Appels en matière de douanes et d’accise

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Demande no EP-2018-003

G. Awad

Ordonnance et motifs rendus
le vendredi 8 février 2019

 



EU ÉGARD À une demande présentée par G. Awad., aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes, en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada datée du 17 juillet 2017.

ORDONNANCE

La demande est rejetée.

Georges Bujold

Georges Bujold 
Membre présidant











EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

[1]  Il s’agit d’une demande présentée par M. Glenn Awad le 15 septembre 2018, aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes [1] (la « Loi »), en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, contre une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 17 juillet 2017.

[2]  Selon les renseignements déposés par M. Awad, après le vol du véhicule qu’il utilisait au Canada et son implication dans un accident, il a importé des États-Unis une automobile Chevrolet Silverado 2015 le 28 décembre 2016. À ce moment, le véhicule a été importé en franchise de droits. Toutefois, M. Awad a dû verser 100,00 $ en taxe d’accise pour le climatiseur et payer la taxe sur les produits et services (TPS) au montant de 1 666,25 $. M. Awad a payé ces montants.

[3]  Le 4 janvier 2017, M. Awad a fait une demande de remboursement de la TPS et de la taxe d’accise. Le 10 février 2017, l’ASFC a rejeté cette demande aux termes du sous-alinéa 59(1)(ii) de la Loi. Le 14 mars 2017, M. Awad s’est prévalu du mécanisme de recours interne de l’ASFC et a demandé la révision du classement tarifaire et le remboursement de la TPS et de la taxe d’accise faisant valoir qu’il ne désirait plus poursuivre le processus d’importation.

[4]  Le 17 juillet 2017, dans une décision rendue aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC a rejeté la demande de M. Awad. Aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, M. Awad avait 90 jours à partir de la date où la décision a été rendue, soit le 17 juillet 2017, pour déposer un avis d’appel auprès du Tribunal, c’est-à-dire jusqu’au 15 octobre 2017.

[5]  M. Awad a déposé un avis d’appel le 3 septembre 2018, plus de 400 jours après que l’ASFC eut rendu sa décision définitive. Le 15 septembre 2018, peu après avoir été avisé par le Tribunal que son appel n’avait pas été déposé dans les délais, M. Awad a fait la présente demande de prorogation du délai pour interjeter appel.

[6]  M. Awad allègue que, au moment de l’importation, il ne savait pas qu’il aurait à payer des droits d’importation. M. Awad allègue avoir retourné le véhicule aux États-Unis le 8 janvier 2018, étant donné qu’il n’avait pas les moyens de payer les droits d’importation. De plus, M. Awad soutient que les réparations de son premier véhicule étaient terminées et qu’il n’avait plus besoin du véhicule importé. À ce titre, M. Awad demande le remboursement des 1 766,25 $ qu’il a payé pour importer le véhicule.

CADRE LÉGISLATIF

[7]  L’article 67.1 de la Loi stipule ce qui suit :

67.1 (1)  La personne qui n’a pas interjeté appel dans le délai prévu à l’article 67 peut présenter au Tribunal canadien du commerce extérieur une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Le tribunal peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu’il estime justes.

(2)  La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles l’avis d’appel n’a pas été déposé dans le délai prévu.

(3)  La demande de prorogation se fait par dépôt, auprès du président et du Tribunal canadien du commerce extérieur, de la demande et de l’avis d’appel.

(4)  Il n’est fait droit à la demande de prorogation que si les conditions suivantes sont réunies :

a)  la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67;

b)  l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai d’appel prévu à l’article 67, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible,

(iv) l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

ANALYSE

[8]  L’article 67.1 de la Loi énonce cinq conditions qui sont cumulatives et qui doivent toutes être remplies afin que le Tribunal puisse faire droit à une demande de prolongation du délai pour interjeter appel. En plus de faire la demande dans le délai d’un an après l’expiration de la date limite de 90 jours pour interjeter un appel suivant la notification de l’avis de décision de l’ASFC [2] , le demandeur doit démontrer :

  • qu’il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou qu’il avait véritablement l’intention d’interjeter appel;

  • qu’il serait juste et équitable de faire droit à la demande;

  • que la demande a été présentée dès que possible;

  • que l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

[9]  Il incombe au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que ces conditions sont remplies. Pour que ce fardeau soit satisfait, la preuve présentée doit être claire, convaincante et pertinente [3] .

[10]  Le Tribunal a déjà affirmé que les délais prescrits par la Loi ne sont pas théoriques et doivent être respectés. En ce qui concerne les quatre conditions énoncées à l’alinéa 67.1(4)b) de la Loi, le libellé de cette disposition et la jurisprudence du Tribunal indiquent clairement que chacune de ces conditions est obligatoire et que le fait de ne pas satisfaire à l’une d’entre elles entraîne le rejet de la demande.

