Appels en matière de douanes et d’accise

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Contenu de la décision

Appel no AP-2018-053

Rona Inc.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision rendue
le vendredi 18 octobre 2019

Motifs rendus
le mardi 5 novembre 2019

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 20 juin 2019, en vertu de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 26 septembre 2018 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

RONA INC.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

 

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

le 20 juin 2019

Membre du Tribunal :

Susan D. Beaubien, membre présidant

Personnel de soutien :

Heidi Lee, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseillers/représentants

Rona Inc.

Marco Ouellet
Jeffrey Goernert

 

Intimé

Conseillers/représentants

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Luc Vaillancourt
David Di Sante

TÉMOIN :

Bruno Rocha
Professeur
Algonquin College

 

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1]               Le présent appel est interjeté contre une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ayant trait au classement de marchandises aux termes du Tarif des douanes[1].

[2]               Rona Inc. (Rona) a importé des marchandises qu’elle a décrites comme étant des « projecteurs extérieurs kaléidoscope »[2] (les marchandises).

[3]               Le présent appel porte sur le classement correct des marchandises aux fins des droits de douane.

[4]               L’ASFC a classé ces marchandises dans la position 94.05 à titre d’« appareils d’éclairage (y compris les projecteurs) et leurs parties, non dénommés ni compris ailleurs », dans la sous-position 9405.40 à titre d’« autres appareils d’éclairage électriques » et dans le numéro tarifaire 9405.40.90 à titre d’« autres »[3].

[5]               Rona affirme que les marchandises doivent plutôt être classées dans le numéro tarifaire 9008.50.90 à titre d’« autres projecteurs d’images fixes », ou subsidiairement dans le numéro tarifaire 9505.10.00 à titre d’« articles pour fêtes de Noël ».

CONTEXTE ET HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[6]               Rona a commencé à importer les marchandises en septembre 2015 et a d’abord déclaré, aux fins des douanes, que les marchandises pouvaient être classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90[4].

[7]               Par la suite, entre décembre 2016 et février 2017, Rona a tenté de faire reclasser les marchandises à titre d’« autres machines et appareils électriques ayant une fonction propre » dans le numéro tarifaire 8543.70.00. Rona a également demandé le remboursement des droits de douane plus élevés qu’elle avait déjà versés après avoir déclaré que les marchandises pouvaient être classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90[5].

[8]               L’ASFC a rejeté la demande de reclassement de Rona. Entre décembre 2017 et mars 2018, l’ASFC a rendu des décisions de révision conformément à l’alinéa 74(4)b) de la Loi sur les douanes[6], et conclu que les marchandises étaient correctement classées à titre d’« autres appareils d’éclairage électriques » dans le numéro tarifaire 9405.40.90[7].

[9]               Invoquant le droit prévu au paragraphe 60(1) de la Loi, Rona a demandé à l’ASFC de procéder à la révision du classement tarifaire. Rona a présenté ses demandes de révision entre février 2018 et mai 2018. Rona affirmait que les marchandises étaient des « projecteurs de lumière laser » [traduction] et devaient donc être reclassées dans le numéro tarifaire 9013.80.00 à titre d’« autres dispositifs, appareils et instruments optiques »[8].

[10]           Rona soutenait également que les marchandises devaient être classées à titre d’« autres projecteurs d’images fixes » dans le numéro tarifaire 9008.50.30[9].

[11]           Dans une décision préliminaire rendue le 13 septembre 2018, l’ASFC a confirmé que les marchandises devaient être classées à titre d’« appareils d’éclairage (y compris les projecteurs) et leurs parties, non dénommés ni compris ailleurs » dans le numéro tarifaire 9405.40.90[10].

[12]           Il semble que Rona ait ensuite présenté d’autres observations[11]. Aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, l’ASFC a rendu une décision datée du 26 septembre 2018 confirmant que les marchandises devaient être classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90[12].

[13]           Rona interjette maintenant appel devant le Tribunal de la décision du 26 septembre 2018 rendue par l’ASFC[13].

Décision de l’ASFC

[14]           Selon l’ASFC, la question à trancher consiste à déterminer si les marchandises doivent être classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90, conformément aux décisions qu’elle a rendues précédemment, ou si les marchandises doivent plutôt être classées soit dans le numéro tarifaire 9008.50.30, soit dans le numéro tarifaire 8539.50.00, comme le demande Rona[14].

[15]           Une description des marchandises se trouve sur le site Web du fournisseur de Rona (www.gemmy.com). L’ASFC a examiné ces renseignements en ligne, ainsi que les renseignements sur les produits. Elle a caractérisé les marchandises comme suit :

Sur le site Web du fournisseur www.Gemmy.com, les marchandises sont appelées « projecteur kaléidoscope LightShowMD » et « projecteur rafale de neige LightShowMD ».

D’après les renseignements sur les produits fournis et les diverses descriptions figurant sur le site Web, le projecteur kaléidoscope utilise 3 ampoules DEL de 1 W et un protège-lampe multifacettes pour projeter un effet kaléidoscopique décoratif sur les surfaces. Ce produit fait 2,9 x 5,9 x 10,2 po. Le projecteur rafale de neige utilise 4 ampoules DEL de 1 W pour projeter une image de flocons de neige. Ce produit fait 3,5 x 5,3 x 11,8 po.

Ces produits comportent un piquet qui s’insère dans le sol. Les marchandises se branchent à une prise de courant ordinaire. Elles sont conçues pour utilisation à l’intérieur et à l’extérieur, mais ne sont pas censées être installées ni utilisées en permanence[15].

[Traduction]

[16]           L’ASFC a commencé son analyse en examinant le libellé de chacune des positions 85.39, 90.08 et 94.05. La première question à trancher était de savoir « si les marchandises étaient reprises plus spécifiquement dans la position 85.39 ou la position 90.08 » [traduction]. L’ASFC a ensuite cherché à déterminer les notes pertinentes et a conclu que la note 1 du chapitre 94 était pertinente[16].

[17]           Le libellé de la note 1 du chapitre 94 exclut les « les appareils d’éclairage du Chapitre 85 ». L’ASFC a déterminé que les marchandises n’étaient « expressément nommées ou décrites dans aucune des positions du chapitre 85 » [traduction] et qu’elles ne pouvaient donc pas être classées dans la position 85.39. Par conséquent, l’ASFC a conclu que les marchandises n’étaient pas exclues de la portée du chapitre 94[17].

[18]           L’ASFC a examiné la position 85.43. Se reportant aux notes explicatives applicables à la position 85.43, l’ASFC a indiqué qu’elle devait déterminer si les marchandises étaient « spécifiquement décrites dans la position 90.08 » [traduction]. Dans la négative, elle examinerait si les marchandises pouvaient être classées dans la position 90.08. Dans la négative, elle examinerait alors la position 94.05[18].

[19]           Se fondant sur les notes explicatives de la position 90.08, l’ASFC a déterminé que les marchandises ne relevaient pas de la position 90.08 parce que les marchandises ne projetaient pas d’images fixes[19].

[20]           L’ASFC s’est ensuite penchée sur la position 94.05. Elle a constaté que les notes explicatives de la position 94.05 prescrivent quatre critères : « 1) les marchandises doivent être des appareils d’éclairage, 2) elles peuvent être constituées de toutes matières, 3) elles peuvent utiliser toute source de lumière et 4) elles ne doivent être ni dénommées ni comprises ailleurs » [traduction]. L’ASFC a déterminé que les marchandises présentaient l’ensemble de ces caractéristiques structurelles permettant le classement dans la position 94.05, et qu’elles entraient plus précisément dans la portée des « lampes pour l’éclairage des types à usages spéciaux » décrites à la section I) de la note explicative de la position 94.05[20].

[21]           En terminant son analyse, l’ASFC a conclu que les marchandises relevaient de la sous-position 9405.40 et devaient être classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90[21].

Appel de Rona

[22]           Rona a porté la décision de l’ASFC en appel le 14 décembre 2018.

[23]           À l’appui de son appel, Rona a soumis des définitions des termes « decoration » (décoration), « image » (image), « kaleidoscope » (kaléidoscope), « optic » (optique), « optical » (optique), « projection » (projection) et « utilitarian » (utilitaire) tirées des résultats de recherches effectuées en ligne au moyen du moteur de recherche Google[22]. Rona a également déposé des copies de la documentation sur les produits[23] et des manuels d’instructions des marchandises, ainsi que des extraits du site Web du fournisseur[24].

[24]           L’ASFC a également déposé des copies du classement antérieur des marchandises[25], et une copie papier de la version en ligne du Canadian Oxford Dictionary (2e éd.) à l’entrée « kaleidoscope » (kaléidoscope)[26].

