Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2018-059

Imagination Hobby and Collection Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mardi 22 octobre 2019

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 11 juillet 2019 aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 30 octobre 2018 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

IMAGINATION HOBBY AND COLLECTION INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est accueilli.
















Randolph W. Heggart             
Randolph W. Heggart
Membre présidant


Lieu de l’audience :                                               Ottawa (Ontario)
Date de l’audience :                                               le 11 juillet 2019

Membre du Tribunal :                                            Randolph W. Heggart, membre présidant

Personnel de soutien :                                            Sarah Perlman, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Imagination Hobby and Collection Inc.

Marco Ouellet
Jeffrey Goernert

 

Intimé

Conseillers/représentants

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Luc Vaillancourt
David Di Sante

TÉMOIN :

Daniel Boyer

Copropriétaire

Imagination Hobby and Collection Inc.

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1.                  Le présent appel a été interjeté par Imagination Hobby and Collection Inc. (Imagination) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1] contre une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 30 octobre 2018 aux termes du paragraphe 60(4).

2.                  Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si sept modèles de figurines (les marchandises en cause) sont correctement classées dans les numéros tarifaires 3926.40.10 ou 3926.40.90 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre de statuettes ou autres objets d’ornementation en matières plastiques comme l’a déterminé l’ASFC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9503.00.90 à titre d’autres poupées, jouets, modèles réduits et modèles similaires pour le divertissement, animés ou non, comme le soutient Imagination.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3.                  Dans le cadre de différentes transactions entre février 2014 et juin 2017, Imagination a importé les marchandises en cause dans les numéros tarifaires 9503.00.90 et 9703.00.00. L’ASFC a réalisé une vérification de la conformité et a conclu le 24 août 2017 que les marchandises devaient être classées dans le numéro tarifaire 3926.40.10.

4.                  Le 2 mai 2018, Imagination a présenté une demande de révision fondée sur l’article 60 de la Loi, affirmant que les marchandises devaient être classées dans le numéro tarifaire 9503.00.90 à titre de poupées et autres modèles réduits. L’ASFC a rejeté la demande le 30 octobre 2018.

5.                  Le 17 janvier 2019, Imagination a interjeté appel devant le Tribunal en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi.

6.                  Le 11 juillet 2019, le Tribunal a tenu une audience publique à Ottawa (Ontario). Imagination a fait comparaître un témoin, Daniel Boyer, copropriétaire d’Imagination. L’ASFC n’a fait comparaître aucun témoin.

MARCHANDISES EN CAUSE

7.                  Les marchandises en cause consistent en sept modèles de figurines en format premium (échelle 1:4) fabriquées en polystone, lesquelles peuvent être assorties d’accessoires fabriqués en tissu, en caoutchouc ou en plastique. Les modèles sont les suivants : 3002632 (Catwoman, figurine en version classique), 300169 (Daredevil), 300159 (Predator 2), 300378 (Thor, The Dark World), 902309 (Bumblebee), 300395 (The Executioner) et 300449 (Skratch: Hound of the Executioner). Chaque modèle doit être assemblé et est fixé à une base solide.

CADRE LÉGISLATIF

8.                  La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD)[3]. L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires.

9.                  Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé[4] et les Règles canadiennes[5] énoncées dans l’annexe.

10.              Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles.

11.              L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[6] et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises[7] publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il n’existe un motif valable de ne pas le faire[8].

12.              Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des notes explicatives et des avis de classement applicables. Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’affaire Igloo Vikski, ce n’est « seulement lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales »[9].

13.              Une fois que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée[10]. L’étape finale consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié[11].

14.              La nomenclature des numéros tarifaires 3926.40.10 et 3926.40.90, soit le classement tarifaire proposé par l’ASFC, est la suivante :

Section VII

MATIÈRES PLASTIQUES ET OUVRAGES EN CES MATIÈRES;
CAOUTCHOUC ET OUVRAGES EN CAOUTCHOUC

Chapitre 39

MATIÈRES PLASTIQUES ET OUVRAGES EN CES MATIÈRES

[...]

39.26         Autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des nos 39.01 à 39.14.

[...]

3926.40     -Statuettes et autres objets d’ornementation

3926.40.10 - - -Statuettes

3926.40.90 - - -Autres objets d’ornementation

15.              La note 2y) du chapitre 39 est libellée comme suit :

2.   Le présent Chapitre ne comprend pas:

[...]

