Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2018-045

J. McElligott

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le lundi 8 juillet 2019

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 16 mai 2019 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 20 août 2018 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

J. McELLIGOTT

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.
















Randolph W. Heggart             
Randolph W. Heggart
Membre présidant


Lieu de l’audience :                                               Ottawa (Ontario)
Date de l’audience :                                               le 16 mai 2019

Membres du Tribunal :                                          Randolph W. Heggart, membre présidant

Personnel de soutien :                                            Laura Colella, conseillère juridique
Eric Wildhaber, conseiller juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

 

J. McElligott

 

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Fraser Harland

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1.                  Le présent appel est interjeté par M. McElligott aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] contre une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 20 août 2018 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2.                  Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si un bateau à voiles importé par M. McElligott (la marchandise en cause) peut bénéficier du tarif des États-Unis, aux termes du Règlement sur les règles d’origine des marchandises occasionnelles (ALÉNA)[2]. À ce titre, le Tribunal doit déterminer si la marchandise en cause est originaire des États-Unis. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que c’est le cas, et que par conséquent la marchandise en cause peut bénéficier du tarif des États-Unis.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3.                  M. McElligott a acheté la marchandise en cause aux États-Unis pour la somme de 68 500,00 $US le 8 mai 2017[3]. Il entra au Canada par voie de mer le 30 mai 2017, et les agents de l’ASFC ont déterminé que la marchandise en cause pouvait bénéficier du traitement tarifaire de la nation la plus favorisée et que les droits de douane étaient de 9,5 %[4]. M. McElligott a payé les droits de douane et la TPS.

4.                  Le 15 août 2017, M. McElligott a fait une demande de remboursement auprès de l’ASFC en soutenant que, malgré l’origine de sa coque, la marchandise en cause a été fabriquée aux États-Unis. Il soutenait, comme il le fait devant le Tribunal, que toutes les pièces d’équipement de la marchandise en cause (les espars, le gréement, les voiles et la coque) ont été assemblées aux États-Unis. M. McElligott a demandé le remboursement des droits de douane et de la TPS. Subsidiairement, il a demandé que l’ASFC applique les droits sur le voilier au pro rata de la valeur courante de la coque, originaire de Taïwan, et que les autres pièces d’équipement du voilier soient exonérées de droits. M. McElligott soutenait aussi que, parce que les droits ont dû être payés aux États-Unis au moment de l’importation originale de la coque, imposer des droits au moment de l’importation au Canada constitue une double imposition de droits.

5.                  Le 1er septembre 2017, l’ASFC a répondu par lettre à M. McElligott rejetant sa demande de remboursement.

6.                  Le 20 novembre[5] 2017, M. McElligott a fait une demande de réexamen auprès de la Direction des recours de l’ASFC concernant sa décision de rejeter la demande de remboursement des droits de douane et de la TPS.

7.                  Le 20 août 2018, l’ASFC a rendu une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi confirmant que la marchandise en cause ne pouvait bénéficier du tarif préférentiel en vertu de l’ALENA. L’ASFC a déterminé que le numéro d’identification de coque (NIC) n’avait pas été délivré par un constructeur de bateaux aux États-Unis et qu’aucune preuve documentaire n’avait été fournie à l’appui de l’allégation de l’origine des autres pièces d’équipement comme les voiles et le gréement. À ce titre, l’ASFC a déterminé que la marchandise en cause ne satisfaisait pas aux conditions énoncées dans le Règlement.

DESCRIPTION DE LA MARCHANDISE EN CAUSE

8.                  La marchandise en cause est un voilier de 12,8 mètres. La coque porte un NIC, qui indique qu’elle est originaire de Taïwan. L’ASFC décrit le voilier comme suit :

Il est équipé d’espars, de voiles, de gréement courant et dormant, de divers appareils électriques, et comprend un ber de stockage en acier et d’autres dispositifs fixes et mobiles comme de l’équipement de sécurité et des gaffes[6].

[Traduction]

9.                  Au moment de son importation, la marchandise en cause a été classée dans le numéro tarifaire 8903.91.00 à titre d’Autres : -Yachts et autres bateaux et embarcations de plaisance ou de sport; bateaux à rames et canoës. Le litige ne concerne pas le classement tarifaire de la marchandise en cause.