[25]           L’ASFC a par ailleurs déposé le rapport d’expert de Bruno Rocha, titulaire d’un doctorat et d’un baccalauréat en génie aérospatial[27]. M. Rocha est professeur de technologie mécanique et des transports et de technologie du génie mécanique au Algonquin College. Il affirme posséder de l’expertise en matière de systèmes mécaniques, électroniques et mécatroniques, notamment en ce qui concerne les principes de la physique applicables à la lumière[28] et les systèmes fondés sur la propagation de la lumière.

[26]           M. Rocha affirme que le Tribunal lui a déjà reconnu la qualité d’expert en systèmes électroniques et mécaniques, d’expert du domaine des machines, des systèmes et des pièces mécaniques et électromécaniques, et d’expert scientifique en éléments électromécaniques et électrothermiques de machines à expresso[29].

[27]           Dans son rapport, M. Rocha décrit son mandat comme suit :

3.         J’ai été invité à donner mon opinion sur le fonctionnement des systèmes dont il est question, des projecteurs de lumière et de dessins ornementaux (décrits ci‑dessous dans la section « Les marchandises en cause »), en mettant l’accent sur leur composition, les pièces et les composants, les mécanismes et les éléments électroniques inclus, le principe de fonctionnement, la qualité et la précision des produits fabriqués et leur utilisation, et en faisant la comparaison avec les kaléidoscopes, leurs composants et leur principe de fonctionnement, du point de vue de la réflexion, de la propagation et de la réfraction de la lumière[30].

[Traduction]

[28]           Des exemplaires des marchandises, plus précisément les modèles appelés « projecteur “Kaléidoscope” multicolore » (modèle 23035172) et « projecteur “rafale de neige” » (modèle 23035188) ont été fournis à M. Rocha. Dans son rapport, M. Rocha décrit comment il a inspecté et démonté les marchandises. Il décrit également les composants individuels des marchandises, leur fonction et la façon dont ces composants fonctionnent ensemble pour produire un dispositif fonctionnel.

[29]           Dans son rapport, M. Rocha dit que le modèle 23035172 produit « un effet lumineux décoratif sur les surfaces, composé d’un motif mobile de lumières colorées »[31] [traduction].

[30]           L’appareil comprend une fiche avec fusible pour branchement dans une prise de courant conventionnelle de 110 V et un câble d’alimentation qui passe à travers un « boîtier de plastique durable » [traduction]. Le câble d’alimentation est connecté à un redresseur (circuit électrique) et à un moteur électrique. Le redresseur sert à transformer le courant alternatif (CA) d’entrée en courant continu (CC) pour alimenter en électricité les trois diodes électroluminescentes (DEL) qui agissent comme source de lumière. Chaque DEL a une couleur différente, soit le rouge, le vert ou le bleu.

[31]           La sortie axiale du moteur est connectée à un disque de plastique qui tourne quand le dispositif est alimenté par un courant électrique. Selon la description donnée par M. Rocha, le disque de plastique rotatif fonctionne comme une « lentille optique rotative rudimentaire [...] fabriquée avec très peu de précision, à la finition très sommaire et de faible qualité » [traduction]. La surface extérieure du disque comporte « plusieurs formes de type pyramidal » [traduction].

[32]           La lumière colorée émise par les DEL est projetée sur la surface intérieure du disque de plastique. Elle est propagée dans le disque pendant qu’elle est réfractée. La réfraction est accrue par la rotation du disque et par les formes pyramidales sur la surface extérieure du disque. Les rayons lumineux colorés se déplacent à travers le disque et partent de sa surface extérieure pour aller dans de multiples directions. La lumière passe ensuite par un couvercle de plastique qui sert à fermer la partie supérieure du boîtier de plastique. Le couvercle est en demi-sphère et sa surface comporte plusieurs faces à angles, ce qui provoque encore de la réfraction[32].

[33]           La description structurelle du modèle 23035188 (projecteur rafale de neige LightShow) donnée par M. Rocha correspond généralement à celle du modèle 23035172 (projecteur kaléidoscope extérieur Lightshow), avec les différences suivantes.

[34]           Au lieu de trois DEL de couleur, le modèle 23035188 utilise quatre DEL blanches. Une pièce de plastique comprenant quatre orifices en forme de lentilles est montée sur le panneau DEL. Cette lentille de plastique rudimentaire est alignée dans l’espace avec les DEL. Un film de plastique opaque ayant des images de quatre flocons de neige grossièrement découpées (rendues transparentes dans le film opaque) est monté sur le dessus de l’assemblage formé de la base, du moteur, du panneau DEL et de la lentille de plastique. La sortie axiale passe par un orifice central qui traverse l’assemblage. Un disque de plastique rudimentaire additionnel ayant six formes s’apparentant à des lentilles se trouve au sommet de l’assemblage et est monté sur l’axe de sortie du moteur. Le moteur fait tourner le disque lorsque l’appareil est sous tension.

[35]           Le boîtier est fermé dans sa partie supérieure par un couvercle plat de plastique partiellement opaque. Quand l’appareil est sous tension, une lumière blanche émise par les DEL est projetée et se propage à travers la lentille de plastique rudimentaire. La lumière est réfractée et passe par les images de flocons de neige découpées, et se propage ensuite par les six formes s’apparentant à des lentilles dans le disque de plastique rudimentaire rotatif. Les rayons lumineux définissent une image approximative des flocons de neige du film inférieur, laquelle est réfractée et propagée dans de multiples directions. La lumière passe ensuite par le couvercle de plastique plat et projette un effet lumineux sur une surface[33].

[36]           Dans son rapport, M. Rocha décrit également les expériences qu’il a réalisées dans le but d’évaluer les principes de physique sous‑tendant la production des effets lumineux quand l’appareil est utilisé. Il a conclu que la propagation de la lumière générée par l’appareil est attribuable à la réfraction, et qu’une réflexion très faible (dans le meilleur des cas), voire nulle, se produit dans l’appareil[34].

[37]           Le rapport contient également une brève analyse des caractéristiques fonctionnelles et opérationnelles des kaléidoscopes. M. Rocha est d’avis que les marchandises ne sont pas des kaléidoscopes. Il décrit les kaléidoscopes de la manière suivante :

24. Le kaléidoscope se compose d’une pièce longitudinale (p. ex. un cylindre) enchâssée ayant deux surfaces planes à ses extrémités. Chacune de ces surfaces planes est percée d’un trou pour laisser passer la lumière. L’un de ces trous est l’oculaire devant lequel l’utilisateur place l’œil. La pièce longitudinale peut contenir des morceaux de matières de couleur en vrac (papier, verre ou plastique) et contient toujours des surfaces réfléchissantes, comme des miroirs. Lorsque les rayons lumineux passent par le trou situé à l’extrémité de la pièce longitudinale opposée à l’oculaire, ils peuvent être réfléchis par les morceaux colorés de matières contenus dans la pièce longitudinale. Ces réflexions de lumière sont réfléchies à répétition par les surfaces réfléchissantes, ce qui génère des motifs lumineux visibles pour l’utilisateur qui regarde par l’oculaire. Ces motifs changent et tournent, par exemple lorsque la pièce longitudinale pivote, ou prennent d’autres configurations lorsque l’utilisateur observe un objet en mouvement, ou lorsqu’un film ou une lentille colorée dans la pièce longitudinale pivote par commande externe[35].

[Notes omises, traduction]

[38]           Exception faite des kaléidoscopes jouets, M. Rocha a affirmé que la fabrication de kaléidoscopes requiert un degré élevé de précision et de savoir‑faire. Il établit plusieurs distinctions entre les marchandises de Rona et les kaléidoscopes[36].

[39]           Les kaléidoscopes se caractérisent par des motifs visuels changeants générés par le mouvement ou la rotation des fragments colorés des matières contenues dans l’appareil, généralement sous l’effet de la rotation manuelle ou de la manipulation de l’appareil tout entier.

[40]           Contrairement aux kaléidoscopes, les marchandises n’ont pas de miroirs ni de surfaces réfléchissantes qui génèrent des réflexions. Les marchandises produisent un effet lumineux par propagation (réfraction) de rayons lumineux au moyen d’une lentille ou d’un disque de plastique rudimentaire qu’un moteur fait tourner. Dans son rapport, M. Rocha affirme que ces composants de type lentille ont « un fini brut – une faible qualité de fabrication et une faible précision »[37] [traduction].

[41]           Le rapport de M. Rocha contient aussi en annexe des extraits de la version en ligne du dictionnaire Merriam Webster concernant les termes « project » (projeter), « refraction » (réfraction), « reflection » (réflexion) et « kaleidoscope » (kaléidoscope)[38]. Sont également jointes des copies de ce qui semble être un kaléidoscope offert en vente[39] et d’un article scientifique intitulé The Scientific Nature of the Kaleidoscope (La nature scientifique du kaléidoscope)[40].

