CANADIAN TIRE CORPORATION LTD.

CANADIAN TIRE CORPORATION LTD.
C.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2017-025

Décision et motifs rendus
le vendredi 24 août 2018

TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 15 mai 2018 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 15 juin 2017 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CANADIAN TIRE CORPORATION LTD. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre présidant

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)
Date de l’audience : le 15 mai 2018

Membre du Tribunal : Serge Fréchette, membre présidant

Personnel de soutien : Anja Grabundzija, conseillère juridique
Michael Carfagnini, conseiller juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Canadian Tire Corporation Ltd.

Michael Sherbo
Andrew Simkins

 

Intimé

Conseillers/représentants

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Tara DiBenedetto
Adrian Johnston

TÉMOINS :

Robert McNae
Président-directeur général
Ace Casual Furniture

Peter Schuck
Directeur technique, Systèmes et logiciels
Paradigm Electronics

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

  1. Le présent appel a été interjeté par la Canadian Tire Corporation Ltd. (Canadian Tire) le 28 août 2017 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] contre une décision du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) rendue le 15 juin 2017 aux termes du paragraphe 60(4) à l’égard d’une demande de décision anticipée sur la classification tarifaire.
  2. L’objet de l’appel consiste à déterminer si la Chaise X Rocker avec son et munie de la technologie Bluetooth (la chaise), dont les parties s’entendent qu’il est classé dans le numéro tarifaire 9401.61.10 du Tarif des douanes[2] à titre d’autres sièges, avec bâti en bois, rembourré, pour usages domestiques, peut également être classé dans le numéro tarifaire 9948.00.00 à titre d’article pouvant servir dans des machines automatiques de traitement de l’information (machines ATI), des lecteurs optiques, des jeux vidéo utilisés avec un récepteur de télévision, et autres jeux électroniques, et des parties et des accessoires de ce qui précède.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

  1. Le 13 septembre 2016, Canadian Tire a déposé une demande en vertu de l’article 42.1 de la Loi pour obtenir une décision anticipée quant à la classification tarifaire de la chaise.
  2. Le 6 décembre 2016, l’ASFC a rendu sa décision anticipée classant la chaise dans le numéro tarifaire 9401.61.10, mais refusant la demande de Canadien Tire voulant qu’elle soit également classée dans le numéro tarifaire 9948.00.00.
  3. À la suite d’une demande de révision présentée par Canadian Tire, l’ASFC a rendu une décision en vertu du paragraphe 60(4) de la Loi confirmant la décision anticipée du 15 juin 2017[3].
  4. Le 28 août 2017, Canadian Tire a interjeté le présent appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.
  5. Le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario) le 15 mai 2018.
  6. Canadian Tire a fait comparaître M. Robert McNae, PDG d’Ace Casual Furniture, comme témoin, ainsi que M. Peter Schuck, directeur technique chez Paradigm Electronics, en tant que témoin expert. Après avoir évalué ses qualifications et son expérience, le Tribunal a reconnu M. Schuck comme expert en ingénierie du son ainsi qu’à l’égard des aspects techniques de la production et de la reproduction de la musique et du son[4].
  7. L’ASFC n’a fait comparaître aucun témoin.

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

  1. La chaise inclut des caractéristiques multimédias qui permettent à l’utilisateur de jouer à des jeux vidéo, de visionner des films ou d’écouter de la musique. Elle comprend deux haut‑parleurs, des prises d’entrée de volume et un panneau de contrôle de chaque côté qui permet, entre autres, d’ajuster le volume[5]. La chaise peut être connectée à une panoplie d’appareils médias, comme des lecteurs DVD, des consoles de jeux vidéo et des lecteurs MP3 ou CD. Les haut‑parleurs reproduisent le son des films, des jeux vidéo ou des fichiers audio lu par ces appareils.
  2. La documentation du produit inclut la description suivante : « Bienvenue dans le monde audio interactif. Grâce à votre nouvelle chaise X Rocker, vous pouvez non seulement écouter votre musique, mais également la RESSENTIR. Que vous écoutiez de la musique ou un film ou que vous jouiez à un jeu, vous en ferez partie »[6] [traduction].

