Appels en matière de douanes et d’accise

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Demande no EP-2019-001

Latoplast Ltd.

Ordonnance et motifs rendus
le jeudi 25 juillet 2019

 



EU ÉGARD À une demande présentée par Latoplast Ltd., aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes, en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, à l’égard d’une décision datée du 20 novembre 2018 rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada.

ORDONNANCE

Ayant examiné la demande et les observations déposées par Latoplast Ltd. et les observations déposées par l’Agence des services frontaliers du Canada, et étant convaincu que les exigences et conditions énoncées à l’article 67.1 de la Loi sur les douanes sont satisfaites, le Tribunal canadien du commerce extérieur fait droit à la prorogation de délai et accepte, par les présentes, les documents déposés par Latoplast Ltd. à titre d’avis d’appel, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes.
















Jean Bédard                            
Jean Bédard, c.r.
Membre présidant


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1.                  Il s’agit d’une demande présentée par  Latoplast Ltd. (Latoplast) en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel contre une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

2.                  Les marchandises en cause consistent en divers modèles de gants pour examens médicaux en latex et nitrile.

CONTEXTE

3.                  Le 20 février 2019, Latoplast a déposé un avis d’appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes[1], contre une décision de l’ASFC rendue le 20 novembre 2018, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Une copie de la décision de l’ASFC a été déposée le 21 février 2019.

4.                  Aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, un avis d’appel doit être déposé auprès du Tribunal dans les 90 jours à partir de la date de notification de l’avis de la décision. La date limite pour déposer un avis d’appel relativement à la décision datée du 20 novembre 2018 était donc le 19 février 2019. Autrement dit, Latoplast a déposé son avis d’appel un jour après la date limite.

5.                  Le 25 février 2019, le Tribunal a écrit à Latoplast l’avisant que son avis d’appel n’avait pas été déposé dans les délais. Le Tribunal a aussi avisé Latoplast qu’elle pouvait présenter une demande en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel , aux termes de l’article 67.1 de la Loi.

6.                  Le 16 avril 2019, Latoplast a présenté une demande en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai. Le 16 mai 2019, l’ASFC a déposé des observations s’opposant à la demande de prorogation du délai. Le 29 mai 2019, Latoplast a déposé des observations en réponse.

CADRE LÉGISLATIF

7.                  L’article 67.1 de la Loi stipule ce qui suit :

67.1 (1)   La personne qui n’a pas interjeté appel dans le délai prévu à l’article 67 peut présenter au Tribunal canadien du commerce extérieur une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Le tribunal peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu’il estime justes.

(2)     La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles l’avis d’appel n’a pas été déposé dans le délai prévu.

(3)     La demande de prorogation se fait par dépôt, auprès du président et du Tribunal canadien du commerce extérieur, de la demande et de l’avis d’appel.

(4)     Il n’est fait droit à la demande de prorogation que si les conditions suivantes sont réunies :

          a)    la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67;

          b)    l’auteur de la demande établit ce qui suit :

          (i)    au cours du délai d’appel prévu à l’article 67, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

          (ii)   il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

          (iii)  la demande a été présentée dès que possible,

          (iv)  l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

ANALYSE

8.                  Une demande en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai doit satisfaire aux cinq conditions énoncées au paragraphe 67.1(4) de la Loi. Il incombe au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que ces conditions sont remplies[2].

9.                  L’ASFC ne conteste pas que Latoplast satisfait à la première, la deuxième et la cinquième condition. Le Tribunal est d’accord. Malgré les observations de l’ASFC contestant que la troisième et la quatrième condition soient remplies, le Tribunal conclut que Latoplast satisfait aussi à chacune de ces conditions.

Demande présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel

10.              Latoplast a présenté sa demande dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67 de la Loi, soit le 19 février 2020. Latoplast a présenté sa demande de prorogation du délai le 16 avril 2019.

Véritable intention d’interjeter appel

11.              Latoplast soutient qu’elle avait véritablement l’intention d’interjeter appel contre la décision de l’ASFC, et affirme que le retard est dû à une erreur de calcul de son agent en douane. L’ASFC ne conteste pas que Latoplast avait véritablement l’intention d’interjeter appel.

12.              Le Tribunal est d’accord et conclut que cette condition est remplie. Latoplast a interjeté appel seulement un jour en retard, ce qui indique que Latoplast avait l’intention d’interjeter appel dans le délai de 90 jours et qu’elle avait préparé son appel pendant cette période[3].

Il serait juste et équitable de faire droit à la demande

13.              Bien que l’ASFC ait contesté que cette condition soit remplie, le Tribunal est convaincu que d’accorder une prorogation du délai pour déposer l’avis d’appel est juste et équitable dans les circonstances.

14.              Le retard d’un jour de Latoplast pour présenter sa demande semble être une erreur commise en toute bonne foi, et Latoplast a agi promptement pour remédier à la situation en retenant les services d’un avocat, bien que la demande n’ait pas été présentée immédiatement. Le Tribunal considère que ces circonstances sont similaires à celles dans Full Bore Marketing, décision dans laquelle le Tribunal a considéré juste et équitable de faire droit à une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel aux termes de l’article 60.2 de la Loi lorsqu’une « erreur a été commise de bonne foi » et que « des mesures visant à la corriger ont été prises promptement »[4]

15.              Bien que d’accorder la demande puisse causer des inconvénients mineurs à l’ASFC, celle-ci n’a pas démontré que cela porterait préjudice à d’autres importateurs.

