Appels en matière de douanes et d’accise

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Contenu de la décision

Appel no AP-2018-005

Mattel Canada Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mercredi 19 juin 2019

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 27 novembre 2018, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 5 mars 2018 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

MATTEL CANADA INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.
















Georges Bujold                       
Georges Bujold
Membre présidant


Lieu de l’audience :                                               Ottawa (Ontario)
Date de l’audience :                                               le 27 novembre 2018

Membre du Tribunal :                                            Georges Bujold, membre présidant

Personnel de soutien :                                            Elysia Van Zeyl, conseillère juridique
Kalyn Eadie, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Mattel Canada Inc.

Michael Sherbo
Andrew Simkins

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Elsa Michel

TÉMOIN :

Kurt Huntsberger
Vice-président, Conception des produits
Fisher-Price

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1.                  Le présent appel a été interjeté par Mattel Canada Inc. (Mattel) le 18 mai 2018, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], contre une décision rendue le 5 mars 2017 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2.                  Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si le « Roarin’ Rainforest Jumperoo » est correctement classé dans le numéro tarifaire 9401.71.10 à titre d’autres sièges rembourrés, avec bâti en métal, pour usages domestiques, même transformables en lits, et leurs parties, comme l’a déterminé le président de l’ASFC, ou s’il doit être classé dans le numéro tarifaire 9503.00.90 à titre d’autres jouets, comme le soutient Mattel.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3.                  Le 16 juin 2017, Mattel a demandé une décision anticipée à l’égard du classement tarifaire des marchandises en cause. Elle était d’avis que lesdites marchandises respectaient les exigences leur permettant d’être classées dans le numéro tarifaire 9503.00.90.

4.                  Le 14 septembre 2017, l’ASFC a rendu une décision anticipée selon laquelle les marchandises en cause étaient correctement classées dans la position no 94.01, soit celle des « Sièges (à l’exclusion de ceux du no 94.02), même transformables en lits, et leurs parties », et, plus particulièrement, dans le numéro tarifaire 9401.71.10.

5.                  Le 9 novembre 2017, Mattel a demandé la révision de la décision anticipée en vertu du paragraphe 60(2) de la Loi.

6.                  Le 5 mars 2018, l’ASFC a confirmé sa décision anticipée et a maintenu que les marchandises devaient être classées dans le numéro tarifaire 9401.71.10.

7.                  Le 17 mai 2018, Mattel a déposé le présent appel auprès du Tribunal.

8.                  Le 27 novembre 2018, le Tribunal a tenu une audience publique au cours de laquelle il a entendu le témoignage de M. Kurt Huntsberger, vice-président de la conception des produits pour Fisher-Price[2], qui a été reconnu comme expert dans le domaine de la commercialisation, de la conception et du développement d’articles pour bébés, y compris le Jumperoo[3].

9.                  Le 11 février 2019, soit après la tenue de l’audience, le Tribunal a invité les parties à déposer des observations sur l’applicabilité de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Attorney General) v. Best Buy Canada Inc.[4], qui a été rendue après l’audience. Les 19 et 26 février 2019, les parties ont déposé leurs observations. Le dossier du présent appel a donc été fermé le 26 février 2019.

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

10.              Les marchandises en cause sont commercialisées sous le nom de « Roarin’ Rainforest Jumperoo » de Fisher-Price (numéro de modèle CBV63). Mattel décrit le produit comme un jouet interactif aux couleurs vives avec sons (musique), muni de lumières et jouets ainsi que des ressorts qui permettent le mouvement (sauter). Elle affirme qu’il s’agit d’un centre d’activités conçu pour permettre aux bébés de sauter et de jouer, et elle qualifie donc les marchandises en cause de « jouet sauteur »[5] [traduction].

11.              L’ASFC décrit les marchandises en cause comme un « siège pour enfant multifonction » [traduction] muni d’un cadre en acier autoportant solide sur lequel est attaché un siège en forme d’anneau. L’ASFC soutient que le sauteur est conçu pour permettre aux nourrissons qui ne peuvent pas se tenir en position assise sans aide d’avoir tout le soutien nécessaire pour demeurer assis et pivoter à 360 degrés[6].

12.              Bien que les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le produit doit être considéré comme un jouet ou comme un siège aux fins du classement tarifaire, elles conviennent toutes deux, et la preuve démontre que c’est bien le cas, qu’il s’agit d’un siège en forme d’anneau qui est suspendu par trois ressorts recouverts à trois poteaux en acier plus grands, lesquels sont reliés à une base tubulaire ronde en acier[7].

13.              Il convient de noter que, dans Mattel Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[8], le Tribunal a conclu que des marchandises presque identiques à celles en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 9503.00.90 à titre d’« autres jouets »[9]. De la même manière que pour les marchandises qui ont été qualifiées de « sautoirs » (sauteurs) dans ladite décision, les marchandises en cause sont conçues pour les nourrissons, à compter du moment où ils peuvent tenir leur tête sans aide et jusqu’à ce qu’ils soient capables de marcher et de sortir du jouet[10].

CADRE LÉGISLATIF

14.              La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes[11], qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD). L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

15.              Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que, conformément au paragraphe 10(2), le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[12] et les Règles canadiennes[13] énoncées à l’annexe.

16.              Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

17.              L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[14] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[15], publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal pour déterminer le classement de marchandises importées, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[16].

18.              Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement applicables. Ce n’est seulement lorsque la règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres règles générales[17].

19.              Une fois que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[18]. L’étape finale consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[19].

Nomenclature tarifaire pertinente, notes de chapitre et notes explicatives

20.              La nomenclature tarifaire pertinente est la suivante :

SECTION XX

MARCHANDISES ET PRODUITS DIVERS

Chapitre 94

MEUBLES; MOBILIER MÉDICO-CHIRURGICAL; ARTICLES DE LITERIE ET SIMILAIRES; APPAREILS D’ÉCLAIRAGE NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS; LAMPES-RÉCLAMES, ENSEIGNES LUMINEUSES, PLAQUES INDICATRICES LUMINEUSES ET ARTICLES SIMILAIRES; CONSTRUCTIONS PRÉFABRIQUÉES

94.01                Sièges (à l’exclusion de ceux du no 94.02), même transformables en lits, et leurs parties.

[...]

-Autres sièges, avec bâti en métal :

9401.71                         - -Rembourrés

9401.71.10        - - -Pour usages domestiques

[...]

Chapitre 95

JOUETS, JEUX, ARTICLES POUR DIVERTISSEMENTS OU POUR SPORTS;
LEURS PARTIES ET ACCESSOIRES

9503.00             Tricycles, trottinettes, autos à pédales et jouets à roues similaires; landaus et poussettes pour poupées; poupées; autres jouets; modèles réduits et modèles similaires pour le divertissement, animés ou non; puzzles de tout genre.

