Appels en matière de douanes et d’accise

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Appel no AP-2018-034

AFOD Ltd.

c.

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Décision et motifs rendus
le mercredi 13 novembre 2019

 



EU ÉGARD À un appel entendu le 23 juillet 2019, aux termes de l’article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.);

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 18 juin 2018 concernant une demande de révision aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

AFOD LTD.

Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Jean Bédard

Jean Bédard, c.r.
Membre présidant

 


 

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

23 juillet 2019

Membre du Tribunal :

Jean Bédard, c.r., membre présidant

Personnel de soutien :

Kalyn Eadie, conseillère juridique

PARTICIPANTS :

Appelante

Conseiller/représentant

AFOD Ltd.

Kimberley L. D. Cook

 

Intimé

Conseiller/représentant

Président de l’Agence des services frontaliers du Canada

Sarah-Dawn Norris

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

INTRODUCTION

1.                  Le présent appel a été interjeté par AFOD Ltd. (AFOD) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes[1], contre une décision rendue par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 18 juin 2018, aux termes du paragraphe 60(4).

2.                  Il s’agit pour le Tribunal de déterminer si des desserts glacés à base de mellorine parfumés à diverses essences de marque Selecta (les marchandises en cause) peuvent être classés dans le numéro tarifaire 2105.00.92 de l’annexe du Tarif des douanes[2] à titre d’autres glaces de consommation, même contenant du cacao, au-dessus de l’engagement d’accès, comme l’a déterminé l’ASFC, ou s’ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 2105.00.10 à titre de glaces de consommation, même contenant du cacao, glaces et sorbet aromatisés, comme le soutient AFOD.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

3.                  Les marchandises en cause ont été importées le 4 août et le 26 août 2014, et classées dans le numéro tarifaire 2105.00.10 à titre de glaces aromatisées. À la suite d’une vérification, le 19 octobre 2015, l’ASFC a révisé le classement tarifaire des marchandises en cause, aux termes du sous-alinéa 59(1)a)(i). L’ASFC a conclu que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 2105.00.92 à titre d’autres glaces de consommation, au-dessus de l’engagement d’accès.

4.                  Le 8 janvier 2016, AFOD a demandé un réexamen du classement tarifaire aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, affirmant que les marchandises en cause avaient été correctement classées, au moment de leur importation, dans le numéro tarifaire 2105.00.10. Le 8 juin 2018, l’ASFC a procédé au réexamen du classement tarifaire aux termes de l’alinéa 60(4)a) de la Loi et confirmé que les marchandises en cause étaient correctement classées dans le numéro tarifaire 2105.00.92.

5.                  Le 10 septembre 2018, AFOD a interjeté le présent appel auprès du Tribunal. Le 23 juillet 2019, l’appel a été instruit sur la foi des pièces versées au dossier, aux termes des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur[3].

DESCRIPTION DES MARCHANDISES EN CAUSE

6.                  Les marchandises en cause sont divers parfums de mellorine. La mellorine est définie comme « un dessert glacé servant de substitut à la crème glacée, qui contient des matières grasses végétales ou animales autres ou en plus grande quantité que les matières grasses du beurre[4] » [traduction]. AFOD décrit la mellorine comme « une confiserie glacée parfumée faite habituellement de petites quantités de constituants non gras du lait, d’huile végétale, d’édulcorants et d’aromatisants[5] » [traduction].

7.                  Les parfums des marchandises en cause sont les suivants : Buco Salad (jeune noix de coco), Buco Pandan (jeune noix de coco et pandan), Halo Mixed Fruit, Macapuno (noix de coco kopyor), Mango, Mango and Cashews, Ube Keso (igname pourpre et fromage), Ube Macapuno (igname pourpre et noix de coco kopyor), et Ube Royale (igname pourpre)[6].

8.                  Selon AFOD, la teneur en produits laitiers des marchandises en cause se limite à la poudre de lait écrémé qu’elles contiennent; par conséquent, d’après les renseignements sur les produits, les marchandises en cause contiennent de 4 à 7 p. 100 de solides du lait[7].