CADRE LÉGISLATIF

  1. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[7]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous‑positions et numéros tarifaires.
  2. Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[8] et les Règles canadiennes[9] énoncées à l’annexe.
  3. Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.
  4. L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[10] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[11] publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[12].
  5. Le chapitre 99, qui comprend le numéro tarifaire 9948.00.00, contient les dispositions de classement spécial adoptées par le Canada qui permettent généralement l’importation de certaines marchandises en franchise de droits. Les dispositions de ce chapitre ne sont pas normalisées à l’échelle internationale. Puisqu’aucune des positions du chapitre 99 n’est subdivisée à l’échelle des sous‑positions ou des numéros tarifaires, le Tribunal doit uniquement tenir compte, selon les circonstances, des règles 1 à 5 des Règles générales pour déterminer si les marchandises peuvent être classées dans ce chapitre.
  6. Les notes 3 et 4 du chapitre 99 sont pertinentes en l’espèce. Elles stipulent ce qui suit :

3. Les marchandises peuvent être classées dans un numéro tarifaire du présent Chapitre et peuvent bénéficier des taux de droits de douane du tarif de la nation la plus favorisée ou du tarif de préférence prévus au présent Chapitre qui s’appliquent à ces marchandises selon le traitement tarifaire applicable selon le pays d’origine, mais ce classement est subordonné au classement préalable de celles‑ci dans un numéro tarifaire des Chapitres 1 à 97 et à l’observation des conditions prévues par les textes d’application qui leurs sont applicables.

4. Les termes utilisés dans ce Chapitre et dans les Chapitres 1 à 97 s’entendent au sens de ces derniers Chapitres.

  1. Comme les parties conviennent que la chaise est classée dans le numéro tarifaire 9401.61.10, la condition prévue à la note 3 selon laquelle le produit doit se classer dans un numéro tarifaire des chapitres 1 à 97 est donc satisfaite.
  2. Canadian Tire fait valoir que la chaise respecte les exigences du numéro tarifaire 9948.00.00, dont voici les dispositions pertinentes :

9948.00.00 Articles devant servir dans ce qui suit :

[...]

Machines automatiques de traitement de l’information et leurs unités, lecteurs magnétiques ou optiques, machines de mise d’informations sur support sous forme codée et machines de traitement de ces informations;

[...]

Jeux vidéo utilisés avec un récepteur de télévision, et autres jeux électroniques;

Parties et accessoires de ce qui précède.

  1. Le paragraphe 2(1) du Tarif des douanes définit l’expression « devant servir dans » comme suit :

devant servir dans ou devant servir à Mention dans un numéro tarifaire, applicable aux marchandises qui y sont classées et qui doivent entrer dans la composition d’autres marchandises mentionnées dans ce numéro tarifaire par voie d’ouvraison, de fixation ou d’incorporation.

  1. En ce qui concerne l’interprétation de l’expression « machines automatiques de traitement de l’information » (machines ATI) énoncée au numéro tarifaire 9948.00.00, la note suivante du chapitre 84 s’applique :

5.A) On entend par machines automatiques de traitement de l’information au sens du no 84.71 :

1) enregistrer le ou les programmes de traitement et au moins les données immédiatement nécessaires pour l’exécution de ce ou de ces programmes;

2) être librement programmées conformément aux besoins de l’utilisateur;

3) exécuter des traitements arithmétiques définis par l’utilisateur; et

4) exécuter, sans intervention humaine, un programme de traitement dont elles doivent pouvoir, par décision logique, modifier l’exécution au cours du traitement.

  1. Ainsi, pour être incluse dans le numéro tarifaire 9948.00.00, la chaise doit être :
  1. un « article »
  2. « devant servir dans »
  3. des machines ATI, des lecteurs optiques ou des jeux vidéo utilisés avec un récepteur de télévision, et autres jeux électroniques[13].

POSITION DES PARTIES

  1. Les parties s’entendent sur le fait que les premier et troisième critères sont respectés : la chaise est un « article », et les produits auxquels on peut le connecter (ordinateurs, consoles de jeux vidéo ou lecteurs DVD) sont des marchandises hôtes énumérées dans le numéro tarifaire 9948.00.00. La position des parties à ces égards est conforme à la jurisprudence[14]. Le Tribunal souscrit à cette position.
  2. Comme exposé plus amplement ci‑dessous, la seule question que le Tribunal doit trancher est de savoir si la chaise est un article « devant servir dans » les marchandises hôtes du fait qu’elle entre dans la composition de ces marchandises par voie de fixation[15].