[42]           Après le dépôt du rapport de M. Rocha, Rona a déposé d’autres documents : une page imprimée d’une recherche sur les kaléidoscopes faite dans Google (y compris une définition présumée)[41]; un extrait du Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary (11e éd.) contenant une définition du terme « propagate » (propager)[42]; des extraits du site Web du fournisseur (www.gemmy.com) portant sur les marchandises en cause[43]; et une copie d’une décision anticipée de l’ASFC obtenue par une tierce partie à l’égard de marchandises désignées à titre de « projecteurs laser DEL »[44].

[43]           L’ASFC a produit des pièces représentatives des marchandises, notamment l’exemplaire démonté et analysé par M. Rocha.

[44]           Les deux parties ont déposé des observations, accompagnées de copies de documents législatifs portant sur le classement au niveau des positions en cause et de la jurisprudence pertinente.

[45]           Une audience publique a eu lieu le 20 juin 2019. Les deux parties étaient présentes.

[46]           Rona n’a appelé aucun témoin à l’audience.

[47]           M. Rocha a comparu en personne afin de témoigner pour le compte de l’ASFC et a été contre‑interrogé par Rona.

[48]           Après avoir examiné les éléments de preuve décrivant les marchandises et leur mode de fonctionnement, le Tribunal est convaincu que les marchandises sont des dispositifs électromécaniques relativement simples qui fonctionnent de façon conventionnelle conformément aux principes élémentaires de la physique.

[49]           Après avoir examiné le rapport et le curriculum vitæ de M. Rocha, le Tribunal est convaincu que ce dernier possède les titres de compétence et l’expertise professionnelle nécessaires pour décrire la construction, la fonction et le fonctionnement des marchandises et formuler une opinion à ce sujet. Rona n’a ni contesté ni remis en question les compétences de M. Rocha à titre d’expert[45].

[50]           Par conséquent, le Tribunal reconnaît à M. Rocha la qualité d’expert à ces fins et retient les éléments de preuve qu’il a exposés dans son rapport et présentés à l’audience.

[51]           Le témoignage de M. Rocha portait sur les questions analysées dans son rapport d’expert et s’inscrivait dans leur suite logique. Ses principales conclusions ont résisté au contre-interrogatoire. Le Tribunal estime qu’il s’agissait d’un témoin utile et direct.

[52]           Après le témoignage de M. Rocha à l’audience, les deux parties ont présenté leur plaidoirie au Tribunal.

POSITION DES PARTIES À L’APPEL

Rona

[53]           Rona affirme que les marchandises peuvent être classées à titre de « kaléidoscopes » dans la position 90.13.

[54]           Dans son analyse, Rona souligne que la section XVIII porte sur les « instruments et appareils d’optique, de photographie ou de cinématographie, de mesure, de contrôle ou de précision; instruments et appareils médico-chirurgicaux; horlogerie; instruments de musique; parties et accessoires de ces instruments ou appareils ».

[55]           Rona soutient que les marchandises utilisent des lentilles optiques et sont donc des « appareils d’optique » entrant dans la portée de la section XVIII et plus précisément du chapitre 90, qui vise les « instruments et appareils d’optique, de photographie ou de cinématographie, de mesure, de contrôle ou de précision; instruments et appareils médico-chirurgicaux; parties et accessoires de ces instruments ou appareils ».

[56]           Vu l’absence de notes ou de notes explicatives à la section XVIII, Rona soutient que les positions et les notes du chapitre 90 ne révèlent aucun fondement permettant d’exclure les marchandises de la portée de ce chapitre. Bien que la note 1ij) du chapitre 90 exclut les projecteurs de la position 94.05, Rona affirme également que cette exclusion du chapitre 90 ne s’applique pas, car les marchandises n’ont pas les caractéristiques d’un projecteur et servent à des fins décoratives.

[57]           Par conséquent, Rona soutient que les marchandises relèvent du chapitre 90 parce que ce sont des « appareils d’optique » de la position 90.13. Cet argument repose sur l’affirmation factuelle selon laquelle les marchandises comportent des lentilles optiques qui créent des « effets kaléidoscopiques » [traduction], de sorte que les marchandises sont des « appareils d’optique » non dénommés ni compris ailleurs dans le chapitre 90.

[58]           Rona se fonde sur les notes explicatives de la position 90.13, aux termes desquelles « 9) [l]es kaléidoscopes, à l’exclusion de ceux ayant le caractère de jouets, qui relèvent du Chapitre 95 » sont inclus dans la portée de la position 90.13. Étant donné que ni le Tarif des douanes ni les notes explicatives ne définissent le terme « kaléidoscope », Rona affirme que la définition ordinaire du terme « kaléidoscope » devrait s’appliquer.

[59]           Selon les définitions en ligne soumises par Rona, le kaléidoscope produit une « combinaison ou une séquence d’objets ou d’éléments qui change constamment » [traduction]. Rona affirme que cette description s’applique parce que les marchandises utilisent « les motifs produits par une roue optique pour projeter une combinaison ou une séquence d’événements qui change constamment » [traduction].

[60]           Rona ajoute que la sous‑position 9013.80 « autres dispositifs, appareils et instruments » s’applique et que les marchandises sont classées correctement dans le numéro tarifaire 9013.80.00.

[61]           Subsidiairement, Rona déclare que les marchandises peuvent être classées dans la position 95.05 à titre d’« articles pour fêtes de Noël ».

[62]           Rona n’est pas d’accord avec l’ASFC pour dire que les marchandises devraient être classées dans le numéro tarifaire 9405.40.90. Le chapitre 94 exclut les articles de décoration (à l’exclusion des guirlandes électriques), tels que lampions, lanternes vénitiennes (no 95.05). Les notes du chapitre 95 excluent les guirlandes électriques de toute sorte. Rona affirme que les marchandises ne sont pas des guirlandes électriques. Étant donné que ni les notes de section ni les notes du chapitre 95 pertinentes n’excluent les marchandises, Rona soutient que la question à trancher consiste à déterminer si les marchandises sont des décorations entrant dans la portée de la position 95.05.

[63]           Pour ce qui est de la note explicative A)1) de la position 95.05, Rona dit que les marchandises sont conçues à des fins décoratives et n’ont pas de fonction utilitaire, de sorte qu’elles ne sont pas exclues de la position 95.05. Les marchandises sont annoncées et vendues par Rona et par son fournisseur à titre de produits saisonniers (pour Noël). De plus, d’après le manuel d’instructions, le produit est conçu pour utilisation saisonnière. Par conséquent, Rona déclare que les marchandises peuvent être classées correctement dans la position 95.05 à titre d’articles pour fêtes de Noël et dans le numéro tarifaire 9505.10.00.

ASFC

[64]           L’ASFC affirme que les marchandises produisent des effets lumineux, mais ne sont pas des articles pour fêtes par nature. Bien que les marchandises puissent produire des effets lumineux kaléidoscopiques et être utilisées de façon saisonnière pendant la période de Noël, l’ASFC affirme que les marchandises sont décrites, mises en marché et utilisées comme des lumières et devraient être classées à ce titre aux fins du Tarif des douanes.

[65]           L’ASFC convient que Rona annonce les marchandises à titre de lumières de Noël. Toutefois, l’ASFC souligne également que les marchandises sont désignées comme des « spotlights » (projecteurs) par le fabricant (« projecteur kaléidoscope LightShow ») et que le manuel d’instructions comprend des directives pour l’entreposage et le remplacement des fusibles.

[66]           Comme les notes des chapitres 90 et 94 prescrivent des exclusions, l’ASFC soutient que l’analyse du classement doit commencer par le chapitre 95, car il ne contient pas de notes d’exclusion qui sont pertinentes ou qui s’appliquent aux marchandises. Au besoin, dans le cadre de l’analyse, il faut ensuite examiner consécutivement si les marchandises devraient être classées dans le chapitre 90 ou, subsidiairement, dans le chapitre 94.

[67]           En ce qui concerne d’abord le chapitre 95, et plus particulièrement la position 95.05, l’ASFC fait valoir que les articles pour festivités de Noël doivent servir uniquement de décoration. Ces marchandises sont généralement de fabrication simple et peu robuste, comportent « un dessin, une décoration, un emblème ou un motif à caractère festif et n’ont aucune fonction utilitaire » [traduction].

[68]           L’ASFC soutient que les marchandises se distinguent facilement de celles qui sont visées par la position 95.05. Les marchandises sont fabriquées de matières suffisamment durables pour pouvoir être utilisées et réutilisées, et leur prix est fixé en conséquence. Il n’y a pas de dessin, de décoration, d’emblème, ni de motif à caractère festif sur le produit. Les marchandises produisent des effets lumineux et ont donc une fonction utilitaire.

