Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2017-001

Louise Paris Ltd.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mardi 9 juillet 2019

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 21 mars 2019, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 5 janvier 2017, concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LOUISE PARIS LTD.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.










Peter Burn                               
Peter Burn
Membre présidant


Lieu de l’audience :                                               Ottawa (Ontario)
Date de l’audience :                                               le 21 mars 2019

Membre du Tribunal :                                            Peter Burn, membre présidant

Personnel de soutien :                                            Courtney Fitzpatrick, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

Louise Paris Ltd.

Sherry L. Singer

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Stephen Kurelek

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1.                  Le présent appel a été interjeté par Louise Paris Ltd. (LP), aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], à l’égard d’une décision rendue le 5 janvier 2017 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4), concernant certains vêtements pour femmes en similicuir (les marchandises en cause).

2.                  La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6210.50.90 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres vêtements pour femmes ou fillettes confectionnés en produits de la position no 59.03, comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles devraient être classées dans le numéro tarifaire 3926.20.99 à titre d’autres vêtements et accessoires du vêtement en matières plastiques ou ouvrages en autres matières des positions nos 39.01 à 39.14, comme le soutient LP.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3.                  Les marchandises en cause ont été importées par LP entre le 1er janvier et le 31 décembre 2014, sous le numéro tarifaire 3926.20.99.

4.                  Le 10 mars 2016, l’ASFC a rédigé un rapport de vérification de l’observation commerciale, dans lequel elle concluait que les marchandises en cause étaient classées dans le numéro tarifaire 6210.50.90.

5.                  Le 9 juin 2016, LP a demandé le réexamen du classement tarifaire des marchandises en cause, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, afin que les marchandises en cause soient classées dans le numéro tarifaire 3926.20.99.

6.                  Le 5 janvier 2017, l’ASFC a rendu une décision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, par laquelle elle a confirmé que les marchandises en cause étaient classées dans le numéro tarifaire 6210.50.90.

7.                  LP a interjeté le présent appel auprès du Tribunal le 3 avril 2017.

8.                  Le 19 juin 2017, à la demande de LP, le présent appel a été suspendu pour permettre à l’ASFC de répondre à une demande de réexamen semblable qui, selon LP, pourrait être jointe au présent appel. Le Tribunal a alors ordonné à LP de signifier et de déposer d’ici le 5 septembre 2017 une liste des numéros de style des vêtements qu’elle souhaitait joindre au présent appel.

9.                  Le 5 septembre 2017, LP a fourni ladite liste et indiqué qu’elle avait demandé le réexamen d’une autre transaction (transaction d’importation d’origine no 172-02050502-089) et qu’elle avait l’intention de déposer des demandes relativement à deux autres transactions lorsque les relevés détaillés de rajustement seront délivrés par l’ASFC.

10.              Le 6 octobre 2017, l’ASFC a écrit au Tribunal pour l’informer, entre autres, que les parties avaient convenu que LP limiterait sa demande de jonction au numéro de style 3921 (transaction d’importation d’origine no 172-02050502-089) et pour lui demander de maintenir le présent appel en suspens. LP a confirmé son accord avec le contenu de la lettre de l’ASFC le 17 octobre 2017.

11.              Le 23 octobre 2017, le Tribunal a avisé les parties qu’il maintiendrait l’appel en suspens et leur a demandé de faire rapport au Tribunal dans les 30 jours suivant la réception de la décision de l’ASFC concernant la transaction d’importation d’origine no 172-02050502-089 ou, de toute façon, d’ici le 23 avril 2018.

12.              Le 18 avril 2018, l’ASFC a informé le Tribunal qu’elle avait rendu une décision concernant la transaction d’importation d’origine no 172-02050502-089, qui venait confirmer la décision initiale de l’ASFC.

13.              Le 24 avril 2018, LP a avisé le Tribunal qu’elle était prête à poursuivre la procédure d’appel. Le 3 mai 2018, LP a confirmé qu’elle n’interjetterait pas appel de la décision de l’ASFC concernant la transaction d’importation d’origine no 172-02050502-089.

14.              Le 7 mai 2018, le Tribunal a repris le présent appel et a fixé les dates de dépôt et d’audience nécessaires.

15.              Le 24 septembre 2018, LP a déposé son mémoire.

16.              Le 23 novembre 2018, l’ASFC a déposé les versions publique et protégée de son mémoire, y compris un rapport de Mme Jane Batcheller, une experte proposée en analyse de textile. Le 11 décembre 2018, Mme Batcheller a déposé le formulaire « Reconnaissance et engagement du témoin expert proposé » dûment signé.

17.              Le 21 décembre 2018, l’ASFC a écrit au Tribunal pour lui demander, avec le consentement de LP, d’instruire le présent appel sur la foi des pièces versées au dossier. Le 27 décembre 2018, le Tribunal a accueilli la demande et a permis à LP de déposer ses observations en réponse d’ici le 25 janvier 2019.

18.              Le 25 janvier 2019, LP a déposé ses observations en réponse. Dans celles-ci, LP a contesté la chaîne de possession des échantillons de vêtements qui ont été analysés par l’ASFC et son témoin expert proposé. Le 31 janvier 2019, l’ASFC a écrit au Tribunal pour lui demander des instructions sur la manière de répondre au mémoire en réponse de l’appelante.

