Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2017-067

D. Wong

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le vendredi 14 septembre 2018

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 30 août 2018 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 2 mars 2018 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

D. WONG

Appelant

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.
















Serge Fréchette 
Serge Fréchette
Membre présidant


Lieu de l’audience :  Ottawa (Ontario)
Date de l’audience :  le 30 août 2018

Membre du Tribunal :  Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien :  Michael Carfagnini, conseiller juridique

PARTICIPANTS :

Appelant

 

D. Wong

 

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Adrian Johnston

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le présent appel a été déposé auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] contre une décision du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) rendue le 2 mars 2018 aux termes du paragraphe 60(4).

  2. Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si deux couteaux papillons (Bali Song) pour l’entraînement (les marchandises en cause) importés par D. Wong sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes [2] à titre d’armes prohibées et, par conséquent, dont l’importation est interdite au Canada aux termes du paragraphe 136(1).

  3. Toutefois, l’ASFC est maintenant d’accord avec M. Wong selon lequel les marchandises en cause ne sont pas des armes prohibées et demande au Tribunal de rendre une décision selon laquelle les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00, de sorte qu’elle puisse procéder au réexamen du classement tarifaire et libérer les marchandises.

  4. Le 18 décembre 2017, les marchandises en cause ont été saisies à leur entrée au Canada par l’ASFC aux termes de l’article 101 de la Loi [3] .

  5. Le 21 décembre 2017, l’ASFC a déterminé, aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi, que les marchandises en cause étaient des armes prohibées en vertu du numéro tarifaire 9898.00.00 et que, par conséquent, leur importation était interdite aux termes du paragraphe 136(1) du Tarif des douane [4] .

  6. Le 8 janvier 2018, M. Wong a demandé la révision du classement tarifaire des marchandises en cause aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi [5] .

  7. Le 2 mars 2018, l’ASFC a confirmé sa décision initiale aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi [6] .

  8. Les 19 et 21 mars 2018, M. Wong a déposé la présente plainte auprès du Tribunal aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi [7] .

  9. Le 30 août 2018, le Tribunal a instruit l’appel sur la foi des documents versés au dossier, conformément aux articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [8] . Les marchandises en cause ont été mises à la disposition du Tribunal, qui a été en mesure des examiner.

  10. La description des marchandises en cause donnée par l’ASFC n’est pas contestée.

  11. Les marchandises en cause sont deux couteaux papillons (Bali Song) pour l’entraînement [9] . Le manche en métal est composé de deux branches fixées à une pièce de métal perforée, non coupante et au bout arrondi. Les deux branches se referment sur la pièce de métal en pivotant de part et d’autre, et se déplient de sorte que, quand les deux branches se rejoignent, la pièce de métal perforée et non coupante de forme allongée est exposée. Le manche s’ouvre par force centrifuge d’un coup de poignet en ne tenant qu’une seule branche.

  12. Les marchandises en cause mesurent 22,5 cm de long lorsque le manche est déplié et 13 cm lorsque le manche est plié; la pièce de métal perforée et non coupante à laquelle est fixé le manche a une épaisseur de 2,5 mm. Les marchandises ressemblent à un authentique couteau papillon (Bali Song), et le manche se plie et se déplie de la même façon. Toutefois, les marchandises en cause diffèrent d’un authentique couteau papillon (Bali Song) dans la mesure où elles ne comportent pas de lame mais, au lieu, une pièce de métal perforée et non coupante.

  13. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

MARCHANDISES EN CAUSE

CADRE LÉGISLATIF

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

  1. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire [...]. Pour l’application du présent numéro tarifaire [...] b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel;

  1. Lorsqu’il est question du classement de marchandises dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le paragraphe 136(2) du Tarif des douanes prévoit que les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé [10] ne s’appliquent pas. De plus, la note 1 du chapitre 98 prévoit que les « marchandises qui sont décrites dans une disposition du présent chapitre peuvent être classées dans ladite position si les conditions et les exigences de celle-ci et de tout autre règlement applicable sont respectées »

  2. Selon le Tarif des douanes, un « dispositif prohibé » comprend tout article défini comme « dispositif prohibé » au paragraphe 84(1) du Code criminel [11] .

  3. Conformément au paragraphe 84(1) du Code criminel, « arme prohibée » s’entend de ce qui suit :

a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;

b) toute arme – qui n’est pas une arme à feu – désignée comme telle par règlement.

  1. Les armes dont il est fait référence au paragraphe b) de la définition d’« arme prohibée » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel sont désignées dans la partie 3 de l’annexe du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés, à autorisation restreinte ou sans restriction [12] .

  2. 19. Ainsi, afin de déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées à titre d’armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et, par conséquent, interdites d’importation, le Tribunal doit déterminer si les marchandises respectent la définition ci-dessus de l’alinéa 84(1)a) du Code criminel ou toute autre définition énoncée dans le Règlement.

  3. Les parties sont maintenant d’accord que les marchandises en cause ne respectent pas la définition d’« arme prohibée » du paragraphe 84(1) du Code criminel, qu’elles ne peuvent donc pas être classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et que, par conséquent, elles ne sont pas interdites d’importation au Canada.