9.                  L’ASFC a analysé en laboratoire des échantillons des marchandises en cause. Le rapport préparé par le laboratoire fait état de la présence d’autres ingrédients dérivés du lait (lactosérum en poudre et babeurre en poudre) dans les renseignements sur les produits fournis par AFOD. Ces ingrédients ont donc été pris en compte dans le calcul des solides du lait présents dans les marchandises en cause de sorte que, d’après l’ASFC, les marchandises en cause contiennent de 5,5 à 10 p. 100 de solides du lait[8].

CADRE LÉGISLATIF

10.              La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes (OMD). L’annexe est divisée en sections et en chapitres et chaque chapitre de l’annexe contient une liste de marchandises classées dans des positions, des sous-positions et des numéros tarifaires.

11.              Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l’annexe.

12.              Le paragraphe 10(2) du Tarif des douanes prévoit que des marchandises ne peuvent être classées dans un numéro tarifaire comportant la mention « dans les limites de l’engagement d’accès » que dans le cas où leur importation procède d’une licence délivrée en vertu de l’article 8.3 de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation[9] et en respecte les conditions.

13.              Les Règles générales sont composées de six règles. Le classement commence par la règle 1, qui prévoit que le classement doit être déterminé d’après les termes des positions et des notes de section ou de chapitre et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les autres règles. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles.

14.              L’article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l’interprétation des positions et des sous‑positions, le Tribunal doit tenir compte du Recueil des avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, publiés par l’OMD. Bien que les avis de classement et les notes explicatives n’aient pas force exécutoire pour le Tribunal, le Tribunal les applique à moins qu’il existe un motif valable de ne pas le faire. De plus, la règle 2 des Règles canadiennes stipule que, « [l]orsqu’un terme canadien et un terme international apparaissent tous deux dans cette Nomenclature, la signification et la portée du terme international auront la préséance ».

15.              Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées au niveau de la position conformément à la règle 1 des Règles générales, selon les termes de la position et les notes de section ou de chapitre pertinentes du Tarif des douanes, compte tenu des avis de classement et des notes explicatives. Si les marchandises en cause ne peuvent être classées au niveau de la position par application de la règle 1, le Tribunal doit alors examiner les autres règles.

16.              Après que le Tribunal a utilisé cette méthode pour déterminer la position dans laquelle les marchandises en cause doivent être classées, l’étape suivante consiste à utiliser une méthode similaire pour déterminer la sous-position appropriée.

17.              La dernière étape consiste à déterminer le numéro tarifaire approprié. La règle 1 des Règles canadiennes prévoit que « [l]e classement des marchandises dans les numéros tarifaires d’une sous-position ou d’une position est déterminé légalement d’après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d’après les Règles générales [...] » et que « les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires ». Les avis de classement et les notes explicatives ne sont pas applicables au classement au niveau du numéro tarifaire.

Nomenclature tarifaire, notes et notes explicatives pertinentes

Section IV

PREPARED FOODSTUFFS; BEVERAGES, SPIRITS AND VINEGAR; TOBACCO AND MANUFACTURED TOBACCO SUBSTITUTES

Section IV

PRODUITS DES INDUSTRIES ALIMENTAIRES; BOISSONS, LIQUIDES ALCOOLIQUES ET VINAIGRES; TABACS ET SUCCÉDANÉS DE TABAC FABRIQUÉS

 

Chapter 21

MISCELLANEOUS EDIBLE PREPARATIONS

 

Chapitre 21

PRÉPARATIONS ALIMENTAIRES DIVERSES

2105.00  Ice cream and other edible ice, whether or not containing cocoa.

 

2105.00 Glaces de consommation, même contenant du cacao.

2105.00.10 - - -Flavoured ice and ice sherbets

 

2105.00.10 - - -Glaces et sorbet aromatisés

- - -Other:

2105.00.91 - - - -Within access commitment

 

2105.00.92 - - - -Over access commitment

 

- - -Autres :

2105.00.91 - - - -Dans les limites de l’engagement d’accès

2105.00.92 - - - -Au-dessus de l’engagement d’accès

POSITION DES PARTIES

18.              Les parties conviennent que les marchandises en cause sont classées dans la sous‑position 2105.00 à titre de « glaces de consommation, même contenant du cacao ». Par conséquent, le différend entre les parties concerne le classement au niveau du numéro tarifaire.