(y)  les articles du Chapitre 95 (jouets, jeux, engins sportifs, par exemple); [...]

16.              La nomenclature du numéro tarifaire 9503.00.90, soit le classement tarifaire proposé par Imagination, est la suivante :

Section XX

MARCHANDISES ET PRODUITS DIVERS

Chapitre 95

JOUETS, JEUX, ARTICLES POUR DIVERTISSEMENTS OU POUR SPORTS;
LEURS PARTIES ET ACCESSOIRES

9503.00     Tricycles, trottinettes, autos à pédales et jouets à roues similaires; landaus et poussettes pour poupées; poupées; autres jouets; modèles réduits et modèles similaires pour le divertissement, animés ou non; puzzles de tout genre.

[...]

9503.00.90 - - -Autres

POSITION DES PARTIES

Imagination

17.              Imagination fait valoir que les marchandises en cause sont des jouets, à savoir qu’un « jouet » désigne « un modèle ou une réplique miniature d’un objet, utilisé particulièrement pour jouer (bateau jouet) »[12] [traduction]. De plus, selon Imagination, le fait que le fabricant des marchandises en cause s’appelle « Sideshow Toys » (Sideshow) montre son intention d’offrir des « jouets » ou des « poupées » en série limitée[13]. M. Boyer, le témoin d’Imagination, affirme que les marchandises en cause sont commercialisées comme des « pièces de collection », de façon à ce qu’elles puissent être vendues à un prix plus élevé, mais qu’elles sont néanmoins des jouets, quoique des jouets dispendieux[14].

18.              Imagination fait aussi valoir que les marchandises en cause sont des « poupées », à savoir qu’une poupée est habituellement définie comme une « petite représentation d’une figure humaine, utilisée particulièrement comme un jouet »[15] [traduction]. Imagination définit également les marchandises en cause comme des « figurines d’action », à savoir que le terme « figurine » est utilisé pour « évoquer la forme d’un être humain »[16] [traduction]. Imagination souligne que les marchandises en cause sont assorties de divers accessoires, semblables à ceux des poupées, comme des ceintures en cuir, des capes en tissu et d’autres articles du genre.

19.              Imagination soutient que les notes explicatives de la position no 95.03 englobent les poupées qui ne sont destinées qu’à un usage décoratif[17]. Selon Imagination, les marchandises en cause ont un usage décoratif[18]. Cependant, dans son témoignage, M. Boyer affirme que les marchandises en cause ont aussi une valeur ludique de par leur assemblage, leur positionnement et leur exposition, entre autres choses[19]. Imagination soutient que les marchandises en cause sont destinées au divertissement des adultes et que, par conséquent, leur utilisation comme jouet est différente de celle d’un jouet pour enfant. Imagination affirme que les marchandises en cause permettent de s’amuser, en changeant certains accessoires. Par ailleurs, dans le cas du modèle Bumblebee, il est possible notamment de jouer avec les lumières.

20.              Selon Imagination, les marchandises en cause peuvent être classées non seulement à titre de jouets et de poupées, mais aussi à titre de « modèles réduits », car elles cadrent avec la définition de « jouet » citée précédemment, laquelle assimile les répliques miniatures à des jouets. M. Boyer affirme que les modèles de chars d’assaut ou d’avions sont extrêmement fragiles, mais qu’ils sont tout de même classés dans la catégorie des jouets[20].

21.              Enfin, Imagination soutient que les marchandises en cause ne sont pas des statues ou des statuettes de la position no 39.26. Imagination définit les statues comme des figurines « sculptées » [traduction] ou « moulées » [traduction] représentant une personne ou un animal, en particulier celles qui sont grandeur nature ou plus grandes, faites d’une seule pièce et qui ne nécessitent aucun assemblage, ne comportent aucune pièce mobile ou accessoire ni aucune valeur ludique et sont uniquement destinées à des fins décoratives[21]. En plus de ce qui précède, Imagination soutient que les marchandises en cause sont composées de différentes pièces moulées, et, de ce fait, elles ne sont pas des statues ou des statuettes.

