DANBY PRODUCTS LTD

DANBY PRODUCTS LIMITED
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2017-009

Décision et motifs rendus
le vendredi 16 février 2018

TABLE DES MATIÈRES

ANALYSE

La fausse distinction en ce qui concerne les dimensions par rapport à la fonction

Autres considérations non pertinentes

CONCLUSION

DÉCISION

EU ÉGARD À un appel entendu le 30 novembre 2017, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 28 mars 2017, concernant un différend aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

DANBY PRODUCTS LIMITED Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 30 novembre 2017

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien : Rebecca Marshall-Pritchard, conseillère juridique
Dustin Kenall, conseiller juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Danby Products Limited

Thang Trieu

Katie Patterson

Justin Kutyan

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Mary Roberts

TÉMOINS :

Greg Hall

Directeur, Développement des produits
Danby Products Limited

Dave Miller

Directeur, Achats
Danby Products Limited

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

  1. Le présent appel est interjeté par Danby Products Limited (Danby) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] contre une décision du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) rendue le 28 mars 2017 aux termes du paragraphe 60(4).
  2. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si 21 modèles de réfrigérateurs compacts, comprenant un congélateur (les marchandises en cause), doivent être classés dans le numéro tarifaire 8418.69.00 à titre d’autres matériel, machines et appareils pour la production du froid comme le soutient Danby, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8418.21.10 à titre de réfrigérateurs de type ménager à compression comme l’a déterminé l’ASFC.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 31 mai 2016, Danby a fait une demande de classement anticipé concernant les 21 modèles des marchandises en cause qui, selon elle, devaient être classés dans le numéro tarifaire 8418.69.00.
  2. Le 6 juillet 2016, l’ASFC a rendu sa décision quant au classement anticipé des marchandises en cause, aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi, affirmant que celles-ci étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8418.21.00.
  3. Le 25 juillet 2016, Danby a contesté le classement anticipé aux termes du paragraphe 60(2).
  4. Le 28 mars 2017, l’ASFC a rendu une décision définitive, aux termes du paragraphe 60(4), confirmant que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 8418.21.00.
  5. Le 5 mai 2017, Danby a interjeté le présent appel.
  6. Le 30 novembre 2017, le Tribunal a tenu une audience publique, à laquelle Danby a fait comparaître deux témoins. L’ASFC n’a fait comparaître aucun témoin.

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

  1. Il s’agit d’appareils compacts qui servent à réfrigérer et à congeler des denrées et des boissons. Leur contenance varie de 1,60 pied cube (45 L) à 4,40 pieds cubes (126 L). Leurs dimensions vont de 20" à 33" de hauteur, de 18" à 21" de largeur et de 18,5" à 21" de profondeur. Ils comportent tous une seule porte extérieure[2].
  2. Les marchandises en cause comportent à l’intérieur un compartiment de congélation distinct qui, selon le modèle, mesure soit la moitié de la largeur ou toute la largeur des marchandises en cause. Le compartiment de congélation possède sa propre fermeture. Bien entendu, tous les modèles comportent aussi un compartiment de réfrigération. Les marchandises congèlent et refroidissent les denrées et les boissons par compression[3].
  3. Enfin, bien que les marchandises aient différentes capacités et dimensions, aucune des parties ne soutient que ces différences doivent donner lieu à un classement tarifaire distinct pour chacun des modèles, par opposition à un seul classement tarifaire pour l’ensemble des marchandises en cause. 

CADRE LÉGISLATIF

Étapes du classement tarifaire

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[4]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[5] et les Règles canadiennes[6] énoncées dans l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[7] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[8] publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[9].
  5. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement pertinents. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles[10].
  6. Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l'étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[11]. La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[12].