19.              AFOD soutient que les marchandises en cause sont des « glaces aromatisées » du numéro tarifaire 2105.00.10, qui comprend les « glaces et sorbet aromatisés », parce que ce sont les ingrédients aromatisants, et non le lait, qui leur confèrent leur caractère essentiel. L’ASFC affirme que les marchandises en cause, d’après leurs teneurs en solides du lait, ne correspondent pas aux définitions des glaces et des sorbets aromatisés, et doivent donc être classées comme « autres ». De plus, étant donné qu’AFOD n’avait pas la licence d’importation requise au moment de l’importation, les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 2105.00.92, « au-dessus de l’engagement d’accès ».

20.              AFOD affirme qu’un si petit pourcentage de contenu laitier ne saurait empêcher le classement d’une marchandise à titre de glace aromatisée. AFOD souligne que l’ASFC se fonde sur la définition de « glace aromatisée » (flavoured ice) énoncée dans le Mémorandum D10-18-4 (Mémo D), selon laquelle les glaces aromatisées sont « des aliments congelés contenant de l’eau, du sucre ou d’autres édulcorants, du jus de fruit ou d’autres aromatisants, mais non du lait, de la crème ou d’autres ingrédients provenant du lait[10] ». AFOD soutient que cette définition ne lie pas le Tribunal et que la présence de lait, de crème ou d’autres ingrédients provenant du lait est pertinente seulement lorsque le caractère essentiel de la marchandise vient des ingrédients laitiers.

21.              Selon AFOD, cette conclusion ne cadre pas avec les décisions rendues par le U.S. Court of International Trade (CIT) (Tribunal du commerce international des États-Unis) et la U.S. Court of Appeal for the Federal Circuit (CAFC) (Cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral) dans l’affaire Arko Foods International, Inc. v. United States (Arko Foods), où les tribunaux ont conclu que la mellorine n’était pas un produit laitier selon le critère du « caractère essentiel » énoncé à la règle 3b) des Règles générales. La CAFC, appliquant le critère du « caractère essentiel » établi selon le droit américain, a conclu que le lait n’était pas l’ingrédient prépondérant de la mellorine en fonction du poids, même une fois l’ajout d’eau pris en compte, ni l’ingrédient le plus coûteux; les principaux ingrédients, et les plus coûteux, étaient plutôt le sucre, l’huile et les aromatisants. La CAFC a donc conclu que la mellorine n’avait pas le caractère essentiel du lait[11].

22.              AFOD souligne que le même principe s’applique dans le Codex Alimentarius, c’est‑à‑dire que dans le Codex, la crème glacée et le lait glacé sont des marchandises qui tirent leur caractère essentiel du lait ou de la crème, mais les produits comme les glaces, les sorbets, les glaces au jus et les glaces à l’eau tirent leur caractère essentiel d’autres ingrédients. AFOD ajoute que l’ASFC et le Tribunal se sont fondés sur le Codex pour déterminer le classement tarifaire dans plusieurs appels, notamment dans Excelsior Foods et J. Cheese.

23.              AFOD affirme également que la Liste des marchandises d’importation contrôlée (LMIC) fait référence aux articles classés dans le numéro tarifaire 2105.00.91 (article 134) comme étant des « produits constitués principalement de crème glacée ou de lait glacé ».

24.              Enfin, AFOD soutient que rien dans le contexte du numéro tarifaire n’exige l’application d’autre chose que le sens ordinaire du terme « flavoured ice » (glace aromatisée), et souligne que le terme « flavoured » (aromatisé) signifie « mélangé avec un ingrédient servant à donner un arôme » ou « ayant un goût, assaisonné, contenant un aromatisant[12] » [traduction]. D’après AFOD, les marchandises en cause contiennent un certain nombre d’ingrédients servant à donner un arôme à la glace, et ajoute que ces ingrédients aromatisants représentent une proportion des marchandises en cause beaucoup plus grande que les ingrédients provenant du lait, qu’ils sont beaucoup plus coûteux, et qu’ils sont les plus importants du point de vue de la commercialisation et du consommateur.