[69]           Bien que les marchandises aient une lentille de plastique qui transmet la lumière, l’ASFC affirme que cette caractéristique est insuffisante pour permettre le classement des marchandises dans le chapitre 90. L’ASFC soutient que les marchandises classées dans le chapitre 90 se caractérisent généralement par « le fini de leur fabrication et leur grande précision, et le fait qu’elles sont utilisées notamment dans le domaine purement scientifique, pour des applications techniques ou industrielles très particulières ou à des fins médicales » [traduction]. En revanche, les lentilles comprises dans les marchandises sont faites de plastique, et ces marchandises sont vendues au grand public pour utilisation à la maison.

[70]           L’ASFC concède que le chapitre 90 ne vise pas seulement les marchandises de grande précision. Quelques exceptions existent, dont une s’applique expressément aux kaléidoscopes, comme le prévoient les notes explicatives de la position 90.13.

[71]           En ce qui concerne la construction, le fonctionnement et la fonction des marchandises, l’ASFC affirme que les marchandises ne correspondent pas à la définition du terme « kaléidoscope ». L’ASFC souligne que les marchandises ne sont pas fabriquées de tubes et ne contiennent ni miroirs ni fragments de verre ou de papier coloré. Les marchandises produisent des effets lumineux par réfraction ou projection, et non par réflexion. L’ASFC soutient donc que la production d’effets lumineux kaléidoscopiques ne transforme pas un « appareil d’éclairage » en « kaléidoscope ».

[72]           Selon l’ASFC, les marchandises sont correctement classées dans le chapitre 94. Les notes explicatives pertinentes du chapitre 94 et de la position 94.05 précisent que les marchandises sont des appareils d’éclairage pouvant être constitués de toutes matières et utiliser toute source de lumière, non dénommés ni compris ailleurs dans le Tarif des douanes. L’ASFC ajoute que les marchandises sont des lampes spécialisées qui remplissent tous les critères susmentionnés et devraient être classées dans la sous‑position 9405.40 (« autres appareils d’éclairage électriques ») et dans le numéro tarifaire 9405.40.90 « autres ».

[73]           En conclusion, l’ASFC soutient que Rona n’a pas réussi à démontrer qu’un autre classement que le classement dans le numéro tarifaire 9405.40.90 était correct.

ANALYSE

Cadre réglementaire

[74]           Le Tarif des douanes a pour objet de prescrire les taux de droit frappant les marchandises importées au Canada. Les droits de douane varient d’un produit à l’autre. Ils sont prescrits par le Tarif des douanes, qui permet de répartir les marchandises dans différents classements.

[75]           Le Tarif des douanes est basé sur un système international, le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé). Le système de classement a pour objet de rationaliser et d’harmoniser le classement des marchandises qui font l’objet de commerce international[46].

[76]           Récemment, la Cour suprême du Canada a présenté une vue d’ensemble du cadre réglementaire qui régit, au Canada, le classement tarifaire des marchandises aux fins des douanes :

[4] Conçu par l’Organisation mondiale des douanes, un organisme intergouvernemental auquel le Canada a adhéré, le Système harmonisé favorise la stabilité et la prévisibilité en matière de classement à l’échelle internationale. Il fait office de norme pour le classement des marchandises dans les dispositions tarifaires pour toutes les parties à la Convention, dont le Canada (voir le Tarif des douanes, par. 10(1) et annexe), mais permet aux États parties d’établir leurs propres taux de droits de douane applicables à ces marchandises selon leurs propres obligations commerciales internationales (M. Prabhu, Canada’s Laws on Import and Export : An Overview (2014), p. 79). 

[5] Le Système harmonisé est un système à huit chiffres qui régit le classement des marchandises en vue de l’application du tarif douanier. Il figure en annexe au Tarif des douanes. Il procède, au sein des diverses sections de l’annexe, du général au spécifique, soit des chapitres aux positions, sous‑positions et numéros tarifaires. Par exemple, dans la section I (« Animaux vivants et produits du règne animal »), se trouve le numéro tarifaire 0302.13.40 qui s’applique au saumon rouge frais ou réfrigéré. Les deux premiers chiffres du numéro tarifaire (03) indiquent que l’article relève du chapitre 3 (« Poissons et crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques »); les quatre premiers (03.02) correspondent à la position « Poissons frais ou réfrigérés, à l’exception des filets de poissons et autre chair de poissons [...] »; les six premiers chiffres (0302.13) correspondent à la sous‑position « Saumons du Pacifique »; le numéro tarifaire à huit chiffres correspond à la marchandise spécifique (« Rouge »).

[6] L’annexe au Tarif des douanes présente également les « Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé ». Aux termes du par. 10(1) du Tarif des douanes, « le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales ».

[7] Les Règles générales, au nombre de six, régissent le classement des marchandises en fonction du Système harmonisé. Selon la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et du TCCE, ces règles s’appliquent « en cascade ». Comme je l’expliquerai, le terme « en cascade » ne décrit cependant pas tout à fait le processus. Certes, les Règles générales s’appliquent dans un ordre prédéterminé, mais cet ordre relève plus de la hiérarchie que de la cascade (Prabhu, p. 82).

[8] Outre le Système harmonisé et les Règles générales, les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (5e éd. 2012) et leurs modifications, publiées par l’Organisation mondiale des douanes, éclairent le classement des marchandises importées. Ainsi, l’art. 11 du Tarif des douanes dispose que, pour l’interprétation des positions et sous‑positions du Système harmonisé, « il est tenu compte » des Notes explicatives. Si les Notes explicatives – contrairement au Système harmonisé et aux Règles générales – ne sont pas impératives, il faut à tout le moins les prendre en considération dans le classement des marchandises importées au Canada [47].

[77]           Rona a interjeté appel aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi, selon lequel une « personne qui s’estime lésée » par une décision de l’ASFC peut en interjeter appel devant le Tribunal en déposant par écrit un avis d’appel dans le délai prescrit.

[78]           Il ne fait aucun doute que Rona est une « personne qui s’estime lésée ». Ses intérêts commerciaux et financiers subissent les répercussions de la décision de l’ASFC. La somme des droits que doit payer Rona sur les importations de marchandises passées, présentes et futures dépend directement du classement des marchandises.

[79]           Les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[48] prescrivent la procédure à suivre dans les appels interjetés au titre de l’article 67 de la Loi. En appel, tant l’appelante que l’intimé peuvent déposer des documents supplémentaires, y compris des pièces dont l’ASFC ne disposait pas en première instance. Les parties peuvent également présenter une preuve de fait ou appeler des experts à témoigner devant le Tribunal lors d’une audience. Tout témoin peut être contre-interrogé par la partie adverse et interrogé par le Tribunal[49].

[80]           Les appels interjetés devant le Tribunal sont instruits de novo, même si une des parties ou les deux peuvent choisir de reprendre la totalité ou une partie du dossier de première instance, de compléter ce dossier par de nouveaux éléments de preuve ou de créer un nouveau dossier. Le Tribunal doit rendre sa propre décision relativement au classement tarifaire approprié pour les marchandises. Ce faisant, il est loisible au Tribunal d’évaluer le dossier dont il dispose, notamment d’apprécier de nouveau les éléments de preuve qui ont été présentés à l’ASFC et d’examiner tout nouvel élément de preuve présenté en appel. Le Tribunal n’a pas à faire preuve de retenue à l’égard de la décision de l’ASFC[50].

[81]           Il est de droit constant que le Tribunal doit évaluer les marchandises, aux fins du classement, en fonction de la date à laquelle elles ont été importées au Canada[51]. Dans cet exercice, le Tribunal doit examiner les marchandises dans leur entièreté en tant que produit utilisable. Le Tribunal ne peut démonter le produit et le classer en s’appuyant seulement sur les parties qui le composent[52].

[82]           Deux différents modèles des marchandises sont en cause. Un des modèles (23035172) crée un motif mobile de lumières colorées (projecteur kaléidoscope extérieur Lightshow). L’autre modèle (23035188) projette un motif de flocons de neige rotatif (projecteur rafale de neige Lightshow).

[83]           Le Tribunal retient la description des marchandises, de leur composition structurelle et de leur mode de fonctionnement donnée par M. Rocha. Les deux modèles ont en commun certaines caractéristiques essentielles, à savoir l’utilisation de DEL comme source lumineuse combinée à un moteur alimenté à l’électricité qui fait tourner une lentille rudimentaire ou de fortune pour créer un motif de lumière diffus et mobile.

[84]           Un pieu est également compris. Il sert à faciliter la mise en place et l’ancrage de l’appareil sur le sol[53]. Toutefois, le pieu semble être un accessoire facultatif, car le manuel d’instructions indique que le produit peut être utilisé à l’intérieur comme à l’extérieur[54].

