CONAIR CONSUMER PRODUCTS ULC

CONAIR CONSUMER PRODUCTS ULC
Demande no EP-2018-002

Ordonnance et motifs rendus
le vendredi 20 juillet 2018

TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À une demande présentée par Conair Consumer Products ULC, aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes, en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, à l’égard d’une décision définitive datée du 16 février 2018 rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada.

ORDONNANCE

Ayant examiné la demande déposée par Conair Consumer Products ULC, ayant observé que le président de l’Agence des services frontaliers du Canada ne prend pas position sur la question, et étant convaincu que les exigences et conditions énoncées aux paragraphes 67.1(2) et 67.1(4) de la Loi sur les douanes ont été satisfaites, le Tribunal canadien du commerce extérieur fait droit à la prorogation de délai pour déposer un avis d’appel et accepte, par la présente, les documents déposés par Conair Consumer Products ULC le 18 mai et le 13 juin 2018 à titre d’avis d’appel, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes.

Jean Bédard
Jean Bédard, c.r.
Membre présidant

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le 16 février 2018, Conair Consumer Products ULC (Conair) a reçu trois décisions définitives rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) en vertu du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes[1].

2. Aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, un avis d’appel doit être déposé auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision. La date limite pour déposer un avis d’appel portant sur les décisions datées du 16 février 2018 était donc le 17 mai 2018. Conair a déposé son avis d’appel le 18 mai 2018, soit une journée après la date limite.

3.  Le 13 juin 2018, Conair a déposé une demande auprès du Tribunal, conformément à l’article 67.1, en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel.

4.  Le 14 juin 2018, le Tribunal a accusé réception de la demande et a demandé à l’ASFC de déposer ses observations, le cas échéant, au plus tard le 16 juillet 2018. Le 26 juin 2018, l’ASFC a affirmé ne pas prendre position à l’égard de la demande.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

5.  L’article 67.1 de la Loi prévoit ce qui suit :

67.1 (1) La personne qui n’a pas interjeté appel dans le délai prévu à l’article 67 peut présenter au Tribunal canadien du commerce extérieur une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Le tribunal peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu’il estime justes.

(2) La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles l’avis d’appel n’a pas été déposé dans le délai prévu.

(3) La demande de prorogation se fait par dépôt, auprès du président et du Tribunal canadien du commerce extérieur, de la demande et de l’avis d’appel.

(4) Il n’est fait droit à la demande de prorogation que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai d’appel prévu à l’article 67, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible,

(iv) l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

6.  La demanderesse a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les conditions énoncées à l’article 67.1 ont été remplies. Pour que ce fardeau soit satisfait, la preuve présentée doit être claire, convaincante et pertinente[2].

ANALYSE

7.   Conair a manifestement répondu à certaines des exigences susmentionnées. Plus particulièrement, la demande était accompagnée de l’avis d’appel, comme l’exige le paragraphe 67.1(3) de la Loi, et la demande a été reçue 27 jours après la date limite pour déposer un avis d’appel, sans contredit dans le délai d’un an prévu à l’alinéa 67.1(4)a).

8.   Pour ce qui est des raisons justifiant le retard du dépôt de l’avis d’appel, la demande affirme que « la personne responsable de déposer les appels a mal calculé la date limite par inadvertance » [traduction] et a ainsi déposé l’appel auprès du Tribunal une journée après l’échéance du délai de 90 jours[3]. Le Tribunal accepte cette explication selon laquelle une erreur administrative a causé le retard, l’exigence du paragraphe 67.1(2) étant satisfaite.

9.   La demande affirme que Conair a ordonné à son conseiller juridique d’interjeter appel « [l]e ou autour du 14 mai 2018 » [traduction], soit trois jours avant la date limite de dépôt. La demande comprend une déclaration sous serment attestant ce fait, datée du 11 juin 2018 et signée par J. Clem MacMullin, le directeur général de Conair. Le Tribunal accepte cela et le fait que l’appel n’a été déposé qu’une journée en retard à titre de preuve d’une intention de bonne foi d’interjeter appel dans le délai, comme l’exige le sous‑alinéa 67.1(4)b)(i).

10.  Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal convient avec Conair qu’un léger retard de la sorte, causé par une erreur commise de bonne foi, ne devrait pas priver Conair de son droit de contester la décision du président. Sur ce fondement, Conair a démontré qu’il serait juste et équitable de faire droit à la demande, satisfaisant ainsi au sous-alinéa 67.1(4)b)(ii).

11.  Le Tribunal accepte également les observations de Conair selon lesquelles la demande a été présentée dès que possible, comme l’exige le sous-alinéa 67.1(4)b)(iii), Conair soulignant que son conseiller juridique a immédiatement préparé la demande après avoir été informé par le Tribunal de son erreur.

12.  La demande, sous l’en-tête intitulé « motifs raisonnables appuyant l’appel » [traduction], prévoit ce qui suit :

13. Les marchandises en cause sont une brosse à air chaud, qui est utilisée pour coiffer les cheveux, et une brosse rotative à air, qui est utilisée pour mettre les cheveux en plis;

14. La demanderesse soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 8516.31.00 à titre de sèche-cheveux ou dans le numéro tarifaire 8516.32.10 à titre de fers à friser.

15. La déclaration sous serment de J. Clem MacMullin (Onglet 3) est jointe à titre de pièce à l’appui de la présente demande.

[Traduction]

13.  Bien qu’elle démontre clairement l’intention de bonne foi d’interjeter appel dans le délai, la déclaration sous serment de M. MacMullin ne traite pas de motifs sur le fond de l’appel.

