied Arts and Technology - Subhash Rakheja, Ph. D.
Professeur
Université Concordia

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Il s’agit d’un appel interjeté par Worldpac Canada Inc. (Worldpac) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4), datée du 11 octobre 2016.
  2. L’unique question en litige dans le présent appel consiste à savoir si certains amortisseurs, ensembles d’amortisseurs et ensembles de suspension (les marchandises en cause) peuvent bénéficier de l’exonération de droits de douane du numéro tarifaire 9961.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’assemblages de commande à vide, hydraulique ou à l’air, devant servir à la réparation des véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes ou de marchandises.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Les 3 et 4 octobre 2013, Worldpac a fait une demande de remboursement sur le fondement de l’alinéa 74(1)e) de la Loi relativement à ses importations d’« autres amortisseurs de suspension » visés au numéro tarifaire 8708.80.30, dans laquelle elle indiquait que les marchandises en cause devraient pouvoir bénéficier de l’exonération de droits de douane du numéro tarifaire 9961.00.00.
  2. Le 27 mars 2014, l’ASFC a rejeté la demande de remboursement de Worldpac en application du paragraphe 74(4). L’ASFC a assimilé le rejet de cette demande à la révision prévue à l’alinéa 59(1)a) de la Loi.
  3. Worldpac a ensuite présenté une demande de réexamen conformément à l’article 60 de la Loi, qui a été déposée le 18 juin 2014. Là encore, la demande a été rejetée.
  4. Le 11 octobre 2016, conformément au paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC a procédé au réexamen et a conclu que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8708.80.30 et ne pouvaient bénéficier de l’exonération de droits de douane du numéro tarifaire 9961.00.00.
  5. Le 9 janvier 2017, Worldpac a interjeté le présent appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal). Worldpac a présenté son mémoire le 23 octobre 2017, ainsi que son mémoire modifié le 2 novembre 2017. L’ASFC a déposé son mémoire le 18 décembre 2017. Les deux parties ont également fait appel à des témoins experts : Worldpac a fait appel à M. Subhash Rakheja à titre d’expert en dynamique des véhicules, en vibrations des véhicules lors des déplacements, en analyse de la suspension de véhicules et en conception et réglage des dispositifs d’amortissement; l’ASFC a fait appel à M. Martin Restoule à titre d’expert en technologie automobile.
  6. Le 29 janvier 2018, le Tribunal a tenu une audience publique. Au début de l’audience, le Tribunal a qualifié les deux témoins d’experts dans les domaines proposés par les parties. Les deux témoins ont ensuite témoigné à titre d’expert dans leurs domaines respectifs.

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Les marchandises en cause sont composées d’une coupelle supérieure, d’un tube flexible, d’une tige de piston, d’un joint d’étanchéité, d’une chambre à huile, d’un ensemble piston/soupapes, d’un diaphragme, d’une chambre à gaz pressurisée et d’une coupelle inférieure.
  2. Selon Worldpac, les marchandises appartiennent à trois catégories :

          (1) amortisseurs hydrauliques ou à gaz (air);

          (2) ensembles d'amortisseurs hydrauliques;

          (3) ensembles de suspension hydrauliques ou à gaz (air) consistant en des amortisseurs, des ressorts, des plateaux de ressort, des douilles, des rondelles de verrouillage, des écrous et des bagues d’espacement.

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[3]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[4] et les Règles canadiennes[5] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. Le chapitre 99 prévoit des dispositions de classement spéciales adoptées par le Canada qui permettent que certaines marchandises soient importées en franchise de droits. Les dispositions de ce chapitre ne sont pas uniformisées sur le plan international. Puisque chacune des positions du chapitre 99 n’est composée que d’une sous-position et d’un numéro tarifaire, il suffit que le Tribunal tienne compte, dans la mesure nécessaire, des règles 1 à 5 des Règles générales pour déterminer si des marchandises peuvent être classées dans ce chapitre, et plus particulièrement le numéro tarifaire 9961.00.00.