Classements pertinents

[85]           Le Tribunal doit décider si le classement des marchandises peut être déterminé par l’application de la règle 1 des Règles générales. Il doit donc évaluer les termes utilisés dans les positions pertinentes, et tenir compte de toute note de section ou de chapitre pertinente du Tarif des douanes. Si le Tribunal n’est pas convaincu que les marchandises peuvent être classées correctement au niveau de la position par application de la règle 1 des Règles générales, il doit examiner et appliquer les règles subséquentes.

[86]           Les arguments des deux parties au présent appel se limitent à l’application de la règle 1.

[87]           Selon les parties, les chapitres 90, 94 et 95 sont pertinents en vue de déterminer le classement approprié des marchandises. Les dispositions pertinentes, y compris les positions pertinentes, sont les suivantes :

Chapitre 90

INSTRUMENTS ET APPAREILS D’OPTIQUE, DE PHOTOGRAPHIE OU DE CINÉMATOGRAPHIE, DE MESURE, DE CONTRÔLE OU DE PRÉCISION; INSTRUMENTS ET APPAREILS MÉDICO-CHIRURGICAUX; PARTIES ET ACCESSOIRES DE CES INSTRUMENTS OU APPAREILS

90.13    Dispositifs à cristaux liquides ne constituant pas des articles repris plus spécifiquement ailleurs; lasers, autres que les diodes laser; autres appareils et instruments d’optique, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

9013.80.00        - Autres dispositifs, appareils et instruments

Chapitre 94

MEUBLES; MOBILIER MÉDICO-CHIRURGICAL; ARTICLES DE LITERIE ET SIMILAIRES; APPAREILS D’ÉCLAIRAGE NON DÉNOMMÉS NI COMPRIS AILLEURS; LAMPES-RÉCLAMES, ENSEIGNES LUMINEUSES, PLAQUES INDICATRICES LUMINEUSES ET ARTICLES SIMILAIRES; CONSTRUCTIONS PRÉFABRIQUÉES

94.05    Appareils d’éclairage (y compris les projecteurs) et leurs parties, non dénommés ni compris ailleurs; lampes-réclames, enseignes lumineuses, plaques indicatrices lumineuses et articles similaires, possédant une source d’éclairage fixée à demeure, et leurs parties non dénommées ni comprises ailleurs.

9405.40             -Autres appareils d’éclairage électriques

9405.40.90        - - -Autres

Chapitre 95

JOUETS, JEUX, ARTICLES POUR DIVERTISSEMENTS OU POUR SPORTS; LEURS PARTIES ET ACCESSOIRES

95.05    Articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements, y compris les articles de magie et articles-surprises.

9505.10.00        -Articles pour fêtes de Noël

[88]           Le Tribunal convient avec l’ASFC que l’analyse aux fins de classement devrait commencer par le chapitre 95. Le chapitre 95 n’est assorti d’aucune note ou note explicative qui pourrait exclure les marchandises, mais de telles dispositions d’exclusion s’appliquent aux chapitres 90 et 94. Dans ces circonstances, l’analyse doit commencer par les positions contenues dans le chapitre qui ne prévoit pas d’exclusion pertinente[55].

[89]           Rona souligne que la note 1t) du chapitre 95 exclut les « les guirlandes électriques de tous genres » et affirme que les marchandises ne sont pas des « guirlandes ». L’ASFC ne conteste pas cette conclusion, mais indique cependant que les guirlandes électriques peuvent produire de la lumière et sont néanmoins classées à titre d’« appareils d’éclairage » dans la position 94.05, de sorte qu’elles ne peuvent être classées à titre d’articles pour fêtes aux termes de la position 95.05. Le Tribunal convient que les marchandises ne sont pas des « guirlandes électriques » et que l’exclusion définie par la note 1t) du chapitre 95 n’aide pas à déterminer le classement des marchandises[56].

[90]           La question consiste donc à savoir si les marchandises sont des « articles pour fêtes ou autres divertissements », et plus précisément des « articles pour fêtes de Noël ».

[91]           Les notes explicatives pertinentes du chapitre 95 sont les suivantes :

La présente position couvre :

A) Les articles pour fêtes, carnaval ou autres divertissements qui, compte tenu de leur utilisation, sont généralement de fabrication simple et peu robuste. Parmi ceux ci on peut citer :

1) Articles de décoration pour fêtes utilisés pour décorer des pièces, tables, etc. (guirlandes, lanternes, etc.); articles destinés à la décoration des arbres de Noël (cheveux d’ange, boules de couleur, animaux et autres sujets, etc.); articles utilisés pour la décoration des pâtisseries traditionnellement associées à une fête particulière (animaux, drapeaux, par exemple).

2) Les articles habituellement utilisés à l’occasion des fêtes de Noël et notamment les arbres de Noël artificiels, les crèches, les sujets et animaux pour crèches, les angelots, les sabots et bûches de Noël, les pères Noël, etc.

3) Les articles de déguisement : masques, faux nez, fausses oreilles, fausses barbes, fausses moustaches, perruques (autres que les postiches du no 67.04), chapeaux, etc. Sont toutefois exclus de cette position les travestis en matières textiles des Chapitres 61 ou 62.

4) Les articles d’amusement et autres : boules, confettis, serpentins, ombrelles, parapluies, mirlitons, sans gêne, etc.

N’appartiennent pas, par contre, à la présente position les sujets de grandes dimensions susceptibles de servir à la décoration des lieux du culte sous forme de statuettes, statues et objets similaires.

Sont également exclus de la présente position, les articles qui comportent un dessin, une décoration, un emblème ou un motif à caractère festif et qui ont une fonction utilitaire tels que les articles de table, les ustensiles de cuisine, les articles de toilette, les tapis et autres revêtements de sol en matières textiles, les vêtements, le linge de lit, de table, de toilette ou de cuisine, par exemple.

[92]           Ces notes présentent une liste non exhaustive de marchandises considérées comme des « articles pour fêtes ou autres divertissements ». Selon leur description, ces marchandises sont « généralement de fabrication simple et peu robuste », pour ce qui est de leur utilisation prévue. Dans une décision antérieure, le Tribunal a déjà conclu que le caractère non durable n’était pas une condition préalable au classement dans la position 95.05[57].

[93]           Quoi qu’il en soit, l’interprétation téléologique des notes révèle que les marchandises énumérées ont les caractéristiques communes d’être soit prévues pour servir une seule fois (boules, confettis, serpentins, mirlitons, etc.) soit associées à un événement festif particulier, limité dans le temps (Noël), auquel cas les articles peuvent être ensuite jetés ou conservés et réutilisés les années suivantes (articles destinés à la décoration des arbres de Noël, arbres de Noël artificiels, bas de Noël, etc.).

[94]           En l’espèce, les éléments de preuve montrent que les marchandises sont de construction relativement durable et conçues pour être réutilisées. À cet égard, le Tribunal retient le témoignage de M. Rocha concernant la composition structurelle des marchandises. De plus, le manuel du produit comprend des instructions pour le remplacement des fusibles et fait mention d’une garantie[58]. Ces indications révèlent que les marchandises conviennent à un usage prolongé ou répété, par opposition aux articles qui sont utilisés une seule fois et jetés ensuite.

[95]           Le Tribunal constate que Rona et son fournisseur annoncent les marchandises comme un produit de Noël. Malgré cette stratégie de commercialisation, le Tribunal n’est pas disposé à conclure que les marchandises et leurs fonctions sont restreintes à une utilisation pendant la période de Noël.

[96]           Bien que les marchandises puissent être utilisées pendant la période de Noël, elles ne sont pas associées à un thème ou motif décoratif allant strictement de pair avec cette fête en particulier.

[97]           Les photographies sur l’emballage du produit ne font que suggérer une utilisation possible, à savoir l’utilisation à l’extérieur pendant l’hiver ou la période de Noël. Dans le cas du modèle 23035188, le motif lumineux de flocons de neige fait généralement penser à la saison hivernale et peut également servir à créer un éclairage thématique en conjonction avec d’autres événements hivernaux, comme les carnavals d’hiver, les spectacles de patinage sur glace, etc.

[98]           De même, le motif tourbillonnant de lumières colorées produit par le modèle 23035172 pourrait également servir à créer des effets lumineux pour des fêtes, des danses ou d’autres célébrations à tout moment de l’année, d’autant plus que, selon le manuel d’instructions, les marchandises peuvent être utilisées à l’extérieur comme à l’intérieur.

[99]           Les marchandises ne sont pas exclusivement des produits de Noël, mais le Tribunal conclut qu’elles peuvent être considérées, de prime abord, comme des articles pour fêtes ou autres divertissements, étant donné la gamme possible des utilisations probables.