Nomenclature tarifaire et notes pertinentes

  1. Les parties conviennent que, conformément à la règle 1 des Règles générales, les marchandises en cause relèvent de la section XVI, chapitre 84, position 84.18, qui stipulent ce qui suit :

Section XVI

MACHINES ET APPAREILS, MATÉRIEL ÉLECTRIQUE ET LEURS PARTIES; APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DU SON, APPAREILS D’ENREGISTREMENT OU DE REPRODUCTION DES IMAGES ET DU SON EN TÉLÉVISION, ET PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES APPAREILS

Chapitre 84

RÉACTEURS NUCLÉAIRES, CHAUDIÈRES, MACHINES, APPAREILS ET ENGINS MÉCANIQUES; PARTIES DE CES MACHINES OU APPAREILS

84.18 Réfrigérateurs, congélateurs-conservateurs et autres matériel, machines et appareils pour la production du froid, à équipement électrique ou autre; pompes à chaleur autres que les machines et appareils pour le conditionnement de l’air du no 84.15.

  1. La note 3 de la section XVI, qui décrit comment des combinaisons de « machines » (définies d’une manière générale comme comprenant, entre autres, des appareils)[13] doivent être classées, stipule ce qui suit :

Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d’espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu’un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l’ensemble.

  1. La note 7 du chapitre 84 donne les détails suivants :

[L]es machines à utilisations multiples sont classées à la position visant leur utilisation principale. [...]

  1. La position 84.18 ne comporte pas de notes.
  2. Les 10 sous-positions pertinentes de la position 84.18 sont les suivantes :

8418.10 -Combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs munis de portes extérieures séparées

 -Réfrigérateurs de type ménager :

8418.21 - -À compression

8418.29 - -Autres

8418.30 -Meubles congélateurs-conservateurs du type coffre, d’une capacité n’excédant pas 800 litres

8418.40 -Meubles congélateurs-conservateurs du type armoire, d’une capacité n’excédant pas 900 litres

8418.50 -Autres meubles (coffres, armoires, vitrines, comptoirs et similaires) pour la conservation et l’exposition de produits, incorporant un équipement pour la production du froid

 -Autres matériel, machines et appareils pour la production du froid; pompes à chaleur:

8418.61 - -Pompes à chaleur autres que les machines et appareils pour le conditionnement de l’air du no 84.15

8418.69 - -Autres

 -Parties :

8418.91 - -Meubles conçus pour recevoir un équipement pour la production du froid

8418.99 - -Autres

[Nos italiques]

  1. Les parties conviennent que les seules sous-positions potentiellement applicables sont les nos 8418.21 et 8418.69[14], pour lesquelles il n’y a pas de notes explicatives ni d’avis de classement.

TÉMOINS ET ÉLÉMENTS DE PREUVE

  1. Danby a déposé une brochure d’ordre générale tirée de son site Web, des guides d’utilisation pour certains des modèles et divers graphiques de ses ventes mensuelles et annuelles et des données sur ses parts de marché.
  2. Danby a fait comparaître deux témoins : MM. G. Hall et D. Miller. M. Hall est directeur du service Développement des produits chez Danby. Son témoignage a porté sur la conception et l’aspect technique des marchandises en cause. M. Miller est directeur du service Achats chez Danby. Son témoignage a porté sur la demande et la commercialisation des marchandises en cause.
  3. L’ASFC n’a déposé aucun élément de preuve et n’a fait comparaître aucun témoin.

