Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2018-026

H. Topas

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le jeudi 18 avril 2019

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 7 mars 2019 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 6 juillet 2018 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

H. TOPAS

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant











 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Dates de l’audience :

le 7 mars 2019

Membres du Tribunal :

Cheryl Beckett, membre présidant

Personnel de soutien :

Yusuf Khan, conseiller juridique

 

Laura Little, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

H. Topas

H. Topas

 

Intimé

Conseillers/représentants

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Luc Vaillancourt
Mélyne Félix

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

[1]  Le présent appel est interjeté par H. Topas (M. Topas) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes [1] , contre une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4), concernant une demande de révision de classement tarifaire.

[2]  Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si certains fromages et du beurre casher pour la Pâque juive importées par M. Topas (les marchandises en cause), en plus d’être classées à titre de « [b]eurre et autres matières grasses provenant du lait; pâtes à tartiner laitières » et « [f]romages et caillebotte » dans les positions nos 04.05 et 04.06 de l’annexe du Tarif des douanes, [2] comme l’a déterminé l’ASFC, peuvent aussi être classées à titre de « produits de la Pâque » dans le numéro tarifaire 9905.00.00 et ainsi bénéficiées de l’exonération des droits de douane, comme le soutient M. Topas.

[3]  Le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane parce qu’elles ne sont pas inscrites à titre de produits de la Pâque dans le numéro tarifaire 9905.00.00. M. Topas a invoqué une précédente importation de marchandises similaires en franchise de droits et le Décret de remise sur les produits de la pâque [3] ; toutefois, pour les motifs exposés ci-dessous, ni l’un ni l’autre ne sont pertinents aux fins du classement tarifaire des marchandises en cause.

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

[4]  Les marchandises en cause comprennent les fromages suivants et du beurre importés par M. Topas le 8 mars 2018, qui portent la mention « Kosher for Passover » (casher, pour la Pâque) [4]  :

  • du camembert

  • de l’édam

  • du cheddar

  • du fromage (à pizza, effiloché)

  • de la mozzarella

  • de la mozzarella (râpée et en filaments)

  • du munster

  • du parmesan

  • du parmesan (râpé et effiloché)

  • du pecorino romano

  • du fromage fondu

  • du romano (râpé)

  • du beurre fouetté

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[5]  Le 8 mars 2018, M. Topas a importé les marchandises en cause en rentrant au Canada depuis les États-Unis au point d’entrée de Saint-Bernard-de-Lacolle, au Québec. Il a dû payer des droits de douane sur les marchandises en cause, car il n’avait pas de licence l’autorisant à importer des produits laitiers en plus grande quantité que l’exemption personnelle [5] .

[6]  Le 11 mars 2018, M. Topas a demandé le remboursement des droits payés.

[7]  Dans une lettre datée du 11 avril 2018, l’ASFC a rejeté la demande de M. Topas aux termes du sous-alinéa 59(1)a)(ii) de la Loi, au motif que les marchandises en cause avaient été correctement évaluées au moment de leur importation, en indiquant que « [c]ertains produits remplissent les conditions requises en vertu du [Décret de remise] (9905.00.00), mais le fromage et le beurre ne figurent pas sur la liste [6]  » [traduction]. L’ASFC a également porté à l’attention de M. Topas le Mémorandum D8-3-6 concernant le numéro tarifaire 9905.00.00 et le Décret de remise, qui était joint à sa lettre de décision [7] .

[8]  M. Topas a déposé une demande informelle de rajustement datée du 17 avril 2018, indiquant qu’il avait déjà importé des produits de la Pâque similaires en 2017, et que tous les droits payés sur ces produits lui avaient été remboursés. M. Topas indiquait aussi qu’à son avis le Décret de remise s’appliquait et que les droits payés devaient aussi lui être remboursés dans le cas présent.

[9]  Le 6 juillet 2018, l’ASFC a rendu une décision, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, confirmant sa décision précédente. L’ASFC a indiqué que la demande de rajustement se limitait à l’importation du 8 mars 2018 (et aux dispositions législatives applicables), et que des importations similaires ayant eu lieu au cours d’années antérieures n’étaient pas prises en considération. En outre, l’ASFC a souligné que le Décret de remise ne s’appliquait pas aux produits laitiers comme le fromage et le beurre, étant donné qu’ils ne figuraient pas sur la liste des produits visés par le Décret de remise [8] .

[10]  M. Topas a interjeté le présent appel le 22 juillet 2018.