9503.00.10        - - -Jouets à roues conçus pour être montés par les enfants (tricycles, trottinettes, autos à pédales, par exemple); landaus et poussettes pour poupées

9503.00.90        - - -Autres

21.              Les notes du chapitre 94 et les notes explicatives pertinentes sont les suivantes :

1. Le présent chapitre ne couvre pas :

[...]

l)          les meubles et appareils d’éclairage ayant le caractère de jouets (no 95.03), les billards de toutes sortes et les meubles de jeux du no 95.04, ainsi que les tables pour jeux de prestidigitation et les articles de décoration (à l’exclusion des guirlandes électriques), tels que lampions, lanternes vénitiennes (no 95.05);

[...]

2. Les articles (autres que les parties) visés dans les nos 94.01 à 94.03 doivent être conçus pour se poser sur le sol.

[...]

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Le présent Chapitre englobe, sous réserve des exceptions mentionnées dans les Notes explicatives de ce Chapitre :

1) L’ensemble des meubles, ainsi que leurs parties (nos 94.01 à 94.03).

[...]

Au sens du présent Chapitre, on entend par meubles ou mobilier :

A) Les divers objets mobiles, non compris dans des positions plus spécifiques de la Nomenclature qui sont conçus pour se poser sur le sol (même si dans certains cas particuliers – meubles et sièges de navires, par exemple – ils sont appelés à être fixés ou assujettis au sol) et qui servent à garnir, dans un but principalement utilitaire, les appartements, hôtels, théâtres, cinémas, bureaux, églises, écoles, cafés, restaurants, laboratoires, hôpitaux, cliniques, cabinets dentaires, etc., ainsi que les navires, avions, voitures de chemin de fer, voitures automobiles, remorques-camping et engins de transport analogues. Les articles de même nature (bancs, chaises, etc.) utilisés dans les jardins, squares, promenades publiques, sont également compris ici.

22.              Les notes explicatives pertinentes de la position no 94.01 sont les suivantes :

La présente position couvre, sous réserve des exclusions ci-après, l’ensemble des sièges (y compris ceux pour véhicules, répondant aux conditions de la Note 2 du présent Chapitre) et notamment :

Les chaises (y compris les chaises transformables en escabeaux), les chaises et sièges d’enfants (y compris les sièges spéciaux pour automobiles), les chaises longues (même celles pour malades, comportant des résistances chauffantes), les transatlantiques, les pliants, les tabourets (y compris ceux pour pianos, pour dessinateurs, dactylos, etc.), les bancs et banquettes, les tabourets-poufs, les bergères, les canapés, les fauteuils, les divans, sofas, ottomanes et sièges similaires, les sièges incorporant un système audio, utilisables avec des consoles et machines de jeu vidéo, des récepteurs de télévision ou des récepteurs de télévision par satellite, ainsi qu’avec des lecteurs de DVD, des lecteurs de disques compacts, des lecteurs MP3 ou des lecteurs de cassettes vidéo.

Les sièges de cette position peuvent intégrer des composants complémentaires qui ne sont pas propres à un siège, comme par exemple des jouets, des éléments vibrants, de la musique ou des sons, ainsi que des lumières.

23.              Les notes explicatives pertinentes du chapitre 95 sont les suivantes :

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Le présent Chapitre comprend les jouets et les jeux pour l’amusement des enfants et la distraction des adultes. [...]

24.              Les notes explicatives pertinentes de la position no 95.03 sont les suivantes :

La présente position couvre :

[...]

D) Les autres jouets.

Ce groupe comprend les jouets destinés essentiellement à l’amusement des personnes (enfants ou adultes). Par contre, les jouets qui, par leur conception, leurs formes ou leurs matières constitutives, sont reconnaissables comme étant exclusivement destinés aux animaux, les jouets pour animaux familiers, par exemple, ne sont pas classés dans la présente position, mais suivent leur régime propre. Sont notamment classés dans ce groupe :

Tous les jouets, autres que ceux repris sous A) à C). Ces jouets peuvent être sans mouvement ou à moteur (mécanique, électrique ou autre).

ANALYSE

25.              Le présent appel porte sur un conflit apparent entre la décision précédemment mentionnée du Tribunal relativement à des marchandises presque identiques aux marchandises en cause et un avis de classement que l’OMD a ultérieurement publié. Comme mentionné ci‑dessus, dans Mattel I, le Tribunal a conclu que des marchandises très similaires à celles en cause devaient être classées dans la position no 95.03, alors que l’avis de classement, sur lequel repose la position de l’ASFC dans le présent appel, laisse entendre que les marchandises en cause doivent être classées, à titre de siège, dans la position no 94.01.

26.              Par conséquent, le différend entre les parties concerne le classement des marchandises en cause dans la position tarifaire. La principale question consiste à savoir si les marchandises en cause, dans leur ensemble, respectaient les conditions de la position no 94.01 au moment de leur importation, comme l’a déterminé l’ASFC, ou celles de la position no 95.03, comme le soutient Mattel.

27.              Dans Mattel I, le Tribunal a conclu que les marchandises ne pouvaient pas, par application de la règle 1 des Règles générales, être classées de prime abord à la fois dans la position no 94.01 et dans la position no 95.03, selon les notes explicatives pertinentes. Le Tribunal a affirmé ce qui suit :

Comme il est indiqué ci-dessus, les notes explicatives du chapitre 94 limitent la portée de ce chapitre aux meubles (c’est-à-dire des objets mobiles non décrits plus précisément dans d’autres positions de la nomenclature). Ainsi, si les marchandises en cause sont décrites plus précisément dans une autre position, elles ne peuvent être classées dans la position no 94.01.

Par conséquent, conformément à la règle 1 des Règles générales, le Tribunal commencera son analyse en déterminant si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 95.03 à titre d’autres jouets. Le cas échéant, le Tribunal ne poursuivra pas son analyse, car il sera évident que la position no 95.03 contiendra une description plus précise des marchandises en cause que la position no 94.01. Sinon, le Tribunal examinera si la position no 94.01 s’applique[20].

28.              Les parties ne contestent pas cette conclusion dans le présent appel ni allèguent que l’analyse doit être effectuée dans un ordre différent. Plus précisément, Mattel soutient que les positions nos 94.01 et 95.03 s’excluent mutuellement et que, par conséquent, si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 95.03, elles ne peuvent être classées dans la position no 94.01. Pour sa part, l’ASFC affirme que les notes explicatives du chapitre 94 indiquent clairement que ce chapitre, qui comprend la position no 94.01, est limité aux articles qui ne sont pas inclus dans des positions plus spécifiques de la nomenclature. Par conséquent, l’ASFC reconnaît que, s’il s’avère que les marchandises en cause peuvent être classées dans une position plus spécifique – en l’espèce, la position no 95.03 –, elles sont exclues du classement dans la position no 94.01.

29.              Ainsi, le Tribunal se penchera d’abord sur la question de savoir si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 95.03 à titre d’« autres jouets ». Dans la négative, il se penchera sur la question de savoir si les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 94.01. Comme l’exige l’article 11 du Tarif des douanes, le Tribunal tiendra compte de l’avis de classement sur lequel s’est appuyée l’ASFC dans son analyse.

Position no 95.03 – les marchandises en cause peuvent-elles être classées à titre d’« autres jouets »?