POSITION DES PARTIES

  1. L’ASFC soutient que la « fonction principale » des marchandises en cause est la réfrigération et que, par conséquent, conformément à la note 3 de la section XVI et de la note 7 du chapitre 84, elles doivent être classées selon cette fonction dans la sous-position 8418.21 à titre de réfrigérateurs de type ménager à compression.
  2. Pour déterminer la fonction principale de combinaisons de machines, l’ASFC propose que le Tribunal tienne compte de divers facteurs, notamment la demande, la commercialisation, la distribution, la conception, la fonction par défaut, la fonction la plus importante pour l’utilisateur et la meilleure utilisation.
  3. L’ASFC soutient que la fonction de congélation est subordonnée à la fonction principale de réfrigération. À l’appui de cet argument, l’ASFC souligne que le matériel promotionnel de Danby fait référence aux marchandises en cause à titre de « réfrigérateurs compacts » [traduction], et non de « réfrigérateurs-congélateurs » [traduction], ne décrivant la fonction de congélation qu’à titre accessoire[15]. L’ASFC fait aussi remarquer que l’accès au compartiment de congélation est indirect, l’utilisateur devant ouvrir la porte extérieure puis la porte intérieure du compartiment de congélation. De plus, le compartiment de réfrigération est de 9,5 à 12 fois plus grand que le compartiment de congélation[16]. Le compartiment de congélation du modèle dont ce compartiment est le plus grand compte pour moins de 11 pour 100 de la capacité totale de l’appareil[17]. L’ASFC souligne que, selon Danby elle-même, « █████████ des [utilisateurs qui utilisent les appareils compacts pour conserver des aliments] les utilisent pour conserver des aliments surgelés » [traduction] dans le compartiment de congélation; l’ASFC soutient que cela appuie sa position selon laquelle la fonction de congélation est secondaire par rapport à la fonction de réfrigération[18]
  4. Étant donné qu’une sous-position résiduelle ne doit être envisagée que si les marchandises ne peuvent être classées dans une autre sous-position, l’ASFC soutient que le Tribunal n’a pas à tenir compte de la sous-position résiduelle 8418.69 parce que les marchandises en cause sont déjà correctement classées selon leur fonction principale de réfrigération à titre de réfrigérateurs de type ménager à compression dans la sous‑position 8418.21. 
  5. Danby soutient que les marchandises en cause n’ont pas de fonction principale et que, par conséquent, la note 3 de la section XVI et de la note 7 du chapitre 84 ne s’appliquent pas. Danby invoque la décision du Tribunal dans Euro-Line, selon laquelle des combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs munis de portes extérieures séparées n’ont pas de fonction principale discernable[19]. Dans Euro-Line, l’ASFC avait aussi fait valoir que la réfrigération était la fonction principale des appareils compte tenu de la capacité respective des compartiments et du matériel promotionnel, mais le Tribunal avait rejeté ce point de vue concluant que « le réfrigérateur et le congélateur assurent des fonctions différentes, qui ne sont pas subordonnées l’une à l’autre en termes d’importance »[20]. La Cour d’appel fédérale a rejeté l’argument de l’ASFC selon lequel le Tribunal aurait dû déterminer la fonction principale des appareils en se référant à la capacité des compartiments et au matériel promotionnel et a confirmé que le point de vue du Tribunal était raisonnable en affirmant que, « [l]orsque les fonctions respectives d’une combinaison de machines d’espèces différentes sont d’égale importance, il apparaît évident que l’application du critère énoncé à la note 3 de la section [XVI] devient impossible »[21]. Danby soutient qu’Euro-Line est, par conséquent, tout à fait pertinent et que, en voulant utiliser le même argument en l’espèce, l’ASFC essaie, en mettant les choses au mieux, de contourner la distinction énoncée par la Cour d’appel fédérale dans Bri-Chem quant au rôle approprié de l’ASFC par rapport au Tribunal[22].   
  6. Même si Euro-Line n’a pas force obligatoire en vertu de Bri-Chem, Danby soutient que les faits en l’espèce appuient la conclusion selon laquelle les marchandises en cause n’ont pas de fonction principale. Les appareils sont conçus pour être utilisés par des gens qui désirent une double fonction. D’ailleurs, Danby affirme que les marchandises en cause sont ses ████████████████████████████████, représentant « █████████████████████████████████████████████████████████████████████   █████████████████████████████████████████████████████ »[23] [traduction]. Danby soutient que « [l]es appareils sont prisés pour ranger des boissons », puisque « ███████████ des acheteurs d’appareils compacts les utilisent pour conserver des boissons au froid »[24] [traduction]. Le fait que le compartiment de congélation puisse servir à faire des glaçons favorise par conséquent cette utilisation. Danby soutient que « █████████████ des [utilisateurs qui utilisent les appareils compacts pour conserver des aliments] les utilisent pour conserver des aliments surgelés »[25] [traduction].
  7. Enfin, Danby fait valoir que, du point de vue technique, le compartiment de congélation est indissociable du compartiment de réfrigération. Les marchandises en cause sont munies d’évaporateurs de type Roll Bond constitués de plaques d’aluminium, celles-ci formant une séparation entre le compartiment de réfrigération et le compartiment de congélation. Les plaques peuvent atteindre une température de -20 à -25 degrés Celsius et produisent ces basses températures pour les deux compartiments. Le réfrigérateur ne pourrait fonctionner sans les évaporateurs du congélateur. De plus, elles constituent un système clos, en ce sens que les appareils ne peuvent être réglés de façon à désactiver une fonction ou l’autre[26].
  8. En réponse, l’ASFC fait une distinction entre Euro-Line et l’espèce en affirmant que les marchandises dans le cas d’Euro-Line étaient de plus grandes dimensions, comportaient des tiroirs extérieurs séparés pour le congélateur et le réfrigérateur et que la grandeur du compartiment de congélation était environ la moitié de celle du compartiment de réfrigération. L’ASFC soutient que le compartiment de congélation des marchandises en cause est trop petit « pour être vraiment utile pour la conservation d’aliments surgelés »[27] [traduction]. L’ASFC fait aussi valoir que dans Euro-Line la Cour d’appel fédérale a reconnu « qu’il aurait été possible de recourir à différents critères comme ceux » de la capacité et de la commercialisation pour déterminer la fonction principale étant donné que « [l]a note 3 de la section [XVI] n’énonce [...] pas de méthode précise pour résoudre la question », tout en affirmant que l’approche utilisée par le Tribunal était justifiable[28].