Canadian Tire

  1. Canadian Tire fait valoir que la chaise est un article « devant servir dans » des machines ATI, des lecteurs optiques ou des consoles de jeux vidéo et autres jeux électroniques du fait qu’elle entre dans la composition de ces marchandises « par voie de [...] fixation ». Canadian Tire soutient que la chaise n’est pas seulement physiquement fixée aux marchandises, mais qu’elle est également « fonctionnellement unie » à celles‑ci, car elle fournit « une sortie audio (ou de son) nécessaire ou complémentaire aux appareils sources »[16] [traduction]. Essentiellement, la chaise améliore les fonctions des ordinateurs, des lecteurs DVD et des consoles de jeux vidéo auxquels elle est connectée en agissant comme haut‑parleurs[17].
  2. Canadian Tire soutient subsidiairement que la chaise est physiquement et fonctionnellement unie à une « partie » (précisément, la composante de sortie audio) des marchandises hôtes énumérées au numéro tarifaire 9948.00.00, comme le permet ce numéro tarifaire.

ASFC

  1. L’ASFC a fait valoir que la chaise n’est pas un article devant servir dans les marchandises classées dans le numéro tarifaire 9948.00.00, car bien qu’elle puisse être physiquement reliée aux marchandises, elle n’est pas « fonctionnellement unie » à celles‑ci.
  2. L’ASFC soutient que pour que des marchandises soient fonctionnellement unies à d’autres, elles doivent apporter des améliorations ou des compléments à la fonction précise pour laquelle les marchandises hôtes sont conçues. L’ASFC affirme que les ordinateurs, les lecteurs DVD et les consoles de jeux vidéo sont tous des machines ATI aux fins du numéro tarifaire 9948.00.00 et que les fonctions précises des machines ATI sont décrites à la note explicative 5A) du chapitre 84. L’ASFC soutient que la chaise ne vient pas améliorer ou compléter ces fonctions précises et qu’elle n’est donc pas « fonctionnellement unie » aux marchandises hôtes.
  3. L’ASFC soutient également que la fonction principale de la chaise est celle d’un siège, conformément à son classement tarifaire. Elle affirme également que la chaise ne doit donc pas être traitée comme un haut‑parleur aux fins de son classement en tant qu’article devant servir dans les marchandises du numéro tarifaire 9948.00.00. Elle fait par ailleurs valoir comme autre point important à considérer que les chaises et les marchandises hôtes peuvent fonctionner indépendamment les uns des autres.
  4. Pour des raisons similaires, l’ASFC soutient également que la chaise n’est pas un article devant servir dans des parties ou des accessoires des marchandises du numéro tarifaire 9948.00.00.