[11]  En ce qui concerne l’importance de respecter le délai pour le dépôt d’un avis d’appel, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

Ce délai d’appel de 90 jours est une indication claire de la part du législateur de son intention de veiller à ce que les procédures administratives prévues dans la Loi sur les douanes soient réglées dans un délai relativement court, à moins qu’un appel ne soit interjeté durant cette période. Par conséquent, un sentiment d’urgence devrait être présent en tout temps [4] .

[12]  M. Awad satisfait à certaines exigences de l’article 67.1 de la Loi. En particulier, la demande est accompagnée d’un avis d’appel, comme l’exige le paragraphe 67.1(3). De plus, la demande a été faite au cours de la période d’un an stipulée à l’alinéa 67.1(4)a).

[13]  M. Awad a aussi exposé les raisons pour lesquelles l’avis d’appel n’a pas été déposé dans les délais, comme l’exige le paragraphe 67.1(2) de la Loi. Toutefois, le caractère suffisant de ces raisons est un aspect essentiel à prendre en considération et ce qui fait l’objet d’une analyse dans des demandes de cette nature. Dans sa demande, M. Awad a donné les explications suivantes :

1)  Je n’ai pas réalisé que l’avis d’appel devait être déposé au plus tard le 17 octobre 2017 parce que j’étais très occupé à me préparer à me représenter moi-même dans une cause où j’étais la victime d’un crime ayant entraîné une perte de 20 000 $, que je travaillais à temps plein et que j’avais un deuxième emploi. Le numéro de la cause à la cour des petites créances est SC-17-00057061-001 et je peux fournir tous les documents à l’appui ayant trait à ce crime au besoin.

2)  J’ai fait de mon mieux pour répondre et agir en temps voulu à tout ce qui a été porté à mon attention et de répondre dans les plus brefs délais.

3)  La décision d’importer un véhicule le 28 décembre 2016 est directement lié au fait d’être victime d’un crime et je vous demande d’accorder une prorogation du délai pour déposer un avis d’appel.

4)  Il serait juste et équitable de faire droit à la demande étant donné que je suis victime d’un crime et que j’ai agi par rapport à cet appel comme les circonstances me l’ont permis.

5)  La demande a été faite lorsque j’ai pu trouver le temps [5] .

[Traduction]

[14]  L’ASFC s’oppose à la demande de prorogation du délai pour interjeter appel et soutient que la demande de M. Awad ne satisfait à aucune des conditions énoncées à alinéa 67.1(4)b) de la Loi.

[15]  C’est dans ce contexte que le Tribunal doit évaluer le mérite de la demande de M. Awad.

M. Awad n’a pas démontré qu’il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou qu’il avait véritablement l’intention d’interjeter appel

[16]  En ce qui concerne la énoncée au sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi, dans National Food Distribution Centre [6] , le Tribunal a postulé que l’exigence fondamentale est que l’impossibilité doit être évidente pour un observateur raisonnable en ce qu’elle découle d’une sérieuse limitation de la volonté. Il a aussi affirmé qu’« [u]ne liste exhaustive des circonstances qui justifient une impossibilité d’agir est inconnue du Tribunal. Les circonstances qui justifient une impossibilité d’agir doivent être déterminées au cas par cas [7] . » Toutefois, le Tribunal a souligné que, afin de démontrer qu’il n’a pu agir, le demandeur doit faire état de l’existence d’un élément de contrainte auquel il ne pouvait s’opposer et qui dépassait sa volonté.

[17]  En ce qui concerne les éléments qui peuvent indiquer une véritable intention d’interjeter appel, dans Fritz Marketing Inc. [8] , le Tribunal a fait droit à la demande ayant conclu que le demandeur, durant le délai d’appel de 90 jours, avait travaillé sur son appel, réexaminant sa position et rassemblant la documentation requise pour déposer l’appel. Dans cette cause, le demandeur avait aussi déposé un avis d’appel peu après la date limite du délai d’appel de 90 jours.

[18]  Les raisons invoquées par M. Awad sont insuffisantes pour convaincre le Tribunal que son omission de déposer un avis d’appel en temps voulu découle d’une sérieuse limitation de la volonté ou d’un élément de contrainte auquel il ne pouvait s’opposer. Bien qu’il semble qu’il ait eu à faire face à un de ces contretemps qui surviennent dans la vie, M. Awad n’a fourni aucun détail ni d’éléments de preuve à l’appui indiquant pourquoi ou comment cette situation l’a empêché de déposer un avis d’appel dans les délais.

[19]  De simples allégations sans éléments de preuve à l’appui qu’un événement a donné lieu à une impossibilité d’agir ne sont pas suffisantes. Il incombe au demandeur de démontrer qu’une contrainte au‑delà de sa volonté ou hors de son contrôle existait. En l’espèce, le Tribunal n’est pas convaincu que M. Awad ne pouvait agir ou ne pouvait mandater quelqu’un pour agir en son nom et déposer un avis d’appel dans les délais malgré le fait qu’une autre cause l’occupait. En effet, M. Awad ne mentionne rien au sujet d’avoir envisagé mandater quelqu’un pour agir en son nom et ne donne aucune explication à cet égard. De plus, le fait que M. Awad travaillait à plein temps et qu’il avait deux emplois ne constitue pas une sérieuse limitation de la volonté donnant lieu à une impossibilité d’agir.