14.  Le Tribunal est lié par le libellé de l’article 67.1, qui stipule sans équivoque qu’« [i]l n’est fait droit à la demande de prorogation que si [...] l’auteur de la demande établit [que] [...] l’appel est fondé sur des motifs raisonnables. »[4] Ainsi, le Tribunal aurait apprécié que les motifs de l’appel, à l’appui de la demande, soient exposés de manière exhaustive.  

15. En examinant la question de savoir si ce critère est satisfait, le Tribunal estime approprié d’analyser une demande, comme celle en cause, de manière généreuse et libérale, afin de déterminer si elle divulgue des motifs raisonnables d’interjeter appel, tout en considérant les circonstances propres à la demande. En l’espèce, nonobstant l’omission d’exposer ces motifs dans la demande en tant que telle, le Tribunal conclut que les documents à l’appui déposés par Conair font état de considérations pertinentes.

16.  Après avoir examiné la décision de l’ASFC, que Conair porte en appel, le Tribunal prend note du fait que cette décision se fonde sur une décision antérieure du Tribunal, qui concernait également Conair. Les marchandises en cause dans l’affaire Conair Consumer Products Inc. étaient des « défriseurs et pinces à gaufrer » [5], alors que les marchandises en cause dans l’appel que la demanderesse souhaite présentement déposer sont décrites dans la demande comme étant des « brosses à air chaud » et des « brosses rotatives à air » [traductions].

17.    Le Tribunal a déjà déterminé que la question de savoir si une décision antérieure du Tribunal (ou de la Commission du tarif) s’applique en l’espèce représente un motif raisonnable d’interjeter appel, aux fins de répondre à l’exigence du sous-alinéa 67.1(4)b)(iv)[6]. À l’inverse, dans l’affaire Bri-Chem, la Cour d’appel fédérale a déconseillé de rouvrir des questions déjà tranchées par le Tribunal à moins qu’il existe des motifs impérieux de le faire [7]. Par conséquent, plaider de nouveau une affaire portant sur les mêmes marchandises que celles qui ont précédemment été examinées par le Tribunal ne constituera habituellement pas un motif raisonnable pour interjeter appel [8].

18.   À première vue, les marchandises en cause semblent être différentes de celles examinées dans l’affaire Conair I, et l’ASFC n’a fourni aucune preuve démontrant le contraire. Au-delà de cette distinction à première vue, le Tribunal ne dispose pas d’assez d’éléments de preuve pour trancher la question de l’applicabilité de l’affaire Conair I au classement tarifaire des marchandises en cause. Par conséquent, il existe des motifs raisonnables pour interjeter appel.

19.  Le Tribunal souligne que l’ASFC s’était opposée à toutes les demandes précédentes, dans lesquelles des observations plus détaillées eu égard au sous-alinéa 67.1(4)b)(iv) avaient été déposées [9]. En revanche, l’ASFC ne s’est pas opposée à la demande en cause.

20.  En l’espèce, le Tribunal est convaincu que Conair a fourni suffisamment de renseignements démontrant que l’appel est fondé sur des motifs raisonnables aux fins de satisfaire au sous‑alinéa 67.1(4)b)(iv). En prenant cette décision, le Tribunal souligne que Conair a déposé son avis d’appel une journée plus tard que la date prévue, que l’erreur était une erreur administrative commise de bonne foi, qu’une question valide demeure en suspens, soit celle de l’applicabilité de l’affaire Conair I au classement des marchandises en cause dans l’appel que la demanderesse souhaite déposer, et le fait que l’ASFC ne s’est pas opposée à la demande.

21. Le Tribunal insiste sur le fait que, dans d’autres circonstances, il s’attend à ce que des observations plus détaillées soient déposées concernant des motifs d’appel lorsque les parties traitent du critère du sous‑alinéa 67.1(4)b)(iv). Cela étant dit, compte tenu des circonstances propres à l’espèce, le Tribunal estime que Conair a satisfait à ce critère aux fins de la présente demande.

DÉCISION

22.  Pour les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal fait droit à la prorogation de délai pour déposer un avis d’appel, conformément au paragraphe 67(1) de la Loi.

23. Compte tenu du fait que Conair a déposé son avis d’appel auprès du Tribunal et du président de l’ASFC, le Tribunal considèrera l’appel comme ayant été déposé le jour où la présente ordonnance est rendue et fournira, en conséquence, des directives aux parties concernant les dates limites pour déposer leurs observations.

 


[1].     L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, 2008 CSC 53 (CanLII) au par. 46; B. Erickson Manufacturing Limited (3 avril 2017), EP-2016-001 (TCCE).

[3].     Pièce EP-2018-002-01A au par. 2.

id="_ftn4" style="mso-footnote-id: ftn4" title="_ftn4"> [5].     (20 octobre 2003), AP-2002-095 (TCCE) [Conair I].

[6].     General Motors du Canada Limitée (11 février 2009), EP-2008-002 (TCCE) aux par. 16-17 [General Motors du Canada]; M. Gordon Grandison (31 mars 2004), EP-2003-007 (TCCE) [Grandison].

[7].     Canada (Procureur général) c. Bri-Chem Supply Ltd., [2017] 3 RCF 123, 2016 CAF 257 (CanLII) au par. 61;

[8].     J.R. McNenly (10 février 2012), EP-2011-001 (TCCE) aux par. 27-30.

[9].     Voir, par exemple, General Motors du Canada; Electronic Liquidators Ltd. (6 novembre 2006), EP-2005-035 (TCCE) au par. 17; American Standard Bath & Kitchen (Canada) (25 mai 2004), EP-2003-008 (TCCE) au par. 11; Grandison.