[11]  Le 21 septembre 2018, M. Topas a fait savoir au Tribunal que son avis d’appel servirait de mémoire et qu’il n’avait pas l’intention de déposer d’autres observations. Le 25 septembre 2018, il a indiqué qu’il préférait présenter ses arguments de vive voix devant le Tribunal.

[12]  Le 9 novembre 2018, l’ASFC a déposé ses observations auprès du Tribunal, lesquelles ont été communiquées à M. Topas.

[13]  L’audience a eu lieu à Ottawa (Ontario) le 7 mars 2019. M. Topas a fait une déposition. L’ASFC n’a pas présenté de témoins. Les deux parties ont présenté une plaidoirie.

CADRE LÉGISLATIF DU CLASSEMENT TARIFAIRE

[14]  La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD) [9] . L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

[15]  Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé [10] et les Règles canadiennes [11] énoncées à l’annexe.

[16]  Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles [12] .

[17]  L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous-positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [13] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandise, [14] publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire [15] .

[18]  Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle la marchandise en cause doit être classée, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée [16] . La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié [17] .

[19]  Le chapitre 99 du Tarif des douanes, qui comprend le numéro tarifaire 9905.00.00, prévoit des dispositions de classement spéciales qui permettent que des marchandises soient importées au Canada en franchise de droits. Ces marchandises doivent d’abord être classées dans un numéro tarifaire des chapitres 1 à 97 (note 3 du chapitre 99). Puisque chacune des positions du chapitre 99 n’est composée que d’une sous-position et d’un numéro tarifaire, il suffit que le Tribunal tienne compte, dans la mesure nécessaire, des règles 1 à 5 des Règles générales pour déterminer si des marchandises peuvent être classées dans ce chapitre. De plus, puisque le Système harmonisé réserve le chapitre 99 à des fins de classement spécial (c’est-à-dire à l’usage exclusif de pays pris individuellement), ce chapitre n’est pas uniforme à l’échelle internationale et il n’y a pas d’avis de classement ni de notes explicatives à prendre en compte.

ANALYSE DU TRIBUNAL

Classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9905.00.00

[20]  En ce qui concerne le classement dans les chapitres 1 à 97 de l’annexe du Tarif des douanes, M. Topas ne conteste pas le classement des marchandises en cause dans les positions nos 04.05 et 04.06 à titre de fromage et de beurre. La nomenclature tarifaire pertinente de ces positions est reproduite à l’annexe des présents motifs [18] . Par conséquent, la seule question à trancher dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans le numéro tarifaire 9905.00.00 et ainsi bénéficiées de l’exonération des droits de douane.

[21]  Le numéro tarifaire 9905.00.00 stipule ce qui suit :

Section XXI

OBJETS D’ART, DE COLLECTION OU D’ANTIQUITÉ

Chapitre 99

DISPOSITIONS DE CLASSIFICATION SPÉCIALE – COMMERCIALES

[...]

9905.00.00  Les produits de la Pâque suivants qui sont utilisés durant la fête de la Pâque, qui sont marqués comme tels et qui sont importés pendant la période commençant deux mois avant la veille du premier jour de cette fête et se terminant le dernier jour de cette fête :

Mélanges à gâteau, mélanges à crêpe et produits de boulangerie; Poisson en conserve et produits de poisson autres que le hareng mariné; Fruits et légumes en conserve; Chocolat, bonbons et gomme à mâcher (à l’exclusion des bonbons de fruits à la gelée et des anneaux à la gelée, des gelées enrobées de chocolat, des guimauves enrobées de chocolat et des écorces d’oranges enrobées de chocolat); Pommes séchées; Huile de pépins de raisins; Confiture; Poudres pour gelée et poudings; Jus (sauf le jus de pomme) et mélanges de jus (sans jus de pomme); Matsoth et produits matsoth; Margarine du no tarifaire 1517.10.10, n’excédant pas 50,000 kg chaque fête de la Pâque; Olives; Croustilles; Vinaigrettes et ketchup; Soupes (y compris le potage bortsch) et sauces; Ketchup, pâte et purée de tomates et sauce tomate; Shortening végétal; et Vinaigre. En vertu de la loi présente, le gouverneur en conseil peut reviser la liste de produits ci-dessus.

[22]  Les éléments de preuve indiquent que « casher, pour la Pâque » est clairement mentionné sur les marchandises en cause [19] . Toutefois, le Tribunal constate que les marchandises en cause ne figurent pas sur la liste des produits de la Pâque du numéro tarifaire 9905.00.00. Ainsi, des fromages et du beurre pour la Pâque ne peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane. En outre, M. Topas n’a présenté aucune observation quant au classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9905.00.00.