  4. Toutefois, à cause de la formulation de la Loi sur les douanes, l’ASFC demande que le Tribunal rende une décision à cet égard afin qu’elle puisse procéder au réexamen du classement tarifaire des marchandises en cause et les rendre au contribuable.

  5. L’ASFC est d’accord avec l’appelant que les marchandises en cause ne constituent pas des armes prohibées.

  6. L’ASFC soutient que les marchandises en cause ne sont visées par aucune des armes prohibées désignées dans le Règlement.

  7. L’ASFC soutient de plus que l’alinéa 84(1)a) du Code criminel ne s’applique pas parce que les marchandises en cause ne respectent pas tous les éléments de la définition. Plus particulièrement, il ne s’agit pas de couteaux et elles ne comportent pas de lame. Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « knife » (couteau) comme une « lame de métal servant à couper , composée d’une longue bande tranchante fixée à un manche, pliant ou non » ou un « outil similaire utilisé comme arme » [13] [traduction]. Le même dictionnaire définit « blade » (lame) comme « la partie tranchante plate et mince d’un couteau, d’un ciseau, etc. » [14] [traduction].

  8. Les éléments de preuve indiquent, et les parties en conviennent, que les marchandises en cause ne comportent pas de lame affilée ou de tranchant, et semblent avoir été conçues de façon à prévenir qu’un utilisateur puisse transformer en lame la pièce de métal non coupante, à cause des perforations et de l’épaisseur de la pièce de métal. L’ASFC soutient que, même si on trouvait un moyen de transformer en lame la pièce de métal, cela demanderait un savoir-faire étendu et des outils spécialisés autres que pour un affûtage ordinaire.

  9. L’ASFC souligne que cette conclusion est fondée sur les caractéristiques de ces marchandises en particulier, et que d’autres couteaux papillons (Bali Song) pour l’entraînement comportant des caractéristiques différentes pourraient être considérés comme des armes prohibés au sens du numéro tarifaire 9898.00.00.

  10. L’ASFC demande au Tribunal de rendre une décision pour qu’elle puisse procéder au réexamen du classement tarifaire. Une décision du Tribunal est requise en l’espèce étant donné la formulation de la Loi.

  11. L’alinéa 61(1)a) de la Loi stipule ce qui suit :

ANALYSE DU TRIBUNAL

Position des parties

Analyse

Les marchandises en cause sont-elles des armes prohibées?

L’ASFC ne peut unilatéralement réviser le classement tarifaire des marchandises

61 (1) Le président peut procéder : 

a) à la révision ou au réexamen de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane des marchandises importées :

(i) à tout moment après la révision ou le réexamen visé à l’alinéa 60(4)a), mais avant l’audition de l’appel prévu à l’article 67, sur recommandation du procureur général du Canada, dans les cas où la révision ou le réexamen réduirait les droits exigibles sur les marchandises,

[...]

(iii) à tout moment, dans le cas où la révision ou le réexamen donnerait effet à une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur, de la Cour d’appel fédérale ou de la Cour suprême du Canada rendue au sujet des marchandises;

  1. L’ASFC n’a donc pas, aux termes du sous-alinéa 61(1)a)(i) de la Loi, l’autorité de réviser unilatéralement le classement tarifaire des marchandises en cause et de les libérer, parce qu’une telle révision ne réduirait pas les droits exigibles sur les marchandises. Toutefois, le sous-alinéa 61(1)a)(iii) permet à l’ASFC de réexaminer un classement tarifaire afin de donner effet à une décision du Tribunal. L’ASFC demande donc au Tribunal de rendre une décision selon laquelle les marchandises en cause ne sont pas des armes prohibées du numéro tarifaire 9898.00.00 afin qu’il puisse procéder au réexamen du classement tarifaire et libérer les marchandises en cause aux termes du sous-alinéa 61(1)(a)(iii).

  2. Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal ne voit aucune raison pour ne pas conclure dans le sens de la position commune des parties. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne respectent pas la définition d’« arme prohibée » du paragraphe 84(1) de Code criminel et qu’elles ne peuvent donc pas être classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

  3. L’appel est accueilli.

Conclusion

DÉCISION




Serge Fréchette 
Serge Fréchette
Membre présidant



[1] .  L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2] .  L.C. 1997, ch. 36.

[3] .  Mémoire de l’intimé, pièce AP-2017-067-06A, p. 14, vol. 1.

[4] .  Ibid., p. 15.

[5] .  Ibid., p. 16.

[6] .  Ibid., p. 17-19.

[7] .  Avis d’appel, pièce AP-2017-067-01, vol. 1.

[8] .  D.O.R.S./91-499.

[9] .  Des photos des marchandises en cause figurent dans le mémoire de l’intimé, p. 21-22.

[10] .  L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[11] .  L.R.C. (1985), ch. C-46.

[12] .  D.O.R.S./98-462 [Règlement].

[13] .  Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « knife ».

[14] .  Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., s.v. « blade ».

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