Numéro tarifaire 9961.00.00

  1. Le numéro tarifaire 9961.00.00 prévoit ce qui suit :

Chapitre 99

DISPOSITIONS DE CLASSIFICATION SPÉCIALE - COMMERCIALES

[...]

9961.00.00 - Les articles suivants devant servir à la réparation des tracteurs routiers pour semi-remorques, des véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes ou de marchandises, ou des voitures de lutte contre l’incendie, et des parties de ces véhicules :

[...]

Assemblages de commande à vide, hydraulique ou à l’air, autres que des assemblages pour les freins à ressort;

  1. La section XXI (qui comprend le chapitre 99) ne comporte aucune note de section; toutefois, la note 3 du chapitre 99 a trait au présent appel. Elle prévoit ce qui suit :

Les marchandises peuvent être classées dans un numéro tarifaire du présent Chapitre et peuvent bénéficier des taux de droits de douane du tarif de la nation la plus favorisée ou du tarif de préférence prévus au présent Chapitre qui s’appliquent à ces marchandises selon le traitement tarifaire applicable selon le pays d’origine, mais ce classement est subordonné au classement préalable de celles-ci dans un numéro tarifaire des Chapitres 1 à 97 et à l’observation des conditions prévues par les textes d’application qui leurs sont applicables.

  1. Étant donné que les marchandises visées par le chapitre 99 ne sont pas normalisées à l’échelle internationale, il n’existe aucun avis de classement de l’OMD ni aucune note explicative pour guider le Tribunal dans son examen du numéro tarifaire. De plus, il n’existe aucun règlement ni aucune ordonnance applicables aux marchandises en cause.

POSITIONS DES PARTIES

  1. Les parties conviennent que les marchandises en cause sont classées dans le numéro tarifaire 8708.80.30 et, par conséquent, le classement dans les chapitres 1 à 97 n’est pas en litige. Les parties conviennent également que les marchandises en cause servent à la réparation de véhicules automobiles principalement conçus pour le transport de personnes. Par conséquent, le seul point de discorde concerne la question de savoir si les marchandises doivent être considérées comme des « assemblages de commande hydraulique » aux fins du numéro tarifaire 9961.00.00.
  2. À cet égard, Worldpac affirme que les marchandises en cause sont effectivement des « assemblages de commande hydraulique » et sont ainsi visées par le numéro tarifaire 9961.00.00. Worldpac affirme que les amortisseurs, qui sont utilisés dans la suspension des véhicules, sont conçus pour fournir un amortissement[6], du fait qu’ils limitent les mouvements verticaux du véhicule lorsque ce dernier passe sur des bosses sur la route. Pour ce faire, les amortisseurs emploient des systèmes hydrauliques. Comme il en sera question plus loin en détail, l’amplitude de l’effet d’amortissement produit par un amortisseur à huile est déterminée par le débit de l’huile qui circule à travers les orifices et les soupapes aménagés dans le piston ou dans la base de l’amortisseur. Renvoyant aux éléments de preuve provenant de diverses publications, Worldpac soutient qu’il est largement accepté, au sein de l’industrie, que les amortisseurs ont une fonction de commande du fait qu’ils limitent le mouvement des ressorts, et donc le mouvement du véhicule.
  3. En revanche, l’ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont pas des assemblages de commande hydraulique. L’ASFC se fonde en grande partie sur la démarche adoptée par le Tribunal dans la décision Fenwick pour avancer que le Tribunal devrait interpréter la notion de commande de façon plus restreinte[7]. Selon l’ASFC, la décision Fenwick exige que les marchandises en cause dirigent ou donnent un ordre à d’autres éléments pour être considérées comme des assemblages de commande hydraulique. À son avis, comme les marchandises en cause ne dirigent pas et ne donnent pas d’ordre à d’autres éléments, elles ne peuvent être considérées comme des assemblages de commande hydraulique.