ANALYSE

  1. En règle générale, le Tribunal commence son examen en déterminant de prime abord si les marchandises peuvent être classées dans l’un ou l’autre, ou les deux, numéros tarifaires proposés par les parties. Toutefois, la jurisprudence bien établie du Tribunal indique que des marchandises ne peuvent être classées de prime abord dans une sous-position résiduelle à moins que le Tribunal soit convaincu que les marchandises ne peuvent être classées dans une autre sous-position décrivant convenablement les marchandises[29]. Par conséquent, en l’espèce, le Tribunal doit commencer par déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans la sous-position 8418.21 et ne prendra en considération la sous-position résiduelle 8418.69 (« autres ») que si les marchandises ne peuvent être classées dans la première.
  2. Les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la sous-position 8418.21 à titre de réfrigérateurs que si leur fonction principale est la réfrigération. Le Tribunal comprend que l’ASFC n’affirme pas que celui-ci a commis une erreur sur le plan de la loi dans Euro-Line en concluant que des combinaisons de réfrigérateurs et de congélateurs-conservateurs n’avaient pas de fonction principale, mais plutôt que les réfrigérateurs-congélateurs faisant l’objet du présent appel diffèrent suffisamment sur le plan des dimensions et de l’accessibilité pour justifier une conclusion différente. Demander qu’une décision antérieure rendue par un tribunal ne s’applique pas à une affaire dont les faits diffèrent lorsque les marchandises se distinguent de manière significative est permis en vertu de Bri-Chem[30].
  3. Toutefois, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne diffèrent pas de manière significative de celles d’Euro-Line en ce qui concerne l’établissement de la fonction principale d’un réfrigérateur-congélateur.

La fausse distinction en ce qui concerne les dimensions par rapport à la fonction