30.              Mattel est d’avis que le Tribunal doit suivre l’analyse exposée dans Mattel I et conclure que les marchandises en cause correspondent aux « autres jouets » de la position no 95.03. Dans Mattel I, le Tribunal a résumé ainsi le critère à appliquer pour déterminer si des marchandises constituent un jouet au sens de la position no 95.03 :

Le Tribunal constate que la nomenclature ne définit pas le mot « jouet ». Toutefois, le Tribunal a toujours donné une interprétation large du mot « jouet » comme comprenant une vaste gamme d’articles procurant de l’amusement ou possédant une valeur ludique, conformément aux notes explicatives du chapitre 95 et à la note D) des notes explicatives de la position no 95.03. Par exemple, le Tribunal a déjà conclu que la position no 95.03 « [...] couvre les objets avec lesquels les enfants [...] jouent ». De même, le Tribunal a interprété l’expression « valeur ludique » comme étant un « aspect servant à caractériser les jouets ». Ainsi, le Tribunal a toujours considéré qu’un jouet est un article qui amuse les adultes ou les enfants.

Le Tribunal a également toujours été d’avis que la question de savoir si un article est un jouet est une question de fait qui doit être déterminée en tenant compte des éléments de preuve de l’affaire en cause. Ainsi, il faut tenir compte des utilisations effectives et prévues des marchandises, y compris la façon dont elles sont commercialisées et emballées ainsi que la publicité. En ce qui concerne les utilisations prévues, le Tribunal a déjà conclu que « [...] l’expression “conçu pour” fait référence à une intention délibérée de la part du fabricant du système (ou des marchandises) quant à la nature de sa dernière utilisation ou fonction »[21].

[Italiques dans l’original, notes omises]

31.              Le Tribunal a ensuite conclu, sur la foi de la preuve produite, que des marchandises très similaires aux marchandises en cause étaient des jouets, conformément à ses interprétations antérieures, puisqu’elles pouvaient amuser les enfants[22]. Le Tribunal a aussi conclu que les marchandises, par exemple les « sauteurs », avaient été conçues et prévues par Mattel pour être utilisées d’une manière qui procure de l’amusement à un nourrisson ou à un enfant[23]. Enfin, le Tribunal a conclu que la commercialisation, l’emballage et la publicité des marchandises les présentaient comme des jouets qui amusent et qui possèdent une valeur ludique[24].

32.              Dans le présent appel, l’ASFC fait valoir que la note D) des notes explicatives de la position no 95.03 précise que les jouets sont des marchandises essentiellement conçues pour l’amusement des personnes, mais que les marchandises en cause sont plutôt essentiellement conçues pour fournir un endroit sûr où un nourrisson peut être assis confortablement et en toute sécurité. De l’avis de l’ASFC, les marchandises en cause ont comme but utilitaire de fournir un endroit où un jeune enfant peut s’asseoir, et tout plaisir que peuvent procurer lesdites marchandises est secondaire à leur fonction principale. En outre, l’ASFC allègue que la seule présence de jouets sur les marchandises en cause ne fait pas de celles-ci des jouets, quand on les considère dans leur ensemble, et que, par conséquent, les marchandises en cause ne respectent pas « entièrement » [traduction] les conditions de la position no 95.03. Enfin, l’ASFC soutient que les marchandises en cause sont non seulement commercialisées comme des jouets, mais aussi comme des « articles pour bébés »[25] [traduction].

33.              Le Tribunal souligne que l’ASFC a présenté des observations presque identiques dans Mattel I, et que ces arguments ont été rejetés. De la même façon, le Tribunal conclut en l’espèce que la position de l’ASFC n’est pas étayée par la preuve au dossier, y compris, tout particulièrement, par le témoignage d’expert de M. Huntsberger.

34.              Monsieur Huntsberger, un expert dans la conception d’articles pour bébés, a affirmé de façon non équivoque que l’intention du fabricant des marchandises en cause était d’amuser et de divertir les nourrissons en tenant compte de leurs capacités[26]. La preuve incontestée de l’expert peut être résumée ainsi :

         L’intention de Fisher-Price lors de la conception du Roarin’ Rainforest Jumperoo était le divertissement des enfants[27].

         Le produit est conçu pour permettre aux nourrissons de sauter, ce qui constitue l’élément central des marchandises en cause; en effet, c’est cette caractéristique qui contribue le plus à l’amusement et au divertissement des nourrissons[28].

         Les marchandises en cause comportent des ressorts et des courroies ajustables; elles produisent de la musique et des sons et sont munies de lumières dont l’objectif est de récompenser les nourrissons quand ils sautent et, ainsi, de les stimuler; Fisher-Price met l’accent sur le saut dans la commercialisation de ce produit, comme le démontre le nom « Jumperoo » (qui contient le mot « jump » (saut, sauter)), les autres composantes renforçant aussi cette caractéristique[29].

         L’objectif principal qu’avait Fisher-Price lors de la conception du Roarin’ Rainforest Jumperoo n’était pas de permettre à un nourrisson de s’asseoir et de faire des activités autres que sauter; de telles activités sont une caractéristique secondaire, et non l’objet des marchandises en cause. Comme l’a lui-même affirmé M. Huntsberger, « il s’agit de la principale caractéristique que nous annonçons sur la boîte et que nous communiquons dans nos publicités. Le produit est axé sur le saut, et c’est ce pour quoi il a été conçu »[30] [traduction]. Le produit a été créé parce que Fisher-Price voulait « donner aux bébés la possibilité de sauter »[31] [traduction].

         Sur la boîte dans laquelle les marchandises en cause sont vendues, il est indiqué que le produit peut contribuer au développement des habiletés motrices et à stimuler les nourrissons, tout en leur procurant divertissement et amusement.

         Comme pour un jouet d’apprentissage, les marchandises en cause comptent de nombreux aspects liés au développement en plus des aspects liés au divertissement[32].

         M. Huntsberger n’a jamais entendu personne qualifier les marchandises en cause de siège ou de meuble; elles sont habituellement qualifiées de divertissantes et commercialisées ainsi sur Internet, dans la catégorie d’articles pour bébés de Fisher-Price[33].

35.              Mattel a également déposé en preuve des vidéos promotionnelles qui soulignent la caractéristique de saut des marchandises en cause en affirmant que celles-ci procurent un amusement et possèdent une valeur ludique. Ces vidéos montrent aussi des nourrissons qui sautent pendant qu’ils utilisent les marchandises en cause. Contrairement à ce qu’affirme l’ASFC, ces vidéos ne laissent pas entendre que la raison d’être des marchandises en cause est de permettre à un nourrisson de demeurer en position verticale, ni qu’il s’agit là du but ou de la fonction pour lesquels elles sont utilisées.

36.              À la lumière de ces éléments de preuve, il est tout simplement inexact d’affirmer, comme le fait l’ASFC, que la raison d’être des marchandises en cause est essentiellement de fournir un endroit sûr où un nourrisson peut être assis confortablement et en toute sécurité, que lesdites marchandises ont d’abord un but utilitaire et que le plaisir qu’elles procurent est secondaire par rapport à leur fonction principale. La preuve indique en réalité que, conformément aux notes explicatives de la position no 95.03, les marchandises en cause sont essentiellement conçues pour amuser les enfants.