CADRE LÉGISLATIF

10.              Les parties conviennent que la marchandise en cause constitue une « marchandise occasionnelle ». À ce titre, elle est assujettie au Règlement, qui énonce ce qui suit :

3.    Les marchandises occasionnelles acquises aux États-Unis :

(a)   sont assimilées à des marchandises originaires des États-Unis et bénéficient du tarif des États-Unis dans l’un ou l’autre des cas suivants :

(i)    le marquage des marchandises est conforme aux lois des États-Unis et indique que les marchandises sont des produits des États-Unis ou du Canada,

(ii)   les marchandises ne portent pas de marque et il n’existe pas de preuve établissant qu’elles ne sont pas des produits des États-Unis ou du Canada;

POSITION DES PARTIES

11.              En bref, M. McElligott soutient que la marchandise en cause est originaire des États-Unis parce qu’elle a été assemblée aux États-Unis. Il soutient que l’origine de la coque n’est pas déterminante dans l’établissement de l’origine de la marchandise en cause parce que la coque n’est qu’un des éléments qui la composent. À ce titre, il soutient que l’ASFC s’est trompée en considérant comme déterminant le NIC pour établir l’origine de la marchandise en cause. M. McElligott a décrit en détail la façon dont les différentes pièces d’équipement constituant la marchandise en cause ont été assemblées aux États-Unis.

12.              L’ASFC soutient que M. McElligott n’a pas présenté de preuve selon laquelle la marchandise en cause est originaire des États-Unis. L’ASFC allègue que les éléments de preuve démontrent que la marchandise en cause a été fabriquée à Taïwan. Elle soutient que la marchandise en cause ne peut être considérée comme originaire des États-Unis.

ANALYSE DU TRIBUNAL

13.              Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si la marchandise en cause est originaire des États-Unis ou non.

14.              Les parties conviennent (i) que la marchandise en cause a été achetée par M. McElligott aux États-Unis juste avant d’être importée au Canada, (ii) que la coque a été importée de Taïwan en Amérique du Nord (apparemment au Canada) en ou autour de 1986 (et ensuite à un moment donné vendue et exportée aux États-Unis)[7], (iii) que le NIC indique que la coque a été fabriquée à Taïwan, (iv) que les espars, les voiles, le gréement et divers autres pièces d’équipement ont été ajoutées à la coque aux États-Unis et (v) que la marchandise en cause ne porte pas de marque indicative de son origine; c’est certain, les diverses pièces d’équipement qui composent la marchandise en cause, dont la coque, portent une marque indicative de l’origine, mais la marchandise en cause ne porte pas de marque attestant de son origine dans son ensemble.

15.              Selon l’alinéa 3a) du Règlement, lorsqu’une marchandise occasionnelle, comme la marchandise en cause, est achetée aux États-Unis, elle est assimilée à une marchandise originaire des États-Unis dans certaines circonstances.

16.              La première circonstance est énoncée au sous-alinéa 3a)(i) du Règlement : le marquage des marchandises doit être conforme aux lois des États-Unis et indiquer que les marchandises sont des produits des États-Unis ou du Canada. Cette circonstance ne s’applique pas aux faits de l’espèce parce que la marchandise en cause ne porte pas de marque indicative de son origine (voir (v), paragraphe 14 ci-dessus). À ce titre, le Tribunal conclut que le sous-alinéa 3a)(i) du Règlement ne s’applique pas.

17.              La deuxième circonstance est énoncée au sous-alinéa 3a)(ii) du Règlement et est déterminante dans la conclusion du Tribunal selon laquelle la marchandise en cause est originaire des États-Unis. Cette circonstance s’applique si deux conditions sont satisfaites : 1) les marchandises ne portent pas de marque et 2) il n’existe pas de preuve établissant qu’elles ne sont pas des produits des États-Unis ou du Canada. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que ces deux conditions sont satisfaites.

18.              En ce qui concerne la première condition, il est important de souligner, une fois encore, que la marchandise en cause ne porte pas de marque d’origine (seules les différentes pièces d’équipement portent une marque d’origine, mais non la marchandise en cause en soi). À cause de cela, le Tribunal conclut que la première condition du sous-alinéa 3a)(ii) est satisfaite.