  1. L’ASFC soutient que le compartiment de congélation des marchandises en cause est trop petit pour être « réellement utile » [traduction] en ce qui a trait à la conservation d’aliments surgelés : elle affirme qu’on ne pourrait pas y insérer une « dinde »[31]. Mais l’ASFC n’explique pas pourquoi les dimensions respectives des compartiments devraient être prises en considération. Danby a présenté des preuves selon lesquelles certaines personnes se procurent les marchandises en cause justement à cause du congélateur qu’elles contiennent[32]. L’ASFC n’a présenté aucune preuve contredisant ce fait, ni sur l’utilisation prévue ou effective des marchandises en cause.
  2. M. Hall a affirmé que les marchandises en cause sont conçues pour offrir aux utilisateurs les mêmes fonctions qu’un réfrigérateur-congélateur grand format, sauf que les appareils sont plus petits. Le compartiment de réfrigération permet de conserver des denrées périssables de zéro à cinq degrés Fahrenheit tandis que la température est maintenue sous zéro dans le compartiment de congélation. On peut insérer dans celui-ci un large éventail d’aliments et de boissons comme dans le compartiment de réfrigération, notamment de la viande, des légumes, des fruits ainsi que des boissons et des friandises surgelées. Les dimensions respectives des compartiments ont trait aux préférences des consommateurs, c’est-à-dire à la fréquence qu’ils achètent des aliments surgelés et à leur quantité par rapport à des denrées périssables[33].
  3. Sur le plan technique, M. Hall a affirmé que le compartiment de réfrigération ne pourrait fonctionner sans le compartiment de congélation parce que les appareils ne sont munis que d’un évaporateur pour refroidir les deux compartiments. Puisque l’évaporateur fait partie intégrante du compartiment de congélation, il ne peut être enlevé sans empêcher le compartiment de réfrigération de fonctionner. Le compartiment de réfrigération ne peut être agrandi au détriment du compartiment de congélation; il ne peut non plus être désactivé pour agrandir le compartiment de congélation[34].
  4. Le Tribunal conclut que les éléments de preuve démontrent clairement que les fonctions de congélation et de réfrigération sont égales et distinctes. De plus, les marchandises en cause sont conçues pour fonctionner comme un appareil unique, les compartiments étant interdépendants, l’un n’étant pas suborné à l’autre. À cet égard, il est utile de citer à nouveau la version française de la note 3 de la section XVI, ainsi que la version anglaise :

Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d’espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu’un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l’ensemble.

[Nos italiques]

Unless the context otherwise requires, composite machines consisting of two or more machines fitted together to form a whole and other machines designed for the purpose of performing two or more complementary or alternative functions are to be classified as if consisting only of that component or as being that machine which performs the principal function.

  1. La version française est instructive, par rapport à la version anglaise, car elle spécifie que la note 3 ne saurait être appliquée qu’en examinant les multiples fonctions d’un appareil et en déterminant, d’une façon quantitative quelconque ou machinalement, laquelle de ces fonctions est la plus utilisée. Plus exactement, la note 3 de la section XVI ne s’applique que s’il y a effectivement une fonction principale qui caractérise l’ensemble de l’appareil. En l’espèce, il n’y en a pas. Les éléments de preuve indiquent que ce sont les fonctions partagées de réfrigération et de congélation qui caractérisent l’ensemble des marchandises en cause.
  2. M. Miller estime que, en ce qui concerne la vente des marchandises en cause, de ██████ pour 100 des modèles compacts vendus sont des réfrigérateurs-congélateurs. Il a affirmé que les marchandises en cause représentent environ ██ pour 100 des ventes totales de Danby[35]. Selon lui, les études de marché de Danby indiquent que ██ pour 100 des acheteurs d’appareils compacts les utilisent pour ranger des boissons, que ██ pour 100 les utilisent pour conserver des aliments et que ██ pour 100 les utilisent pour congeler des aliments[36].
  3. Le Tribunal conclut que ces éléments de preuve démontrent de façon persuasive qu’il existe une forte demande pour les appareils compacts cumulant les deux fonctions et que les acheteurs utilisent effectivement le compartiment de congélation à des fins distinctes (conserver des aliments qui doivent être congelés), fonction que ne peut remplir le compartiment de réfrigération. Par conséquent, ces éléments de preuve appuient aussi la conclusion selon laquelle la fonction de congélation est égale à celle de réfrigération et qu’elle s’en distingue.
  4. Le Tribunal conclut qu’il n’y a rien dans la position 84.18 ou dans les sous-positions applicables qui justifie de considérer de façon différente un réfrigérateur, un congélateur ou un appareil cumulant les deux fonctions selon la capacité respective de leurs compartiments de réfrigération et de congélation ou selon les dimensions des marchandises en cause. En l’absence de telles caractéristiques distinctives dans le libellé du Tarif des douanes, le Tribunal n’est pas disposé à conclure que le plateau-repas surgelé ou le cornet de crème glacée de l’un sont moins importants que la boisson fraîche, le sandwich ou les restes de repas d’un autre.