ASFC

22.              L’ASFC fait valoir que le libellé de la position n95.03 englobe une liste des marchandises et des « autres jouets » suggérant fortement que les marchandises figurant dans la liste, comme les poupées, sont des jouets. Selon l’ASFC, le terme « jouets » doit être interprété de façon libérale et comprend un vaste éventail d’articles qui ont une valeur ludique ou une valeur de divertissement[22]. Bien que l’ASFC ne conteste pas la valeur de divertissement des marchandises en cause, elle soutient que les jouets doivent avoir une valeur ludique et que le divertissement ne correspond pas à la valeur ludique.

23.              Selon l’ASFC, les marchandises en cause ne sont pas des jouets, car elles n’ont aucune valeur ludique : elles sont rigides et montées sur une base pour qu’elles demeurent en position fixe ou semi-fixe une fois assemblées, elles pèsent de 5 à 20 lb et elles sont commercialisées comme des pièces de collection, non pas comme des jouets[23]. L’ASFC fait aussi valoir que l’assemblage des marchandises ne comporte aucune valeur ludique, car il s’agit d’une étape simple qui n’est réalisée qu’une seule fois.

24.              De plus, l’ASFC soutient, d’une part, que la valeur ludique ou la valeur de divertissement d’une marchandise n’est pas suffisante en tant que telle pour que celle-ci soit considérée comme un jouet, et, d’autre part, que la « valeur esthétique visuelle » atténue la valeur ludique ou la valeur de divertissement des marchandises lorsque la valeur esthétique visuelle constitue la principale source du plaisir qu’elles procurent[24].

25.              Selon l’ASFC, les marchandises en cause ne sont pas des poupées, car elles ne sont ni petites[25] ni une représentation d’une figure humaine. L’ASFC soutient également que les marchandises en cause ne sont pas des modèles réduits, puisque le champ d’application de ce terme est restreint par les exemples fournis dans les notes explicatives de la position no 95.03 pour inclure les « modèles réduits, même animés, de bateaux, véhicules aériens, trains, véhicules automobiles, par exemple ». L’ASFC affirme que les marchandises en cause ne sont pas semblables ou analogues à ces marchandises, car elles sont déjà peintes et moulées, et que leur assemblage est très simple, contrairement aux modèles réduits cités en exemple.

26.              Selon l’ASFC, le polystone est un composite de plastique et, par conséquent, les marchandises en cause sont des ouvrages en plastique[26]. L’ASFC soutient que les marchandises en cause ne peuvent être classées dans aucune des positions du Chapitre 39 en particulier et doivent donc être classées dans la position résiduelle no 39.26.

27.              L’ASFC fait valoir que les marchandises en cause sont des statuettes du numéro tarifaire 3926.40.10, car elles sont des figurines en trois dimensions qui représentent des formes de vie mythiques et quelles sont de plus petites tailles que les statues.[27] Subsidiairement, l’ASFC soutient que les marchandises en cause sont des objets d’ornementation du numéro tarifaire 3926.40.90. Selon l’ASFC, les notes explicatives de la position no 83.06 présentent une définition libérale des « statuettes et autres objets d’ornementation » en métaux, soit un « ensemble d’articles très divers en tous métaux communs [...] dont la caractéristique essentielle est de se prêter à la décoration »[28]. L’ASFC fait valoir que, comme l’affirme Imagination, les marchandises en cause sont de nature décorative et, par conséquent, elles cadrent avec la définition d’« objet d’ornementation ».

ANALYSE

28.              Les parties conviennent que les marchandises du chapitre 95 sont exclues du chapitre 39 selon la note 2(y) du chapitre 39, et que le Tribunal doit commencer son analyse par le chapitre 95. Par conséquent, aux fins de la classification des marchandises en cause, le Tribunal se penchera d’abord sur le chapitre 95[29].

29.              Comme les marchandises en cause forment un tout, mais qu’elles sont présentées désassemblées, elles doivent être classées en conformité avec l’article 1 et l’alinéa 2a) des Règles.

Les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 95.03

30.              Les notes explicatives du chapitre 95 prévoient ce qui suit : « Le présent Chapitre comprend les jouets et les jeux pour l’amusement des enfants et la distraction des adultes ». ». Le Tribunal partage l’avis de l’ASFC, à savoir que le terme « jouets » doit être interprété libéralement et qu’il comprend un vaste éventail d’articles qui sont caractérisées entre autres par leur valeur ludique ou de divertissement[30]. La question de savoir si un article constitue un jouet est une question de fait qui doit être déterminée au cas par cas. Pour déterminer si un article est un jouet, « l’utilisation prévue de cette marchandise et son utilisation réelle ainsi que la manière dont elle est commercialisée, emballée et annoncée [doit être examinée] »[31].