19.              La deuxième condition du sous-alinéa 3a)(ii) exige qu’« il n’existe pas de preuve établissant [que les marchandises] ne sont pas des produits des États-Unis ». Cette condition constitue une double négation. L’ASFC soutient que le NIC est la preuve que la marchandise en cause n’est pas un produit des États-Unis. Mais le Tribunal n’estime pas que cet argument soit utile. Le Tribunal reconnaît que la coque a été fabriquée à Taïwan, mais, comme indiqué ci-dessus, la coque n’est qu’une partie d’un voilier, et par conséquent la marchandise en cause est constituée de plus qu’une coque. Cela est reconnu dans la note suivante du chapitre 89, qui stipule ce qui suit :

Les bateaux incomplets ou non finis et les coques de bateaux même présentés à l’état démonté ou non monté, ainsi que les bateaux complets démontés ou non montés, sont classés, en cas de doute sur l’espèce des bateaux auxquels ils se rapportent, sous le no 89.06.

20.              La marchandise en cause a été classée dans la position no 89.03, et non la position no 89.06, reconnaissant ainsi la distinction faite dans la nomenclature entre une coque et un voilier. En classant la marchandise en cause dans la position no 89.03, l’ASFC a reconnu par le fait même que la marchandise en cause est un voilier, et non uniquement une coque.

21.              Il s’ensuit, de l’avis du Tribunal, que l’origine de la marchandise en cause ne peut être réduite à l’origine de sa coque. Cela est dû au fait que, bien que la coque porte un NIC, cette marque, qui se rapporte à un élément de la marchandise en cause, ne peut être assimilée à une marque établissant l’origine de la marchandise en cause elle-même.

22.              Ayant établi ce qui précède, le Tribunal retourne à la deuxième condition du sous-alinéa 3a)(ii), exige qu’il n’existe pas de preuve établissant que les marchandises ne sont pas des produits des États-Unis ou du Canada. Le Tribunal conclut qu’une telle preuve n’existe effectivement pas en l’espèce.

23.              En effet, la preuve dont dispose le Tribunal indique qu’une coque (non un voilier) a été importée en Amérique du Nord en 1986[8]. La preuve indique aussi que la coque et les autres pièces d’équipement ont été soit fabriquées, soit assemblées aux États-Unis pour constituer la marchandise en cause : la promesse d’achat originale, qui indique que seule la coque, sans les espars et le gréement, faisait l’objet de la transaction; la lettre de M. Peterson; et les renseignements ayant trait l’immatriculation du navire aux États-Unis. Fondamentalement, la marchandise en cause est un assemblage de pièces d’équipement monté aux États-Unis; elle a été fabriquée ou assemblée là.

24.              À ce titre, parce qu’« il n’existe pas de preuve établissant qu’elles ne sont pas des produits des États-Unis », la deuxième condition du sous-alinéa 3a)(ii) du Règlement est aussi satisfaite. En fait, la preuve indique que la marchandise en cause a effectivement été fabriquée ou assemblée aux États-Unis. Il n’y a pas non plus d’élément de preuve indiquant que la marchandise en cause a été assemblée ailleurs qu’aux États-Unis, indépendamment de l’origine de certaines des pièces qui la compose.

25.              Par conséquent, aux termes l’alinéa 3a) du Règlement, la marchandise en cause assimilée à une marchandise originaire des États-Unis.

DÉCISION

26.              L’appel est accueilli.




Randolph W. Heggart             
Randolph W. Heggart
Membre présidant



[1].     L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1 [Loi].

[2].     D.O.R.S./93-593[Règlement ].

[3].     M. McElligott a écrit « 2018 » dans son mémoire, mais la preuve indique qu’il s’agit d’une coquille et qu’il voulait plutôt dire 2017.

[4].     En vertu du numéro tarifaire 8903.91.00.

[5].     Bien que les parties fassent référence à la lettre du 17 novembre 2017, celle-ci est datée du 20 novembre.

[6].     Mémoire de l’intimé, p. 4, par. 2.

[7].     Il appert que la coque puisse avoir été originalement importée à Vancouver (Colombie-Britannique) au Canada avant d’être livrée à ses propriétaires aux États-Unis. Pièce 05A, vol. 1, p. 19.

[8].     Le Tribunal n’accorde aucun poids à l’affirmation contenue dans un courriel de Mme Cheng selon laquelle son entreprise n’expédie pas de yachts partiellement finis. Le Tribunal n’avait aucun moyen d’évaluer la pertinence de cette affirmation ni si elle s’appliquait à la marchandise en cause.

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