19.              Le 21 février 2019, après avoir recueilli les points de vue de LP, le Tribunal a ordonné à l’ASFC de déposer des déclarations écrites sous serment concernant la chaîne de possession des échantillons de vêtements qui étaient en sa possession et a accueilli la demande de l’ASFC de déposer une brève réponse à la réplique concernant la chaîne de possession des échantillons. Le Tribunal a également demandé à l’ASFC de produire les échantillons de vêtements à titre de pièces dans le présent appel. Les déclarations écrites sous serment, la réponse à la réplique et les pièces ont été déposées auprès du Tribunal le 6 mars 2019.

20.              Le 21 mars 2019, le Tribunal a instruit le présent appel sur la foi des pièces versées au dossier.

MARCHANDISES EN CAUSE

21.              Les marchandises en cause sont 27 différents styles de vêtements pour femmes en similicuir. LP a décrit comme suit les marchandises en cause :

Les vêtements sont tous des vêtements pour femmes entièrement faits à 100 % en polyuréthane alvéolaire. La plupart des vêtements visés sont des vestes ayant un support et une doublure en rayonne. Deux des ajustements concernent des salopettes, des combinaisons et des robes enduites de polyuréthane. Tous les vêtements ont l’aspect du cuir.

22.              Pour analyser les marchandises en cause, l’ASFC les a regroupées en sept catégories selon des caractéristiques similaires (soit les styles, les matières textiles et le lieu de fabrication) et a choisi sept échantillons représentatifs[3]. Ces échantillons peuvent être décrits comme suit :

Numéro de style 16511-62C : Blouson style aviateur en similicuir ayant une doublure séparée et un tricot côtelé pour la partie supérieure du col. Le similicuir est constitué de trois couches : une couche de revêtement très mince de polyuréthane noir marquée en relief pour reproduire le grain du vrai cuir; une couche intermédiaire d’accrochage de polyuréthane poreux; et un tissu de base à armure toile.

Numéro de style 72817 : Veste jusqu’aux hanches avec une ceinture à la taille et sans doublure. Le similicuir est constitué de trois couches : une couche de revêtement très mince de polyuréthane noir marquée en relief pour reproduire le grain du vrai cuir; une couche intermédiaire d’accrochage de polyuréthane poreux; et un tissu de base à armure toile.

Numéro de style 0803AF14 : Veste courte ayant une doublure séparée et un tricot côtelé pour le dessous des manches. Le similicuir est constitué de trois couches : une couche de revêtement très mince de polyuréthane noir marquée en relief pour reproduire le grain du vrai cuir; une couche intermédiaire d’accrochage de polyuréthane poreux; et un tissu de base à armure toile.

Numéro de style 72745 : Veste croisée jusqu’aux hanches ayant un capuchon et une doublure séparée. Le similicuir est constitué de trois couches : une couche de revêtement très mince de polyuréthane noir marquée en relief pour reproduire le grain du vrai cuir; une couche intermédiaire d’accrochage de polyuréthane poreux; et un tissu de base à armure toile.

Numéro de style 82139 : Robe bain-de-soleil sans manches sans doublure. Le similicuir est constitué de trois couches : une couche de revêtement très mince de polyuréthane noir marquée en relief pour reproduire le grain du vrai cuir; une couche intermédiaire d’accrochage de polyuréthane poreux; et un tissu de base à armure sergé.

Numéro de style 82128 : Robe bustier à ourlet asymétrique ayant une fermeture éclair à l’avant et sans doublure. Le similicuir est constitué d’une mince couche de revêtement de polyuréthane noir qui a été marquée en relief pour reproduire le grain du vrai cuir et qui est collée à un tissu de base à armure sergé.

Numéro de style 71142 : Blouson style aviateur ayant une fermeture éclair à l’avant et une doublure séparée. Un tricot côtelé est utilisé pour la ceinture montée, les poignets et le col. Le similicuir est constitué de trois couches : une couche de revêtement très mince de polyuréthane noir marquée en relief pour reproduire le grain du vrai cuir; une couche intermédiaire d’accrochage de polyuréthane poreux; et un tissu de base à armure toile.

CADRE LÉGISLATIF

23.              La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[4]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

24.              Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que, conformément au paragraphe 10(2), le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[5] et les Règles canadiennes[6] énoncées à l’annexe.

25.              Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

26.              L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[7] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[8], publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal pour déterminer le classement de marchandises importées, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[9].

27.              Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement applicables. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’affaire Igloo Vikski, « seulement lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales »[10].

28.              Une fois que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[11]. L’étape finale consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[12].

Nomenclature tarifaire, notes de chapitres et notes explicatives pertinentes

29.              La nomenclature tarifaire pertinente de la position no 39.26 est la suivante :

Section VII

MATIÈRES PLASTIQUES OU OUVRAGES EN CES MATIÈRES;
CAOUTCHOUC ET OUVRAGES EN CAOUTCHOUC

[...]

Chapitre 39

MATIÈRES PLASTIQUES ET OUVRAGES EN CES MATIÈRES

[...]

39.26                Autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des nos 39.01 à 39.14.

[...]

3926.20             -Vêtements et accessoires du vêtement (y compris les gants, mitaines et moufles)

[...]

- - -Autres

[...]