[23]  À titre d’appelant, il incombe à M. Topas de démontrer que l’ASFC a mal classé les marchandises [20] . L’analyse suivante porte sur les arguments invoqués expressément par M. Topas à l’appui de l’exonération des droits de douane des marchandises en cause, c’est-à-dire a) la question de savoir si le Décret de remise s’applique en vue de résoudre le problème de classement tarifaire et b) la prise en considération de la précédente importation de marchandises similaires en franchise de droits par M. Topas.

Le Décret de remise sur les produits de la pâque ne s’applique pas

[24]  Le Décret de remise prévoit la remise des taxes payables sur les produits de la Pâque remplissant les conditions requises imposés en vertu de la Loi sur la taxe d’accise. La section III de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (article 212) impose une taxe sur les produits et services (TPS) sur les marchandises importées, sous réserve de certaines exceptions. Le Décret de remise est un décret du gouverneur en conseil qui juge d’intérêt public d’accorder une remise particulière sur le paiement de ces taxes pour une période limitée précédant et comprenant la fête de la Pâque. Ainsi, les produits de la Pâque remplissant les conditions requises peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane aux termes du numéro tarifaire 9905.00.00 ou de la remise des taxes aux termes du Décret de remise, ou de ces deux mesures, sous réserve des conditions énoncées dans chaque texte de loi.

[25]  Bien que les produits de la Pâque soient visés par l’exonération des droits de douane et la remise des taxes s’ils sont destinés à être utilisés durant la fête de la Pâque et s’ils sont importés pendant la période commençant deux mois avant la veille du premier jour de cette fête et se terminant le dernier jour de cette fête, le Décret de remise et le numéro tarifaire 9905.00.00 ont chacun leurs propres conditions particulières :

  • Aux fins de la remise des taxes, le Décret de remise exige que les produits de la Pâque soient « d’une catégorie non existante au Canada ». Le Décret de remise s’applique non seulement aux produits de la Pâque, mais aussi aux aliments de la Pâque.

  • Aux fins de l’exonération des droits de douane, le numéro tarifaire 9905.00.00 exige que les produits de la Pâque devant être utilisés durant la fête de la Pâque soient « marqués comme tels » et inclus dans la liste de produits figurant dans le numéro tarifaire.

[26]  Au moment de l’importation des marchandises en cause, M. Topas a payé seulement des droits de douane (et non des taxes), comme le montre la Déclaration en détail des marchandises occasionnelles datée du 8 mars 2018 [21] . Par conséquent, le Décret de remise ne permet pas de trancher la question en cause dans le présent appel. Malgré que le Décret de remise traite des mêmes types d’aliments, il ne prévoit pas d’exonération de droits. De plus, c’est la Cour canadienne de l’impôt, et non le Tribunal, qui a compétence pour instruire les appels des décisions rendues par l’ASFC concernant le classement de produits [22] .

[27]  Le Tribunal reconnaît qu’une certaine confusion règne entre les parties à propos de la pertinence du Décret de remise aux fins du classement tarifaire. Dans son mémoire, l’ASFC semble d’abord confondre le Décret de remise et le numéro tarifaire 9905.00.00, car elle affirme que le Décret de remise prévoit la remise des droits de douane payables sur les produits de la Pâque remplissant les conditions requises, et que les produits de la Pâque visés par le Décret de remise figurent dans la liste du numéro tarifaire 9905.00.00 [23] . À l’audience, l’ASFC a reconnu qu’elle aurait dû spécifier que le Décret de remise s’applique à la remise des taxes, et non à la remise des droits de douane [24] .

[28]  Bien faire comprendre au public la nature distincte du Décret de remise et de l’exonération des droits de douane aux termes du numéro tarifaire 9905.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes est encore plus compliqué en raison du titre intégral du Décret de remise lui-même, énoncé dans le préambule comme étant le « Décret de remise des droits de douanes imposés en vertu du Tarif des douanes et des taxes imposées en vertu de la section III de la partie IX et de toute autre partie de la Loi sur la taxe d’accise, payables sur des aliments et produits de la pâque d’une catégorie non disponible au Canada » [italiques dans l’original, notre soulignement]. Depuis l’entrée en vigueur du Décret de remise en 1991, certaines dispositions ont été modifiées et abrogées [25] . En 1998, le Décret de remise a été modifié en fonction du nouveau Tarif des douanes (1997), de sorte que l’exonération des droits de douane sur les produits de la Pâque auparavant accordée par le Décret de remise a été déplacée vers le numéro tarifaire 9905.00.00 à l’annexe du Tarif des douanes, tandis que le Décret de remise a été conservé aux fins de la remise de la TPS et de la taxe d’accise [26] . Ainsi, on peut comprendre que la référence faite à la remise des droits de douane dans le titre intégral du Décret de remise puisse induire en erreur des importateurs qui ne connaissent pas bien ces changements historiques apportés au régime législatif.