ANALYSE DU TRIBUNAL

  1. Tel que souligné précédemment, la seule question à trancher par le Tribunal en l’espèce est celle de savoir si les marchandises en cause sont des « assemblages de commande hydraulique ».
  2. Les deux parties ont indiqué que le Tribunal devrait trancher cette question en appliquant le cadre établi dans la décision Fenwick, même si les marchandises en cause dans cette affaire diffèrent considérablement des marchandises en cause en l’espèce.
  3. Dans la décision Fenwick, le Tribunal a examiné les mots « hydraulique », « commande » et « assemblage » à tour de rôle pour évaluer si les marchandises en cause constituaient des assemblages de commande hydraulique. Le Tribunal adoptera la même démarche générale en l’espèce, quoique dans un ordre légèrement différent puisque deux éléments de ce critère ne sont pas en litige, c’est-à-dire que les marchandises en cause sont de nature hydraulique et constituent un assemblage.

Hydraulique

  1. Dans la décision Fenwick, le Tribunal renvoie à la définition suivante du terme « hydraulique » : « [...] 1 (d’eau, d’huile, etc.) transmis à travers des tubes ou des canalisations, habituellement sous l’effet d’une pression. 2 (d’un mécanisme, etc.) mû par un liquide en mouvement (freins hydrauliques; ascenseur hydraulique) [...] ».
  2. Les parties ne contestent pas que les marchandises en cause peuvent être qualifiées d’« hydrauliques »[8]. Le Tribunal est d’accord. La preuve démontre indéniablement que les amortisseurs contiennent de l’huile hydraulique et qu’un piston répartit l’huile hydraulique dans deux chambres. Comme l’a décrit M. Rakheja, lorsque la température augmente, l’huile prend de l’expansion et se déplace de la chambre inférieure à la chambre supérieure, en passant par plusieurs soupapes[9]. De plus, lorsque le véhicule subit un gros mouvement de choc, une pression élevée se crée dans la partie inférieure du cylindre, ce qui dévie une série de cales, créant ainsi le débit supplémentaire d’huile à travers les soupapes. La quantité d’huile qui passe dans les chambres détermine l’amplitude de l’amortissement produit par les amortisseurs[10].
  3. Sur le fondement de ces éléments de preuve, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont hydrauliques.

Assemblage

  1. Dans la décision Fenwick, le Tribunal a conclu qu’un « assemblage » « [...] constitue diverses pièces montées ensemble pour former un seul dispositif, ou une seule unité, qui peut, à lui seul, n’avoir qu’une fonctionnalité limitée ». De plus, le Tribunal a conclu qu’un assemblage peut constituer une partie d’autres assemblages ou éléments d’un système plus vaste.
  2. Les parties conviennent, et le Tribunal accepte, que les marchandises en cause sont des assemblages et des parties d’assemblages[11]. Lorsque montées ensemble, les marchandises en cause forment un assemblage, à savoir un amortisseur. Cet assemblage fait ultimement partie de l’ensemble du système de suspension.

Commande

  1. Dans la décision Fenwick, le Tribunal a essentiellement axé son analyse sur un aspect de la définition de « commande », et plus précisément sur la perspective que la « commande » suppose la transmission d’un ordre. Il a défini le terme « commande » de la façon suivante : « 1 le pouvoir de diriger, de donner un ordre (être commandé par) [...] » et « la fonction ou le pouvoir de diriger et de réguler ».
  2. En l’espèce, les caractéristiques des marchandises en cause sont telles que le Tribunal juge important d’examiner la dernière partie de cette définition, c’est-à-dire la fonction ou le pouvoir de diriger et de réguler. Le Tribunal a donc transmis aux parties les définitions suivantes (et plus complètes) du terme « commande » avant la tenue de l’audience pour obtenir leur avis, et s’appuiera sur ces définitions pour savoir si les marchandises en cause répondent à la définition de « control » (commande) :

Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, 11e éd. : « verbe [...] 2 a : exercer une influence visant à restreindre ou à diriger : réguler : exercer un pouvoir sur quelqu’un : régner : réduire l’incidence ou la sévérité de [...] nom [...] : contrainte; réserve [...] b : dispositif ou mécanisme servant à réguler ou à guider l’opération d’une machine, d’un appareil ou d’un système [...] ».