Demande présentée dès que possible

16.              Le Tribunal est convaincu que Latoplast a présenté sa demande dès que possible.

17.              L’ASFC soutient que Latoplast n’ pas fait preuve de diligence, étant donné qu’elle a présenté la demande le 16 avril 2019, ce qui est 50 jours après avoir reçu la lettre du Tribunal l’avisant que l’appel n’avait pas été interjeté dans les délais.

18.              Il n’y a pas de critère nettement défini pour déterminer si une demande a été « présentée dès que possible »[5]. Le Tribunal doit plutôt trancher au cas par cas selon les faits. La seule date limite pour présenter une telle demande est que celle-ci doit avoir été faite dans un délai d’un an suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67 de la Loi, comme mentionné ci-dessus[6]

19.              Comme l’a affirmé le Tribunal dans le contexte d’une application de l’article 60.2 de la Loi, bien que les délais prévus par la loi ne doivent pas être pris à la légère, la Loi « autorise expressément le Tribunal à modifier et à proroger les délais prévus par la loi pour certaines demandes »[7]. Cela permet au Tribunal d’être une instance administrative accessible pour la résolution de différends, en autant que les conditions énoncées dans la Loi soient remplies.

20.              Le Tribunal est convaincu que divers facteurs démontrent que Latoplast a agi avec diligence voulue. Premièrement, Latoplast affirme avoir demandé à un avocat de présenter une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel aussitôt après avoir réalisé son erreur par rapport à la date limite[8]. Deuxièmement, une fois les services de l’avocat retenus, celui-ci n’a pas présenté de demande immédiatement car il était retenu par trois appels devant le Tribunal durant un court laps de temps. Toutefois, après la troisième audience le 9 avril 2019, il a présenté la demande le 16 avril 2019.

21.              Bien que le Tribunal comprenne que la charge de travail puisse constituer un empêchement, il s’attend à une certaine diligence de la part des parties. Néanmoins, ayant examiné les faits de l’espèce, le Tribunal est convaincu que ce critère est rempli. Plus particulièrement, le Tribunal accepte que le très court délai entre la date de la dernière audience de l’avocat et la date à laquelle la demande a été présentée indique qu’il s’est occupé de la demande dès que les circonstances lui ont permis de le faire.

22.              Enfin, le Tribunal accorde peu de poids à la déclaration écrite sous serment du président de Latoplast, Bruce Batler, selon laquelle M. Batler a demandé à Michael Smith de MSR Customs & Commodity Tax Group d’interjeter appel auprès du Tribunal le 1er avril 2019. Les faits contredisent cette assertion : si M. Batler avait fait cette demande le 1er avril 2019, l’avis d’appel n’aurait pas été déposé le 20 février 2019. Comme la date dans la déclaration sous serment est manuscrite, le Tribunal considère qu’il s’agit d’une erreur involontaire.

Motifs raisonnables

23.              L’ASFC n’a fait aucun commentaire sur le caractère raisonnable de l’appel de Latoplast. Le Tribunal conclut que les motifs de l’appel sont raisonnables; toutefois, le Tribunal n’est pas entièrement satisfait par les commentaires des parties sur cette question. Le caractère raisonnable d’un appel ne doit pas être pris pour acquis. Comme il l’a récemment affirmé dans Conair, le Tribunal s’attend à ce que les parties tiennent compte de chaque critère et à ce que « les motifs de l’appel [...] soient exposés de manière exhaustive »[9].

24.              Nonobstant cette omission, le Tribunal a examiné la décision de l’ASFC et conclut que les motifs de l’appel sont raisonnables. L’appel semble surtout concerner une question de fait et non de droit. Le litige a trait au classement tarifaire de gants pour examens médicaux en latex et nitrile, à savoir si ceux-ci doivent être classés dans le numéro tarifaire 4015.19.10 (« Gants de protection, devant être utilisés avec scaphandres de protection dans l’air empoisonné ») comme le soutient Latoplast, ou dans le numéro tarifaire 4015.19.90 (« Autres ») comme l’a déterminé l’ASFC.

25.              Le classement est à déterminer selon les faits, à savoir si les gants sont destinés à être utilisés dans l’air empoisonné. Bien que l’ASFC ait déterminé que Latoplast n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants d’une telle utilisation[10], les appels interjetés devant le Tribunal sont des procédures de novo, et Latoplast aura une autre occasion de déposer des éléments de preuve devant le Tribunal.

DÉCISION

26.              Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal fait droit à la prorogation de délai pour déposer un avis d’appel.




Jean Bédard                            
Jean Bédard, c.r.
Membre présidant



[1].     L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1 [Loi].

[2].     Conair Consumer Products ULC (20 juillet 2018), EP-2018-002 (TCCE) [Conair] au par. 6.

[3].     Le Tribunal a déjà fait droit à une prorogation de délai pour déposer un avis d’appel lorsqu’il a conclu que le demandeur avait travaillé à son appel au cours de la période de 90 jours et l’avait déposé peu de temps après l’expiration du délai. Voir Fritz Marketing Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 novembre 2006), AP-2005-029 (TCCE); Conair au par. 9.

[4].     Full Bore Marketing Inc. (22 août 2018), EP-2018-001 (TCCE) [Full Bore] au par. 18

[5].     Le Tribunal tient compte des dispositions de la Loi d’interprétation, L.R.C., 1985, ch. I-21, art. 12, qui stipule qu’un texte « s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ».

[6].     Loi sur les douanes, alinéa 67.1(4)a).

[7].     Full Bore au par. 17.

[8].     Pièce EP-2019-001-03 à la p. 3, vol. 1.

[9].     Conair au par. 14.

[10].   Pièce EP-2019-001-01A à la p. 3, vol. 1.

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