ANALYSE

  1. Le Tribunal doit déterminer si la chaise est un article « devant servir dans » les marchandises du numéro tarifaire 9948.00.00 du fait qu’elle entre dans leur composition « par voie de [...] fixation » au sens du paragraphe 2(1) du Tarif des douanes.
  2. Le Tribunal applique depuis longtemps deux critères à cet égard. Premièrement, les marchandises en question doivent être physiquement reliées aux marchandises hôtes, et, deuxièmement, les marchandises en question doivent être fonctionnellement unies aux marchandises hôtes. On entend ici que les marchandises en question doivent améliorer ou complémenter la fonction de ces marchandises, en les aidant à exécuter leurs fonctions ou en leur permettant d’acquérir des capacités supplémentaires[18].
  3. Dans le cas présent, les éléments de preuve montrent que la chaise est physiquement reliée et fonctionnellement unie aux ordinateurs, aux lecteurs DVD ou aux consoles de jeux vidéo auxquels elle se connecte.
  4. M. McNae, PDG d’Ace Casual, qui fabrique la chaise X Rocker, a affirmé que, même si la chaise a été conçue à l’origine pour être utilisée avec des consoles de jeux vidéo, elle a pour fonction plus générale d’être utilisée en tant qu’ajout à un média numérique, y compris aux appareils mobiles ou de musique, aux lecteurs DVD, aux ordinateurs ou aux télévisions, et ce, en vue d’améliorer l’expérience de jeu, de musique ou de vidéo de l’utilisateur. Il a affirmé que la chaise est vendue avec les câbles lui permettant de se connecter à de tels appareils médias. La chaise est également dotée de la fonctionnalité Bluetooth, ce qui lui permet de se connecter à tout appareil compatible avec la technologie Bluetooth[19].
  5. M. McNae a affirmé que « le X Rocker plonge l’utilisateur dans le jeu, la musique, le spectacle ou toute autre expérience pour laquelle la chaise est utilisée. [...] Lorsque l’on s’assoit, les haut‑parleurs sont directement à côté de vous, ce qui vous permet de vraiment apprécier le son, de le ressentir. On peut sentir la vibration du caisson d’extrêmes graves [...] et celle des haut‑parleurs, et ça aide vraiment à apprécier le son, la musique, le film ou le jeu »[20] [traduction]. Il a ajouté que « la chaise est essentiellement conçue pour être branchée à un appareil et offrir une expérience de jeu immersive à l’utilisateur. Il s’agit d’un accessoire aux jeux vidéo, aux films, etc. » [21] [traduction].
  6. Quant à M. Schuck, il a expliqué que les marchandises hôtes – lecteurs CD et DVD, et consoles de jeux vidéo – partagent le même objectif, soit de permettre à l’utilisateur de faire jouer des enregistrements audio (ainsi que vidéo, dans certain cas). Toutes les marchandises hôtes « lisent » [traduction] le signal audio du support sur lequel il est stocké et le transmettent à un dispositif, comme un récepteur, un amplificateur ou un haut‑parleur, qui le retransmet sous forme de son, que l’utilisateur peut entendre[22]. M. Schuck a précisé que si le signal audio n’aboutit pas dans un haut‑parleur quelconque, l’utilisateur n’entendra rien et « l’audio perdra tout son sens »[23] [traduction].
  7. À une question sur la façon dont la chaise reproduit le son, M. Schuck a répondu que le processus commence par un ordinateur, un lecteur DVD ou une console de jeu qui traduit le signal d’une source audio numérique (comme un CD, un DVD ou la mémoire d’un ordinateur) en un format qui peut être converti en signal analogique ou en signal numérique. Le signal analogique peut être transmis à la chaise par une connexion filaire à partir de la marchandise hôte. Le signal numérique peut quant à lui être transmis par connexion Bluetooth[24]. Dans le cas du signal analogique, un convertisseur audio numérique est connecté de façon permanente à la prise de sortie. Dans le cas d’une connexion Bluetooth, la marchandise hôte est vendue avec des composantes logicielles compatibles avec la technologie Bluetooth déjà installées[25].
  8. M. Schuck a poursuivi son explication de la connexion Bluetooth entre la chaise et la marchandise hôte en précisant que les composantes Bluetooth des deux appareils doivent être « appariées » [traduction] au moyen d’une connexion numérique avant que le signal audio puisse être transmis à la chaise. Ce processus consiste en la transmission d’un signal numérique de la chaise à la marchandise hôte et vice‑versa, et ce, de façon à établir et à maintenir une connexion sans fil et à veiller à la qualité du signal audio transmis et reproduit[26]. En ce qui concerne la connexion analogique (« filaire »), la marchandise hôte est munie d’un convertisseur audio numérique connecté à la prise de sortie, ce qui permet simplement à un câble analogique relié physiquement à la marchandise hôte de transmettre le signal à la chaise[27].
  9. M. Schuck a expliqué que la chaise amplifie ensuite le signal analogique ou numérique reçu de la marchandise hôte en signal audio à plus haut voltage. Par la suite, un transformateur dans les haut‑parleurs de la chaise transforme le courant électrique en un champ magnétique qui permet à des aimants dans les haut‑parleurs de faire vibrer un diaphragme pour créer du son[28].
  10. M. Schuck a comparé la fonction de la chaise à celle d’un haut‑parleur ou d’écouteurs branchés dans une chaîne stéréo. Grâce à son amplificateur puissant, la chaise permet à l’utilisateur de « ressentir le son un peu plus »[29] [traduction]. Il a affirmé que l’amplification fournie par la chaise est conçue pour améliorer l’expérience audiovisuelle de l’utilisateur, comme le feraient les gros haut‑parleurs et les caissons d’extrêmes graves au cinéma pour créer une ambiance et une émotion plus vive[30]. M. Schuck a aussi fait remarquer que ce ne sont pas toutes les marchandises hôtes auxquelles la chaise peut être connectée qui sont capables de reproduire du son par elles-mêmes. C’est le cas de lecteurs DVD et de certains ordinateurs de bureau qui ne sont pas équipés de haut‑parleurs[31].