[100]       Nous poursuivons l’analyse en évaluant si d’autres facteurs entrent en jeu pour exclure les marchandises de la position 95.05.

[101]       Les notes prévoient ce qui suit :

Sont également exclus de la présente position, les articles qui comportent un dessin, une décoration, un emblème ou un motif à caractère festif et qui ont une fonction utilitaire tels que les articles de table, les ustensiles de cuisine, les articles de toilette, les tapis et autres revêtements de sol en matières textiles, les vêtements, le linge de lit, de table, de toilette ou de cuisine, par exemple.

[102]       Du point de vue grammatical, cette exclusion est conjonctive. Deux conditions doivent être réunies pour l’application de l’exclusion : 1) les articles doivent « comporter » un dessin, une décoration, un emblème ou un motif à caractère festif et 2) avoir une fonction utilitaire[59].

[103]       L’utilisation du terme « comporter » indique que le dessin ne doit pas nécessairement être appliqué sur la surface extérieure de l’article sous forme de décoration, mais qu’il peut être aussi incorporé dans l’article en tant que composant ou aspect fonctionnel de l’article.

[104]       Le témoignage de M. Rocha montre que le modèle 23035188 comprend un composant ou assemblage présentant des images découpées de quatre flocons de neige. Le modèle 23035172 présente un motif séquentiel de lumières DEL de couleur rouge, verte et bleue.

[105]       Ces composants font partie intégrante du produit final et sont présents au moment de l’importation. Lorsque les marchandises sont utilisées aux fins prévues, ces composants fonctionnent, en combinaison avec d’autres parties et composants, de manière à créer les effets lumineux décoratifs qui sont, comme le conviennent les deux parties, caractéristiques des marchandises.

[106]       Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que les marchandises comportent un dessin, une décoration, un emblème ou un motif à caractère festif.

[107]       Par conséquent, le Tribunal doit maintenant déterminer si les marchandises ont une « fonction utilitaire » et sont exclues du classement dans la position 95.05.

[108]       Rona a fourni la définition suivante du terme « utilitarian » (utilitaire), de provenance inconnue, outre le fait qu’elle figure sur la copie imprimée d’une recherche faite dans Google :

u-ti-li-tai-re

adjectif

1. conçu pour être utile ou pratique, plutôt qu’attrayant

Synonymes : pratique, fonctionnel, utilisable, utile, judicieux, efficace, efficient, adapté au but, pragmatique, réaliste, de service, applicable, banal, commode, net, ordinaire, terre à terre

2. Philosophie

Qui se rapporte ou qui adhère à la philosophie de l’utilitarisme

« un théoricien utilitaire »

Nom – Philosophie

1. adepte de l’utilitarisme[60]

[Traduction]

[109]       L’information qui est accessible au public et facilement récupérable sur Internet n’est pas automatiquement admissible en preuve. Bien que les éléments de preuve obtenus par Internet puissent être admissibles, il faut tout de même vérifier leur fiabilité au moyen d’un examen minutieux. Les sites Web officiels d’organisations connues peuvent fournir des renseignements fiables qui pourront donc être admis en preuve. Dans le cas de sites Web non officiels ou d’auteurs inconnus, la fiabilité des renseignements devrait être évaluée compte tenu de la ou des sources et de leur objectivité, de l’existence d’une corroboration indépendante et de la possibilité que le contenu antérieur ait pu être modifié[61].

[110]       Si les tribunaux administratifs sont généralement moins stricts au sujet de l’admissibilité des éléments de preuve, il ne faut pas conclure pour autant que les règles de la preuve sont totalement écartées ou abrogées.

[111]       Les cours de justice et les tribunaux peuvent admettre d’office les définitions pertinentes des dictionnaires[62], lesquels peuvent être publiés en format électronique et accessibles en ligne[63]. Toutefois, les résultats d’une recherche faite dans Google à eux seuls ne comprennent pas de renseignements obtenus d’une source ou d’une publication identifiable et vérifiable[64]. L’information censément présentée par Google seulement peut provenir de la communauté d’utilisateurs, être variable ou intrinsèquement non fiable.

[112]       Les définitions fournies par Rona prennent uniquement la forme de résultats de recherches faites dans Google, par opposition à un extrait de dictionnaire publié en ligne, ce qui inciterait le Tribunal à refuser de les admettre en preuve. Toutefois, la définition du terme « utilitaire » fournie par Rona concorde de manière générale avec la définition que le Tribunal a adoptée auparavant dans HBC Imports[65].

Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « utilitarian » (utilitaire) comme il suit : « 1 destiné à être pratique plutôt qu’attrayant; fonctionnel [...] » [traduction]. En se fondant sur cette définition, le Tribunal conclut que les marchandises en cause, qui sont destinées à un usage pratique pour entreposer le linge sale, servent principalement dans un but utilitaire.

[Notes omises]

[113]       Ainsi, aux fins du présent appel, le Tribunal retient la définition suivante du terme « utilitarian » (utilitaire) :

conçu pour être utile en pratique, plutôt qu’attrayant; fonctionnel [..]

[Traduction]

[114]       En évaluant si les marchandises ont une fonction utilitaire, le Tribunal devrait examiner si la fonction utilitaire est l’aspect prédominant du produit. Les marchandises utilitaires peuvent quand même présenter d’autres caractéristiques secondaires, comme une valeur ludique, des propriétés esthétiques ou des effets décoratifs[66].

[115]       Le Tribunal a conclu auparavant que les articles qui ne se rattachent pas spécifiquement à une fête et qui peuvent être utilisés à longueur d’année doivent être classés dans leur propre position et non dans la position 95.05[67].

[116]       Dans Wilton[68], le Tribunal a déterminé que les articles pouvant être utilisés pour la préparation des festivités de Noël n’étaient pas nécessairement tous classés dans la position 95.05. Les marchandises en cause dans Wilton étaient des moules à pâtisseries en aluminium, de fabrication robuste, de forme décorative. Le Tribunal a conclu que les articles n’étaient pas, en soi, des « articles pour fêtes ». Ils se situaient plutôt à l’étape précédente, en ce sens que les articles servaient à créer des articles pour fêtes, à savoir des biscuits et des gâteaux de Noël.

[117]       Il n’est pas contesté que les marchandises importées par Rona produisent de la lumière. L’éclairage d’une zone sombre à l’aide de lumières améliore la visibilité. Ce résultat est à la fois pratique et utile.

[118]       Le témoignage de M. Rocha et le manuel du produit montrent que les marchandises ont un seul mode de fonctionnement.

[119]       Une fois l’appareil allumé et le circuit électrique enclenché, le même effet lumineux se produit, peu importe le moment (Noël ou autre période de l’année) et l’endroit (à l’intérieur ou à l’extérieur) où l’appareil est utilisé. Bien que l’intensité relative et l’étendue de la lumière projetée soient fonction de la distance entre l’appareil et la surface de projection, le motif lumineux lui‑même ne change pas. Le motif est le résultat de la propagation de la lumière lorsque le moteur électrique entraîne la rotation de la lentille de plastique à une vitesse constante. Ainsi, le motif lumineux décoratif projeté est le résultat du fonctionnement de l’appareil.

[120]       Le Tribunal conclut que les marchandises servent avant tout à éclairer, ce qui est une fonction utilitaire. Les marchandises sont donc comparables aux articles énumérés dans les notes explicatives à titre d’exemples d’articles exclus de la portée de la position 95.05 (c’est-à-dire articles de table, ustensiles de cuisine, articles de toilette, tapis et autres revêtements de sol en matières textiles, vêtements, linge de lit, de table, de toilette ou de cuisine) et qui comportent des aspects festifs ou décoratifs. Le point commun de ces articles est le fait d’avoir une utilisation ou fonction principale, bien que cette fonction s’accompagne d’un contexte ou d’un thème festif ou décoratif.

[121]       Les marchandises de Rona sont donc analogues aux moules à pâtisseries visés dans la décision Wilton. En raison de leur fonction et de leurs propriétés inhérentes, les marchandises ne sont pas des « articles pour fêtes » en soi, mais servent à créer autre chose, à savoir des effets lumineux à des fins festives ou décoratives.

[122]       Compte tenu de ce qui précède, les marchandises ne sont pas correctement classées dans la position 95.05.

[123]       Le Tribunal examine maintenant si les marchandises peuvent être classées dans la position 90.13 :

90.13    Dispositifs à cristaux liquides ne constituant pas des articles repris plus spécifiquement ailleurs; lasers, autres que les diodes laser; autres appareils et instruments d’optique, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.