3926.20.99        - - - -Autres

30.                    Les notes pertinentes du chapitre 39 sont les suivantes :

1.         Dans la Nomenclature, on entend par matières plastiques les matières des positions nos 39.01 à 39.14 qui, lorsqu’elles ont été soumises à une influence extérieure (généralement la chaleur et la pression avec, le cas échéant, l’intervention d’un solvant ou d’un plastifiant), sont susceptibles ou ont été susceptibles, au moment de la polymérisation ou à un stade ultérieur, de prendre par moulage, coulage, profilage, laminage ou tout autre procédé, une forme qu’elles conservent lorsque cette influence a cessé de s’exercer.

Dans la Nomenclature, l’expression matières plastiques couvre également la fibre vulcanisée. Ces termes ne s’appliquent toutefois pas aux matières à considérer comme des matières textiles de la Section XI.

2.         Le présent Chapitre ne comprend pas :

[...]

p)         les produits de la Section XI (matières textiles et ouvrages en ces matières);

31.                    Les notes explicatives pertinentes du chapitre 39 sont les suivantes :

Matières plastiques combinées à des matières textiles

Les revêtements de murs ou de plafonds qui répondent aux conditions de la Note 9 du présent Chapitre relèvent du no 39.18. Le classement des matières plastiques combinées à des matières textiles est essentiellement régi par la Note 1 h) de la Section XI, la Note 3 du Chapitre 56 et la Note 2 du Chapitre 59. Le présent Chapitre couvre en outre les produits ci-après :

[...]

b)         les tissus et les nontissés, soit entièrement noyés dans la matière plastique, soit totalement enduits ou recouverts sur leurs deux faces de cette même matière, à condition que l’enduction ou le recouvrement soient perceptibles à l’œil nu, abstraction faite pour l’application de cette disposition, des changements de couleur provoqués par ces opérations;

[...]

d)         Les plaques, feuilles ou bandes en matière plastique alvéolaire combinées avec du tissu (tel que défini à la Note 1 du Chapitre 59), du feutre ou du nontissé, dans lesquelles la matière textile ne sert que de support.

On considère à cet égard comme jouant le rôle d’un simple support, lorsqu’elles sont appliquées sur une seule face de ces plaques, feuilles et bandes, les matières textiles non façonnées, écrues, blanchies ou teintes uniformément. En revanche, celles qui sont façonnées, imprimées ou ont subi une ouvraison plus poussée (le grattage, par exemple), ainsi que les produits textiles spéciaux tels que velours, tulles, dentelle et les produits textiles du no 58.11, sont considérés comme assurant une fonction supérieure à celle d’un simple support.

Les plaques, feuilles et bandes en matière plastique alvéolaire combinées avec des produits textiles sur les deux faces, quelle que soit la nature du produit textile, sont toutefois exclues du présent Chapitre (généralement nos 56.02, 56.03 et 59.03).

32.                    Les notes explicatives pertinentes de la position no 39.26 sont les suivantes :

La présente position couvre les ouvrages non dénommés ni compris ailleurs en matières plastiques (tels qu’ils sont définis à la Note 1 du présent Chapitre) ou en autres matières des nos 39.01 à 39.14. Sont donc notamment compris ici :

(1)        Les vêtements et accessoires du vêtement (autres que les jouets) confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles, notamment les tabliers, les ceintures, les bavoirs pour bébés, les imperméables et les dessous‑de‑bras. Les capuchons amovibles en matières plastiques, présentés avec les imperméables en matières plastiques auxquels ils sont destinés, restent classés dans la présente position.

33.                    La nomenclature tarifaire pertinente de la position no 62.10 est la suivante :

Section XI

MATIÈRES TEXTILES ET OUVRAGES EN CES MATIÈRES

[...]

Chapitre 62

VÊTEMENTS ET ACCESSOIRES DU VÊTEMENT,
AUTRES QU’EN BONNETERIE

[...]

62.10    Vêtements confectionnés en produits des nos 56.02, 56.03, 59.03, 59.06 ou 59.07.

[...]

6210.50             -Autres vêtements pour femmes ou fillettes

[...]

6210.50.90        - - -Autres

34.                    Les notes pertinentes de la section XI sont les suivantes :

1. La présente Section ne comprend pas :

[...]

h) les tissus, étoffes de bonneterie, feutres et non-tissés, imprégnés, enduits ou recouverts de matière plastique ou stratifiés avec cette même matière, et les articles en ces produits, du Chapitre 39;

[...]

7. Dans la présente Section, on entend par confectionnés :

[...]

f) les articles assemblés par couture, par collage ou autrement (à l’exclusion des pièces du même textile réunies aux extrémités de façon à former une pièce de plus grande longueur, ainsi que des pièces constituées par deux ou plusieurs textiles superposés sur toute leur surface et assemblés ainsi entre eux, même avec intercalation d’une matière de rembourrage);

35.              La note 2 du chapitre 59 prévoit ce qui suit :

2. Le no 59.03 comprend :

a)   les tissus, imprégnés, enduits ou recouverts de matière plastique ou stratifiés avec de la matière plastique, quel qu’en soit le poids au mètre carré et quelle que soit la nature de la matière plastique (compacte ou alvéolaire), à l’exception :

1)   des tissus dont l’imprégnation, l’enduction ou le recouvrement ne sont pas perceptibles à l’œil nu (Chapitres 50 à 55, 58 ou 60 généralement); il est fait abstraction, pour l’application de cette disposition, des changements de couleur provoqués par ces opérations;

2)   des produits qui ne peuvent être enroulés à la main, sans se fendiller, sur un mandrin de 7 mm de diamètre à une température comprise entre 15 oC et 30 oC (Chapitre 39 généralement);

3)   des produits dans lesquels le tissu est soit entièrement noyé dans la matière plastique, soit totalement enduit ou recouvert sur ses deux faces de cette même matière, à condition que l’enduction ou le recouvrement soient perceptibles à l’œil nu, abstraction faite, pour l’application de cette disposition, des changements de couleur provoqués par ces opérations (Chapitre 39);

4)   [...]