  11. Enfin, M. Schuck a affirmé que, selon lui, la chaise a pour but de faire jouer du contenu audio et que « si vous vouliez une chaise sans haut‑parleurs intégrés, vous achèteriez une chaise sans haut‑parleurs intégrés »[32] [traduction].
  12. En résumé, les témoins ont fait valoir que la fonction des marchandises hôtes pertinentes en l’espèce (par exemple ordinateur, lecteur DVD ou console de jeu vidéo) est de lire les films, les jeux vidéo et les fichiers de musique stockés sur un disque ou dans une mémoire d’ordinateur, et que celle de la chaise est de reproduire et d’amplifier le signal sonore reçu de la marchandise hôte. Ainsi, la chaise, au moyen de ses haut‑parleurs intégrés, permet à la marchandise hôte de rendre les fichiers audio audibles pour l’oreille et d’une manière qui vient améliorer l’expérience sensorielle de l’utilisateur.
  13. À la lumière de ces éléments de preuve, le Tribunal conclut que, comme l’a soutenu Canadian Tire, la chaise, au moyen de ses haut‑parleurs et de ses caissons d’extrêmes graves intégrés, améliore la fonction des marchandises en fournissant une sortie audio nécessaire ou complémentaire à ces marchandises. Comme la chaise est physiquement reliée et fonctionnellement unie aux marchandises hôtes, elle entre dans la composition de ces marchandises par voie de fixation et il s’agit d’un article « devant servir dans » ces marchandises au sens du paragraphe 2(1) du Tarif des douanes.
  14. La conclusion du Tribunal cadre avec ses décisions rendues précédemment. Dans Best Buy, le Tribunal a conclu que des télévisions fixées à des machines ATI étaient fonctionnellement unies parce qu’« elles améliorent et complètent la fonction de ces appareils en fournissant un affichage visuel nécessaire ou complémentaire ainsi qu’une sortie de son pour les appareils source »[33]. De même, dans Sonos, le Tribunal a déterminé que des haut‑parleurs sans fil étaient « fonctionnellement unis » aux machines ATI auxquelles ils sont connectés[34].
  15. En ce qui concerne l’argument de l’ASFC selon lequel la chaise n’améliore pas les fonctions des machines ATI décrites à la note 5A) du chapitre 84, le Tribunal considère que ni le libellé du numéro tarifaire 9948.00.00 ni la définition de « devant servir dans » précisée au paragraphe 2(1) du Tarif des douanes ne justifient la position selon laquelle il ne faudrait prendre en compte que ces fonctions particulières. Aux termes de la note 4 du chapitre 99, la note 5A) du chapitre 84 est pertinente aux fins de l’interprétation de l’expression « machines ATI » précisée au numéro tarifaire 9948.00.00. Cependant, bien que la note 5A) du chapitre 84 établisse les capacités que doivent avoir ces machines pour être considérées comme machines ATI précisées au numéro tarifaire 9948.00.00, cela ne signifie pas que la note 5A) du chapitre 84 présente les seules fonctions utiles de toute machine ATI aux fins de déterminer si une marchandise importée est un article « devant servir dans » une machine ATI précise.
  16. Quoi qu’il en soit, les marchandises hôtes dans le cas qui nous occupe incluent les lecteurs optiques et les jeux vidéo et autres jeux électroniques. Le numéro tarifaire 9948.00.00 énumère également ces marchandises hôtes, indépendamment des machines ATI[35]. Bien que ces appareils puissent être dotés des mêmes capacités techniques que les machines ATI, contrairement à ce que soutient l’ASFC, rien n’indique que les fonctions précises et pertinentes de ces marchandises sont les fonctions ATI décrites à la note 5A) du chapitre 84. Cette proposition n’est pas non plus étayée par les éléments de preuve présentés en l’espèce.
  17. Quant à l’argument de l’ASFC voulant que la chaise remplisse une fonction autonome (sans être reliée aux marchandises hôtes), qu’elle soit classée en tant que chaise dans le chapitre 94 plutôt qu’en tant qu’haut‑parleur et que sa fonction principale soit celle d’un siège, le Tribunal estime que ces considérations ne sont pas pertinentes en ce qui concerne la question de savoir si la chaise, lorsqu’elle est reliée aux marchandises hôtes du numéro tarifaire 9948.00.00, améliore ou complémente leurs fonctions[36]. Le critère « devant servir dans » n’exige pas qu’une marchandise doive servir exclusivement ou principalement dans une marchandise hôte visée. La conclusion rendue dans Wal‑Mart, invoquée par l’ASFC, selon laquelle le Tribunal a déterminé qu’une chaise similaire ne pouvait être classée dans le chapitre 95[37] en tant qu’article devant principalement servir à des jeux vidéo, ne s’applique pas en l’espèce. Dans cette affaire, le Tribunal a rejeté le classement de la chaise dans le chapitre 95 parce que la note 3 de ce chapitre précise que les marchandises en cause doivent être exclusivement ou principalement destinées aux articles énumérés au chapitre 95 pour être classées avec ceux‑ci[38]. Le libellé du numéro tarifaire 9948.00.00 ne précise aucun critère semblable. De même, l’argument avancé par l’ASFC selon lequel la chaise dans son ensemble, plutôt qu’une partie de la chaise, doit améliorer ou complémenter les marchandises hôtes ne trouve aucun fondement dans le libellé du numéro tarifaire 9948.00.00 ou dans la définition de l’expression « devant servir dans ».
  18. Comme le Tribunal l’a récemment réaffirmé dans Apple Canada, « la notion de ‘fonctionnellement uni’ signifie simplement que les marchandises ‘devant servir dans’ les marchandises hôtes présentent un lien fonctionnel (qu’il soit actif ou passif) avec les marchandises hôtes »[39]. Ce lien fonctionnel est démontré par les éléments de preuve présentés en l’espèce.

