Appels en matière de douanes et d’accise

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Demande no EP-2019-002

Coalision Inc.

Ordonnance et motifs rendus
le mercredi 18 septembre 2019

 



EU ÉGARD À une demande présentée par Coalision Inc., aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes, en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, à l’égard d’une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada datée du 19 mars 2019.

ORDONNANCE

Ayant examiné la demande et les observations présentées par Coalision Inc. et ayant pris acte que le président de l’Agence des services frontaliers du Canada n’a pas pris position sur la demande, le Tribunal canadien du commerce extérieur est convaincu que les exigences et conditions énoncées à l’article 67.1 de la Loi sur les douanes ont été satisfaites.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur, par les présentes, fait droit à la demande en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel et accepte les documents déposés par Coalision Inc. le 24 juin 2019 à titre d’avis d’appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes.
















Jean Bédard                            
Jean Bédard, c.r.
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1.                  Il s’agit d’une demande présentée par Coalision Inc. (Coalision) le 24 juin 2019[1], aux termes de l’article 67.1 de la Loi sur les douanes[2], en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel contre une décision du président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2.                  L’appel de Coalision conteste la détermination de l’ASFC rendue le 19 mars 2019 concernant le prix payé ou à payer pour les marchandises importées.

3.                  Le paragraphe 67(1) de la Loi requiert qu’un avis d’appel soit déposé auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur dans les 90 jours suivant la notification de l’avis de décision. Cela signifie que la date limite était le 17 juin 2019. Coalision a présenté la présente demande et déposé un avis d’appel le 24 juin 2019, soit sept jours après la date limite.

4.                  Le 28 juin 2019, le Tribunal a accusé réception de la demande et a demandé à l’ASFC de déposer ses observations, le cas échéant, au plus tard le 29 juillet 2019. Le 3 juillet 2019, l’ASFC a demandé 30 jours additionnels pour déposer ses observations. Avec le consentement de Coalision, le Tribunal a fait droit à la requête de l’ASFC.

5.                  Le 12 août 2019, l’ASFC a avisé le Tribunal qu’elle ne déposerait pas d’observations en réponse en l’espèce.

CADRE LÉGISLATIF

6.                  Le paragraphe 67(1) de la Loi stipule ce qui suit :

67 (1) Toute personne qui s’estime lésée par une décision du président rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d’appel auprès du président et du Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l’avis de décision.

7.                  L’article 67.1 de la Loi stipule ce qui suit :

67.1 (1) La personne qui n’a pas interjeté appel dans le délai prévu à l’article 67 peut présenter au Tribunal canadien du commerce extérieur une demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Le tribunal peut faire droit à la demande et imposer les conditions qu’il estime justes.

(2) La demande de prorogation énonce les raisons pour lesquelles l’avis d’appel n’a pas été déposé dans le délai prévu.

(3) La demande de prorogation se fait par dépôt, auprès du président et du Tribunal canadien du commerce extérieur, de la demande et de l’avis d’appel.

(4) Il n’est fait droit à la demande de prorogation que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai d’appel prévu à l’article 67;

b) l’auteur de la demande établit ce qui suit :

(i) au cours du délai d’appel prévu à l’article 67, il n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

(ii) il serait juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que possible,

(iv) l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

ANALYSE

8.                  Il incombe à la partie désirant obtenir une prorogation de délai de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les conditions énoncées à l’article 67.1 de la Loi sont remplies. Pour que ce fardeau soit satisfait, la preuve présentée doit être claire, convaincante et pertinente[3]. Le Tribunal conclut que Coalision s’est acquittée de ce fardeau pour les raisons suivantes.

La demande a été présentée dans l’année

9.                  Comme la demande de Coalision a été présentée seulement sept jours après la date limite pour déposer un avis d’appel, elle a donc été présentée dans le délai de un an stipulé à l’alinéa 67(4)a) de la Loi.

La requérante a démontré qu’elle avait véritablement l’intention d’interjeter appel

10.              Coalision a fait parvenir un courriel à l’ASFC le 24 mai 2019, plusieurs semaines avant la fin du délai de 90 jours, communicant son intention d’interjeter appel auprès du Tribunal. Le Tribunal est convaincu que cela démontre que Coalision avait, au cours de la période d’appel, véritablement l’intention d’interjeter appel.

Il est juste et équitable de faire droit à la demande

11.              Coalision soutient avoir manqué la date limite à cause d’une erreur administrative. L’ASFC a rendu deux décisions distinctes concernant la même question d’évaluation de la valeur en douane dans moins de deux mois l’une de l’autre. La décision en cause a été rendue le 19 mars 2019, mais une décision connexe ayant trait à une pénalité aux termes de l’article 131 de la Loi a été rendue le 10 mai 2019. Coalision soutient que cela a créé de la confusion dans la détermination de la date limite appropriée pour interjeter appel.