25.              L’ASFC souligne que les observations d’AFOD ne tiennent pas compte de la décision rendue par le Tribunal dans Nestlé Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada[13], où le Tribunal a conclu que les marchandises ne peuvent être classées à titre de « glace aromatisée » quand elles contiennent des solides du lait. En outre, l’ASFC souligne que les définitions des termes « glace à l’eau » (water ice) et « glace » (ice) données par les dictionnaires cadrent avec la définition trouvée dans le Mémo D, car ces définitions indiquent que ces termes décrivent un mélange glacé d’eau, de jus de fruit et/ou de sucre. Par conséquent, l’argument d’AFOD selon lequel la glace à l’eau peut contenir des solides du lait est erroné.

26.              Pour ce qui est de l’argument d’AFOD selon lequel le caractère essentiel des marchandises en cause ne vient pas du lait, l’ASFC soutient que le caractère essentiel entre en ligne de compte seulement dans une analyse au titre de la règle 3, et qu’AFOD n’a pas expliqué pourquoi il était nécessaire de prendre en considération la règle 3, surtout que ni la règle 2 (article composite) ni la règle 3a) n’avaient été abordées. L’ASFC ajoute qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le caractère essentiel parce que le classement peut être déterminé à l’aide de la règle 1.

27.              En outre, l’ASFC souligne que le libellé des numéros tarifaires américains est différent du libellé adopté par le Canada, de sorte que les décisions rendues par le CIT et la CAFC des États‑Unis sur lesquelles se fonde AFOD ne sont guère applicables dans le présent différend.

28.              Quant à l’argument d’AFOD concernant les codes de la LMIC, l’ASFC souligne que, comme le Tribunal l’a conclu dans Nestlé, les termes du Tarif des douanes et la nomenclature régissent l’inclusion dans la LMIC, et non le contraire.

29.              Bien qu’AFOD n’ait pas déposé d’observations sur la question, l’ASFC affirme également que les marchandises en cause ne sont pas des « sorbets », un autre type de marchandise décrite dans le numéro tarifaire 2105.00.10. Selon l’ASFC, le terme « sorbet » est systématiquement défini dans la réglementation et les politiques nationales comme étant un aliment congelé, autre que de la crème glacée ou du lait glacé, mais fabriqué à partir d’un produit laitier et renfermant de 2 à 5 p. 100 de solides du lait. Dans Nestlé, le Tribunal a retenu l’opinion d’un expert, qui s’appuyait sur la norme réglementaire pour définir le sorbet, et a conclu que la marchandise en cause n’était pas un « sorbet » parce qu’elle contenait plus de 5 p. 100 de solides du lait, qu’elle n’était pas acidifiée et n’avait pas d’arôme fruité. D’après les calculs de l’ASFC, les marchandises en cause contiennent toutes plus de 5 p. 100 de solides du lait et ne peuvent donc être considérées comme des « sorbets ».

30.              En conséquence, l’ASFC soutient que les marchandises en cause doivent être classées comme « autres » dans le numéro tarifaire 2105.00.91 ou 2105.00.92. Étant donné qu’AFOD n’avait pas la licence d’importation requise, les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 2105.00.92, « au-dessus de l’engagement d’accès ».

ANALYSE

31.              Dans le cadre des appels interjetés aux termes de l’article 67 de la Loi concernant les questions de classement tarifaire, le Tribunal détermine le classement tarifaire des marchandises conformément aux règles d’interprétation prescrites.

32.              Comme nous l’avons vu ci‑dessus, les parties conviennent que les marchandises en cause sont classées dans la position 21.05 et la sous‑position 2105.00 à titre d’« autres glaces de consommation ». Le Tribunal retient que les marchandises en cause sont des « glaces de consommation », conformément à l’interprétation du terme adoptée dans Nestlé, à savoir que « le terme “glace de consommation” est un terme générique utilisé internationalement pour désigner tout produit constituant un dessert sucré qui est consommé congelé[14] ». La preuve établit que les marchandises en cause contiennent une importante quantité de sucre et sont consommées congelées[15]. Ainsi, les marchandises en cause sont correctement classées dans la position 21.05 et la sous‑position 2105.00.