[29]  À la lumière de ce qui précède, le Tribunal comprend M. Topas, qui a mal saisi l’applicabilité du Décret de remise à sa demande de remboursement des droits de douane, compte tenu plus particulièrement des affirmations contradictoires faites par l’ASFC à cet égard. Toutefois, comme expliqué ci-dessus, le Décret de remise n’est pas pertinent en ce qui concerne le classement tarifaire des marchandises en cause et l’exonération des droits de douane demandée par M. Topas.

Les précédentes importations en franchise de droits ne sont pas pertinentes

[30]  M. Topas invoque sa précédente importation de produits laitiers similaires en 2017, où l’ASFC lui avait accordé le remboursement des droits payés, pour appuyer sa thèse selon laquelle une exonération de droits similaire devrait être accordée à l’importation des marchandises en cause. M. Topas reconnaît que le Tribunal n’est pas un tribunal d’équité, mais allègue que le Tribunal ne devrait pas non plus être un tribunal d’iniquité [27] .

[31]  Le droit est bien établi sur ces points. Premièrement, le traitement accordé aux importations précédentes par l’ASFC n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer le classement tarifaire des marchandises en cause dans le présent appel [28] . Le Tribunal n’est pas non plus lié par une précédente décision rendue par l’ASFC à l’égard d’une importation distincte, que les marchandises aient été similaires ou non aux marchandises en cause [29] . La mesure administrative, ou l’absence de mesure administrative, de l’ASFC ne peut modifier la loi, de sorte que de telles décisions précédentes n’entrent pas en ligne de compte dans la détermination du classement tarifaire des marchandises en cause. Deuxièmement, le Tribunal n’est pas un tribunal d’équité et doit appliquer la loi telle qu’elle est rédigée; il n’a pas compétence pour accorder un redressement qui dépasse ce que prévoit la loi, même si le contribuable a reçu des renseignements trompeurs ou prêtant à confusion [30] .

[32]  Le dossier du présent appel n’indique pas de façon claire si l’ASFC a expliqué à M. Topas pourquoi elle avait procédé au remboursement des droits imposés en 2017. D’après les éléments de preuve et les arguments présentés à l’audience, il semble que M. Topas ait posé certaines hypothèses concernant l’état du droit en se fondant sur les mesures prises par l’ASFC en 2017. La question de savoir si ces hypothèses étaient raisonnables ou non n’est pas pertinente en ce qui concerne la question à trancher dans le présent appel. Si M. Topas avait appris que les produits laitiers ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier de l’exonération des droits aux termes du numéro tarifaire 9905.00.00, il aurait peut-être repensé à sa décision d’importer des marchandises similaires en 2018. De l’avis du Tribunal, cette situation montre l’importance pour l’ASFC de fournir aux importateurs des motifs clairs et transparents en vue de justifier ses décisions concernant le classement tarifaire.

DÉCISION

[33]  Pour les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans les positions nos 04.05 et 04.06 et qu’elles ne peuvent bénéficier de l’exonération des droits de douane conférée par le numéro tarifaire 9905.00.00.

[34]  L’appel est rejeté.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant






 

ANNEXE

La nomenclature tarifaire pertinente et les notes des positions nos 04.05 et 04.06 du Tarif des douanes sont les suivantes :

Section I

ANIMAUX VIVANTS ET PRODUITS DU RÈGNE ANIMAL

Chapitre 4

LAIT ET PRODUITS DE LA LAITERIE; ŒUFS D’OISEAUX;
MIEL NATUREL; PRODUITS COMESTIBLES D’ORIGINE ANIMALE,
NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS

[...]

04.05   Beurre et autres matières grasses provenant du lait; pâtes à tartiner laitières.

[...]

0405.90    -Autres

[...]

0405.90.20 00 - - -Au-dessus de l’engagement d’accès

[...]

04.06  Fromages et caillebotte.

[...]

0406.20   -Fromages râpés ou en poudre, de tous types

[...]

- - -Autres :

[...]

0406.20.92 00   - - - -Au-dessus de l’engagement d’accès

0406.30   -Fromages fondus, autres que râpés ou en poudre

[...]

0406.30.20 00 - - -Au-dessus de l’engagement d’accès

[...]

0406.90   -Autres fromages

- - -Cheddar et du type Cheddar :

[...]