5)   des plaques, feuilles ou bandes en matière plastique alvéolaire, combinées avec du tissu et dans lesquelles le tissu ne sert que de support (Chapitre 39);

6)   [...]

36.              Les notes explicatives pertinentes du chapitre 62 sont les suivantes :

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

[...]

Les articles du présent Chapitre peuvent comporter des parties ou accessoires : en bonneterie, en matière plastique, en cuir, en pelleteries, en métal, en plumes, par exemple. Toutefois, lorsque ces parties excèdent le rôle de simples garnitures, les vêtements et accessoires du vêtement sont classés conformément aux Notes spéciales des Chapitres [...] ou, à défaut, conformément aux Règles générales interprétatives.

[...]

Le Chapitre exclut :

a)         les vêtements et accessoires de vêtement des nos 39.26, 40.15, 42.03 ou 68.12.

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

37.              L’ASFC a demandé au Tribunal de reconnaître Mme Jane Batcheller à titre de témoin expert en analyse de textile. Cette demande était accompagnée d’une liste des titres de compétence de Mme Batcheller, d’un rapport d’expert et d’un formulaire « Reconnaissance et engagement du témoin expert proposé » dûment signé.

38.              LP n’a pas contesté les titres de compétence de Mme Batcheller en tant que témoin expert. Cependant, comme susmentionné, elle a remis en question la chaîne de possession des échantillons de vêtements examinés par Mme Batcheller et a soutenu que le rapport d’expert de cette dernière était donc irrecevable.

39.              Le 21 février 2019, après avoir recueilli les points de vue de LP, le Tribunal a ordonné à l’ASFC de déposer des déclarations écrites sous serment concernant la chaîne de possession des échantillons de vêtements qui étaient en sa possession et a accueilli la demande de l’ASFC de déposer une brève réponse à la réplique concernant cette question. Le Tribunal a également demandé à l’ASFC de produire les échantillons de vêtements à titre de pièces dans le présent appel.

40.              Le 6 mars 2019, l’ASFC a déposé des déclarations écrites sous serment souscrites par Jennifer Tuttosi, Xavier Robillard, William St-Roch, Shelby Murphy et Jane Batcheller attestant la réception, l’entreposage et la livraison des échantillons de vêtements à divers moments entre le 28 mai 2015 et le 28 février 2019[13]. Le 6 mars 2019, les échantillons de vêtements ont été déposés à titre de pièces auprès du Tribunal.

41.              Ayant avoir examiné la question de la preuve d’expert de Mme Batcheller et noté que LP n’a pas contesté les titres de compétence de cette dernière en tant que témoin expert, le Tribunal conclut que la preuve d’expert de Mme Batcheller est pertinente; est nécessaire; n’est écartée par aucune règle d’exclusion; et est produite par un expert possédant une qualification suffisante[14]. Par conséquent, le Tribunal reconnaît Mme Batcheller à titre d’expert en analyse de textile[15]. De plus, le Tribunal conclut qu’il n’a aucune raison de douter de la véracité de la preuve par déclaration sous serment déposée par l’ASFC. Il juge donc que la chaîne de possession des vêtements qui ont été examinés par Mme Batcheller a été établie.

POSITION DES PARTIES

42.              LP fait valoir que les supports en tissu des marchandises en cause ne servent que de support. Elle renvoie à la note d) des notes explicatives du chapitre 39 et fait valoir que les tissus ne sont pas façonnés, ne sont pas imprimés, n’ont pas subi une ouvraison plus poussée ou ne sont pas des tissus spéciaux. Il ne s’agit pas non plus de tulle, de dentelle ou de produits textiles de la position no 58.11. Selon LP, étant donné que les tissus des marchandises en cause n’ont aucune de ces caractéristiques, ils devraient être considérés comme jouant le rôle d’un simple support.

43.              L’ASFC reconnaît que les tissus des marchandises en cause servent de support à la feuille de plastique polyuréthane. Cependant, elle affirme que les tissus assurent également une fonction supérieure à celle d’un simple support. À l’appui de sa position, l’ASFC se fonde sur la conclusion de Mme Batcheller selon laquelle le tissu a été légèrement brossé afin de soulever certaines des fibres par-dessus la surface du tissu, ce qui fait en sorte, selon elle, que le tissu a subi une ouvraison plus poussée, conformément à la note explicative d) du chapitre 39. De plus, l’ASFC invoque les conclusions de Mme Batcheller selon lesquelles la surface exposée du tissu contribue :

         à la sensation du composite au toucher;

         aux qualités esthétiques visuelles du composite;

         lorsque le tissu est utilisé sur la surface intérieure d’un vêtement, au confort du vêtement en procurant une sensation de douceur pour la peau, en absorbant l’humidité et en offrant une isolation thermique.