Shorter Oxford English Dictionary, 5e éd. : « 1 L’action ou le pouvoir de diriger ou de réguler; influence d’un ordre, d’un règlement. 2 L’action de contrôler; contrainte; prévention de la propagation d’une chose non désirée 3 Moyen de restreindre ou de réguler; [...] 6 Dispositif ou mécanisme servant à contrôler l’opération d’une machine, plus particulièrement la direction, la vitesse, etc. d’un aéronef ou d’un véhicule [...] ».

Canadian Oxford Dictionary, 2e éd. : « 1 Le pouvoir de diriger, d’ordonner [...] 2 le pouvoir de restreindre, plus particulièrement de se contrôler. 3 a moyen de restreindre; vérification [...] 3 b prévention de la propagation ou de la prolifération de quelque chose [...] ».

[Traduction, caractères gras et italiques dans l’original, notre soulignement]

  1. La preuve présentée par les deux parties démontre que les marchandises en cause répondent effectivement à ces définitions du terme « commande ». Les deux parties ont présenté amplement d’éléments pour étayer la conclusion qu’une commande pourrait être quelque chose qui restreint ou régule le mouvement d’un véhicule. Le Tribunal a maintes fois entendu que les marchandises en cause opèrent d’une façon qui restreint ou régule les ressorts, qui, à leur tour, limitent ou réduisent les secousses de la voiture lorsqu’elle se déplace sur la route. En effet, le témoignage des deux experts sur l’opération et la fonctionnalité des marchandises en cause était, à tous égards importants, le même sur ce point.

Preuve de M. Rakheja

  1. Le rapport d’expert de M. Rakheja comportait une illustration d’un amortisseur[12] pour démontrer qu’un amortisseur est essentiellement un cylindre-piston, également appelé jambe de force, qui est rempli d’huile hydraulique. Le piston sépare le cylindre en deux chambres à huile hydraulique. Le piston est doté d’un certain nombre d’orifices qui permettent à l’huile hydraulique de circuler entre ces deux chambres, circulation facilitée par des soupapes régulatrices relativement complexes, qui régulent le débit de l’huile.
  2. Dans son rapport, M. Rakheja a également indiqué que les amortisseurs, parfois appelés « suspensions », en conjonction avec des ressorts et des liens de fixation, constituent le système de suspension d’un véhicule[13]. Les amortisseurs jouent plusieurs rôles dans ce système, y compris celui de limiter le mouvement des ressorts. Ainsi, ils contribuent à limiter le mouvement de roulis d’un véhicule durant les manœuvres de braquage[14]. De plus, ils limitent la mesure dans laquelle une roue rebondit durant le rebond, et permettent donc un contact plus uniforme entre les roues et la route, ce qui entraîne une meilleure tenue de route[15].
  3. Selon M. Rakheja, s’il n’y avait pas d’amortisseurs, l’énergie potentielle générée dans un ressort en réaction à une bosse sur la route serait transférée sous forme d’énergie cinétique au corps du véhicule. Il en résulterait, dans ce scénario, que le véhicule oscillerait ou vibrerait de manière incontrôlable. En conséquence, l’amortissement de ce mouvement oscillatoire est l’une des fonctions primaires de l’amortisseur[16]. Durant la compression (c’est-à-dire le mouvement vers le bas du véhicule), le fluide passe de la chambre inférieure à la chambre supérieure de la jambe de force à travers les orifices et les soupapes. Le fluide circule dans la direction inverse durant le rebond (c’est-à-dire le mouvement vers le haut du véhicule)[17].
  4. Dans son témoignage, M. Rakheja a expliqué comment les amortisseurs contrôlent le mouvement des ressorts du véhicule. En particulier, il a expliqué que lorsqu’une roue monte ou descend, cela fait dévier les ressorts du système de suspension du véhicule[18]. S’ils ne sont pas restreints, les ressorts ont tendance à osciller pendant longtemps. Cependant, l’amortissement fourni par les amortisseurs remet en douceur la voiture dans une position statique en dissipant l’énergie du ressort et du corps du véhicule ou de la route[19].
  5. M. Rakheja a également déclaré qu’un véhicule peut être affecté par différents types de mouvement, et que différents degrés d’amortissement sont donc requis. Par exemple, quand un véhicule roule sur une autoroute lisse dont le revêtement n’a que des aspérités mineures, un amortissement faible est nécessaire, de manière générale. Dans ces conditions, un amortissement élevé pourrait être nuisible, car il raidirait le système de suspension. En revanche, lorsqu’un véhicule circule sur des routes urbaines en mauvais état, il faut un amortissement élevé[20]. L’amortisseur doit donc réguler, ou contrôler, l’amplitude de l’amortissement, afin que le véhicule puisse répondre efficacement à diverses conditions de conduite. Pour ce faire, l’amortisseur dépend de ses soupapes, qui détectent la quantité d’amortissement requise[21]. Dans les situations où la pression monte dans la chambre, les soupapes s’ouvrent plus que dans les situations où il y a moins de pression. La force d’amortissement produite par l’amortisseur est directement liée à cette différence de pression[22].