12.              Dans Full Bore, le Tribunal a considéré qu’il était juste et équitable de faire droit à une demande de prorogation du délai aux termes de l’article 60.2 de la Loi quand « une erreur a été commise de bonne foi et que des mesures visant à la corriger ont été prises promptement »[4]. Les circonstances en l’espèce sont similaires : Coalision a commis une erreur administrative de bonne foi et a promptement pris des mesures visant à la corriger.

13.              Attendu que l’ASFC n’a déposé aucune observation en l’espèce, le Tribunal ne voit aucune raison pour laquelle il ne serait pas juste et équitable de faire droit à la demande de Coalision. 

La demande a été présentée dès que possible

14.              Comme le Tribunal l’a déjà affirmé, il n’y a pas de critère nettement défini pour déterminer si une demande a été présentée dès que possible; le Tribunal doit plutôt trancher au cas par cas selon les faits[5]. En l’espèce, le Tribunal conclut que Coalision a agi promptement et a présenté sa demande dès que possible après s’être rendu compte de son erreur.

15.              En effet, les documents ont premièrement été déposés seulement six jours après le délai de 90 jours, tôt le dimanche 23 juin 2019. Coalision a par la suite apporté des corrections à ses observations ayant trait à des renseignements confidentiels le lundi 24 juin 2019, qui était un jour férié au Québec. Coalision travaillait donc à sa demande hors des heures normales de travail. Le Tribunal estime que cela constitue une preuve que Coalision considérait qu’il s’agissait d’une affaire urgente.

L’appel est fondé sur des motifs raisonnables

16.              Coalision a fait des paiements au fabricant des vêtements qu’elle a importé pour des tissus inutilisés qui sont restés après la production des vêtements. L’ASFC a considéré les tissus inutilisés comme une dépense pour produire les vêtements, que Coalision a remboursée au fabricant. L’ASFC a donc considéré que ces paiements ont été effectués « en paiement des marchandises » conformément à la définition de « prix payé ou à payer » qui figure au paragraphe 45(1) de la Loi. Par conséquent, l’ASFC a inclus ces paiements dans le « prix payé ou à payer » pour les vêtements dans le calcul de la valeur en douane.

17.              Coalision soutient que ces paiements pour des matières excédentaires sont distincts des paiements pour les vêtements importés eux-mêmes, et que l’ASFC ne peut étendre la portée de la définition de l’expression « prix payé ou à payer » pour comprendre des paiements effectués pour d’autres marchandises. De plus, Coalision soutient que l’ASFC n’a pas pris en considération les principes juridiques et comptables appropriés liés à l’acquisition de marchandises dans sa détermination du prix.

18.              Le Tribunal a déjà affirmé qu’un appel est fondé sur des motifs raisonnables quand l’appelant « semble soulever une question défendable »[6]. Le Tribunal conclut que les observations de Coalision ci‑dessus  soulèvent une question défendable en ce qui concerne le calcul approprié du prix payé ou à payer pour les vêtements importés et qu’elles démontrent, par conséquent, que l’appel est fondé sur des motifs raisonnables.

DÉCISION

19.              Pour les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal fait droit à la demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi.

20.              Étant donné que Coalision a déposé un avis d’appel auprès du Tribunal et que celui-ci a été communiqué à l’ASFC, le Tribunal considère que l’appel a été déposé le jour où la présente ordonnance a été rendue et, de ce fait, communiquera aux parties les dates pour le dépôt de leurs observations.




Jean Bédard                            
Jean Bédard, c.r.
Membre présidant



[1].     La demande de Coalision en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai et son avis d’appel sont datés du samedi 22 juin 2019. Coalision fait donc référence à un retard de cinq jours quant au dépôt de son avis d’appel. Toutefois, les documents ont été expédiés tôt le dimanche 23 juin 2019. De plus, Coalision a déposé des versions révisées confidentielles et non confidentielles de ses observations le lundi 24 juin 2019. Par conséquent, le Tribunal considère que les documents ont été déposés le 24 juin 2019.

[2].     L.R.C., 1985, ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[3].     B. Erickson Manufacturing Limited (3 avril 2017), EP-2016-001 (TCCE) au par. 6; F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41, 2008 CSC 53 (CanLII) au par. 46.

[4].     Full Bore Marketing Inc. (22 août 2018), EP-2018-001 (TCCE) au par. 18. Voir aussi Latoplast Ltd. (25 juillet 2019), EP-2019-001 (TCCE) [Latoplast] au par. 14.

[5].     Latoplast au par. 18.

[6].     American Standard Bath & Kitchen (Canada) (25 mai 2004), EP-2003-008 (TCCE) au par. 11.

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