44.              En réponse, LP soutient que l’ASFC a indûment élargi le sens de l’expression de « simple support » et conteste plusieurs des conclusions tirées par Mme Batcheller dans son rapport.

ANALYSE DU TRIBUNAL

45.              En tant qu’appelante, LP a la charge de prouver que le classement des marchandises par l’ASFC était inexact[16].

46.              Comme susmentionné, l’analyse du Tribunal doit prendre comme point de départ l’article 1 des Règles générales. Les marchandises en cause, décrites ci-dessus, sont différents styles de vêtements pour femmes en similicuir. Les parties conviennent que les parties en similicuir des marchandises en cause sont constituées d’une combinaison de plastique (polyuréthane) et de tissus en matières textiles. La principale question consiste à déterminer si les combinaisons particulières de plastique et de matières textiles utilisées dans les marchandises en cause doivent être classées à titre de matières textiles ou de plastiques.

47.              La position no 62.10 comprend les « [v]êtements confectionnés en produits des nos [...] 59.03 [...] ». Par conséquent, afin de déterminer le classement tarifaire approprié, il faut tenir compte des termes de la position no 59.03 en plus de ceux des positions nos 39.26 et 62.10, des notes de section ou de chapitre pertinentes ainsi que des notes explicatives applicables.

48.              Les notes de la section XI (qui comprend les chapitres 59 et 62), du chapitre 59 et du chapitre 39 fournissent des informations utiles à l’analyse du Tribunal. La note 1h) de la section XI prévoit que cette section ne comprend pas « les tissus, étoffes de bonneterie, feutres et non-tissés, imprégnés, enduits ou recouverts de matière plastique ou stratifiés avec cette même matière, et les articles en ces produits, du Chapitre 39 ». Quant à la note 2p) du chapitre 39 (qui comprend la position no 39.26), elle prévoit que le chapitre 39 ne comprend pas « les produits de la Section XI (matières textiles et ouvrages en ces matières) ».

49.              Ces notes de section et de chapitre montrent que les positions concurrentes dans le présent appel s’excluent mutuellement. Ainsi, les marchandises en cause ne peuvent pas, à première vue, être classées dans la position no 39.26 et la position no 62.10. Le présent appel doit être tranché en appliquant la règle 1 (et, au besoin, la règle 2) des Règles générales[17].

50.              Le classement d’une matière constituée d’une combinaison de plastiques et de matières textiles se fonde sur la note 2 du chapitre 59 et les notes explicatives du chapitre 39.

51.              Les passages pertinents de la note 2 du chapitre 59 prévoient ce qui suit :

Le no 59.03 comprend :

a)         les tissus, imprégnés, enduits ou recouverts de matière plastique ou stratifiés avec de la matière plastique, quel qu’en soit le poids au mètre carré et quelle que soit la nature de la matière plastique (compacte ou alvéolaire), à l’exception :

[...]

5)         des plaques, feuilles ou bandes en matière plastique alvéolaire, combinées avec du tissu et dans lesquelles le tissu ne sert que de support (Chapitre 39).

[Nos italiques]

52.              Les passages pertinents des notes explicatives du chapitre 39 prévoient ce qui suit :

Le [Chapitre 39] couvre en outre les produits ci-après :

[...]

d)         Les plaques, feuilles ou bandes en matière plastique alvéolaire combinées avec du tissu (tel que défini à la Note 1 du Chapitre 59) [...], dans lesquelles la matière textile ne sert que de support.

On considère à cet égard comme jouant le rôle d’un simple support, lorsqu’elles sont appliquées sur une seule face de ces plaques, feuilles et bandes, les matières textiles non façonnées, écrues, blanchies ou teintes uniformément. En revanche, celles qui sont façonnées, imprimées ou ont subi une ouvraison plus poussée (le grattage, par exemple), ainsi que les produits textiles spéciaux tels que velours, tulles, dentelle et les produits textiles du no 58.11, sont considérés comme assurant une fonction supérieure à celle d’un simple support.

53.              Selon ces notes, un tissu imprégné, enduit ou recouvert de matière plastique ou stratifié avec de la matière plastique est classé dans la position no 59.03, à moins que le tissu soit composé de plaques, de feuilles ou de bandes en matière plastique alvéolaire, combinées avec du tissu et dans lesquelles le tissu ne sert que de support. Dans ces cas, il serait classé dans le chapitre 39.

54.              Comme il a déjà été mentionné, les marchandises en cause comptent une ou plusieurs couches de polyuréthane qui ont été collées à un tissu en matières textiles. Six des sept styles de marchandises en cause ont été faits au moyen d’un procédé d’enduction par transfert et sont constitués de trois couches : une couche de revêtement très mince de polyuréthane noir marquée en relief pour reproduire le grain du vrai cuir; une couche intermédiaire d’accrochage de polyuréthane poreux; et un tissu de base à armure toile[18]. L’autre style (numéro de style 82128) a été fait au moyen d’un procédé d’enduction par transfert ou d’un procédé d’enduction directe et est constitué de deux couches : une mince couche de revêtement de polyuréthane noir qui a été marquée en relief pour reproduire le grain du vrai cuir et un tissu de base à armure sergé[19]. Ainsi, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont faites de tissus enduits de matière plastique.