33.              Le Tribunal détermine ensuite le classement des marchandises en cause dans le numéro tarifaire pertinent. Le classement au niveau du numéro tarifaire est déterminé mutatis mutandis par l’application (conformément à la règle 1 des Règles canadiennes) des Règles générales.

34.              Si les marchandises en cause ne sont pas des glaces aromatisées ni des sorbets, le seul classement possible est dans le numéro tarifaire résiduel 2105.00.90, « autres », qui comprend les numéros tarifaires 2105.00.91, dans les limites de l’engagement d’accès, et 2105.00.92, au‑dessus de l’engagement d’accès.

35.              Il est important de souligner que les septième et huitième chiffres de la nomenclature sont réservés pour permettre aux membres individuels de l’OMD d’établir leur propre classement. Ceci constitue un fait qui prend toute son importance en l’espèce, puisque l’appel porte sur des numéros tarifaires qui sont visés par des contingents tarifaires dans le cadre du système de gestion de l’offre de produits laitiers du Canada.

36.              Les marchandises visées par des contingents tarifaires sont énumérées dans la LMIC, adoptée sous le régime de la LLEI et administrée par Affaires mondiales Canada (AMC). Le ministre des Affaires étrangères a le pouvoir de délivrer des licences d’importation à l’égard des marchandises inscrites dans la LMIC. Les marchandises dont l’importation procède d’une licence peuvent être importées au taux de droit applicable « dans les limites de l’engagement d’accès », comme l’énonce le paragraphe 10(2) du Tarif des douanes. En l’absence de licence d’importation, l’importateur doit payer le taux de droit applicable « au‑dessus de l’engagement d’accès », lequel est nettement plus élevé.

37.              L’inclusion dans la LMIC est régie selon le classement tarifaire. Les numéros tarifaires 2105.00.91 et 2105.00.92 sont inclus dans la liste à l’article 134. L’article 134 de la LMIC reproduit également les termes du numéro tarifaire :

134 Ice cream and other edible ice, whether or not containing cocoa, other than flavoured ice and ice sherbets, that are classified under tariff item No. 2105.00.91 or 2105.00.92 in the List of Tariff Provisions set out in the schedule to the Customs Tariff.

134 Crème glacée ou autres glaces de consommation, même contenant du cacao, autres que les glaces aromatisées et les sorbets glacés, qui sont classées dans les numéros tarifaires 2105.00.91 ou 2105.00.92 de la liste des dispositions tarifaires de l’annexe du Tarif des douanes.

38.              AMC publie également le Manuel des codes des marchandises pour l’exportation et l’importation, lequel décrit explicitement les marchandises qui figurent dans la LMIC et leur assigne un code unique à quatre chiffres. AFOD se fonde sur le fait que les codes applicables aux numéros tarifaires 2105.00.91 et 2105.00.92 renvoient à des « produits constitués principalement de crème glacée ou de lait glacé » pour appuyer son argument selon lequel seuls les produits dont le caractère essentiel vient du lait devraient être inclus dans ces numéros tarifaires.

39.              Comme le Tribunal l’a souligné dans Nestlé, le Manuel est un énoncé de politique administrative qui n’a pas force exécutoire pour le Tribunal. En ce qui concerne la LMIC elle‑même, le Tribunal a conclu que l’inclusion dans la LMIC est régie selon le classement tarifaire, et non le contraire. Le fait que les produits visés par la gestion de l’offre figurent dans un numéro tarifaire résiduel au lieu d’être explicitement décrits, a également conclu le Tribunal, donne à penser que l’intention du législateur était de soustraire les glaces aromatisées et les sorbets et de faire en sorte que tout autre produit classé dans cette sous-position soit visé par le système de gestion de l’offre. Comme le Tribunal a conclu dans Nestlé que les marchandises contenant plus de 5 p. 100 de solides du lait ne pouvaient être classées à titre de glaces aromatisées ni de sorbets, il s’ensuit que même les marchandises présentant de faibles pourcentages de contenu laitier sont censées être classées dans les numéros tarifaires 2105.00.91 et 2105.00.92, et seront soumises au système de gestion de l’offre[16].