37.              De la même façon, les éléments de preuve n’appuient pas le point de vue de l’ASFC selon lequel le Roarin’ Rainforest Jumperoo est un siège sur lequel sont attachés des jouets, ou selon lequel les accessoires secondaires ne font pas du produit dans son ensemble un jouet. Le fait est que, si l’on tient compte du produit dans son ensemble, le Jumperoo permet aux nourrissons de sauter, ce qui leur procure divertissement et amusement; c’est ce qui donne au produit sa principale valeur ludique. Les accessoires et les autres caractéristiques des marchandises, qui peuvent en soi être des jouets, sont conçus pour récompenser les nourrissons quand ils sautent et pour contribuer au développement de leurs habiletés motrices. Par conséquent, le Tribunal ne peut pas accepter l’argument de l’ASFC selon lequel ce sont les jouets et les composantes sonores, et non le Roarin’ Rainforest Jumperoo lui-même, qui ont été conçus pour permettre aux enfants de jouer et d’interagir, ainsi que de s’amuser.

38.              S’agissant de l’argument de l’ASFC selon lequel les marchandises en cause ne sont pas commercialisées uniquement en tant que jouets, le Tribunal souligne que cet argument est principalement fondé sur le fait que, sur le site Web de Fisher-Price, les marchandises se trouvent dans la catégorie « Baby Gear » (articles pour bébés) et non dans la catégorie « Interactive Toys » (jouets interactifs). Le Tribunal est d’avis qu’à lui seul, l’argument de l’ASFC n’est pas suffisant pour conclure que les marchandises en cause ne sont pas commercialisées en tant que jouets, compte tenu des autres éléments de preuve au dossier à cet égard. Qui plus est, les renseignements sur le site Web présentent les marchandises en cause comme un « centre de divertissement » [traduction] qui permet aux nourrissons de « rebondir jusqu’à la lune et d’en revenir, le tout en une seule journée de jeu »[34] [traduction]. De toute évidence, le fabricant met l’accent sur le plaisir que procurent les marchandises en cause, et non sur le siège qu’elles comportent.

39.              Le Tribunal ajoute que la catégorie des articles pour bébés sur le site de Fisher-Price est divisée en plusieurs sous-catégories, dont deux sont « Seats » (sièges), qui comprend des sièges pour bébés conçus pour être placés sur le sol, et « High Chairs & Boosters » (chaises hautes et sièges rehausseurs). Il convient de noter que les marchandises en cause ne figurent pas dans ces sous-catégories. Elles sont classées dans la sous-catégorie « Jumperoos & Entertainers » (Jumperoos et centres de divertissement). Ainsi, on ne peut pas affirmer que les marchandises en cause sont commercialisées comme un siège.

40.              En résumé, comme dans Mattel I, les éléments de preuve présentés en l’espèce conduisent le Tribunal à reconnaître que les marchandises en cause ont été précisément conçues dans le but d’amuser les nourrissons et d’offrir une fonction ludique. L’ASFC n’a pas déposé d’élément de preuve qui aurait pu convaincre le Tribunal de conclure autrement dans le présent appel, ni relevé un ou plusieurs éléments dans la décision antérieure du Tribunal qui, à cet égard, étaient erronés du point de vue du droit ou des faits.

41.              Par conséquent, compte tenu des éléments de preuve dont il dispose et comme il l’a fait dans des affaires antérieures, le Tribunal devrait conclure que les marchandises en cause relèvent de la position no 95.03 à titre d’« autres jouets » parce qu’elles permettent d’amuser les nourrissons et les enfants, qu’elles ont intentionnellement été conçues à cette fin et que, par conséquent, leur commercialisation, leur emballage et leur publicité sont axés sur ces caractéristiques. Avant de tirer pareille conclusion, le Tribunal doit cependant tenir compte de l’avis de classement rendu par l’OMD après la décision du Tribunal dans Mattel I et sur lequel se fonde l’ASFC.

Avis de classement

42.              Le Canada est membre de l’OMD et l’un des signataires – c’est-à-dire l’une des « parties contractantes » – de la Convention internationale sur le système harmonisé (la Convention). L’article 6 de la Convention prévoit l’institution d’un Comité du Système harmonisé (le Comité de l’OMD), que l’article 7 habilite à exercer les attributions suivantes :

[...]

b) il rédige des notes explicatives, des avis de classement et d’autres avis pour l’interprétation du Système harmonisé;

c) il formule des recommandations afin d’assurer une interprétation et une application uniformes du Système harmonisé [...][35]

43.              Le Comité de l’OMD examine les questions dont il est saisi en fonction des documents préparés par le Secrétariat de l’OMD, lesquels contiennent des observations et des propositions formulées par les administrations douanières des parties contractantes[36]. Par conséquent, le Comité de l’OMD ne réalise pas un exercice indépendant d’établissement des faits, et il se fonde principalement sur les opinions exprimées par les parties contractantes.

44.              Il convient également de mentionner que, même si le Comité de l’OMD peut participer au règlement de différends entre des parties contractantes, son mandat ne comprend pas la révision des décisions rendues par les administrations douanières des pays membres de l’OMD – encore moins de celles des organismes juridictionnels comme le Tribunal – pour garantir la conformité de ces décisions aux notes explicatives, aux avis de classement ou aux recommandations qu’il rédige. En effet, la Convention ne comprend aucune disposition qui oblige une partie contractante à adopter ou à appliquer un avis de classement.

45.              À la suite de la décision du Tribunal dans Mattel I, l’ASFC a demandé un avis au Comité de l’OMD sur le classement tarifaire des quatre produits en cause dans cette affaire, y compris sur des « sauteurs » très similaires aux marchandises en cause dans le présent appel. L’ASFC affirme, même si elle n’a produit aucun élément de preuve à l’appui, qu’elle a constaté que d’autres membres de la Convention de l’OMD classaient des marchandises similaires dans la position no 94.01 à titre d’« autres sièges ». Elle soutient que son but était de garantir un classement harmonisé et cohérent entre les États membres de l’OMD.

46.              Un examen de la lettre envoyée au Comité de l’OMD révèle que, même si un hyperlien vers la décision du Tribunal dans Mattel I a été transmis au Comité, l’ASFC a essentiellement ignoré les conclusions de fait tirées par le Tribunal relativement au sauteur et a présenté à l’OMD son allégation selon laquelle les marchandises en cause n’étaient pas, en réalité, des jouets quand on les considérait dans leur ensemble parce qu’elles ne comportaient que des accessoires qui possédaient une valeur ludique. L’ASFC a aussi soutenu, comme elle l’avait fait dans Mattel I et comme elle le fait dans le présent appel, que la raison d’être de pareilles marchandises était de fournir un endroit sûr où asseoir un jeune enfant. Pour cette raison elle a fait valoir auprès du Comité de l’OMD qu’elle était d’avis que les marchandises en cause étaient des sièges qui devaient être classés dans la position no 94.01[37].