[20]  Il n’y a également aucune preuve que M. Awad avait l’intention d’interjeter appel ou qu’il ait pris des mesures pour préparer un appel contre la décision de l’ASFC dans le délai d’appel de 90 jours qui pourrait indiquer qu’il avait véritablement l’intention d’interjeter appel. À cet égard, le Tribunal a déjà affirmé que la simple intention d’interjeter appel sans prendre des mesures concrètes pour y donner suite avant l’expiration du délai d’appel de 90 jours ne constitue pas en soi une véritable intention au sens du sous-alinéa 67.1(4)b)(i) de la Loi [9] . Enfin, le fait que le demandeur ait attendu plus de 400 jours avant de faire sa demande ne révèle pas une véritable intention d’interjeter appel.

[21]  Par conséquent, le Tribunal conclut que M. Awad n’a pas présenté de preuve suffisamment claire, convaincante et pertinente démontrant selon la prépondérance des probabilités que, durant le délai d’appel de 90 jours, il était dans l’impossibilité d’agir ou de mandater quelqu’un pour agir en son nom ou qu’il avait véritablement l’intention d’interjeter appel.

[22]  Le défaut de pouvoir démontrer que cette condition est remplie entraîne le rejet de la demande de M. Awad. Toutefois, le Tribunal conclut que même si M. Awad avait rempli la première condition, il n’aurait pas rempli la quatrième condition énoncée au sous-alinéa 67.1(4)b)(iv) de la Loi [10] . Le Tribunal croit qu’il est nécessaire d’examiner cette condition afin d’informer M. Awad sur les limites du mandat du Tribunal dans des appels de cette nature.

L’appel n’est pas fondé sur des motifs raisonnables

[23]  Il n’est pas contesté que M. Awad ait importé le véhicule. Toutefois, M. Awad soutient qu’il ne savait pas que le véhicule serait assujetti à l’application de la TPS et qu’il n’a pas les moyens de payer ce montant. M. Awad soutient avoir retourné le véhicule aux États-Unis; toutefois, il affirme aussi qu’il a fait cela seulement après que son autre véhicule ait été réparé, c’est-à-dire lorsqu’il n’avait plus besoin du véhicule importé. La compétence du Tribunal en vertu de la Loi se limite à des questions ayant trait au classement tarifaire, à la valeur en douane, à l’origine et au marquage de marchandises importées. Par conséquent, il n’est pas du ressort du Tribunal d’accorder le remboursement de la TPS payée sur des marchandises importées dans les circonstances présentées par M. Awad. Dans la mesure où un appelant fait valoir que la valeur en douane d’une marchandise importée devrait être réduite, cela peut avoir une incidence directe sur le montant de la TPS à payer. Toutefois, M. Awad n’a pas présenté d’arguments à cet égard ou selon d’autres critères législatifs qui permettraient au Tribunal d’accorder le remboursement de la TPS ou de la taxe d’accise en l’espèce. En fait, M. Awad ne semble pas contester la détermination par l’ASFC de l’origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane de la marchandise en cause.

[24]  En ce qui concerne la Loi sur la taxe d’accise, le Tribunal est d’accord avec l’ASFC qu’il n’y a aucun motif raisonnable d’accueillir l’appel en vertu de l’article 215.1 de la Loi sur la taxe d’accise ou, d’ailleurs, de toute autre disposition de la Loi sur la taxe d’accise. Quoi qu’il en soi, M. Awad n’a pas abordé cette question dans sa demande.

[25]  Par conséquent, il n’est pas clair que le Tribunal ait le pouvoir d’accorder l’exonération demandée et, pour cette raison, M. Awad n’a pas démontré que l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

DÉCISION

[26]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal rejette la demande.

Georges Bujold

Georges Bujold 
Membre présidant







[1] .  L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.).

[2] .  Loi sur les douanes, L. R. C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), paragraphe 67(1).

[3] .  F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, 2008 CSC 53 (CanLII) au par. 46.

[4] .  B. Erickson Manufacturing Limited (3 avril 2017), EP-2016-001 (TCCE) au par. 34.

[5] .  Demande de prorogation du délai de l’appelant.

[6] .  National Food Distribution Centre (12 mars 2010), EP-2009-002 (TCCE).

[7] .  Par. 14, note 5.

[8] .  Fritz Marketing Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 novembre 2006), AP-2005-029 (TCCE).

[9] .  B. Erickson Manufacturing Limited (3 avril 2017), EP-2016-001 (TCCE) au par. 24.

[10] .  Cela ne doit pas être interprété comme voulant dire que le Tribunal aurait conclu que M. Awad aurait rempli les deuxième et troisième conditions énoncées aux sous-alinéas 67.1(4)b)(ii) et (iii) de la Loi. Le Tribunal a tout simplement décidé, par souci d’économie des ressources judiciaires, qu’il n’était pas nécessaire de se pencher sur ces conditions.

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