0406.90.12   - - - -Au-dessus de l’engagement d’accès

- - -Camembert et du type Camembert :

[...]

0406.90.22 00   - - - -Au-dessus de l’engagement d’accès

[...]

- - -Gouda et du type Gouda :

[...]

0406.90.42 00   - - - -Au-dessus de l’engagement d’accès

[...]

- - -Mozzarella et du type Mozzarella :

[...]

0406.90.62 00 - - - -Au-dessus de l’engagement d’accès

[...]

- - -Autres :

[...]

0406.90.94 00 - - - -Parmesan et du type Parmesan, au-dessus de l’engagement d’accès

[...]

0406.90.96 00 - - - -Romano et du type Romano, au-dessus de l’engagement d’accès

[...]

0406.90.99 00 - - - -Autres, au-dessus de l’engagement d’accès



[1] .  L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2] .  L.C. 1997, ch. 36.

[3] .  Le Décret de remise sur les produits de la pâque, TR/91-10, modifié par TR/95-25 et TR/98-17 [Décret de remise] concerne la remise de taxes imposées en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (L.R.C., 1985, ch. E-15) sur certaines denrées et certains produits pour la Pâque.

[4] .  Pièce AP-2018-026-01, vol. 1 aux p. 14-29; pièce AP-2018-026-08A, vol. 1 aux p. 4-5, 69-81.

[5] .  Aux termes de l’article 8.3 de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, L.R.C., 1985, ch. E-19.

[6] .  Mémoire de l’intimé, annexe 9 (pièce AP-2018-026-08A, vol. 1 à la p. 89).

[7] .  https://www.cbsa-asfc.gc.ca/publications/dm-md/d8/d8-3-6-fra.html.

[8] .  Mémoire de l’intimé, annexe 10 (pièce AP-2018-026-08A, vol. 1 à la p. 97).

[9] .  Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[10] .  L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[11] .  L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[12] .  Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[13] .  OMD, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[14] .  OMD, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[15] .  Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Inc., 2019 CAF 20 (CanLII) au par. 4.

[16] .  Les règles 1 à 5 des Règles générales s’appliquent au classement au niveau de la position. La règle 6 des Règles générales prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles [1 à 5] [...] » et que « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[17] .  La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[18] .  La nomenclature pertinente de ces positions figure en annexe aux présents motifs.

[19] .  Pièce AP-2018-026-01, vol. 1 aux p. 21-29; pièce AP-2018-026-08A, vol. 1 aux p. 72-80.

[20] .  Paragraphe 152(3) de la Loi; Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (23 mai 2014), AP-2011-033 (TCCE) au par. 25; Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII) aux par. 7, 21; Jakks Pacific Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (30 mars 2016), AP-2015-012 (TCCE) au par. 33; J. Cheese Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 septembre 2016), AP-2015-011 (TCCE) au par. 63.

[21] .  Mémoire de l’intimé, annexe 6 (pièce AP-2018-026-08A, vol. 1 à la p. 84).

[22] .  Paragraphe 216(4) de la Loi sur la taxe d’accise.

[23] .  Mémoire de l’intimé au par. 23 (pièce AP-2018-026-08A, vol. 1 à la p. 12). 

[24] .  Transcription de l’audience publique aux p. 16-17. Voir aussi pièce AP-2018-026-22, vol. 1 aux p. 1-2.

[25] .  TR/91-10, modifié par TR/95-25 et TR/98-17.

[26] .  Note explicative au Décret modifiant le Décret de remise sur les produits de la pâque, Gaz. C. 1998.II.328. Voir pièce AP-2018-026-22, vol. 1 à la p. 12.

[27] .  Transcription de l’audience publique aux p. 6-7.

[28] .  Helly Hansen Leisure Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 juin 2008), AP-2006-054 (TCCE) au par. 52, confirmé dans Helly Hansen Leisure Canada Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2009 CAF 345 (CanLII) au par. 16 [Helly Hansen CAF].

[29] .  Tel que confirmé dans Helly Hansen CAF au par. 16 et cité dans Rutherford Controls International Corp. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (26 janvier 2011), AP-2009-076 (TCCE) au par. 68. 

[30] .  G. Thériault c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 mars 2013), AP-2012-013 (TCCE) au par. 35; R. Christie c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (15 janvier 2014), AP-2012-072 (TCCE) au par. 63; T. Shannon c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (30 janvier 2008), AP-2006-059 (TCCE) au par. 15; W. Ericksen c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (3 janvier 2002), AP‑2000‑059 (TCCE) à la p. 3; et R. L. Klaasen c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (18 octobre 2005), AP-2004-007 (TCCE) à la p. 2.

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