47.              Le Secrétariat de l’OMD était d’avis que le sauteur présenté par l’ASFC dans sa lettre était essentiellement un siège, et penchait pour un classement dans la position no 94.01[38]. En mars 2015, en prenant en compte l’exposé du délégué du Canada (qui a très vraisemblablement répété la position de l’ASFC qui avait été rejetée par le Tribunal) et les commentaires du Secrétariat de l’OMD, et après que la question eut été soumise à un vote, le Comité de l’OMD a demandé au Secrétariat de préparer quatre avis de classement – dont un concluant que le sauteur devait être classé dans la position no 94.01 – qui seraient examinés lors de sa session suivante[39].

48.              Le Comité de l’OMD a tenu sa 56e session en septembre 2015. Quatre avis de classement, y compris un portant sur un produit presque identique aux marchandises en cause, ont été publiés le 1er décembre 2015. Le Comité de l’OMD a conclu que le produit devait être classé dans la position no 94.01 (et dans la sous-position no 9401.71) en s’appuyant sur les règles 1 et 6 des Règles générales[40].

49.              Comme mentionné ci-dessus, l’article 11 du Tarif des douanes précise qu’il faut tenir compte des avis de classement pour l’interprétation des positions et sous-positions. Il convient toutefois de souligner que ces avis de classement ne sont pas contraignants. Néanmoins, conformément aux précédents établis par la Cour d’appel fédérale, le Tribunal les appliquera, sauf s’il a un motif valable de ne pas le faire. Dans Suzuki, la Cour d’appel fédérale a conclu que, « [d]ans certains cas, la preuve d’expert [pouvait] établir l’existence d’une telle raison »[41] dans le contexte des notes explicatives. Le Tribunal considère que le même principe s’applique aux avis de classement.

50.              La question consiste à savoir si le Tribunal doit appliquer l’avis susmentionné aux circonstances du présent appel, comme l’a demandé l’ASFC. À cet égard, celle-ci soutient que le Tribunal n’a aucun motif valable de rejeter l’avis de classement en l’espèce, et que ledit avis fournit au contraire un motif valable au Tribunal de s’écarter de la décision rendue dans Mattel I. L’ASFC souligne que l’objectif du Système harmonisé est de favoriser la stabilité et la prévisibilité en matière de classement à l’échelle internationale, et que, par conséquent, le Tribunal doit respecter l’avis de classement formulé pour garantir la conformité des pratiques canadiennes à celles des autres membres.

51.              Même si l’ASFC reconnaît que la preuve d’expert peut constituer un motif valable de ne pas appliquer un avis de classement, elle affirme qu’il n’est pas approprié d’agir ainsi dans les circonstances de la présente affaire. Elle soutient que l’arrêt Suzuki doit être interprété de façon étroite afin d’appuyer la proposition selon laquelle la preuve d’expert peut servir à fournir des précisions en cas d’incertitude quant à l’interprétation d’un avis de classement ou si la pertinence de l’avis relatif aux marchandises en cause est difficile à déterminer. L’ASFC soutient qu’aucune de ces conditions n’est respectée en l’espèce et que, par conséquent, le fait de privilégier la preuve d’expert au détriment de l’avis de classement reviendrait à réécrire l’avis de classement.

52.              Mattel répond que la preuve d’expert présentée par M. Huntsberger constitue un motif valable de ne pas appliquer l’avis de classement puisqu’elle contredit directement celui‑ci et les conclusions de fait sous‑jacentes – c’est-à-dire que le Jumperoo est essentiellement conçu comme un siège. Mattel affirme que l’exercice d’établissement des faits réalisés dans Mattel I constitue également un motif valable de rejeter l’avis de classement. Elle allègue que l’avis de classement n’est pas fondé sur l’analyse juridique requise suivant les règles tarifaires; plus précisément, il ne porte ni sur l’applicabilité de la position no 95.03 ni sur l’exigence selon laquelle les marchandises en cause ne doivent pas être comprises dans des positions plus spécifiques de la nomenclature pour pouvoir répondre à la définition de « meuble » figurant dans les notes explicatives. Enfin, Mattel soutient que l’ASFC demandait au Tribunal de fonder sa décision uniquement sur l’avis de classement plutôt que de simplement en tenir compte comme l’un des facteurs de son analyse; Mattel allègue que le Tribunal ne peut confier de cette façon sa faculté de tirer des conclusions de fait au Comité de l’OMD.

53.              Dans Best Buy, la Cour d’appel fédérale a fourni une orientation importante relativement à la signification de la phrase « il est tenu compte [des avis de classement] » qui figure à l’article 11 du Tarif des douanes. Elle a affirmé ce qui suit :

La phrase « il est tenu compte » qui figure à l’article 11 du Tarif des douanes suppose que, même si les avis de l’OMD ne sont pas contraignants, « il faut à tout le moins les prendre en considération » dans le classement des marchandises importées au Canada (Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38, au paragraphe 8, [2016] 2 R.C.S. 80 [Igloo Vikski]). De la même façon, la Cour a examiné la définition du verbe « tenir compte » dans le contexte de l’article 11 du Tarif des douanes et a conclu qu’il signifie « considérer, tenir compte, prêter attention, prendre note » (Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131, au paragraphe 13, [2004] A.C.F. no 615 [Suzuki]). Le fait de « tenir compte » suppose encore plus que le Tribunal doit respecter les avis de l’OMD, à moins qu’il ait un « motif valable » de ne pas le faire (Suzuki, au paragraphe 13). Il est possible que le Tribunal soit au bout du compte en désaccord avec les avis, mais il se doit d’en tenir compte et de fournir un motif valable s’il décide de ne pas les respecter[42].

[Traduction]

54.              Par conséquent, le Tribunal a attentivement examiné l’avis de classement pertinent ainsi que les documents de référence et le travail préparatoire qui ont mené à sa publication. En toute déférence, le Tribunal ne peut souscrire à cet avis et aux motifs sous-jacents. Bref, le Tribunal conclut que l’avis en question n’est pas conforme aux éléments de preuve dont il dispose et que l’analyse du Comité de l’OMD des questions de classement tarifaire pertinentes était incomplète. Plus précisément, les considérations exposées ci-dessous fournissent un motif valable de ne pas l’appliquer[43].

55.              D’abord, le Tribunal est en désaccord avec l’analyse des caractéristiques et de la raison d’être d’un sauteur presque identique aux marchandises en cause, une analyse qui étaye l’avis de classement. Comme mentionné ci-dessus, le Secrétariat et le Comité de l’OMD ont accepté l’opinion de l’ASFC selon laquelle le Jumperoo est essentiellement conçu pour fournir un endroit sûr où asseoir un nourrisson en toute sécurité et qu’il a un but utilitaire, et que, par conséquent, il est essentiellement conçu comme un siège. Il apparaît que pour tirer pareille conclusion, l’OMD s’est fondée uniquement sur la description physique et des photos des marchandises en cause, ainsi que sur les affirmations du délégué du Canada, selon lesquelles les éléments de celles-ci procurant un divertissement étaient secondaires par rapport à sa fonction utilitaire de siège.