55.              Le Tribunal déterminera ensuite si les tissus des marchandises en cause ne servent que de support. La réponse à cette question permettra de déterminer laquelle des positions concurrentes décrit adéquatement les marchandises en cause[20].

56.              La note d) des notes explicatives du chapitre 39 donne des précisions sur la signification de « simple support ». Dans la décision Helly Hansen, le Tribunal a examiné le sens de cette note et a conclu comme suit :

[...] la première phrase vise les tissus où la finition se limite à celle qui est décrite (tissu non façonné, écru, blanchi ou uniformément teint). Dans le cas d’une finition plus poussée comme celle que décrit la deuxième phrase, les tissus « [...] sont considérés comme assurant une fonction supérieure à celle d’un simple support [...] »[21]

57.              Le Tribunal a ajouté que, selon lui, l’intention de la note d) des notes explicatives du chapitre 39 était de faire la distinction entre les tissus ayant subi une ouvraison simple (non façonnés, écrus, blanchis ou uniformément teints) et ceux ayant subi une ouvraison supérieure (façonnés, imprimés ou ayant subi une ouvraison plus poussée)[22].

58.              En plus de fournir cette précision, le Tribunal a tenu compte d’autres éléments de preuve factuels pour déterminer si le tissu ne servait que de support (c’est-à-dire des éléments de preuve autres que ceux ayant trait à la question de savoir si le tissu a subi une ouvraison simple ou une ouvraison supérieure). Dans Sher‑Wood Hockey, le Tribunal a reconnu que le composant textile couvrant la surface extérieure des marchandises ne servait pas que de support parce qu’il remplissait une autre fonction importante : assurer la friction nécessaire pour empêcher le rembourrage intérieur de mousse et de plastique dur de se déplacer, permettant ainsi aux marchandises de conserver leur forme et de remplir, comme prévu, la fonction à laquelle elles sont destinées[23].

59.              Mme Batcheller a donné son point de vue quant aux circonstances où le tissu ne sert que de support à la matière plastique :

Les tissus qui sont imprégnés, enduits ou recouverts de matière plastique ou stratifiés avec de la matière plastique sont considérés comme jouant le rôle d’un simple support lorsque le tissu est mince et a une structure ouverte et qu’il devient entièrement emprisonné dans la matière plastique ou lorsque la matière plastique pénètre totalement le tissu, de sorte que le tissu n’est accessible à aucune des surfaces du composite. Le tissu emprisonné ou imprégné sert de support et influe sur les propriétés mécaniques du composite, mais ces propriétés sont dominées par les propriétés mécaniques de la matière plastique[24].

[Traduction]

60.              Le point de vue de Mme Batcheller est conforme à la note 2a)(3) du chapitre 59, qui précise que les tissus qui sont entièrement noyés dans la matière plastique ou totalement enduits ou recouverts sur leurs deux faces de cette même matière[25] doivent être classés dans le chapitre 39. Toutefois, les notes du chapitre 59, que le Tribunal doit appliquer lorsqu’il procède au classement des marchandises, dressent une liste plus large des cas où les combinaisons de tissu et de matière plastique doivent être classées dans le chapitre 39. En particulier, la note 2a)(5) du chapitre 59 indique que les feuilles, plaques ou bandes en matière plastique alvéolaire, combinées avec du tissu et dans lesquelles le tissu ne sert que de support, doivent être classées dans le chapitre 39. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’adoption de l’interprétation que donne Mme Batcheller à la phrase « ne sert que de support » viderait à toutes fins utiles de son sens la note 2a)(3) du chapitre 59. Le Tribunal a donc adopté une interprétation plus large de la phrase « ne sert que de support » conformément aux notes pertinentes et aux décisions du Tribunal dans les affaires Helly Hansen et Sher‑Wood Hockey.

61.              Le Tribunal conclut que les tissus des marchandises en cause assurent une fonction supérieure à celle d’un simple support. Les tissus sont donc des produits de la position no 59.03. Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal s’est fondé sur le témoignage d’expert de Mme Batcheller. Même si le Tribunal n’a pas souscrit à l’interprétation que donne Mme Batcheller à la phrase « ne sert que de support », le témoignage d’expert de cette dernière quant à la composition et à la fonction des composants en tissu et en plastique des marchandises en cause ne se limitait pas à la question de savoir si le tissu était entièrement emprisonné dans la matière plastique, ou totalement imprégné par celle‑ci, et était donc pertinent et utile dans le cadre de l’analyse du Tribunal.

62.              Selon le rapport de Mme Batcheller, les tissus utilisés dans chacune des marchandises en cause ont « subi un brossage (le grattage) afin de soulever les fibres par‑dessus la surface du tissu »[26] [traduction]. Le rapport indique que les fibres soulevées améliorent l’isolation thermique et la capacité d’absorption de l’humidité du tissu composite et contribuent aux propriétés qui influeront sur le confort du vêtement en similicuir[27]. Le rapport indique en outre que le brossage a été effectué sur la surface exposée du tissu afin de doter le similicuir d’une surface intérieure douce[28].

63.              Le Tribunal convient que ledit brossage fait en sorte que les tissus « ont subi une ouvraison plus poussée ». Conformément à la note d) des notes explicatives du chapitre 39, ces tissus ayant subi une ouvraison plus poussée doivent donc être considérés « comme assurant une fonction supérieure à celle d’un simple support ».