Preuve de M. Restoule

  1. En grande partie, la preuve fournie par M. Restoule était semblable à celle fournie par M. Rakheja. En particulier, dans son rapport d’expert, M. Restoule a indiqué que les suspensions (ou amortisseurs) servent à réduire l’énergie cinétique de la voiture lorsqu’elle se déplace sur des obstacles ou des nids de poule, et ce, en contrôlant la libération d’énergie des ressorts du véhicule[23]. Il a aussi expliqué dans son rapport ce qui arriverait si les ressorts n’étaient pas restreints par les amortisseurs[24]. De plus, il a indiqué qu’un amortisseur « fonctionne sur la base du déplacement d’un fluide tant dans son cycle de compression que dans son cycle d’extension (de rebond) »[25] [traduction]. Le cycle d’extension contrôle le mouvement du poids suspendu du corps du véhicule alors que le cycle de compression contrôle les mouvements du poids non suspendu[26]. De plus, le rapport démontrait que la jambe de force fournit la fonction d’amortissement de l’amortisseur[27]. Ainsi, son rapport était conforme à celui de M. Rakheja, selon lequel un amortisseur en bon état de fonctionnement sert à assurer la stabilité du véhicule, sa tenue de route et sa conduite[28].
  2. Les documents déposés à l’appui du mémoire de l’intimé précisent également en quoi consiste un amortisseur et quel rôle joue la commande dans un véhicule. Plus précisément, dans Modern Automotive Technology, l’amortisseur est défini de la façon suivante : « dispositif rempli d’huile ou de gaz servant à contrôler l’oscillation des ressorts dans les systèmes de suspension »[29] [nos italiques, traduction]. Cette définition est corroborée par le site Web du fabricant, qui indique ce qui suit :

« [l]es amortisseurs réduisent et ralentissent les vibrations des ressorts, ce qui explique pourquoi, techniquement, on les appelle des amortisseurs de vibrations [...] Pour ce faire, le débit d’huile est ralenti au passage à travers les soupapes situées à l’intérieur de l’amortisseur [...]. »[30]

[Nos italiques, traduction]

  1. Dans Modern Automotive Technology, il est également indiqué que « les amortisseurs limitent les oscillations des ressorts (les mouvements compression-extension) afin d’adoucir la conduite du véhicule. S’il n’était pas doté d’amortisseurs, le véhicule continuerait de tressauter de haut en bas longtemps après être passé dans un creux ou avoir heurté une bosse sur la chaussée » [traduction]. De plus, l’amortisseur y est décrit comme suit : « piston fonctionnant dans un cylindre rempli d’huile. Les soupapes forcent l’huile à circuler d’une extrémité à l’autre du piston à un débit contrôlé. Ceci produit un effet d’amortissement qui restreint les oscillations du ressort »[31] [traduction]. Le Shock Absorber Handbook indique également qu’un amortisseur a pour objet de « principalement contrôler l’amplitude des réponses résonnantes [des ressorts] » [traduction] et, ainsi, les mouvements du corps de la voiture (c’est-à-dire la « masse suspendue »)[32]. Ces éléments de preuve correspondent essentiellement à ceux présentés par M. Restoule dans son témoignage, sans compter la preuve présentée par M. Rakheja.
  2. Dans son témoignage, M. Restoule a comparé le fonctionnement d’un amortisseur à ce qui se passe lorsqu’un batteur frappe une cymbale. Lorsqu’elle est frappée, la cymbale vibre, créant un son, mais aussitôt que le batteur pose son doigt dessus, elle cesse de vibrer et le son s’arrête[33]. M. Restoule a indiqué que c’est essentiellement ce que fait l’amortisseur. Il arrête (et donc restreint) les vibrations des ressorts du véhicule. M. Restoule a convenu que cet amortissement était une fonction de commande[34].