[124]       La preuve révèle clairement que les marchandises ne sont ni des « dispositifs à cristaux liquides » ni des « lasers ». Si les marchandises entrent dans la portée de la position 90.13, le Tribunal doit être en mesure de conclure que ce sont d’« autres appareils et instruments d’optique ». Même s’il était déterminé que les marchandises ont les propriétés d’un appareil ou d’un instrument d’optique, elles seront exclues de la position 90.13 si elles sont dénommées ou comprises ailleurs dans le chapitre 90.

[125]       Les marchandises ne sont dénommées ni comprises dans aucune autre position pertinente du chapitre 90. Une brève discussion a eu lieu à l’audience sur la possible pertinence de la position 90.08, qui couvre les « projecteurs d’images fixes; appareils photographiques d’agrandissement ou de réduction ». Toutefois, les notes explicatives de la position 90.08 indiquent que les marchandises classées dans cette position sont des instruments conçus pour projeter des images fixes, comme des images d’objets ou des images préparées sur des diapositives, des films ou des transparents.

[126]       Cette exclusion est déterminante. Il n’est pas contesté que les marchandises créent des motifs d’images mobiles. Ainsi, elles ne peuvent être classées dans une position (90.08) qui est réservée aux marchandises servant à projeter des images fixes ou statiques.

[127]       Par conséquent, le Tribunal axera son analyse du chapitre 90 sur la position 90.13, en tenant compte de toute note pertinente ou applicable.

[128]       Les notes explicatives du chapitre 90 qui suivent sont pertinentes :

Le présent Chapitre englobe un ensemble d’instruments et d’appareils très divers, mais qui, en règle générale, se caractérisent essentiellement par le fini de leur fabrication et leur grande précision, ce qui vaut à la plupart d’entre eux d’être utilisés notamment dans le domaine purement scientifique (recherches de laboratoires, analyses, astronomie, etc.), pour des applications techniques ou industrielles très particulières (mesures ou contrôles, observations, etc.) ou à des fins médicales.

C’est ainsi que l’on y trouve, grosso modo :

A) Un groupe important comprenant non seulement les simples éléments d’optique des nos 90.01 et 90.02, mais aussi les instruments et appareils d’optique, qui vont des simples lunettes pour la vue du no 90.04 aux instruments plus évolués pour l’astronomie, la photographie ou la cinématographie, l’observation microscopique.

B) Des instruments et appareils conçus pour des applications nettement définies (la géodésie, la topographie, la météorologie, le dessin, le calcul, etc.).

C) Les instruments et appareils à usage médical, chirurgical, dentaire ou vétérinaire ou pour des applications dérivées (radiologie, mécanothérapie, oxygénothérapie, orthopédie, prothèse, etc.).

D) Des machines, instruments et appareils pour des essais de matériaux.

E) Les instruments et appareils dits de laboratoire.

F) Un groupe particulièrement vaste d’appareils de mesure, de contrôle, de vérification ou de régulation, utilisant ou non des procédés optiques ou électriques. Sont à signaler en particulier parmi les appareils de ce groupe, ceux du no 90.32 tels qu’ils sont définis à la Note 7 du présent Chapitre.

Les instruments et appareils en question font parfois l’objet d’une position particulière (tel est le cas notamment des microscopes optiques (no 90.11) et des microscopes électroniques (no 90.12)), mais le plus souvent ils sont repris dans des positions de portée très générale conçues en fonction d’une branche donnée, scientifique, industrielle ou autre (il en est ainsi, par exemple, des appareils et instruments d’astronomie du no 90.05, des instruments et appareils de géodésie, de topographie, d’arpentage ou de nivellement, du no 90.15, des appareils à rayons X du no 90.22). Le présent Chapitre couvre également les aspirateurs des types utilisés en médecine, en chirurgie ou pour l’art dentaire ou vétérinaire (no 90.18).

La règle selon laquelle les instruments et appareils du présent Chapitre sont en général des articles de grande précision, souffre cependant des exceptions. On y classe, par exemple, les lunettes simplement protectrices (no 90.04), les simples loupes, les périscopes à simple jeu de miroirs (no 90.13), les mètres et les règles ordinaires (no 90.17), les hygromètres de fantaisie d’une précision toute relative (n90.25).

[129]       Le Tribunal fait observer que les marchandises ne peuvent être décrites avec justesse comme étant caractérisées par « le fini de leur fabrication et leur grande précision », surtout quand elles sont comparées aux types d’articles décrits dans les notes. En effet, M. Rocha a déclaré que les ouvertures découpées sur la lentille de plastique semblaient être de fabrication peu coûteuse[69]. Son témoignage à cet égard n’a pas été remis en question et a résisté au contre‑interrogatoire.

[130]       De même, les marchandises se distinguent facilement des articles mentionnés dans les notes explicatives A) à F) du chapitre 90, en ce qui concerne tant la fonction que l’utilisation prévue.

[131]       Si le libellé « autres appareils et instruments optiques » de la position 90.13 est examiné dans le contexte général des notes de chapitre, le Tribunal conclut que les marchandises ont peu de choses en commun avec les articles décrits dans ces notes, surtout lorsque la finalité et l’utilisation prévue des produits sont comparées.

[132]       D’après l’argument de Rona, le point de chevauchement avec la position 90.13 tient au terme « optique ». Les marchandises seraient des appareils d’« optique » parce qu’elles ont un composant qui s’apparente à une lentille dont la fonction consiste à créer un effet lumineux. Pour retenir l’argument de Rona, le Tribunal devrait adopter une interprétation indûment large du terme « optique ». Tout dispositif qui forme une image ou propage de la lumière pourrait être qualifié d’appareil d’« optique » entrant dans la portée de la position 90.13 aux fins de classement. En pratique, cette mesure rendrait théoriques de nombreuses autres positions du Tarif des douanes.

[133]       Par essence, les marchandises ne sont pas des appareils ni des instruments d’optique. Le manuel du produit ne fait aucune mention de composants optiques, ni ne fournit d’instructions pour l’entretien, le nettoyage ou la maintenance d’un quelconque composant optique, comme une lentille. Le manuel parle toutefois de lampes et donne des mises en garde, des instructions et des avertissements détaillés pour aider l’utilisateur à utiliser le produit électrique en toute sécurité, comme les avis suivants :

AVERTISSEMENT

PRODUIT ÉLECTRIQUE. Tenir hors de portée des enfants. Déconseillé aux enfants de moins de trois ans. Comme pour tous les produits électriques, des précautions doivent être prises lors de la manipulation et de l’utilisation pour réduire le risque de décharge électrique. Si le cordon d’alimentation est endommagé, il doit être remplacé par le fabricant, son agent de service ou des personnes qualifiées pour éviter tout danger [...]

LIRE ET SUIVRE TOUTES LES CONSIGNES DE SÉCURITÉ

1. Ne pas fixer le câblage du produit avec des agrafes ou des clous, ni le placer sur des crochets ou des clous pointus.

2. Ne laissez pas les lampes reposer sur le cordon d’alimentation ou sur un fil [...]

[...]

9. Ce produit est un appareil électrique, et non un jouet! Pour éviter les risques d’incendie, de brûlure, de blessure et de décharge électrique, éviter de jouer avec le produit ou de le placer dans un endroit accessible aux jeunes enfants [...]

INSTRUCTIONS D’UTILISATION ET D’ENTRETIEN

1. Avant d’utiliser et de réutiliser le produit, inspectez-le soigneusement. Jeter tout produit ayant des cordons isolants coupés, endommagés ou effilochés, des douilles ou des boîtiers craquelés, des connexions desserrées ou des fils de cuivre dénudés[70] [...]

[Traduction]

[134]       En se fondant sur le dossier, le Tribunal détermine que les marchandises sont un produit électrique produisant des effets lumineux. Le résultat fonctionnel est de la lumière générée par l’électricité dérivée principalement des principes appliqués de l’électromécanique et dépendant de ces principes, par opposition à la science de l’optique et de la transmission de la lumière naturelle.

[135]       Rona affirme que les marchandises sont des kaléidoscopes et devraient être classées dans la position 90.13, compte tenu des notes pertinentes applicables à cette position.

[136]       Selon Rona, le motif lumineux mobile produit par les marchandises est un effet kaléidoscopique suffisant pour que les marchandises soient considérées comme des « kaléidoscopes » au sens de ce terme. Rona se fonde sur des aspects des définitions tirées des dictionnaires pour soutenir cet argument.

[137]       Si un terme utilisé dans le Tarif des douanes a, dans un commerce, un sens particulier, ce terme doit être interprété selon cette acceptation; sinon, il doit être interprété selon son sens ordinaire[71]. En l’espèce, le terme « kaléidoscope » est repris dans une section du Tarif des douanes qui porte principalement sur du matériel scientifique et technique de haute précision. Par conséquent, le Tribunal accorde plus de poids au témoignage de M. Rocha concernant la définition du terme « kaléidoscope », qu’aux définitions des dictionnaires ordinaires.