Autres considérations non pertinentes

  1. L’ASFC soutient que le fait qu’il n’y ait pas un accès direct au compartiment de congélation (l’utilisateur doit d’abord ouvrir la porte principale pour ensuite ouvrir celle du compartiment de congélation) est aussi révélateur de sa fonction secondaire.
  2. Le Tribunal conclut ici aussi que l’argument de l’ASFC ne tient pas la route par rapport aux éléments de preuve. M. Hall a affirmé que les utilisateurs ouvrent le compartiment de congélation moins souvent que le compartiment de réfrigération selon la fréquence à laquelle ils intègrent des aliments surgelés à leurs repas. Les dimensions réduites du compartiment de congélation par rapport à celui de réfrigération est une chose commune dans les appareils cumulant les deux fonctions; les dimensions respectives diffèrent d’un modèle à l’autre mais le compartiment de congélation est toujours le plus petit des deux[37]. Cela reflète le fait que les utilisateurs consomment un plut petit volume d’aliments surgelés par rapport à des denrées périssables. L’argument selon lequel les dimensions respectives des deux compartiments reflètent l’importance que leur accordent les utilisateurs est donc sans fondement. Enlevez l’un ou l’autre des compartiments, vous aurez des utilisateurs mécontents. 
  3. Enfin, le recours de l’ASFC au matériel promotionnel dans lequel les marchandises en cause sont décrites comme des « réfrigérateurs compacts » [traduction] et le compartiment de congélation comme un simple « accessoire » [traduction] n’est pas non plus convaincant, particulièrement du fait que cet argument a été rejeté dans Euro-Line[38]. Bri-Chem indique que, lorsque l’ASFC ne s’appuie pas sur des faits différents pour établir qu’une affaire diffère d’une autre qui a valeur de précédent, celle-ci ne peut contester une décision antérieure du Tribunal ayant trait au classement que si elle est[39]

en mesure de circonscrire, en s’appuyant sur des raisons valables, un ou plusieurs éléments précis de la décision du tribunal qui sont probablement viciés, de son avis éclairé et de bonne foi. Il faut que le vice invoqué importe compte tenu de toutes les circonstances dont l’administrateur a connaissance, y compris l’incidence probable sur les affaires ultérieures et le préjudice qui en découlera pour le mandat de l’administrateur, les administrés ou les deux.

Ce n’est donc pas du tout la situation d’un administrateur qui présente essentiellement les mêmes faits, la même règle de droit et les mêmes arguments au tribunal dans l’espoir que celui-ci rende une décision différente. Les instances administratives ne sauraient être assimilées à un jeu de hasard qui permettrait au perdant de tenter à nouveau sa chance.

  1. L’argument de l’ASFC ayant trait au matériel promotionnel repose sur les mêmes faits dont elle a fait état dans Euro-Line. Cependant, l’ASFC ne donne aucune raison pour laquelle le Tribunal devrait considérer ces faits de façon différente en l’espèce. Par conséquent, le Tribunal considère que cet argument est sans fondement et le rejette pour les mêmes raisons qu’il a données dans Euro-Line

CONCLUSION

  1. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises en cause n’ont pas de fonction principale discernable. Par conséquent, la note 3 de la section XVI est inapplicable.
  2. Étant donné que les marchandises en cause n’ont pas de fonction principale et que la note 3 de la section XVI est donc inapplicable, aucune des sous-positions de la position 84.18 donnant une description explicite de marchandises ne s’applique. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position résiduelle 8418.69 à titre d’« autres matériel, machines et appareils pour la production du froid ». La sous-position « autres » ne comprend que deux numéros tarifaires : 8418.69.20 (« installations frigorifiques commerciales du type pour magasins ») et 8418.69.90 (« autres »). Étant donné que les marchandises en cause ne correspondent pas à la description du premier numéro tarifaire, elles sont donc correctement classées dans le numéro tarifaire résiduel 8418.69.90.