64.              De plus, Mme Batcheller s’est dite d’avis que le tissu augmente l’épaisseur et la masse du composite et contribue à la sensation de cuir du composite en influant sur la souplesse et la compression de sa structure[29]. Dans Helly Hansen, le Tribunal a estimé que le rôle que jouait le tissu dans le drapé et la facture visuelle du vêtement indiquait que le tissu ne servait pas que de support[30]. De la même façon, le Tribunal se fonde sur le témoignage de Mme Batcheller concernant la sensation, la souplesse et la compression des marchandises en cause, de même que sur sa propre inspection visuelle des échantillons de vêtements produits à titre de pièces, pour conclure que les tissus ne servent pas que de support.

65.              Tel que mentionné précédemment, LP a contesté plusieurs des conclusions de Mme Batcheller concernant le rôle que joue le tissu. Plus particulièrement, LP a soutenu que l’ajout de n’importe quel tissu augmente l’épaisseur et la masse de la structure, et que ce facteur n’indique pas à lui seul que le tissu est utilisé à une fin autre que celle de support. De plus, selon LP, le rapport n’indique pas comment ni pourquoi l’épaisseur et la masse du tissu contribuent à la sensation de cuir du composite; une phrase qui, de l’avis de LP, est vague. Selon les observations de LP, le rapport n’indique pas non plus si le brossage des tissus a pu être effectué dans le but d’enlever les fibres lâches dans le cadre du processus de finition. LP a en outre souligné que le brossage était minimal et inefficace pour le numéro de style 82139, car la couche intermédiaire en polyuréthane était encore visible à travers les mailles du tissu. Enfin, LP a souligné que quatre des échantillons de marchandises en cause avaient une doublure et a mis en doute le rôle joué par le tissu pour ces vêtements.

66.              Le Tribunal estime que les observations de LP ne permettent pas de faire abstraction du témoignage de Mme Batcheller. D’abord, le Tribunal souligne que LP n’a présenté aucun élément de preuve établissant que les tissus ne servent que de support. Il aurait pu s’agir de la documentation du fabricant, du témoignage d’une personne ayant une connaissance des marchandises (p. ex., un fabricant ou un concepteur) ou d’un témoignage d’expert.

67.              Ensuite, le rapport de Mme Batcheller indique clairement que le tissu augmente l’épaisseur et la masse du composite et contribue à la sensation de cuir du composite en influant sur la souplesse et la compression de sa structure. Comme susmentionné, le Tribunal est convaincu que, contrairement aux observations de LP, le témoignage de Mme Batcheller porte que l’épaisseur et la masse des tissus particuliers utilisés dans les marchandises en cause contribuent à l’apparence véritable du similicuir. Un tissu plus mince, par exemple, ne contribuerait pas nécessairement dans la même mesure à l’apparence de vrai cuir.

68.              Quant au brossage du tissu, le rapport de Mme Batcheller indique que le brossage a permis de soulever les fibres par‑dessus la surface du tissu afin de « doter le similicuir d’une surface intérieure douce », d’« améliorer l’isolation thermique et la capacité d’absorption de l’humidité des structures du composite » et de « contribuer au [...] confort du vêtement »[31] [traduction], ce qui indique que le brossage a joué un rôle plus important que celui de simplement enlever des fibres lâches.

69.              En ce qui concerne le numéro de style 82139, le fait que la couche intermédiaire en polyuréthane soit encore visible à travers les mailles du tissu ne modifie en rien la conclusion du Tribunal quant au rôle joué par le tissu. Le rapport de Mme Batcheller indiquait clairement que le tissu du numéro de style 82139 avait été légèrement brossé et que les fibres soulevées donnaient une surface intérieure douce[32]. En fait, en ce qui concerne ce vêtement particulier, Mme Batcheller a expressément fait remarquer que le tissu sert de doublure au vêtement et donne à la robe une surface intérieure douce et attrayante, une autre fonction assurée par le tissu qui est supérieure à celle d’un simple support[33].

70.              Enfin, Mme Batcheller a reconnu dans son rapport que quatre des styles de marchandises en cause ont une doublure séparée. Le Tribunal convient que le tissu ne sert pas de doublure à ces vêtements particuliers, mais les autres fonctions dont a fait état Mme Batcheller, à savoir que le tissu augmente l’épaisseur et la masse et que le brossage du tissu améliore l’isolation thermique et la capacité d’absorption de l’humidité des structures du composite, ne dépendent pas du fait que le tissu serve également de doublure au vêtement.

71.              Ayant conclu que les tissus des marchandises en cause sont des produits de la position no 59.03, le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause remplissent les autres conditions permettant de les classer dans la position no 62.10. Il n’est pas contesté que les marchandises en cause sont des vêtements. Il n’est pas contesté non plus que les marchandises en cause ont été assemblées par couture et que, par conséquent, elles constituent des articles « confectionnés » conformément à la note 7f) de la section XI.