31.              Dans Confiserie Regal inc. c. Sous-ministre du Revenu national[32], le Tribunal a affirmé ce qui suit :

En ce qui a trait aux jouets en général, et à la lumière de l’affaire Zellers, le Tribunal fait remarquer que, dans Zellers, le Tribunal a mentionné que l’essence d’un jouet, c’est de procurer un divertissement. Cela ne signifie pas, cependant, simplement parce qu’un produit a une valeur ludique, qu’il devrait nécessairement être classé parmi les jouets. C’est un fait reconnu qu’un enfant jouera pendant des heures avec une boîte de carton vide, un sac de papier ou un bâton. Le Tribunal est, par conséquent, d’avis que le divertissement seul ne fait pas d’un objet un jouet aux fins du classement tarifaire. [nos italiques]

32.              Dans la décision Regal, le Tribunal n’a pas donné en exemple une boîte en carton vide, un sac de papier ou un bâton de façon à suggérer que la valeur de divertissement n’est pas la caractéristique essentielle d’un jouet, mais pour montrer que la valeur de divertissement peut ne pas être la principale caractéristique essentielle d’un produit à usages multiples ou ayant plusieurs caractéristiques essentielles.

33.              De plus, les exemples fournis ne portent pas sur la partie des notes explicatives du chapitre 95 qui traite d’un produit destiné au divertissement des adultes. Selon le Tribunal, si un produit est conçu essentiellement à des fins de divertissement, il se qualifie comme un jouet pour ce qui est du classement tarifaire.

34.              Si on compare les marchandises en cause, notamment, aux figurines de la Guerre des étoiles dont M. Boyer fait mention, qui consistent entre autres en des humanoïdes et autres créatures imaginaires, les principales différences semblent, à première vue, reposer sur le public visé et le prix des marchandises. Comme M. Boyer le mentionne, ces figurines sont habituellement commercialisées auprès des enfants et sont beaucoup moins chères que les marchandises en cause. Ces figurines permettent de se divertir en jouant avec celles-ci, en les utilisant pour créer des scènes ou des dioramas ou simplement en les posant dans un endroit pour profiter de leur valeur esthétique. Dans son témoignage, M. Boyer affirme que les marchandises en cause sont achetées et utilisées de façon semblable, bien que l’interaction ludique directe avec les marchandises en cause soit peut-être plus limitée. Cependant, le divertissement qu’elles procurent aux adultes pourrait être et serait différent[33].

35.              Comme il est mentionné précédemment, l’ASFC soutient que les marchandises en cause n’ont pas de valeur ludique parce qu’elles sont rigides et montées sur une base pour demeurer en position fixe ou semi-fixe une fois assemblées, qu’elles pèsent de 5 à 20 lb, qu’elles sont commercialisées comme des pièces de collection et non des jouets et que leur assemblage est une étape simple qui n’est réalisée qu’une seule fois. L’ASFC fait aussi valoir que la présence de deux avertissements sur la boîte du modèle Daredevil, l’une concernant les restrictions recommandées liées à l’âge et l’autre mettant en garde les utilisateurs contre les bords tranchants de l’objet, signifie que les marchandises en cause ne sont pas compatibles avec une valeur ludique[34].

36.              Pour ce qui est de l’assemblage, il semble que les marchandises en cause soient expédiées en pièces détachées principalement pour ne pas qu’elles soient endommagées. Selon le Tribunal, comme peu d’étapes simples doivent être suivies pour l’assemblage des marchandises en cause, celles-ci ne sont pas vendues au même titre que des modèles d’avion ou des ensembles Lego, dont la principale source de divertissement est d’abord l’assemblage[35]. Dans cette optique, bien que l’assemblage des marchandises en cause puisse avoir une certaine valeur de divertissement, cette activité est surtout la conséquence d’une décision relative à l’expédition et elle ne fait pas des marchandises un jouet.