56.              Cette conclusion est toutefois contredite par les éléments de preuve, y compris la preuve d’expert, dont dispose le Tribunal. M. Huntsberger est sans aucun doute plus qualifié pour formuler une opinion sur la raison d’être et la conception des marchandises en cause que le délégué canadien ou les autres délégués qui font partie du Comite de l’OMD. Compte tenu de ses connaissances factuelles et de son expertise concernant la conception et le développement des marchandises en cause, il faut accorder beaucoup de poids à sa preuve incontestée, laquelle contredit directement la principale conclusion de fait qui a donné lieu à la conclusion finale de l’avis. À la lumière de la preuve d’expert de M. Huntsberger, il est tout simplement erroné de conclure que les marchandises en cause sont essentiellement conçues comme un siège.

57.              Comme mentionné ci-dessus, la Cour d’appel fédérale a affirmé, dans Suzuki, que la preuve d’expert pouvait établir l’existence d’un motif valable de s’écarter des directives d’interprétation des notes explicatives. De la même manière, si une preuve d’expert contredit des affirmations sur des caractéristiques de marchandises qui constituent le fondement d’un avis de classement, celle-ci devrait fournir un motif solide de ne pas suivre ledit avis. Après tout, la preuve d’expert dans ce contexte est nécessaire pour aider le Tribunal dans le processus d’établissement des faits dans des domaines qui dépassent ses connaissances et son expérience, comme ceux de la conception et de la raison d’être des marchandises en cause. Le rôle d’un expert n’est pas d’aider le Tribunal à interpréter un avis de classement ou à en déterminer la pertinence. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument de l’ASFC selon lequel la preuve d’expert peut seulement être valable, dans un tel contexte, pour apporter des précisions en cas d’incertitude quant à l’interprétation d’un avis de classement ou si la pertinence de l’avis relatif aux marchandises en cause est difficile à déterminer.

58.              Le Tribunal souligne également qu’il a maintenant examiné la conception, les caractéristiques et la raison d’être des marchandises en cause (ou de marchandises très similaires) à deux reprises et que, au terme d’une procédure contradictoire au cours de laquelle tous les éléments de preuve pertinents ont été examinés et tous les témoins contre-interrogés, il ne peut accepter la position de l’ASFC selon laquelle les marchandises en cause ne sont pas un jouet, mais simplement un siège sur lequel se trouvent des jouets. L’examen des documents de référence de l’OMD révèle clairement que la conclusion de l’avis de classement ne découle pas d’un examen approfondi des éléments de preuve tangibles relatifs à la conception et à la nature fondamentale des marchandises en cause. Le Tribunal conclut que, si l’on tient compte du type et de la portée des renseignements pris en compte par l’OMD dans le cadre de son processus de prise de décision, et qu’on les compare avec l’étendue des renseignements dont le Tribunal a tenu compte dans la réalisation de son exercice de classement tarifaire, on trouve également une raison valable de ne pas suivre l’avis de classement.

59.              En d’autres termes, pour suivre l’avis de classement de l’OMD, le Tribunal devrait ne tenir aucun compte de la preuve convaincante qui l’a poussé à conclure que les marchandises en cause sont plus précisément décrites comme d’« autres jouets », et ce, en dépit du fait qu’elles possèdent certaines des caractéristiques des « sièges » décrits dans les notes du chapitre 94. Le fait de « tenir compte » d’un avis de classement ne doit pas être interprété comme une obligation, pour le Tribunal, de l’appliquer dans toutes les circonstances même s’il y a, à son avis, des erreurs dans la description des caractéristiques et de la raison d’être du produit qui fait l’objet de l’examen, ou encore des lacunes importantes dans l’analyse présentée par l’OMD.

60.              Car si tel était le cas, le Tribunal devrait alors essentiellement s’en remettre aux opinions du Comité de l’OMD et, par conséquent, à celles des États membres de l’OMD pour le classement tarifaire des marchandises assujetties à un avis de classement. Cela reviendrait à confier à l’OMD le pouvoir final de déterminer le classement tarifaire approprié des marchandises importées au Canada dans certains cas. Cependant, en ce qui concerne les questions de classement tarifaire, le législateur a adopté une loi – la Loi sur les douanes – qui confère au Tribunal « le pouvoir de trancher certaines questions de manière efficace une fois pour toutes »[44]. Ainsi, les avis de classement ne sont pas décisifs. Ils ne sont que l’un des nombreux éléments dont le Tribunal doit tenir compte dans le cadre de son exercice de classement tarifaire.

61.              En l’espèce, le Tribunal conclut également qu’il est impossible de savoir avec certitude si le Comité de l’OMD s’est penché sur les questions juridiques pertinentes pour décider si le Jumperoo doit être classé dans la position no 94.01 ou dans la position no 95.03. Par exemple, pour le « Produit 3 », c’est-à-dire le Jumperoo, le document du Comité de l’OMD dans lequel est présentée la décision sur le classement révèle que les codes SH envisagés étaient les positions nos 94.01 et 94.03. La position no 95.03 n’y est même pas mentionnée[45].

62.              Qui plus est, un examen des commentaires du Secrétariat de l’OMD révèle que, pour les trois autres produits qui ont été analysés, la question de savoir si les marchandises étaient des jouets relevant potentiellement du chapitre 95 a expressément été prise en compte. Il n’y a aucune référence à la pertinence possible de la position no 95.03 et à son application dans la discussion figurant dans le procès-verbal du Secrétariat relativement au « Produit 3 ». Cela donne à penser que l’analyse de l’OMD était incomplète, voire mal fondée en droit.

63.              En effet, comme mentionné ci-dessus, pour décider si un produit est un jouet, les notes explicatives de la position no 95.03 exigent qu’on tienne compte, entre autres, de la raison d’être de la conception du produit. Or, le Tribunal a toujours maintenu que l’expression « conçu pour » faisait référence à une intention délibérée de la part du fabricant. Rien n’indique que l’OMD s’est penchée sur cette question[46]. Au contraire, sa conclusion selon laquelle le Jumperoo a essentiellement été conçu pour servir de siège repose sur son avis à l’égard des multiples usages que peut avoir ce produit. Bien que les utilisations ou les usages potentiels du Jumperoo puissent être pertinents pour la détermination de son classement tarifaire, on ne peut ignorer l’intention du fabricant qui a l’a conçu, comme l’exigent les notes explicatives de la position no 95.03, pour déterminer si les marchandises peuvent être classées dans cette position.

64.              Ainsi, le Tribunal ne peut que conclure que l’analyse présentée par l’OMD est incomplète et incompatible avec la jurisprudence canadienne[47]. À cet égard, rien ne démontre que l’OMD s’est penchée sur la question de savoir si le Jumperoo pouvait être décrit dans des positions plus spécifiques de la nomenclature, et ce, même s’il pouvait être considéré comme un siège.