CONCLUSION

  1. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des articles devant servir dans des machines ATI, des lecteurs optiques et des jeux vidéo utilisés avec un récepteur de télévision, et autres jeux électroniques. Pour les motifs exposés ci‑dessus, le Tribunal conclut que la chaise respecte les exigences du numéro tarifaire 9948.00.00.

DÉCISION

  1. L’appel est accueilli.

 

 

[1].     L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     Pièce AP‑2017‑025‑01 à la p. 2, vol. 1.

[4].     Transcription de l’audience publique aux p. 21‑23.

[5].    Mémoire de Canadian Tire, pièce AP‑2017‑025‑04C à la p. 14, vol. 1.

[6].   Ibid. à la p. 13.

[7].   Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[8].   L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[9].   L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[10].  Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[11].  Organisation mondiale des douanes, 6 e éd., Bruxelles, 2017.

[12].  Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, où la Cour d’appel fédérale a interprété l’article 11 du Tarif des douanes comme signifiant que les notes explicatives doivent être respectées, à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire. Le Tribunal est d’avis que cette interprétation s’applique également aux avis de classement.

[13].   La Cour d’appel fédérale et le Tribunal ont aussi établi que l’expression « devant servir dans » telle que définie à l’article 2 du Tarif des douanes requiert la preuve que la marchandise est en fait utilisée dans les marchandises hôtes (et non la preuve de son utilisation prévue ou envisagée par l’importateur) : Entrelec Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2000 CanLII 16268 (CAF) [Entrelec]; Best Buy Canada Ltd., P&F USA Inc. et LG Electronics Canada (27 février 2017), AP‑2015‑034, AP‑2015‑036 et AP‑2016‑001 (TCCE) [Best Buy]. Les deux parties conviennent que ce critère n’est pas en cause en l’espèce.

[14].   Voir en particulier les paragraphes 69 et 73 dans Best Buy.

[15].   Les parties ne soutiennent pas que les marchandises en cause peuvent être considérées comme « devant servir dans » les marchandises hôtes en entrant dans la composition de ces marchandises « par voie d’ouvraison, de fixation ou d’incorporation » au sens de la définition figurant au paragraphe 2(1) du Tarif des douanes

[16].   Pièce AP‑2017‑025‑04C au par. 30, vol. 1.