72.              Quatre des vêtements ont une doublure et trois des quatre vêtements doublés ont également un col, des poignets ou une ceinture montée en tricot côtelé[34]. Aucune des parties n’a abordé la question de savoir si l’ajout de ces caractéristiques pouvait avoir une incidence sur le classement des marchandises en cause. Les notes explicatives du chapitre 62 prévoient que « [l]es articles du présent Chapitre peuvent comporter des parties ou accessoires : en bonneterie, en matière plastique, en cuir, en pelleteries, en métal, en plumes, par exemple. Toutefois, lorsque ces parties excèdent le rôle de simples garnitures, les vêtements et accessoires du vêtement sont classés conformément aux Notes spéciales des Chapitres [...] ou, à défaut, conformément aux Règles générales interprétatives ». En l’espèce, le Tribunal conclut que la doublure et/ou le col, les poignets et la ceinture montée en tricot côtelé qui ont été ajoutés constituent « de simples garnitures » et que, par conséquent, la présence de la doublure, du col, des poignets et de la ceinture montée n’a aucune incidence sur le classement de ces marchandises.

73.              Pour ces motifs, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 62.10.

Classement au niveau de la sous-position et du numéro tarifaire

74.              Ayant conclu que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 62.10, le Tribunal doit maintenant déterminer le classement au niveau de la sous-position et du numéro tarifaire, suivant la règle 6 des Règles générales et la règle 1 des Règles canadiennes.

75.              Il n’est pas contesté que les marchandises en cause sont des vêtements pour femmes[35] et, par conséquent, les marchandises en cause sont correctement classées dans la sous-position no 6210.50 à titre d’« autres vêtements pour femmes ou fillettes » et dans le numéro tarifaire no 6210.50.90 sous « autres ».

DÉCISION

76.              Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 6210.50.90 à titre d’autres vêtements pour femmes ou fillettes confectionnés en produits du no 59.03.

77.              L’appel est donc rejeté.




Peter Burn                               
Peter Burn
Membre présidant



[1].     L.R.C., 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     Pièce AP-2017-001-24A, vol. 1 à la p. 26.

[4].     Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[5].     L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[6].     L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles canadiennes].

[7].     OMD, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[8].     OMD, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[9].     Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17, et Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Inc., 2019 CAF 20, au par. 4.

[10].   Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au para. 21 [Igloo Vikski].

[11].   Selon la règle 6 des Règles générales, « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles [1 à 5] […] » et « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

[12].   La règle 1 des Règles canadiennes stipule que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] […] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires. » Les avis de classement et les notes explicatives ne s’appliquent pas au classement au niveau du numéro tarifaire.

[13].   Pièce AP-2017-001-34, vol. 1.

[14].   R. c. Mohan, [1994] 2 RCS 9, 1994 CanLII 80 (CSC) au par. 20.

[15].   Le Tribunal souligne qu’il a déjà reconnu Mme Batcheller à titre d’expert en analyse de textile. Voir Maples Industries, Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (18 juillet 2016), AP-2014-009 (TCCE) au par. 12.

[16].   Paragraphe 152(3) de la Loi; Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (23 mai 2014), AP-2011-033 (TCCE) au par. 25; Canada (Agence des services frontaliers) c. Miner, 2012 CAF 81 (CanLII) aux par. 7, 21; Jakks Pacific Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (30 mars 2016), AP-2015-012 (TCCE) au par. 33.

[17].   Cette méthode est conforme à celle adoptée par le Tribunal dans l’affaire Helly Hansen Leisure Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 juin 2008), AP-2006-054 (TCCE) [Helly Hansen] au par. 24.

[18].   Cette description s’applique aux numéros de style 16511-62C, 72817, 0803AF14, 72745, 82139 et 71142; voir la pièce AP-2017-001-24A, vol. 1 aux p. 76-80, 82.

[19].   Cette description s’applique au numéro de style 82128; voir la pièce AP-2017-001-24A, vol. 1 à la p. 81.

[20].   En ce qui a trait au numéro de style 82128, le rapport de Mme Batcheller ne porte aucune mention que ce vêtement contient du plastique poreux ou alvéolaire. Ainsi, ce numéro de style ne peut être classé dans le chapitre 39, puisqu’il ne remplit pas les exigences de la note 2a)(5) du chapitre 59, et ce, peu importe le rôle joué par le tissu. Voir la pièce AP‑2017-001-24A, vol. 1 aux p. 76-82.

[21].   Helly Hansen au par. 47.

[22].   Ibid. au par. 48.

[23].   Sher‑Wood Hockey Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 février 2011), AP-2009-045 (TCCE) [Sher‑Wood Hockey] aux par. 60, 65.

[24].   Pièce AP-2017-001-24A, vol. 1 à la p. 74.

[25].   À condition que l’enduction ou le recouvrement soient perceptibles à l’œil nu, abstraction faite des changements de couleur provoqués par ces opérations.

[26].   Pièce AP-2017-001-24A, vol. 1 aux p. 76-83.

[27].   Ibid.

[28].   Ibid.

[29].   Ibid. aux p. 76-82.

[30].   Helly Hansen au par. 51.

[31].   Pièce AP-2017-001-24A, vol. 1 à la p. 83.

[32].   Ibid. à la p. 80.

[33].   Ibid. Le Tribunal souligne que le tissu sert également de doublure aux vêtements des numéros de style 72817 et 82128.

[34].   Les vêtements doublés sont les numéros de style 16511-62C, 0803AF14, 72745 et 71142.

[35].   Voir pièce AP-2017-001-24A, vol. 1 à la p. 29.

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