65.              Par conséquent, le Tribunal conclut que de nombreux éléments de la justification de l’OMD qui étayent l’avis de classement sont discutables, voire incorrects, sur le plan des faits ou du droit. Pour cette raison, le Tribunal ne peut qu’être en désaccord avec l’avis de classement et s’écarter de ses directives, comme il en a expressément le droit[48]. Dans l’ensemble, la jurisprudence du Tribunal et les faits propres à l’espèce entraînent le classement des marchandises en cause dans la position no 95.03.

66.              Enfin, le Tribunal souligne que, même si la Convention oblige les pays à appliquer les Règles générales ainsi que les notes de sections, de chapitres et de sous-positions, il n’en va pas de même pour les avis de l’OMD[49]. Bien que l’harmonisation des pratiques en matière de classement tarifaire entre les différents pays soit un objectif louable – et le Tribunal a par ailleurs conclu qu’il « n’[était] pas opportun de simplement écarter les [directives] »[50] de l’OMD –, le fait que les notes explicatives et les avis de classement ne soient pas contraignants indique que la Convention n’envisage pas l’application de ces directives par les membres dans toutes les circonstances. Par conséquent, le Tribunal ne partage pas la préoccupation de l’ASFC selon laquelle le fait de s’écarter des directives fournies par l’avis de classement, s’il existe un motif valable de le faire, mine l’objectif de l’harmonisation des tarifs douaniers.

67.              Ainsi, les marchandises en cause sont plus précisément décrites comme d’« autres jouets » et, suivant la note A) des notes explicatives du chapitre 94, elles ne peuvent pas être classées dans le chapitre 94[51].

68.              Pour terminer, le Tribunal estime qu’il convient de se pencher sur l’argument de l’ASFC selon lequel le fait qu’elle tienne compte de l’avis de classement en l’espèce ne constitue pas une tentative de sa part pour contourner la décision du Tribunal dans Mattel I, mais plutôt une application des principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Bri-Chem. Le Tribunal ne souscrit pas à cette affirmation.

69.              Dans Bri-Chem, la Cour a clairement indiqué que l’ASFC était un administrateur dont les actes et les décisions sont régis par le Tribunal. En résumé, elle doit respecter les décisions du Tribunal, suivant le principe de la prééminence d’un tribunal : « [L]a décision d’un tribunal lie ceux qui relèvent de sa juridiction, notamment les administrateurs, à moins qu’un tribunal judiciaire ne se prononce ultérieurement »[52]. La Cour a aussi clairement affirmé que le régime de la Loi établit que c’est au Tribunal a qui est conféré le pouvoir de trancher les questions de tarification de manière efficace une fois pour toutes, et que, dans le contexte de l’importation de marchandises et du commerce international, les principes de la certitude, de la prévisibilité et de l’irrévocabilité importent considérablement étant donné que des courtiers en douane et d’autres acteurs doivent traiter chaque jour l’entrée de millions de marchandises sur notre marché de façon rapide, efficace et prévisible[53].

70.              L’application de ces principes est incompatible avec les mesures prises par l’ASFC en l’espèce. La Loi n’envisage pas la possibilité que, dans les cas où le Tribunal a rendu une décision finale qui n’a pas été contestée devant les cours de révision par l’intermédiaire du mécanisme de recours prévu, l’administrateur puisse demander et obtenir un avis de classement de l’OMD sur la même question, puis décider, en se fondant sur ledit avis, que la décision du Tribunal ne s’applique plus. Les mesures prises par l’ASFC en l’espèce minent les principes de la certitude, de la prévisibilité, de l’irrévocabilité et de la prééminence du Tribunal, parce qu’une question que Mattel et les autres intervenants avaient toutes les raisons de croire réglée a fait l’objet d’un nouveau litige. Là encore, ce sont les décisions du Tribunal qui lient l’ASFC, et non les avis de classement publiés par l’OMD.

71.              Même s’il est vrai que, dans Bri-Chem, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il pouvait y avoir des situations où un administrateur a des réserves véritables sur la justesse d’une décision antérieure et estime qu’il faut rompre avec celle-ci, elle a expliqué qu’un administrateur pouvait s’opposer à une décision seulement si certaines conditions étaient réunies. La Cour était d’avis que, dans le cas du régime administratif établi dans la Loi, l’administrateur devait être en mesure de circonscrire, en s’appuyant sur des motifs valables, un ou plusieurs éléments précis de la décision d’un tribunal qui étaient probablement viciés, de son avis éclairé et de bonne foi[54]. Le Tribunal est d’avis que l’ASFC n’est pas parvenue à démontrer que les conditions en question – qui sont très rigoureuses – étaient réunies en l’espèce.

72.              En effet, l’ASFC a contesté la décision du Tribunal dans Mattel I devant l’OMD sans circonscrire un élément vicié dans ladite décision. Dans le présent appel, elle a tenté de convaincre le Tribunal qu’il devait classer les marchandises en cause dans la position no 94.01 en s’appuyant essentiellement sur les mêmes observations et sans présenter de nouveaux éléments de preuve. Le Tribunal ne voit pas comment Bri-Chem peut être interprété de façon à permettre à l’ASFC, quand une décision du Tribunal – dont elle ne peut distinguer les faits de ceux de l’espèce – lui fait obstacle, de demander un avis de classement qui va dans le sens de sa position, puis donner préséance à cet avis plutôt qu’à la décision antérieure du Tribunal.

73.              Dans la mesure où l’ASFC a estimé que l’avis de classement était suffisant pour remettre en question la validité de la décision du Tribunal dans Mattel I, elle aurait pu se prévaloir du recours prévu à l’article 70 de la Loi, qui lui permet de « consulter » le Tribunal sur toute question se rapportant, entre autres, au classement tarifaire de marchandises. Cette voie aurait été moins préjudiciable pour Mattel, et le principe de la prééminence du tribunal aurait été pris en compte.

Classement dans la sous-position et le numéro tarifaire

74.              Par application de la règle 1 des Règles générales, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 95.03. Il n’y a qu’une seule sous-position dans la position no 95.03, c’est-à-dire la sous-position no 9503.00. Suivant la règle 6, les marchandises en cause doivent donc être classées dans la sous-position no 9503.00, à titre d’« autres jouets ».

75.              Il y a deux numéros tarifaires dans la sous-position no 9503.00 : le numéro 9503.00.10, jouets à roues, et le numéro 9503.00.90, autres jouets. Les marchandises en cause ne sont pas un jouet à roues et, par conséquent, selon la règle 1 des Règles canadiennes, elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9503.00.90.

DÉCISION

76.              L’appel est admis.




Georges Bujold                       
Georges Bujold
Membre présidant



[1].     L.R.C., 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     Fisher-Price est la propriété de Mattel: Transcription de l’audience publique à la p. 23.

[3].     Transcription de l’audience publique à la p. 21.

[4].     2019 FCA 20 [Best Buy].

[5].     Pièce AP-2018-005-04A aux par. 9-11, vol. 1.

[6].     Pièce AP-2018-005-06A au par. 9, vol. 1.