[17].   Transcription de l’audience publique à la p. 51.

[18].   Voir par exemple Andritz Hydro Canada Inc. et VA Tech Hydro Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (21 juin 2013), AP‑2012‑022 (TCCE) au par. 36; Ubisoft Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (28 janvier 2014), AP‑2013‑004 (TCCE) au par. 59, confirmé dans Ubisoft Canada Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2014 CAF 254 (CanLII); Curve Distribution Services Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du (15 juin 2012), AP‑2011‑023 (TCCE) au par. 65; Kverneland Group North America Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du (30 avril 2010), AP‑2009‑013 (TCCE) au par. 50‑51; Jam Industries Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du (20 mars 2006), AP‑2005‑006 (TCCE) au par. 42, confirmé dans Jam Industries Ltd. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2007 CAF 210 (CanLII); Sonos Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (24 octobre 2017), AP‑2016‑020 (TCCE) [Sonos] au par. 63.

[19].   Transcription de l’audience publique aux p. 6‑9.

[20].   Transcription de l’audience publique à la p. 13.

[21].   Ibid. à la p. 15.

[22].   Ibid. aux p. 24‑26.

[23].   Ibid. aux p. 26, 39.

[24].   Ibid. aux p. 23‑28.

[25].   Ibid. aux p. 29‑32.

[26].   Ibid. aux p. 32‑34.

[27].   Ibid. aux p. 29‑30.

[28].   Ibid. aux p. 26‑28.

[29].   Transcription de l’audience publique aux p. 28, 43.

[30].   Ibid. aux p. 42‑44.

[31].   Ibid. aux p. 41‑42.

[32].   Ibid.

[33].   Best Buy au par. 79.

[34].   Sonos aux par. 65‑66.

[35].   Le Tribunal prend acte de la position de l’ASFC selon laquelle toutes les marchandises hôtes pertinentes en l’espèce, notamment les lecteurs de DVD et de CD et les consoles de jeux vidéo, doivent être considérées comme des machines ATI aux fins de l’analyse du numéro tarifaire 9948.00.00. Voir pièce AP‑2017‑025‑06A aux par. 18 et 25, vol. 1A. Bien que l’ASFC s’appuie sur les conclusions du Tribunal dans Best Buy, le Tribunal a déterminé, aux paragraphes 69 et 73 de cette décision, que même si les lecteurs de DVD et de CD et les consoles de jeux vidéo peuvent être considérées comme des machines ATI en vertu du numéro tarifaire 9948.00.00 parce qu’elles possèdent les caractéristiques fondamentales des machines ATI qui figurent à la  note 5A) du chapitre 84, ces marchandises peuvent aussi être considérées comme des marchandises hôtes en vertu du numéro tarifaire 9948.00.00. Notamment, les jeux vidéo utilisés avec un récepteur de télévision sont expressément nommés dans le numéro tarifaire 9948.00.00, et les lecteurs de DVD et de CD sont des lecteurs optiques, qui figurent aussi dans le numéro tarifaire. 9948.00.00. L’ASFC n’a donné aucune raison pour ne pas tenir compte du fait que ces appareils sources peuvent aussi être considérés comme ces autres marchandises hôtes du numéro tarifaire 9948.00.00.

[36].   Entrelec au par. 7 : « [L]es diverses applications ou utilisations n’empêchent pas les marchandises de bénéficier des avantages du code 2101 dans la mesure où on produit des éléments de preuve établissant une utilisation conforme aux exigences fixées par cette disposition »; Tri-Ed Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (27 février 2017), AP-2014-041 (TCCE) au par. 87; Beckman Coulter Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (17 janvier 2012), AP-2010-065 (TCCE) aux par. 26‑28; Sony of Canada Ltd. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (3 février 2004), AP-2001-097 (TCCE) à la p. 12; Agri‑Pack c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (2 novembre 2004), AP‑2003‑010 (TCCE) au par. 34; PHD Canada Distributing Ltd. c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (25 novembre 2002), AP-99-116 (TCCE) aux p. 10-11.

[37].   Wal‑Mart Canada Corporation c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 juin 2011), AP‑2010-035 (TCCE) au par. 73.

[38].   Ibid. aux par. 60, 66‑73.

[39].   Apple Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 janvier 2018), AP‑2017‑013 (TCCE) au par. 29.