40.              Le fait que les numéros tarifaires sont propres à chaque pays est également pertinent dans le contexte du présent appel parce qu’AFOD a demandé au Tribunal d’adopter la méthode de classement de la mellorine employée par les tribunaux américains, mais ne tient pas compte du fait que les décisions sur lesquelles elle s’appuie concernent une interprétation des termes des numéros tarifaires à huit chiffres des États‑Unis, qui sont bien différents de ceux du Canada.

41.              Plus précisément, les numéros tarifaires pertinents des États‑Unis indiquent ce qui suit :

2105 Glaces de consommation, même contenant du cacao :

[...]

Autres :

Produits laitiers décrits dans la note supplémentaire 1 du chapitre 4 des États‑Unis :

[...]

2105.00.30                    Décrits dans la note supplémentaire 10 du chapitre 4 et déclarés conformément à ses dispositions

2105.00.40                    Autres[17]

[Traduction]

42.              La note supplémentaire 1 du chapitre 4 des États‑Unis énonce ce qui suit :

Aux fins de la présente annexe, l’expression « produits laitiers décrits dans la note supplémentaire 1 du chapitre 4 des États-Unis » désigne les produits suivants : lait malté et articles de lait ou de crème (à l’exception a) du chocolat blanc et b) des poudres de lait non comestibles certifiées pour l’étalonnage des analyseurs de lait par infrarouge); articles contenant plus de 5,5 % en poids de matières grasses du beurre qui conviennent comme ingrédients pour la fabrication commerciale d’articles de consommation (sauf ceux visés dans les autres contingents d’importation prévus dans les notes supplémentaires 2 et 3 du chapitre 18 des États-Unis); ou lait, lactosérum ou babeurre en poudre (du type prévu aux sous-positions 0402.10, 0402.21, 0403.90 ou 0404.10) qui ne contient pas plus de 5,5 % en poids de matières grasses du beurre et qui est mélangé à d’autres ingrédients, notamment au sucre, si ces mélanges contiennent plus de 16 % en poids de solides du lait, peuvent subir une transformation ultérieure ou être mélangés à des ingrédients similaires ou à d’autres ingrédients, et ne sont pas préparés pour être vendus au consommateur final dans la même forme et dans le même emballage que ceux dans lesquels ils ont été importés[18].

[Traduction]

43.              Dans Arko Foods, la question en litige était de savoir si la mellorine était un article de lait ou de crème, et constituait donc un produit laitier selon la description figurant à la note supplémentaire 1 du chapitre 4 des États‑Unis. Le CIT a décidé que, pour régler le différend, il fallait se demander si le lait ou la crème était l’ingrédient essentiel, l’ingrédient ayant le plus de valeur et l’ingrédient prépondérant, conformément à la jurisprudence américaine, et si l’industrie considérait la mellorine comme un article de lait ou de crème. Le CIT s’est également reporté aux règlements sur les produits laitiers de la Food and Drug Administration des États-Unis. La CAFC a confirmé la décision du CIT et décidé que le critère du caractère essentiel devait régir la question de savoir si un produit était un article de lait.

44.              En résumé, ces décisions n’aident guère le Tribunal à réaliser l’exercice de classement tarifaire requis en l’espèce. Le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont des « glaces aromatisées » ou des « sorbets » du numéro tarifaire 2105.00.10, et non s’il s’agit d’articles de lait.

45.              Comme le souligne l’ASFC, le Tribunal s’est récemment penché sur la signification des termes « glace aromatisée » (flavoured ice) et « sorbet » (ice sherbet) dans Nestlé. Dans cette affaire‑là, il a été établi que le terme « glace aromatisée » avait une signification particulière dans l’industrie, selon laquelle la « glace aromatisée » ne pouvait pas contenir de solides du lait. Le Tribunal a souligné que cette définition était plus restrictive que celle fondée sur le sens ordinaire du terme « glace aromatisée », mais a conclu qu’il convenait d’adopter la signification donnée au terme par l’industrie[19].