Résumé

  1. En résumé, il ne fait aucun doute que les marchandises en cause constituent des assemblages ou, à l’égard de certaines marchandises, font partie de ces assemblages. Nul ne conteste que les marchandises emploient des systèmes hydrauliques pour accomplir leur objet prévu. De plus, sur la foi de la preuve présentée par les deux témoins experts, l’objectif des marchandises en cause est d’exercer un contrôle sur les ressorts du véhicule, ce qui agit en tant que force de retenue ou de force régulatrice qui empêche les ressorts du véhicule de rebondir de manière incontrôlable. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal estime que les marchandises en cause sont considérées comme des « assemblages de commande hydraulique » et des parties de ces assemblages.

DÉCISION

  1. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont visées par les dispositions du numéro tarifaire 9961.00.00. Par conséquent, l’appel est accueilli.
 

[1].      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].      L.C. 1997, ch. 36.

[3].      Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[4].      L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[5].      L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[6].      Dans la version anglaise des présents motifs, le Tribunal utilisera le terme « dampening », mais souligne que les parties ont fait référence aux termes « dampening » et « damping » de façon interchangeable tout au long de l’instance. En français, ces termes se traduisent tous deux par « amortissement ».

[7].      Fenwick Automotive Products Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (11 mars 2009), AP‑2006-063 (TCCE) [Fenwick].

[8].      Pièce AP-2016-039-26A au par. 48, vol. 1A.

[9].      Transcription de l’audience publique, 29 janvier 2018, aux pp. 40-45.

[10].    Ibid., aux pp. 44-45.

[11].    Pièce AP-2016-039-26A au par. 48, vol. 1A.

[12].    Pièce AP-2016-039-29A au par. 30, vol. 1A.

[13].    Ibid. au par. 25.

[14].    Ibid. au par. 27.

[15].    Ibid. au par. 28; transcription de l’audience publique, 29 janvier 2018, aux pp. 38-39, 45, 55, 78.

[16].    Pièce AP-2016-039-29A au par. 25, vol 1A.

[17].    Ibid. au par. 35.

[18].    Transcription de l’audience publique, 29 janvier 2018, à la p. 29.

[19].    Ibid., aux pp. 26-27.

[20].    Ibid., à la p. 30.

[21].    Ibid., à la p. 35.

[22].    Transcription de l’audience publique, 29 janvier 2018, aux pp. 48-51.

[23].    Pièce AP-2016-039-28A au par. 7, vol. 1A.

[24].    Ibid. à la p. 13; transcription de l’audience publique, 29 janvier 2018, aux pp. 104, 106.

[25].    Pièce AP-2016-039-28A à la p. 14, vol. 1A.

[26].    Ibid.

[27].    Ibid. à la p. 16.

[28].    Ibid. à la p. 33.

[29].    Pièce AP-2016-039-26A, onglet 3, p. 62, vol. 1A.

[30].    Pièce AP-2016-039-26A à la p. 66, vol. 1A.

[31].    Ibid. à la p. 56.

[32].    Pièce AP-2016-039-39A à la p. 84, vol. 1A.

[33].    Transcription de l’audience publique, 29 janvier 2018, à la p. 90.

[34].    Ibid., aux pp. 107-108.