[138]       M. Rocha a affirmé que les marchandises ne sont pas des kaléidoscopes, parce qu’elles ne présentent pas les caractéristiques inhérentes des kaléidoscopes. Plus particulièrement, les marchandises n’ont pas de miroirs ni ne supposent l’utilisation de la réflexion dans la création des effets lumineux. Le témoignage de M. Rocha à cet égard était catégorique, probant et non contredit.

[139]       Pour les motifs exposés ci‑dessus, le Tribunal conclut que les marchandises ne sont pas correctement classées dans la position 90.13.

[140]       Le Tribunal examine maintenant la position 94.05, qui couvre les « appareils d’éclairage (y compris les projecteurs) et leurs parties, non dénommés ni compris ailleurs; lampes-réclames, enseignes lumineuses, plaques indicatrices lumineuses et articles similaires, possédant une source d’éclairage fixée à demeure, et leurs parties non dénommées ni comprises ailleurs ».

[141]       Les notes explicatives pertinentes du chapitre 94.05 indiquent que les marchandises doivent être des appareils d’éclairage, être constituées de toutes matières et utiliser toute source de lumière, et ne doivent être ni dénommées ni comprises ailleurs.

[142]       D’après la jurisprudence du Tribunal, la position 94.05 « comprend tous les appareils d’éclairage, à condition qu’une description plus précise ne soit pas donnée ailleurs »[72] et que les notes explicatives donnent une grande portée à cette position[73].

[143]       Comme nous l’avons vu ci-dessus, le Tribunal conclut qu’une des fins principales des marchandises consiste à produire de l’éclairage. Les marchandises entrent donc dans la portée du terme « appareil d’éclairage ». Les articles qui produisent de la lumière, même accompagnée d’un effet esthétique ou décoratif, se classent dans la position 94.05[74].

[144]       Le Tribunal convient par ailleurs avec l’ASFC que les marchandises respectent tous les critères, prescrits par les notes, du classement dans la position 94.05. Les marchandises sont constituées de matières, ont une source de lumière (DEL) et ne sont pas décrites plus spécifiquement ailleurs dans le Tarif des douanes.

[145]       Il ne semble y avoir aucun désaccord entre les parties relativement aux sous‑positions. Les parties ont centré leurs arguments sur le classement approprié au niveau de la position. Ayant déterminé que la position 94.05 est celle qui convient, le Tribunal retient que les marchandises sont correctement classées dans la sous‑position 9405.40 à titre d’« autres appareils d’éclairage électriques » et dans le numéro tarifaire  9405.40.90 à titre d’« autres ».

DÉCISION

[146]       L’appel est rejeté.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

 



[1]      L.C. 1997, ch. 36.

[2]      Pièce AP-2018-053-03, p. 3, par. 8, vol. 1.

[3]      Pièce AP-2018-053-03, p. 22-26, vol. 1.

[4]      Pièce AP-2018-053-07A, p. 5, par. 9, vol. 1.

[5]      Pièce AP-2018-053-07A, p. 6, par. 10, vol. 1.

[6]      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[7]      Pièce AP-2018-053-07A, p. 6, par. 11, vol. 1.

[8]      Pièce AP-2018-053-07A, p. 6, par. 12-13, vol. 1.

[9]      Pièce AP-2018-053-07A, p. 6, par. 13, vol. 1.

[10]    Pièce AP-2018-053-03, p. 73, vol. 1.

[11]    Note manuscrite, pièce AP-2018-053-03, p. 73, vol. 1.

[12]    Pièce AP-2018-053-03, p. 22-26, vol. 1.

[13]    Pièce AP-2018-053-01, vol. 1.

[14]    Pièce AP-2018-053-03, p. 22, vol. 1.

[15]    Pièce AP-2018-053-03, p. 22, vol. 1.

[16]    Pièce AP-2018-053-03, p. 23, vol. 1.

[17]    Pièce AP-2018-053-03, p. 23, vol. 1.

[18]    Pièce AP-2018-053-03, p. 24, vol. 1.

[19]    Pièce AP-2018-053-03, p. 24, vol. 1.

[20]    Pièce AP-2018-053-03, p. 24-25, vol. 1.

[21]    Pièce AP-2018-053-03, p. 25, vol. 1.

[22]    Pièce AP-2018-053-03, p. 78-91, vol. 1.

[23]    Pièce AP-2018-053-03, p. 124-135, vol. 1.

[24]    Pièce AP-2018-053-03, p. 136-138, vol. 1.

[25]    Pièce AP-2018-053-07A, p. 95-102, vol. 1.

[26]    Pièce AP-2018-053-07A, p. 110, vol. 1.

[27]    Pièce AP-2018-053-10A, vol. 1.

[28]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 4, 20-33, vol. 1; Transcription de l’audience publique, p. 8-10.

[29]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 4, par. 2, vol. 1; Transcription de l’audience publique, p. 10-11

[30]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 4, par. 3, vol. 1.

[31]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 5, par. 4-5, vol. 1.

[32]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 5-9, vol. 1.

[33]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 12-15, vol. 1.

[34]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 10-12, vol. 1.

[35]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 16, vol. 1.

[36]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 15-16, par. 23, vol. 1.

[37]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 16-17, vol. 1.

[38]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 35-40, 43, vol. 1.

[39]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 41, vol. 1.

[40]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 45-50, vol. 1.

[41]    Pièce AP-2018-053-13, p. 16-18, vol. 1.

[42]    Pièce AP-2018-053-13, p. 20-21, vol. 1.

[43]    Pièce AP-2018-053-13, p. 23-24, vol. 1.

[44]    Pièce AP-2018-053-13, p. 26-36, vol. 1.

[45]    Transcription de l’audience publique, p. 13.

[46]    Canada (Procureur général) c. Suzuki Canada Inc., 2004 CAF 131, aux par. 4-5.

[47].   Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38 (CanLII), aux par. 4-8.

[48]    D.O.R.S./91-499 [Règles].

[49].   Partie II des Règles.

[50]    Danson Décor Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (6 septembre 2019) AP-2018-043 (TCCE) aux par. 82-93.

[51].   Komatsu International (Canada) Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (10 avril 2012) AP-2010-006 (TCCE) a par. 22.

[52]    Tiffany Woodworth c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (11 septembre 2007) AP-2006-035 (TCCE) au par. 21.

[53]    Pièce AP-2018-053-03, p. 135, 137, vol. 1.

[54]    Pièce AP-2018-053-03, p. 138, vol. 1.

[55]    HBC Imports a/s Zellers Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (6 avril 2011) AP-2010-005 (TCCE) [HBC Imports] au par. 42.

[56]    3319067 Canada Inc. (Universal Lites) c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (23 mars 2006) AP-2004-017 (TCCE) [Universal Lites].

[57]    Wilton Industries Canada Limited c. Le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (8 novembre 2002) AP-2001-088 (TCCE).

[58]    Pièce AP-2018-053-03, p. 138, vol. 1.

[59]    Canada (Services frontaliers) c. Decolin Inc., 2006 CAF 417 (CanLII), au par. 5.

[60]    Pièce AP-2018-053-03, p. 90, vol. 1.

[61]    ITV Technologies Inc. c. WIC Television Ltd., 2003 CF 1056 (CanLII), au par. 12-18; Envirodrive Inc. v. 836442 Alberta Ltd., 2005 ABQB 446 (CanLII) [Envirodrive], as cited in Liverton Hotels International Inc c. Alicorp SAA, 2007 CanLII 80870.  

[62]    R. c. Krymowski, 2005 CSC 7 (CanLII), au par. 22-24.

[63]    Envirodrive aux par. 53-54.

[64]    Blistex Inc c. Smiths Medical ASD, Inc, 2012 COMC 184 (CanLII), au par. 17.

[65]    HBC Imports au par. 55.

[66]    Philips Electronics Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (3 mars 2014) AP-2013-013 (TCCE) au par. 58; Avon Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national (30 août 2000) AP-99-074 (TCCE) [Avon].

[67]    Avon.

[68]    Wilton.

[69]    Pièce AP-2018-053-10A, p. 8, vol. 1.

[70]    Pièce AP-2018-053-03, p. 136-138, vol. 1.

[71].   Outdoor Gear Canada c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (21 novembre 2011) AP-2010-060 (TCCE) au par. 25.

[72]    Universal Lites au par. 39.

[73]    Costco Wholesale Canada Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (29 juillet 2013) AP-2012-041 et AP-2012-042 (TCCE) [Costco Wholesale] au par. 62.

[74]    Costco Wholesale aux par. 59-60 et 69-70.

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