46.              Le Tribunal ne voit aucune raison de dévier de cette approche en l’espèce. Par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent être considérées comme des « glaces aromatisées » étant donné qu’elles contiennent des solides du lait.

47.              De même, dans Nestlé, le Tribunal a interprété le terme « sorbet » (ice sherbet) selon la signification donnée au terme par l’industrie, établie par un témoignage d’expert, et en se fondant sur la définition de « sorbet laitier » (sherbet) contenue dans le Règlement sur les aliments et drogues. Il convient de souligner que le Tribunal a fait la distinction entre un « ice sherbet » (« sorbet » dans la version française du tarif), qui, selon le Tribunal, ne peut contenir de produits laitiers, et un « sherbet » (sorbet laitier), qui, selon la définition du terme donnée dans le Règlement sur les aliments et drogues et le Mémo D, renferme au plus 5 p. 100 de solides du lait[20].

48.              Comme dans Nestlé, les marchandises en cause en l’espèce ne peuvent être qualifiées de « ice sherbet » (sorbet) ni de « sherbet » (sorbet laitier), car elles contiennent plus de 5 p. 100 de solides du lait, lorsque le babeurre en poudre et le lactosérum en poudre sont compris dans le calcul des solides du lait.

49.              Par conséquent, les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le numéro tarifaire 2105.00.10 et doivent être classées soit dans le numéro tarifaire 2105.00.91, dans les limites de l’engagement d’accès, si leur importation procède d’une licence délivrée en vertu de l’article 8.3 de la LLEI, soit dans le numéro tarifaire 2105.00.92, au-dessus de l’engagement d’accès, si leur importation ne procède pas d’une licence délivrée en vertu de l’article 8.3 de la LLEI. Aucun élément de preuve n’indique qu’AFOD avait la licence requise au moment de l’importation; les marchandises en cause sont donc correctement classées dans le numéro tarifaire 2105.00.92 à titre d’autres glaces de consommation, même contenant du cacao, au-dessus de l’engagement d’accès.

DÉCISION

50.              L’appel est rejeté.

 

Jean Bédard

Jean Bédard, c.r.
Membre présidant

 



[1]      L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) [Loi].

[2]      L.C. 1997, ch. 36.

[3]      DORS/91-499.

[4]      Pièce AP-2018-034-13A, p. 103, vol. 1.

[5]      Pièce AP-2018-034-11A, par. 2, vol. 1.

[6]      Pièce AP-2018-034-11A aux p. 39-44, vol. 1. AFOD a aussi importé des marchandises au parfum de « Quezo Real », qui contiennent 12 % de poudre de lait entier. AFOD indique que ce parfum n’est pas en cause dans le présent appel : pièce AP-2018-034-11A, par. 6, vol. 1.

[7]      Pièce AP-2018-034-11A, par. 5, vol. 1.

[8]      Pièce AP-2018-034-13A, onglet 2, vol. 1.

[9]      L.R.C. (1985), ch. E-19.

[10]     Pièce AP-2018-034-13A, onglet 5, par. 20, vol. 1.

[11]     Pièce AP-2018-034-11A, p. 12-37 et 45-53, vol. 1.

[12]     Pièce AP-2018-034-11A, par. 36, vol. 1.

[13]     (7 février 2017), AP-2015-027 (TCCE) [Nestlé].

[14]     Nestlé, par. 62.

[15]     Pièce AP-2018-034-11A, p. 39-44, vol. 1 et pièce AP-2018-034-13A, p. 19, 23, 25, 27, 35, 37.

[16]     Nestlé, par. 102, 106 et 108.

[17]     Arko Foods (CIT), p. 4, note 10.

[18]     Arko Foods (CIT), p. 4, note 11.

[19]     Nestlé, par. 94-95.

[20]     Nestlé, par. 85-91.

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