37.              Le Tribunal n’est pas d’avis que les autres motifs invoqués par l’ASFC font en sorte que les marchandises en cause ne peuvent pas être considérées comme des jouets, en particulier comme des jouets pour adultes. Comme l’affirme M. Boyer, le divertissement pour adultes est différent de celui pour enfants. Le fait qu’un objet demeure en position fixe ou semi-fixe, qu’il existe des avertissements concernant l’âge ou les bords tranchants ou qu’il soit commercialisé comme une pièce de collection ne l’empêche pas nécessairement d’être inclus dans la classification tarifaire des jouets. La valeur esthétique visuelle n’enlève pas non plus nécessairement de l’importance à la valeur ludique ou à la valeur de divertissement des produits; de nombreux jouets ont une valeur esthétique visuelle, qu’il s’agisse ou non de leur utilisation principale prévue.

38.              Dans la décision Franklin Mint, le Tribunal souligne que lorsque la valeur esthétique d’un objet est la source du plaisir qu’il procure, elle peut enlever de l’importance à sa valeur ludique, en particulier lorsque cet objet n’est pas vendu comme un jouet, qu’il n’est pas conçu pour jouer ou être manipulé et qu’il est commercialisé comme une pièce de collection plutôt que comme un jouet afin d’obtenir un meilleur prix sur le marché[36]. Contrairement aux articles analysés dans le paragraphe 15 de la décision Franklin Mint, à savoir des cloches et des statuettes « Le Magicien d’Oz », les marchandises en cause sont conçues pour être manipulées une fois assemblées. En l’espèce, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont conçues pour que les adultes puissent jouer avec elles, comme l’affirme M. Boyer dans son témoignage, notamment en créant des scènes ou des dioramas et en les plaçant dans un endroit où on peut les voir. La valeur esthétique de ces marchandises contribue à leur valeur ludique et leur prix élevé est lié à leur qualité et au fait qu’elles sont commercialisées auprès des adultes plutôt que des enfants[37].

39.              Bien que les marchandises en cause soient des modèles réduits de personnages imaginaires, elles sont surtout des figurines qui représentent des créatures non humaines et qui ont été créées pour le divertissement des adultes. Les notes explicatives de la position no 95.03 prévoient que les « autres jouets » englobent les autres jouets destinés au divertissement des adultes représentant « des animaux ou des créatures non humaines, même ayant essentiellement des caractéristiques physiques humaines (anges, robots, démons, monstres, par exemple) ». Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des jouets et qu’elles doivent être classées à titre d’« autres jouets » dans le numéro tarifaire 9503.00.90.

40.              Comme les marchandises du chapitre 95 sont exclues du chapitre 39, il n’est pas nécessaire de procéder à l’examen du chapitre 39.

DÉCISION

41.              L’appel est accueilli.




Randolph W. Heggart             
Randolph W. Heggart
Membre présidant



[1].     L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2].     L.C. 1997, ch. 36.

[3].     Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

[4].     L.C. 1997, ch. 36, annexe [Règles générales].

[5].     L.C. 1997, ch. 36, annexe.

[6].     Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2017.

[7].     Organisation mondiale des douanes, 6e éd., Bruxelles, 2017.

[8].     Voir Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131 (CanLII), aux par. 13, 17, et Canada (Procureur général) c. Best Buy Canada Inc., 2019 CAF 20 (CanLII), au par. 4.

[9].     Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII) au para. 21.

[10].   Selon la règle 6 des Règles générales, « [l]e classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles [1 à 5] […] » et « les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires ».

[11].   La règle 1 des Règles canadiennes stipule que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les [Règles générales] […] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires. » Les avis de classement et les notes explicatives ne s’appliquent pas au classement au niveau du numéro tarifaire.

[12].   Pièce AP-2018-059-03, vol. 1 à la p. 16; Transcription de l’audience publique à la p. 77.

[13].   À l’origine, l’entreprise Sideshow s’appelait « Sideshow Productions », puis elle devenue « Sideshow Toy » et s’appelle maintenant « Sideshow Collectibles »; pièce AP-2018-059-03, vol. 1 à la p. 345.

[14].   Pièce AP-2018-059-11A, vol. 1 à la p. 13; Transcription de l’audience publique à la p. 17.

[15].   Pièce AP-2018-059-03, vol. 1 aux p. 15, 25, 133, 173, 176, 183; Transcription de l’audience publique à la p. 76.