DÉCISION

  1. L’appel est accueilli.
 

[1].     L.R.C. 1985 ch. 1, (2e suppl.) [Loi].

[2].     Pièce AP-2017-009-07C au par. 12, vol. 1A.

[3].     Ibid. aux par. 11, 14.

[4].     Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[5].     L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

[6].     L.C. 1997, c. 36, annexe.

[7].     Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003.

[8].     Organisation mondiale des douanes, 5e éd., Bruxelles, 2012.

[9].     Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux para. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[10].   Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[11].   Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles [1 à 5] [...] » et que « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[12].   La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[13].   Voir la note 5 de la section XVI, qui stipule ce qui suit : « Pour l’application des Notes qui précèdent, la dénomination machines couvre les machines, appareils, dispositifs, engins et matériels divers cités dans les positions des Chapitres 84 ou 85. »

[14].   La sous-position 8418.10 serait applicable si les marchandises en cause comportaient des portes extérieures séparées. La sous-position 8418.29 est exclue parce que les parties conviennent que les marchandises en cause sont des appareils à compression. Les sous-positions 8418.30 et 8418.40 sont inapplicables car elles ne comprennent que les congélateurs-conservateurs, et non les réfrigérateurs ou les combinaisons de réfrigérateurs et congélateurs-conservateurs. La sous-position 8418.50 ne comprend que des meubles. La sous-position 8418.61 ne comprend que des pompes à chaleur. Enfin, les sous-positions 8418.91 et 8418.99 ne comprennent que des parties.

[15].   Pièce AP-2017-009-07C aux pp. 27, 32, vol. 1A.

[16].   Pièce AP-2017-009-09F au par. 33, vol. 1A.

[17].   Pièce AP-2017-009-07C à la p. 78, vol. 1A.

[18].   Pièce AP-2017-009-07B (protégée) au par. 48, vol. 2.

[19].   Euro-Line Appliances c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 août 2013), AP-2012-026 (TCCE) [Euro-Line].

[20].   Ibid., n. 59.

[21].   Canada (Agence des services frontaliers) c. Euro-Line Appliances inc., 2014 CAF 208 au par. 40 [Euro-Line CJ].

[22].   Canada (Procureur général) c. Bri-Chem Supply Ltd., 2016 CAF 257 [Bri-Chem].

[23].   Pièce AP-2017-009-07B (protégée) au par. 52, vol. 2.

[24].   Ibid. au par. 49.

[25].   Ibid. au par. 48.

[26].   Transcription de l’audience publique, 30 novembre 2017, aux pp. 37, 94.

[27].   Pièce AP-2017-009-09F au par. 31, vol. 1A.

[28].   Euro-Line CJ au par. 41.

[29].   Voir First Jewelry Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (25 novembre 2016), AP-2015-028 (TCCE) au par. 39, n. 18.

[30].   Bri-Chem au par. 47.

[31].   Transcription de l’audience publique, 30 novembre 2017, aux pp. 37, 94.

[32].   Dans les appels en matière de douanes, c’est l’appelante qui a le fardeau de la preuve, mais cela ne signifie pas que l’ASFC peut rester les bras croisés une fois que l’appelante s’est acquittée de son fardeau de preuve au lieu de répliquer avec ses propres éléments de preuve.

[33].   Transcription de l’audience publique, 30 novembre 2017, aux pp. 30-33.

[34].   Transcription de l’audience publique, 30 novembre 2017, aux pp. 38, 41-42.

[35].   Transcription de l’audience publique (protégée), 30 novembre 2017, à la p. 1.

[36].   Ibid. à la p. 3.

[37].   Transcription de l’audience publique, 30 novembre 2017, aux pp. 18, 25, 34, 45, 70-72.

[38].   Euro-Line au par. 54.

[39].   Bri-Chem aux par. 51-52.