[7].     Le Tribunal souligne que Mattel qualifie la composante du siège de « harnais » [traduction] dans son mémoire, mais qu’il est indiqué dans les renseignements sur le produit de Mattel, ainsi que sur la boîte du produit elle-même qui a été déposée à titre d’objet, que cette composante est un « siège pivotant » [traduction]. Pièce AP-2018-005-06B, vol. 1 aux p. 41-42 et pièce AP-2018-005-A-01.

[8].     (10 juillet 2014), AP-2013-034 et AP-2013-040 (TCCE) [Mattel I].

[9].     En fait, le Tribunal souligne qu’un modèle de marchandise portant le nom de Rainforest Jumperoo avait été déposé à titre d’exemplaire dans Mattel I; voir le paragraphe 13.

[10].   Mattel I au par. 12 et Transcription de l’audience publique aux p. 37-39.

[11].   L.C. 1997, ch. 36.

[12].   L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[13].   L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[14].   Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[15].   Organisation mondiale des douanes, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[16].   Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII) aux par. 13, 17 et Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Inc., 2019 CAF 20 au par. 4.

[17].   Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au par. 21.

[18].   Selon les règles 1 à 6 des Règles générales, « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles [1 à 5] [...] » et « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[19].   La règle 1 des Règles canadiennes stipule que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

[20].   Mattel I aux par. 37-38.

[21].   Mattel I aux par. 39-40.

[22].   Mattel I à la p. 47.

[23].   Mattel I aux p. 51-54.

[24].   Mattel I aux p. 55-57.

[25].   Pièce AP-2018-005-06B, vol. 1 à la p. 40.

[26].   Transcription de l’audience publique à la p. 34.

[27].   Transcription de l’audience publique à la p. 28.

[28].   Transcription de l’audience publique aux p. 29, 36.

[29].   Transcription de l’audience publique aux p. 30-33.

[30].   Transcription de l’audience publique aux p. 55-56.

[31].   Transcription de l’audience publique à la p. 60.

[32].   Transcription de l’audience publique aux p. 39-40, 49.

[33].   Transcription de l’audience publique aux p. 46-48, 54-55.

[34].   Pièce AP-2018-005-06B, vol. 1 aux p. 41-42.

[35].   Pièce AP-2018-005-06B, vol. 1 à la p. 50.

[36].   Pièce AP-2018-005-06B, vol. 1 à la p. 10; article 5, Mandat du Comité du Système harmonisé, en ligne : http://www.wcoomd.org/fr/about-us/wco-working-bodies/tarif_and_trade/harmonized_system_committee.aspx.

[37].   Pièce AP-2018-005-08A, vol. 1 aux p. 10-13.

[38].   Pièce AP-2018-005-08A, vol. 1 à la p. 6. Les parties conviennent que le modèle est presque identique aux marchandises en cause dans le présent appel.

[39].   Pièce AP-2018-005-08A, vol. 1 aux p. 14-15. Le Tribunal constate que, dans le cas du sauteur (désigné comme le « Produit 3 » dans la décision du Comité), 35 délégués ont voté en faveur de son classement dans la position no 94.01, tandis que quatre délégués ont voté en faveur de son classement dans la position no 94.03.

[40].   Pièce AP-2018-005-04A, vol. 1 aux p. 60-61; pièce AP-2018-005-06B, vol. 1 à la p. 263.

[41].   Suzuki au par. 17.

[42].   Best Buy au par. 4.

[43].   La Cour d’appel fédérale a reconnu que des motifs valables autres que la preuve d’expert contradictoire permettaient de s’écarter des notes explicatives et, par extension, des avis de classement : voir Canada (Services frontaliers) c. Decolin inc., 2006 CAF 417, aux par. 8, 10 et 57.

[44].   Canada (Procureur général) c. Bri-Chem Supply Ltd., 2016 CAF 257 [Bri-Chem] au par. 42.

[45].   Pièce AP-2018-005-04A, vol. 1 à la p. 59.

[46].   Bien qu’il y ait un renvoi aux notes explicatives de la position no 94.01 dans les parties pertinentes de la documentation, on ne retrouve aucune discussion explicite sur les notes explicatives du chapitre 95 et de la position no 95.03 dans ces paragraphes. Comme mentionné, en ce qui concerne les références aux termes « jouet » et « amusement » dans les documents de l’OMD, il est difficile de savoir si elles ont orienté l’analyse effectuée pour le « Produit 3 ». En fait, l’analyse du « Produit 3 » porte principalement sur les différences entre le « Produit 3 » et les parcs, lesquels ont été classés dans la position no 94.03 lors des séances antérieures du Comité, ainsi que son prédécesseur. Le Tribunal conclut que cette question n’est pas pertinente pour le différend sur le classement tarifaire dans le présent appel. Pièce AP-2018-005-08A, vol. 1 aux p. 4-5 (par. 7-9, 16-20).

[47].   Le Tribunal souligne que, dans l’affaire DSM Nutritional Products Canada Inc. (2 décembre 2008), AP-2007-012 (TCCE), au par. 63, il a décidé de s’écarter des directives fournies dans les avis de classement pour les motifs suivants : « Le Tribunal est d’avis, en l’espèce, que les directives fournies par les Avis de classement sont incompatibles avec le cadre législatif canadien. En effet, après avoir examiné les Avis de classement, le Tribunal estime que sa propre jurisprudence, de même que celle de la Cour d’appel fédérale, et les faits précis de la présente cause exigent que la vitamine B12 1 % soit classée à titre de médicament dans le numéro tarifaire 3003.90.00. » Les motifs du Tribunal ne précisent pas que les directives fournies par les avis de classement pris en compte dans cette affaire étaient incompatibles avec quoi que ce soit d’autre que la jurisprudence canadienne.

[48].   Best Buy au par. 5.

[49].   La Convention se trouve à la pièce AP-2018-005-06B, vol. 1 aux p. 48-53.

[50].   J. Cheese Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 septembre 2016), AP-2015-011 (TCCE) au par. 72.

[51].   Le Tribunal note que, depuis Mattel I, les notes explicatives du chapitre 94 ont été modifiées et que la phrase suivante a été ajoutée : « Les sièges de cette position peuvent intégrer des composants complémentaires qui ne sont pas propres à un siège, comme par exemple des jouets, des éléments vibrants, de la musique ou des sons, ainsi que des lumières. » Cet ajout ne change pas le fait que, pour être classés dans le chapitre 94, les sièges ne doivent pas être compris dans une position plus spécifique de la nomenclature, ce qui n’est pas le cas des marchandises en cause. En outre, cette note ne nécessite pas que les sièges qui intègrent ces différents composants soient classés dans ce chapitre de la nomenclature, à l’exclusion de tous les autres. Elle indique simplement que les sièges classés dans le chapitre 94 peuvent intégrer des composants qui ne sont pas propres à un siège. Dans tous les cas, le classement des marchandises en cause dans la position no 95.03 ne découle pas de la présence de leurs composants jouets. Le Tribunal a conclu que, dans l’ensemble, les marchandises en cause sont conçues pour procurer un amusement et offrir une fonction ludique aux nourrissons.

[52].   Bri-Chem au par. 45.

[53].   Bri-Chem aux par. 42-43.

[54].   Bri-Chem aux par. 48-53.

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