[16].   Pièce AP-2018-059-03, vol. 1 aux p. 13, 126-132, 184-185.

[17].   Les notes explicatives stipulent que la position no 95.03 comprend les poupées, et que « [c]e groupe comprend non seulement les poupées pour le divertissement des enfants, mais également les poupées destinées à des usages décoratifs (poupées de salons, poupées mascottes, fétiches, etc.), les poupées pour théâtres guignols et pour théâtres de marionnettes ainsi que les poupées représentant l’être humain à l’état difforme (polichinelles, pantins, par exemple) ».

[18].   Imagination a présenté la définition suivante du terme « décoratif » : « 1 servant à décorer. 2 ornemental plutôt que fonctionnel » [traduction]. Pièce AP-2018-059-03, vol. 1 à la p. 182.

[19].   Pièce AP-2018-059-11A, vol. 1 aux p. 14, 18-77; Transcription de l’audience publique aux p. 8, 10-13, 35, 41.

[20].   Pièce AP-2018-059-11A, vol. 1 à la p. 13.

[21].   Pièce AP-2019-059-03, vol. 1 aux p. 14, 20, 156, 175, 186; voir N.C. Cameron & Sons Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (14 juin 2007), AP-2006-022 (TCCE) [N.C. Cameron] au par. 15; Franklin Mint Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (13 juin 2006), AP-2004-061 (TCCE) [Franklin Mint] au par. 35.

[22].   Mattel Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 juillet 2014), AP-2013-034 et AP-2013-040 (TCCE) [Mattel] au par. 39.

[23].   N.C. Cameron au par. 14; Franklin Mint au par. 15.

[24].   Franklin Mint au par. 15; N.C. Cameron au par. 13.

[25].   La hauteur des marchandises en cause est d’au plus 25 pouces; pièce AP-2018-059-03, vol. 1 aux p. 40, 44, 53, 57, 61, 68, 72.

[26].   Selon le Rapport final de vérification de l’observation commerciale de l’ASFC, le polystone est un composé de résine de polyuréthane mélangé à de la pierre en poudre, utilisé comme un agent de remplissage; pièce AP-2018-059-09A, vol. 1 à la p. 197.

[27].   Pièce AP-2018-059-09A, vol. 1 aux p. 14, 221.

[28].   Selon l’ASFC, la définition de « statuettes et autres objets d’ornement » de la position no 83.06 s’applique également aux « statuettes et objets d’ornementation » de la position no 39.26.

[29].   Philips Electronics Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (3 mars 2014), AP-2013-013 (TCCE) [Philips] au par. 54.

[30].   Zellers Inc. c. Sous-ministre du Revenu national (29 juillet 1998), AP-97-057 (TCCE) [Zellers] à la p. 7; Mattel au par. 39; La Société Canadian Tire Limitée c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (12 avril 2012), AP-2011-020 (TCCE) [Canadian Tire] au par. 39; HBC Imports a/s Zellers Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (11 avril 2012), AP-2011-018 (TCCE) [HBC Imports] au par. 41.

[31].   Mattel au par. 40; Philips au par. 58; Canadian Tire au par. 42; HBC Imports au par. 44; Havi Global Solutions (Canada) Limited Partnership c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 octobre 2008), AP-2007-014 (TCCE) au par. 30; Korhani Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (18 novembre), AP-2007-008 (TCCE) au par. 33.

[32].   (25 juin 1999), AP-98-043, AP-98-044 et AP-98-051 (TCCE) [Regal].

[33].   Transcription de l’audience publique aux p. 8, 10-15, 35-43, 74.

[34].   Transcription de l’audience publique aux p. 62-63, 91. Les avertissements indiquent ce qui suit : « Ne convient pas aux enfants de moins de 14 ans » [traduction] et « Contient de petites pièces. Certaines composantes peuvent avoir des bords tranchants ou des pointes aiguës » [traduction].

[35].   Pièce AP-2018-059-03, vol. 1 à la p. 65; Transcription de l’audience publique aux p. 48-49, 53, 58.

[36].   Franklin Mint au par. 15; voir aussi N.C. Cameron au par. 13.

[37].   Transcription de l’audience publique aux p. 15, 24, 38. Le prix des marchandises en cause varie de 149,99 $ à 1299,99 $; pièce AP-2018-059-03, vol. 1 aux p. 39, 43, 51, 56, 60, 66, 71.

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